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L’absence de cadre clair du déroulement du procès

Dans le document Le parcours contentieux de l'aide sociale (Page 151-165)

Partie II. L’accès juridictionnel aux droits à l’aide sociale

Section  1.   Le  droit  au  recours  effectif  en  matière  d’aide  sociale

B. L’absence de cadre clair du déroulement du procès

185.  Le Code de l’action sociale et des familles ne comporte presque aucune disposition dont l’objet est l’organisation du déroulement du procès devant les juridictions d’aide sociale. On pourrait s’attendre, comme dans le contentieux administratif de droit commun, à ce que les juridictions de l’aide sociale aient largement contribué à élaborer la procédure applicable devant elles. Or un rapide état des lieux donne à voir un ensemble de règles éparses, parfois spéciales, parfois directement issues du droit commun. Cet ensemble de règles est caractérisé par un manque d’unité qui nuit à la compréhension de la procédure contentieuse de l’aide sociale. Ce constat est visible tout au long des trois phases du procès que sont, après l’introduction du recours, l’instruction (1), l’audience (2) et le jugement (3)

1. L’instruction

186.  Comme le relève M. J.-P. Négrin, il n’existe aucune disposition législative ou réglementaire dans le Code de l’action sociale et des familles « concernant l’instruction des affaires »491 devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale, « à l’exception de la possibilité d’ordonner une expertise pour les affaires soulevant une question médicale »492. Sans méjuger de l’importance de cette disposition dans le contentieux de l’aide sociale, on relève que seulement deux décisions de la Commission centrale parmi celles publiées mentionnent cet article depuis 2000, et que dans les deux espèces, la juridiction d’appel en rejette l’application493. Avant de décrire le déroulement de l’instruction dans le contentieux de l’aide sociale (b), les règles qui l’encadrent doivent être identifiées (b).

a)   L’identification des règles applicables

187.  L’instruction des affaires devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale est réalisée par le service du secrétariat de greffe de la juridiction. La ou les personnes assurant le greffe des commissions départementales et centrale de l’aide sociale sont des fonctionnaires de l’État, le plus souvent issus des services de la Direction départementales des affaires

491 J. -P. NEGRIN, « Contentieux de l’aide et de l’action sociales », op. cit. § n° 29.

492 Art. R. 134-12 al. 1er du Code de l’action sociale et des familles.

493 V. les décisions CCAS, 20 avril 2006, n° 051465, BOCJAS 2006/4 et CCAS 14 mai 2009, n° 080493,

142 sociales pour les commissions départementales. Elles sont aussi chargés de la fonction de rapporteur.

188.  En principe, les règles applicables devant les juridictions administratives ne le sont pas devant ces juridictions spécialisées494. A la suite d’un constat particulièrement désobligeant des pratiques très diverses et souvent illégales des secrétariats des greffes de commissions départementales d’aide sociale495, le Ministère de l’action sociale a incité les secrétaires des juridictions à se référer aux règles du Code de justice administrative pour mener à bien leur mission dans une note d’information du 19 octobre 2006496. On peut une fois de plus relever le fait que le ministère intervient avec cette note dans le domaine de la procédure contentieuse spécialisée de l’aide sociale sans en avoir précisément la compétence.

189.  L’incitation adressée aux secrétariats des greffes des juridictions spécialisées de première instance à se référer à des dispositions du Code de justice administrative n’est pas la première tentative visant à proposer aux acteurs du contentieux de l’aide sociale un corpus de référence dans le but de pallier l’absence de dispositions procédurales spécifiques. En 1967, le Conseil d’État indiquait notamment qu’« étant une juridiction administrative, la Commission centrale devait observer toutes les règles générales de procédure dont l’application n’était pas écartée par une disposition législative formelle ou n’était pas inconciliable avec son organisation »497. Cette décision ajoute alors à la confusion quant à la détermination des règles applicables devant les juridictions de l’aide sociale.

b) Les règles substantielles d’instruction α) Une procédure inquisitoire

494 CE, 14 mars 2005, n° 256500, BOCJAS n° 2005/03, p. 7, la reconnaissance par le Conseil d’État de

l’inapplicabilité d’une règle en particulier issue du Code de justice administrative s’étend en effet à l’ensemble des règles contenues dans ledit code.

