• Aucun résultat trouvé

Une difficulté banale : identifier la résidence d’un demandeur d’aide sociale

Dans le document Le parcours contentieux de l'aide sociale (Page 73-76)

Partie II. L’accès juridictionnel aux droits à l’aide sociale

Section   1.   L’identification   des   juridictions   de   l’aide   sociale   départementale

A. L’identification de la juridiction territorialement compétente

2. Une difficulté banale : identifier la résidence d’un demandeur d’aide sociale

223 Le droit commun du contentieux administratif accueille donc une règle analogue à celle de la procédure civile : art. 42 du Code de procédure civile : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ».

224 En réalité, les lieux de dépôt d’une demande d’aide sociale ont été très largement élargis : en plus des centres communaux d’action sociale (qui restent compétents pour le dépôt de demande d’aide sociale pour l’aide-ménagère et l’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées et handicapées), selon la prestation sollicitée, les demandes peuvent être déposées auprès d’un organisme d’assurance maladie, notamment pour la Couverture Maladie Universelle (art. R. 380-2 du Code de la sécurité sociale), et son volet complémentaire (art. L. 861-5 du même code) ; des services sanitaires et sociaux du département (qui est en fait devenu corrélativement aux mouvements de décentralisation le lieu central de dépôt des demandes), notamment celles relative à l’aide sociale à l’enfance (art. R. 221-3 du Code de l’action sociale et des familles), à l’allocation personnalisée d’autonomie (art. R. 232-23 du même code), ou du Revenu de solidarité active (art. D. 262-26 du même code) ; de la Maison départementale des personnes handicapées (pour l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, pour les demandes portant sur la scolarisation et la formation de ces enfants, pour les cartes prioritaires des enfants et adultes handicapés, pour l’allocation aux adultes handicapés et les compléments de ressources, et pour l’orientation vers les établissements et les services médico-sociaux, selon la combinaison des articles R. 146-25 et L. 241-6 du Code de l’action sociale et des familles) ; des associations ou organismes à but non lucratif agréés par décision du représentant de l’Etat dans le département, des Caisses d’allocations familiales et de Pôle emploi (sur décision du Conseil d’administration pour l’instruction des dossiers RSA). La multiplication des guichets de dépots des dossiers de demande d’aide sociale est donc favorable aux usagers en ce qu’ils constituent autant de lieu d’accès à leur droit à une prestation d’aide sociale.

64 69.  La première étape du parcours d’accès à un droit à l’aide sociale est la phase d’admission, ou plus exactement la phase de la demande de prestation. A cette étape, la résidence du demandeur d’aide sociale doit être identifiée pour connaître l’identité de la collectivité à solliciter. L’existence de multiples lieux de dépôt du dossier de demande facilite certes l’accès au droit à la prestation mais ne vient pas résoudre la difficulté de détermination de la résidence du demandeur, et donc de la collectivité payeuse. Pour cette raison, le droit de l’aide sociale fait appel à deux notions pour désigner la collectivité débitrice de la prestation, et, par suite, la juridiction compétente en première instance en cas de litige. Il s’agit des notions de domiciliation et de domicile de secours225.

70.  L’article L. 121-1 du Code de l’action sociale et des familles dispose ainsi : « Les prestations légales d'aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours, à l'exception des prestations énumérées à l'article L. 121-7 ». Avec la notion de domicile de secours, le législateur cherche à résoudre le problème de l’imputation budgétaire d’une prestation d’aide sociale. Le domicile de secours a aujourd’hui un intérêt exclusivement « fonctionnel »226. Il s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou l’émancipation227. Cette durée doit être ininterrompue228. Il est également prévu, et la précarité de certains usagers de l’aide sociale le justifie, que la résidence de trois mois entraînant acquisition du domicile de secours doit être volontaire, ce qui exclut donc comme lieux de résidence les établissements pénitentiaires ou les établissements accueillant des bénéficiaires de l’aide sociale contre leur gré (comme dans le cas d’une hospitalisation psychiatrique sous contrainte par exemple). Enfin, l’hébergement dans un établissement sanitaire ou médico-social, ou chez un accueillant

225 L’objectif est ici de présenter la difficulté à identifier la juridiction territorialement compétente au regard des situations sociales complexes qui caractérisent la population demandeuse et/ou bénéficiaire de l’aide sociale. Une analyse plus poussée sur la problématique du domicile de secours sera proposée infra § n° 323 à 238. De nombreux éléments abordés ici ont déjà été analysés dans une contribution à un projet de recherche collective : C. MAGORD, « Les difficultés de la détermination du débiteur  : l’exemple du domicile de secours en matière d’aide sociale », in D. ROMAN (dir.), « Droits des pauvres, pauvres droits », Recherches sur la justiciabilité des

droits sociaux, 2010, pp. 429 à 437. V. également sur ce point « domicile de secours et domiciliation », in P.

