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L’impossibilité de recourir aux référés

Dans le document Le parcours contentieux de l'aide sociale (Page 196-199)

Partie II. L’accès juridictionnel aux droits à l’aide sociale

Section  2.   Le  cadre  d’action  des  juges  de  l’aide  sociale

B. La faiblesse des moyens du juge de l’aide sociale

2. L’impossibilité de recourir aux référés

246.  Le Code de justice administrative prévoit des procédures permettant d’obtenir du juge administratif statuant en référé des mesures provisoires afin de protéger certains intérêts dans l’attente d’une décision au principal. L’article L. 521-1 dispose ainsi : « quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Cette possibilité de statuer en référé est réservée aux juridictions administratives de droit commun663. En l’absence de texte prévoyant une telle procédure

661 Sur la distinction entre astreinte de prévention et astreinte de répression, voir R. CHAPUS, Droit du

contentieux administratif, op. cit., § n° 1294. Dans le contentieux de droit commun, le Code de justice

administrative prévoit aux articles R. 921-1 à R. 921-8 les voies pour obtenir du juge administratif l’exécution des décisions de justice à titre répressif.

662 Art. L. 911-4 et R. 921-5 et s. du Code de justice administrative.

663 Les décisions rendues en matière de revenu de solidarité active, dont le contentieux appartient aux tribunaux administratifs en première instance, sont donc susceptibles de recours par la procédure de référé.

187 d’urgence, les commissions départementales et centrale de l’aide sociale ne peuvent y recourir.

247.  Le Conseil d’État a eu l’occasion de le rappeler à l’occasion d’un recours demandant la suspension de l’exécution de la décision de la Commission centrale d’aide sociale en référé. Après avoir rappelé qu’il ne pouvait statuer en référé quand la demande de suspension portait sur une décision juridictionnelle, et qu’il pouvait le faire seulement quand il s’agissait d’une décision administrative, le juge s’est également reconnu qualifié pour statuer seulement « si la juridiction à laquelle il (le référé) se rattache est elle-même compétente pour connaître d’une demande d’annulation de cette décision »664. En l’occurrence, le Conseil d’État rappelle qu’il n’est pas compétent en premier et dernier ressort pour statuer sur des litiges portant sur des indus de revenu minimum d’insertion. Il ne peut dès lors pas statuer en référé sur la demande du requérant. Dans un arrêt de 1992, il avait déjà affirmé à propos d’une tentative de saisine un tribunal administratif en tant que juge de référé s’agissant d’un litige portant sur la suppression du droit à l’allocation parent isolé et au revenu minimum d’insertion : « la compétence d'un tribunal administratif statuant en matière de référé est limité aux mesures qui peuvent se rattacher à un litige principal, actuel ou éventuel, relevant lui-même de la compétence de ce tribunal »665.

248.  Pourtant, en matière judiciaire, l’article 810 du Code de procédure civile dispose que « les pouvoirs du président du tribunal de grande instance prévus aux deux articles précédents s'étendent à toutes les matières où il n'existe pas de procédure particulière de référé ». Aucune disposition équivalente n’existe dans la branche du contentieux administratif. On pourrait au regard de la rédaction de ces articles666 tenter la saisine du Tribunal de Grande instance, mais

664 CE, 9 mai 2012, n° 359050.

665 CE, 28 septembre 1992, n° 130324. Comme le relève M. O. Le Bot, le droit à l’aide sociale n’a jamais été non plus l’objet d’une décision rendue sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (le référé-liberté). O. LE BOT, (préf. B. Stirn), La protection des libertés fondamentales par la procédure du

référé-liberté. Étude de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, Collection des thèses, Fondation

Varenne – LGDJ, 2007, p. 151, § n° 142.

666 Art. 808 du Code de procédure civile : « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».

Art. 809 du même Code : « Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

188 la summa divisio, si elle est souvent malmenée par le droit de l’aide sociale, ne permettrait sans doute pas un tel contournement.

249.  L’absence de procédure de référé en contentieux de l’aide sociale est particulièrement critiquable puisqu’au regard de l’objet des litiges, un grand nombre d’entre eux justifieraient le recours à des mesures de suspension ou de protection. En effet, dans le cas d’allocations de subsistance, la suppression d’un droit n’est jamais anodine. De plus, les situations de fait des demandeurs ne sont finalement que rarement objectivables au regard des critères d’attribution définis par la loi. La composition du foyer notamment, et son impact sur les ressources à prendre en compte lors du calcul en cas de prestation servie sous condition de ressources donne lieu à une jurisprudence fournie et souvent complexe. Elle témoigne de l’impossibilité pour l’administration d’être assurément respectueuse du droit positif notamment lorsqu’elle intègre ou réintègre les ressources d’un concubin, partenaire, ou conjoint qui peut avoir quitté le domicile, ou n’avoir jamais constitué une situation de vie maritale avec le demandeur d’aide sociale667, malgré les apparences constatées lors d’un contrôle au domicile de l’intéressé.

250.  Les procédures d’accès aux juges de l’aide sociale, celles qui règlent le déroulement du procès et celles qui ont trait à leur fonctionnement et leurs pouvoirs, se singularisent par leur complexité. En amont, les recours administratifs apparaissent déterminants pour accéder aux juridictions, qu’ils constituent d’ailleurs ou non des préalables obligatoires. La saisine de la juridiction et le déroulement du procès se caractérisent par des tentatives plus ou moins heureuses d’adaptation des règles aux spécificités du contentieux, souvent porteuses de situations paradoxales au regard des objectifs recherchés668. Enfin, les pouvoirs dont disposent les juges pour garantir le droit de l’aide sociale et les droits à l’aide sociale, s’ils correspondent aux particularités des litiges traités, se révèlent largement insuffisants au stade l’exécution de leurs décisions.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

Et art. 810 précité.

667 Voir par exemple la décision précitée CE, Sect., 27 juillet 2012, Mme Labachiche, n° 347114.

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