495 Constat présenté et repris dans les deux rapports suivants : IGAS, Les institutions sociales face aux usagers,

op. cit. ; Conseil d’État, L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, op. cit.

496 Note d’information DGAS/SD 5D n° 2006-459 du 19 octobre 2006 relative à l’administration de la justice

rendue par les commissions départementales d’aide sociale, précitée.

497 CE, 13 juillet 1967, Delaunay, n° 667568, Tab. Rec. Lebon, p. 700 ; RTDSS 1968, p. 195, concl. Galmot ;

143 190.  Comme devant les juridictions administratives de droit commun, la procédure est inquisitoriale, et le juge dispose des pouvoirs nécessaires afin de mener cette instruction498. Cependant, nombreux sont les arrêts rendus par la Commission centrale constatant la défaillance des pouvoirs du juge en la matière. En effet, les départements résistent souvent à l’obligation de se plier aux demandes du rapporteur chargé de l’instruction de leur transmettre les dossiers des requérants ou les mémoires en défense. Cette pratique est dénoncée depuis des années par différents auteurs499, l’a été par le président de la Commission centrale lui-même500. Elle est même reconnue dans le dernier rapport d’enquête sur l’activité des juridictions de première instance de l’aide sociale501. Ces différents constats critiques n’ont donné lieu à aucune réaction des pouvoirs publics.

191.  Dans une des circulaires de 2002 relative au contentieux de la couverture maladie universelle complémentaire502, la Ministre de l’emploi et de la solidarité décrivait une procédure d’instruction détaillée bien au-delà de ce que les règles alors en vigueur pouvaient laisser imaginer : « Le secrétariat de la commission départementale doit dès qu’il a reçu un recours enregistrer sa date de dépôt puis saisir la caisse qui a pris la décision en lui transmettant l’intégralité des pièces composant le recours et en lui demandant de lui faire parvenir ses observations écrites accompagnées de l’ensemble du dossier de demande (…). Tout contact utile avec la caisse pourra être pris en vue d’obtenir des éclaircissements sur la requête. Les observations écrites de la caisse doivent être communiquées au requérant qui peut transmettre un mémoire en réplique lequel, s’il contient des éléments nouveaux, est à nouveau transmis à la caisse qui peut également à nouveau faire parvenir ses observations écrites »503. La question se pose alors de la valeur normative de ces énoncés. Une circulaire est opposable aux services seulement si elle présente un caractère impératif, c'est-à-dire

498 CCAS, 17 mai 1960, Revue d’aide sociale, 1961, p. 108.

499 J.-P. NEGRIN, « Contentieux de l’aide et de l’action sociales » op. cit., §n° 29 à 32 et § n°68.

500 J.-M. BELORGEY, « L’impossible mission du juge de l’aide sociale », op. cit., p. 495.

501 DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COHÉSION SOCIALE, Rapport d’enquête - activité des commissions

départementales d’aide sociale - Année 2011 et 1er trimestre 2012.

502 Ministre de l’emploi et de la solidarité, « Circulaire DSS/2 A/DGAS/1 n° 2002/147 du 12 mars 2002 relative au contentieux des décisions concernant le droit à la protection complémentaire en matière de santé », BOMES n° 2002-14.

144 qu’elle constitue un acte administratif décisoire504. Le caractère impératif505 d’une circulaire emporte la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir ouvert à son encontre. S’agissant de cette circulaire adressée aux préfets et aux Directions régionales et départementales des affaires sociales, son caractère impératif est certain, même s’il n’a pas été constaté par un juge. Ce texte bénéficie de l’autorité de son auteure, la Ministre de l’emploi et de la solidarité. Mais un autre indice nous pousse à affirmer qu’elle ne saurait être considérée comme seulement interprétative. Pour qu’il y ait interprétation, il faut qu’il existe des règles à interpréter. Or en la matière, comme nous avons déjà pu le constater, il n’existe aucune règle législative ou réglementaire décrivant la phase d’instruction du procès en contentieux de l’aide sociale. L’une des premières conditions légitimant l’exercice du pouvoir réglementaire par une autorité en disposant est l’absence de disposition juridique correspondante, ce qui est le cas dans cette situation. Cette circulaire présente donc bien un caractère réglementaire au regard de son impérativité et de son objet : assurer le « bon fonctionnement » du service relevant de l’autorité de son auteur506. En revanche, on s’interroge sur la compétence du Ministre à édicter des règles en matière de contentieux administratif, fut-il spécialisé. En effet, le Conseil d’État a déjà déclaré le Ministre de l’emploi et de la solidarité « incompétent pour

