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La fragmentation du droit national

Dans le document Le parcours contentieux de l'aide sociale (Page 166-171)

Partie II. L’accès juridictionnel aux droits à l’aide sociale

Section  2.   Le  cadre  d’action  des  juges  de  l’aide  sociale

A. La fragmentation du droit national

211.  Le droit de la procédure contentieuse de l’aide sociale est logé dans deux sources principales : le Code de l’action sociale et des familles (1) et l’ensemble normatif composé par les décisions du Conseil d’État en matière d’aide sociale et celles de la Commission centrale d’aide sociale, dans lesquelles ces juridictions dégagent des règles de droit (2). Le Code de justice administrative n’est pas une source de la procédure contentieuse de l’aide sociale même si le ministère invite à s’y référer en cas de carence du droit spécial existant553.

1. Les lacunes du Code de l’action sociale et des familles

Les règles de droit organisant la matière de l’aide sociale ont été codifiées (a) dans le Code de l’action sociale et des familles. On trouve dans ce recueil un certain nombre de dispositions visant à organiser la procédure contentieuse devant les commissions départementales et centrale (b). D’autres codes contiennent aussi des règles applicables au contentieux de l’aide sociale (c).

a) La codification

212.  Le premier code regroupant les règles applicables en matière d’aide sociale date du mouvement de « codification administrative » lancé après la Deuxième Guerre Mondiale. L’ancien Code de la famille et de l’aide sociale est né du décret n° 48-800 du 10 mai 1948 et a fait l’objet d’une validation législative, avec le Code de la santé publique, par la loi du 3 avril

553 Note d’information DGAS/SD 5D n° 2006-459 du 19 octobre 2006 relative à l’administration de la justice

157 1958 relative aux conditions d’application de certains codes554. Depuis sa naissance, ce code a connu une refonte importante par voie d’ordonnance en 2000 et sa dénomination a été modifiée. Le code aujourd’hui en vigueur est dénommé « Code de l’action sociale et des familles ». Au début des années 1990, le Gouvernement a relancé la codification et les différents ministères se sont attelés à l’actualisation et l’adaptation des codes au nouvel état du droit et à leur utilisation. Devant un blocage parlementaire, le gouvernement a obtenu une habilitation555 à procéder par voie d’ordonnance à l’édiction de certains codes, dont celui qui regroupe les dispositions en matière d’aide sociale. Comme le relève M. G. Dubreuil, ancien membre de la mission de codification, deux raisons majeures ont motivé cette refonte du code : « les mutations profondes intervenues en quarante ans dans le domaine de l’aide et de l’action sociales et la modification de l’économie administrative de l’aide sociale avec les lois de décentralisation »556. Le titre du code a été modifié et il est désormais fait usage de l’expression « action sociale », plutôt que de celle « d’aide sociale ». Le même auteur justifie ce changement de dénomination par le caractère « fédérateur » de l’expression « action sociale » qui « comprend tous les éléments constitutifs des politiques mises en œuvre au bénéfice de populations qui en sont les bénéficiaires. Il s’agit des mesures préventives d’information et d’éducation, des prestations légales d’aide sociale et des initiatives facultatives ou plus ou moins encadrées par le législateur ou l’État, émanant des collectivités territoriales, des caisses de sécurité sociale et des organismes privés »557. Ces arguments sont aussi développés dans le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance de 2000558. Par cette ordonnance du 21 décembre 2000559, la partie législative du Code de l’action sociale et des familles est entrée en vigueur. La partie réglementaire du code a été

554 Loi n° 58-346 du 3 avril 1958 relative aux conditions d’application de certains codes, JORF du 5 avril 1958, p. 3326.

555 Loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à

l’adoption de la partie législative de certains codes, JORF n° 296 du 22 décembre 1999, p. 19040. 556 G. DUBREUIL, « Le code de l’action sociale et des familles », RDSS 2001, p. 796.

557 Ibid.

558 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2000-1249 du 21 décembre 2000 relative à la

partie Législative du Code de l’action sociale et des familles ; JORF du 23 décembre 2000, p. 20467.