BERTHET, « L’admission à l’aide sociale, acteurs, conditions et procédures », ASH, Les numéros juridiques, n° 2775, 2012 p. 73 à 78.

226 A. REVEILLERE-MAURY, « Le rôle des notions de domicile de secours, de résidence et de domiciliation dans l’imputation des dépenses d’aide sociale », RDSS, no 6, 2007, p. 1068.

227 Art. L. 122-2 du Code de l’action sociale et des familles.

65 familial agréé n’a aucune conséquence sur l’acquisition d’un domicile de secours, quelle que soit la durée du séjour. Les personnes concernées conservent alors le domicile de secours qu’elles avaient acquis antérieurement à cette situation d’accueil229.

71.  Puisqu’il s’agit d’identifier le département débiteur d’une prestation d’aide sociale, le législateur a prévu des règles répondant à l’absence d’un domicile de secours. En effet, certains individus demandeurs ou bénéficiaires de l’aide sociale, parce qu’ils sont parfois très mobiles, ne parviennent pas à acquérir un domicile de secours par une résidence continue de trois mois. Afin d’établir la prise en charge financière de ces usagers mobiles, l’article L. 122-1 alinéa 2 du Code de l’action sociale et des familles dispose qu’ « à défaut de domicile de secours, (les) dépenses incombent au département où réside l’intéressé au moment de la demande d’admission à l’aide sociale ». « Il n’existe plus, dans cette situation, de condition de durée »230, seul compte alors le lieu de résidence au moment de la demande.

72.  Mais certains demandeurs d’aide sociale ne disposent d’aucune résidence, même occasionnelle. Ces derniers, souvent dans une grande précarité, peuvent être éligibles aux prestations d’aide sociale. Pour pouvoir les réclamer, ils doivent déclarer un domicile. Cette domiciliation vise à permettre aux personnes concernées de recevoir du courrier, d’entrer dans un dispositif d’insertion, et enfin à identifier le département débiteur de la prestation demandée231. Cette procédure de domiciliation dépasse le cadre de l’aide sociale puisqu’est concerné le bénéfice de droits comme la délivrance d’un titre national d’identité, l’inscription sur les listes électorales, les demandes d’aide juridique, la demande de prestation sociales légales, réglementaires et conventionnelles, de prestations légales servies par les Caisse d’allocations familiales et les caisses de mutualité agricoles au nom de l’État, de prestations servies par l’assurance-vieillesse, l’affiliation à un régime de sécurité sociale et la couverture

229 Art. L. 122-2 du Code de l’action sociale et des familles : « Nonobstant les dispositions des articles 102 à 111 du code civil, le domicile de secours s'acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l'émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux, ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou au titre de l'aide sociale au domicile d'un particulier agréé ou faisant l'objet d'un placement familial en application des articles L. 441-1, L. 442-1 et L. 442-3, qui conservent le domicile de secours qu'elles avaient acquis avant leur entrée dans l'établissement et avant le début de leur séjour chez un particulier. Le séjour dans ces établissements ou au domicile d'un particulier agréé ou dans un placement familial est sans effet sur le domicile de secours ».

230 C. MAGORD, « Les difficultés de la détermination du débiteur  : l’exemple du domicile de secours en matière d’aide sociale » op. cit. p. 432.

66 maladie universelle complémentaire, les allocations servies par Pôle Emploi, et enfin les prestations d’aide sociale légales départementales232. L’aide médicale d’État233 et les demandes d’asiles234 restent elles soumises à des procédures de domiciliation spécifiques. Les prestations d’actions sociales sont également exclues, les collectivités les servant décident elles-mêmes des conditions d’octroi.

73.  Cette procédure de domiciliation a été envisagée par les pouvoirs publics pour la

Dans le document Le parcours contentieux de l'aide sociale (Page 73-76)

Outline

Documents relatifs