504 CE, ass., 18 décembre 2002, n° 233618, Mme Duvignères, Rec. Lebon, p. 463, concl. P. Fombeur ; AJDA 2003, p. 487, chron. F. Donnas et D. Casas ; RFDA 2003, p. 280, concl. P. Fombeur ; RFDA 2003, p. 510, note J. Petit. Dans cet arrêt, le Conseil d’État juge que « L'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ». Ce considérant de principe est depuis régulièrement reproduit. V. par ex. CE, 12 décembre 2014,

Association Juristes pour l’enfance et autres, n° 365779, Rec. Lebon (à paraître). Il faut préciser que le Conseil

d’État n’a pas retenu le critère d’acte administratif décisoire à propos des circulaires pouvant faire l’objet d’un recours contentieux pour excès de pouvoir, mais bien celui d’acte impératif. Cependant, comme le relève M. B. Seiller, « il est inexact de fonder l’irrecevabilité du recours contre les circulaires non impératives sur le fait qu’elles ne font pas grief : c’est le défaut de caractère décisoire qu’il conviendrait d’invoquer » B. SEILLER, « Acte administratif (I. Identification) - "circulaire"», Répertoire de contentieux administratif, janvier 2010, § no

403 à 420.

505 Sur le sens du terme « impératif », V. C. GROULIER, « L’impératif dans la jurisprudence Duvignères, réflexion sur un “sésame contentieux” », RFDA 2008, p. 941.

145 édicter dans une circulaire des règles nouvelles »507. Les dispositions incriminées de la circulaire ne concernaient pas le contentieux de l’aide sociale, mais posaient une condition de régularité de résidence non prévue par la loi pour bénéficier de l’allocation du revenu minimum d’insertion. En l’espèce, pour confirmer la décision prise par le Commission centrale en appel retenant ce même motif d’incompétence du ministre, le Conseil d’État se contente de constater lui aussi son incompétence pour édicter par voie de circulaire des règles nouvelles. On suppose alors que cette circulaire relative au contentieux des décisions concernant le droit à la protection complémentaire en matière de santé pourrait elle aussi donner lieu à une décision constatant l’incompétence de son auteur au regard des dispositions qu’elle contient qui créent des règles de procédure contentieuse.

β) Une procédure contradictoire

192.   La procédure devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale est écrite508, même si des éléments d’oralité ont été insérés509 dans la phase de l’audience. L’instruction se déroule donc par l’échange de mémoires écrits, comme c’est le cas devant les juridictions administratives de droit commun. Le rapport de l’instruction est aussi un document écrit.

193.  Le contradictoire se définit comme « le droit pour toute personne directement intéressée de se voir assurer une information utile dans l’instance, par la communication des différents éléments du dossier produits dans un délai suffisant, en vue de leur discussion devant le juge »510. Le directeur général de l’action sociale M. J.-J. Tregoat, auteur de la note d’information de 2006, y faisait le constat suivant : « il apparaît opportun, dans un souci de bonne administration de la justice, que les procédures appliquées par les secrétariats des CDAS511 s’inspirent de celles contenues aux articles du CJA512 qui assurent aux justiciables les garanties procédurales essentielles, et notamment les articles R. 611-1 à R. 611-5 du CJA relatifs à la communication de la requête et des mémoires, les modalités d’inscription de

507 CE, 29 mars 2000, Ministre de l’emploi et de la solidarité c/ M. Ayadi, n° 205010, Tab. Rec. Lebon, pp. 787, 835 et 1197 ; RDSS 2000, p. 647, obs. M. Badel, I. Daugareilh, R. Lafore et Ch. Willmann.