559 Ordonnance n° 2000-1249 du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du Code de l’action sociale et

158 refondue par voie décrétale en octobre 2004560. De nombreuses modifications ont été apportées depuis, notamment par les grandes lois en matière d’aide sociale comme celle du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ou encore la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances561. Cependant, aucune réforme globale n’a été menée ou même entamée concernant les règles de procédure de contestation des décisions prises par l’administration de l’aide sociale. Les modifications récentes les plus importantes dont ces règles ont pu faire l’objet ont été opérées, non pas par des lois ou des règlements, mais par les décisions du Conseil constitutionnel à la suite de questions prioritaires de constitutionnalité concernant la composition des juridictions spécialisées de l’aide sociale562.

b) Les dispositions contentieuses dans le Code de l’action sociale et des familles 213.  Au sein du Premier Livre, dans son Titre III intitulé « Procédures », le Code de l’action sociale et des familles comporte un chapitre IV sur le « Contentieux ». Ce dernier regroupe les règles contentieuses applicables devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale aux articles L. 134-1 à L. 134-10 et concernant la partie réglementaire aux articles R. 134-1 à R. 134-12. Ces dispositions signifient des règles concernant la formation et le fonctionnement des juridictions spécialisées de l’aide sociale, mais également, de façon

560 Décrets n° 2004-1136 et n° 2004-1137 du 21 octobre 2004 relatif au Code de l’action sociale et des familles

et à certaines dispositions du Code de l’action sociale et des familles.

561 On reprend sur ce point la liste établie par E. ALFANDARI et F. TOURETTE, Action et aide sociales, op.

cit., nbp n° 6, p. 60 : Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, précitée ; loi

n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF n° 190 du 17 août 2004, p. 14545 ; loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la

citoyenneté des personnes handicapées, précitée ; l'ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005 portant

diverses dispositions relatives aux procédures d'admission à l'aide sociale et aux établissements et services sociaux et médico-sociaux ; loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et l'intégration, JORF n°

170 du 25 juillet 2006, p. 11047 ; loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, JORF n° 55 du mars 2007, p. 4215 ; loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et

portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, précitée ; loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008

généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, précitée ; loi n° 2009-879 du

21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, JORF n° 0167 du 22 juillet 2009, p. 12184 ; les mêmes auteurs identifient également les sources réglementaires ayant entrainé une modification du Code de l'action sociale et des familles notamment le décret n° 2005-1135 du 7 septembre 2005 portant codification de certaines dispositions relatives à l'action sociale et médico-sociale et modifiant le

Code de l’action sociale et des familles ; le décret n° 2006-945 du 28 juillet 2006 relatif à l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ; le décret n° 2007-198 du 13 février 2007 portant diverses dispositions relatives aux procédures d'admission à l'aide sociale et modifiant le Code de l’action sociale et des familles ; le décret n° 2008-1112 du 30 octobre 2008 créant un Haut conseil de la famille.

159 limitée, la procédure. Comme le relève M. J.-P. Négrin563, d’autres dispositions ayant trait à la procédure contentieuse sont également éparpillées dans le Code. Par exemple, selon l’article R. 131-8, la Commission centrale d’aide sociale est compétente pour déterminer la collectivité qui doit traiter une admission à l’aide sociale quand aucun des services du département ou de l’État dans le département ne se reconnaît comme tel. Les articles L. 232-20 et L. 245-2 al. 4 attribuent respectivement le contentieux de l’allocation personnalisée d’autonomie et celui de la prestation de compensation du handicap564 aux juridictions spécialisées de l’aide sociale.

c) Les dispositions contentieuses dans les autres Codes

214.  Il faut également se référer au Code de la sécurité sociale pour identifier les règles applicables au contentieux de la couverture complémentaire de santé. Les litiges portant sur la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé sont en effet du ressort de compétence des juridictions spécialisées de l’aide sociale565. Le Code de justice administrative n’est en principe pas applicable aux procédures de l’aide sociale. Il existe cependant quelques exceptions566 concernant par exemple la compétence du Conseil d’État pour statuer sur les actions en responsabilité dirigées contre l’État pour durée excessive de la procédure567, ou pour transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité568. L’exigence du paiement de la contribution juridique comme condition de recevabilité de la requête569 était également énoncée dans le Code de justice administrative.