508 CE, sect., 4 décembre 2002, La Rosa, n° 241042, précitée.

509 Art. L. 134-9 du Code de l’action sociale et des familles.

510 O. GOHIN, La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, LGDJ, 1988, p. 24.

511 Commissions départementales d’aide sociale.

146 l’affaire (art. 711-2 du CJA) ». Ainsi, il s’agissait de rappeler et renforcer les garanties en matière de respect du principe du contradictoire, auquel il avait été reconnu dès 1960 que les juridictions de l’aide sociale était soumises513. Pourtant, comme le relève M. J.-P. Négrin, il existe un certain nombre de décisions, plus ou moins récentes, venant nuancer cette soumission au respect du contradictoire, et visant « à maintenir des exigences réduites en la matière »514. En 1998 par exemple, le Conseil d’État avait jugé « […] qu’en l’absence de prescriptions législatives ou réglementaires l’y obligeant, la commission n’est pas tenue d’aviser un requérant des diverses productions effectuées par les services de l’aide sociale en réponse à son pourvoi ; qu’en l’absence de demande formelle de l’intéressé, cette juridiction conserve à cet égard toute liberté d’appréciation »515. Cette décision semble difficilement conciliable avec le respect du contradictoire, qui implique notamment que chaque partie se voit informée en temps raisonnable des différents mémoires et informations complémentaires versés au dossier, que l’initiative soit imputable à l’une des parties ou bien que ce supplément d’information soit demandé par la juridiction. La décision de 1998 est d’autant plus surprenante que le Conseil d’État semble, par sa formulation, amoindrir ses exigences en matière de contradiction uniquement dans la situation où il s’agirait de transmettre des éléments d’information émanant du département au demandeur ou bénéficiaire de l’aide sociale. La jurisprudence du Conseil d’État en matière d’aide sociale semble ainsi parfois être en contradiction avec des impératifs directement issus des exigences du droit au procès équitable telles que définies à l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

194.  Cette note d’information est riche et ses indications, assez hétérogènes, permettent de confirmer qu’en 2006, les services centraux étaient bien informés de « l’état » du contentieux de l’aide sociale. En effet, toujours concernant la phase d’instruction, elle rappelait que le rôle

513 CCAS, 7 novembre 1960, Revue d’aide sociale 1961, n° 14, p. 98, note L. Dubouis.

514 J.-P. NEGRIN, « Contentieux de l’aide et de l’action sociales », op.cit., § n° 31 à propos des décisions suivantes : CE sect. 4 mars 1938, Consort Leclerc, Rec. Lebon 1938, p. 228 ; CE 13 juillet 1967, Delaunay, n° 66758, Tab. Rec. Lebon, p. 700 ; RTDSS 1968, p. 195, concl. Galmot ; RDP 1968, p. 205 : "Aucune prescription législative ou réglementaire ne l'y obligeant, la Commission centrale d'aide sociale n'est pas tenue, en l'absence de demande formelle du requérant, d'aviser ce dernier des diverses productions effectuées par les services de l'Aide sociale en réponse à son pourvoi, ni de l'inviter à prendre connaissance de l'ensemble du dossier".

515 CE, 18 mai 1998, n° 176325, Consorts Ducros ; Tab. Rec. Lebon, 1998, p. 747 ; D. 1998, IR, p. 181 ; RDSS 1998, p. 849, obs. Ph. Ligneau ; Gazette du Palais, 2 septembre 1998, n° 245-246, lettre de jurisprudence, p. 7 Voir aussi CE, 17 mars 1993, Gabeur, n° 94562, précité.

147 du secrétariat du greffe n’est en aucun cas de chercher à dissuader les justiciables d’engager un recours. A propos des échanges entre ces derniers et le secrétariat de la commission départementale d’aide sociale, l’auteur de la note indiquait par exemple que « les contacts oraux que les services en charge du secrétariat des CDAS peuvent, le cas échéant, entretenir avec les justiciables, doivent être l’occasion de fournir des précisions sur l’état d’avancement de l’affaire ou encore sur les modalités d’exercice des voies de recours et non sur l’opportunité de les exercer ». Il avait en effet été régulièrement constaté que les personnels assurant le secrétariat des juridictions influençaient la saisine des juridictions. En témoigne également cette affirmation : « aucune mention visant à dissuader les parties d’interjeter appel ne doit apparaître notamment celle relative à l’amende pour recours abusif […] ». La note ne précise pas si cette indication concerne les mentions sur la notification de la décision de la commission départementale, ou sur tout autre support accessible au service du greffe de la juridiction.

195.  Concernant le respect du principe du contradictoire par la juridiction d’appel de l’aide sociale, le Conseil d’État a précisé que « s’il appartient à la Commission centrale d’aide sociale, comme à toute juridiction statuant en dernier ressort, en l’absence même de dispositions expresses, lorsqu’elle est saisie de conclusions en ce sens, de rectifier les erreurs matérielles dont seraient entachées ses décisions, elle doit, pour assurer le caractère contradictoire de la procédure, communiquer ces conclusions aux personnes qui étaient parties à l’instance ayant donné lieu à la décision dont la rectification est demandée »516. γ) L’absence d’obligation d’informer sur la possibilité des moyens soulevés d’office

196.  « La Commission centrale d’aide sociale n’est tenue, ni en vertu d’une disposition législative ou réglementaire, ni en vertu d’un principe général du droit de faire savoir aux

516 CE, 27 juin 2001, n° 224980 ; en l’espèce, la Commission centrale n’avait pas communiqué à la requérante une lettre par laquelle le président du conseil général de l’Allier avait demandé à la juridiction d’appel de rectifier une erreur de calcul commise dans sa décision du 28 décembre 1999. La Commission centrale avait rendu le 2 juin 2000 une décision rectifiant cette erreur. Dès lors, la requérante avait contesté cette dernière décision devant le Conseil d’État. Ce dernier lui a donné raison en expliquant que « même s’il ressortait des pièces du dossier que Mme Y avait connaissance de ce recours, cette circonstance n’était pas de nature à faire regarder comme respecter le caractère contradictoire de la procédure », en l’absence de transmission de ladite lettre à l’intéressée.

148 parties que sa décision est susceptible d’être fondée sur un moyen soulevé d’office »517. Or depuis 1992518, le juge administratif de droit commun doit informer les parties lorsqu’il veut soulever un moyen d’office. Selon l’article R. 611-7 du Code de justice administrative, « lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’État, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ». Les justiciables devant les juridictions de l’aide sociale n’auront pas la possibilité de réagir à une telle information en vue d’assurer leur défense.

δ) Les délais d’instruction

197.  Reconnaissant son incompétence pour « intervenir directement auprès des juridictions », le Médiateur de la République, aujourd’hui Défenseurs de droits519, dénonçait dès 1996 dans son rapport520 les lenteurs de la procédure contentieuse de l’aide sociale. Plus précisément ses constats portaient sur la durée d’une procédure devant la Commission centrale depuis la date de la saisine de la juridiction d’appel jusqu’à la notification de la décision à l’intéressé. Le Médiateur relevait alors un temps moyen de deux années entre le dépôt du recours et la notification de la décision juridictionnelle. Il expliquait la durée de ces délais par deux éléments principaux : la longueur de la procédure d’instruction et le manque de moyens de la juridiction.

198.  En 2004, la France a été condamnée par la Cour européenne de droits de l’homme pour violation de l’article 6-1 de la Convention, car « la cause du requérant n’a pas été

517 J.-P. NEGRIN, « Contentieux de l’aide et de l’action sociales », op. cit., § n° 69, à propos de l'arrêt CE, 18 février 2004, , Ministre des affaires sociales c/ Quinty, n° 250707, précité.

518 Décret n° 92-77 du 22 janvier 1992 portant dispositions diverses relatives à la procédure administrative

contentieuse.

519 Depuis la révision constitutionnelle par la LC n° 2008-724 du 23 juillet 2008 créant l’article 71-1 de la

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