2. L’apport de la jurisprudence de l’aide sociale

563 J.-P. NEGRIN, « Contentieux de l’aide et de l’action sociales », op. cit. § n°8.

564 En ce qui concerne son versement uniquement, puisque le contentieux de l’attribution est confié au tribunal du contentieux de l’incapacité. Sur le contentieux de la PCH et plus largement, sur le contentieux du handicap, v. AMRANI MEKKI S., et BOUJEKA A. (dir.), (préf. L. Cadiet), Contentieux et handicap, Journée d’étude organisée au CNRS le 19 juin 2009 par l’ATHAREP et le Département de recherche Justice et procés de l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne André Tunc.

565 L’article L. 861-5 du Code de la sécurité sociale.

566 J.-P. NEGRIN, « Contentieux de l’aide et de l’action sociales », op.cit. § n°8.

567 Art. R. 311-1, 9° du Code de justice administrative.

568 Art. LO 771-1, R. 771-3 à R. 771-12 du même Code.

160 215.  Les textes ne permettent pas d’identifier avec précision les procédures de contestation des décisions prises par l’administration en matière d’aide sociale. Qu’il s’agisse de la phase juridictionnelle ou non juridictionnelle, le juge de l’aide sociale a très largement contribué à l’identification de règles applicables en la matière. Si ce phénomène est classique pour une branche administrative du droit, les manques de légitimité des juridictions et de leurs décisions constituent un frein à l’évolution et la pérennisation de ces règles. Sans reprendre les propos développés en amont quant à l’identification des juridictions spécialisées de l’aide sociale, il est nécessaire de montrer ici l’impact de leur abandon sur la qualité et la légitimité des règles qu’elles peuvent être amenées à préciser. Ainsi, le Conseil d’État et la Commission centrale ont beaucoup œuvré à l’élaboration d’un corpus de règles applicables aux contestations des décisions de l’administration. Le travail réalisé dans les années deux mille par le Conseil d’État à propos de la composition des juridictions de première instance et d’appel et de l’exigence d’impartialité au sens de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales570 fut par exemple laborieux. L’absence d’un véritable investissement de la part des pouvoirs publics a finalement conduit sans surprise à la condamnation de la composition de ces juridictions spécialisées. L’introduction d’un mécanisme contemporain et démocratique tel que la question prioritaire de constitutionnalité a inéluctablement permis la censure de dispositions inconstitutionnelles. Malgré ces décisions, les commissions départementales d’aide sociale siégent aujourd’hui dans des conditions qui ne respectent toujours pas les impératifs européens du droit au procès équitable571.

216.  La publication officielle des « Cahiers de la jurisprudence de l’aide sociale » en ligne sur le site du ministère de la santé572 permet l’accès à certaines décisions rendues par le Conseil d’État et la Commission centrale d’aide sociale depuis janvier 2000. Auparavant, la Revue françaises des affaires sociales publiait en supplément « Les cahiers de

570 Par exemple avec les arrêts CE, Ass., 6 décembre 2002, Trognon, n° 240028, précité et CE, Sect., 6 décembre 2002, Aïn Lhout, n° 221319, précité. V. supra § n° 109-110.

571 Selon l’article 55 du Projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, n° 1994, enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 3 juin 2014, la réforme des juridictions de l’aide sociale est envisagée par voie d’ordonnance.

572 Consultables au lien suivant : http://www.sante.gouv.fr/cahiers-de-jurisprudence-de-l-aide-sociale,221.html, et uniquement disponible sur support électronique depuis 2008 ; de 2000 à 2008, ces cahiers de jurisprudence étaient en effet consultables dans le bulletin officiel du ministre chargé des affaires sociales dans des documents spéciaux.

161 jurisprudence », contenant les décisions de la Commission centrale ; en 1997, un recueil intitulé « Eléments de jurisprudence » avait été publié par la Documentation française573. Aucune de ces sources ne présentent l’exhaustivité des décisions rendues par la Commission centrale, même sur une période délimitée. Un choix est toujours opéré pour limiter la publication aux décisions qui « présentent de l’intérêt »574.

Afin d’identifier les règles de la procédure contentieuse de l’aide sociale, il faut donc se référer à différents codes mais aussi très largement aux décisions du Conseil d’État et des juridictions spécialisées, quand elles sont accessibles. Il existe un autre support à des règles

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