• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : La modélisation synaptique

3. Les modèles génériques

(3.12)

On remarque directement que les probabilités de passage entre les deux états, R et RL, dépendent de la présence du ligand. Cela implique que la loi initiale de notre processus peut varier durant le temps, en fonction de la valeur que prendra le paramètre L dans la matrice de transition. Cette variation de la loi initiale apporte une bilinéarité (non-linéarité) au processus.

Après cette brève définition des bases concernant la liaison d’un ligand avec son récepteur ainsi que des paramètres qui caractérisent cette liaison, nous allons maintenant définir plus en détail la modélisation des modèles élémentaires (génériques) permettant de modéliser une synapse glutamatergique.

3. Les modèles génériques

Les modèles génériques, que nous appellerons aussi modèles élémentaires dans ce manuscrit, sont construits suivant le principe de liaison d’un ligand avec son récepteur, à partir des bases présentées dans le précédent paragraphe. Ces bases sont adaptées en fonction du type de protéines synaptiques que l’on souhaite modéliser. Les récepteurs synaptiques peuvent être catégorisés en trois classes :

 Les récepteurs à activité enzymatique.

 Les récepteurs ionotropiques.

 Les récepteurs métabotropiques.

3.1. Modélisation des récepteurs enzymatiques

En 1913, l’Allemand Leonor Michaelis et la Canadienne Maud Menten ont proposé une équation (nommée équation de Michaelis-Menten) qui permet de décrire la cinétique d’une réaction catalysée par une enzyme agissant sur un substrat unique [Michaelis et al. 2011]. Cette équation de Michaelis-Menten relie la vitesse de la réaction à la concentration de substrat et à des paramètres constants caractéristiques de l’enzyme. Selon leur modèle, l’équation décrivant la vitesse d’une réaction enzymatique est la suivante :

(3.13)

avec :

 la vitesse initiale (c’est-à-dire en absence de produit) de la réaction enzymatique pour une concentration de substrat S (en µmol/min),

la vitesse initiale maximale mesurée pour une concentration saturante de substrat (en

µmol/min),

la concentration en substrat (en mol/L),

 la constante de Michaelis spécifique à l’enzyme. Il s’agit de la concentration en substrat pour laquelle la vitesse initiale de la réaction est égale à la moitié de la vitesse maximale

.

Cependant, l’équation de Michaelis-Menten ne prend pas en compte les comportements complexes, tels que la multiplicité des substrats ou la présence de plusieurs sites actifs présentant des comportements coopératifs ou anti-coopératifs. En fonction de l’échelle utilisée, cette équation décrit une hyperbole (échelle linéaire) ou une sigmoïde (échelle logarithmique).

Michaelis et Menten ont modélisé une réaction enzymatique sous la forme d’une réaction en deux étapes : l’enzyme E va simplement transformer le substrat S en un produit P. Le complexe

Etude de l’activité neuronale : optimisation du temps de simulation et stabilité des modèles 29 intermédiaire ES n’est qu’une étape transitoire entre le produit P et le substrat S. Ces deux étapes

peuvent être écrites sous la forme suivante :

(3.14)

Il existe de nombreuses variantes de ce modèle lorsque l’on souhaite intégrer des interactions avec des molécules thérapeutiques.

3.2. Modélisation des récepteurs ionotropiques

Comme présenté dans le chapitre précédent, la famille des récepteurs ionotropiques se décompose en deux catégories : les canaux activés par une variation de potentiel au niveau de la membrane et ceux activés par la liaison d’un neurotransmetteur. Ces deux types de récepteurs se modélisent suivant des critères différents. Il sera présenté dans un premier temps la modélisation des canaux voltage-dépendant, puis dans un deuxième temps ceux qui sont ligands dépendants.

3.2.1. Canaux voltage-dépendant

Les canaux ioniques sensibles au potentiel de membrane sont représentés par deux états probabilistes possibles. Un état activé quand le canal ionique est ouvert et un état inactivé lorsque le canal est fermé. En accord avec les notations de Hodgkin et Huxley [Hodgkin and Huxley 1952], la probabilité d’activation du canal (ouvert) est notée m alors que la probabilité d’inactivation (fermée) est notée h. Ainsi, la proportion de canaux ouverts au niveau de la membrane peut se caractériser par l’équation suivante :

(3.15)

où les exposants a et b représentent respectivement le nombre de canaux activés et inactivés. Les canaux voltage-dépendant peuvent être partiellement ou complètement activés ( ). La dynamique des deux états m et h est décrite par deux équations différentielles du premier ordre :

(3.16) (3.17)

où les paramètres , ainsi que la constante de temps peuvent être mesurés expérimentalement. Cependant, dans la pratique, les valeurs de et sont le plus généralement approchées par une fonction de Boltzmann :

(3.18)

avec et des constantes.

La constante de temps , présente dans les équations (3.16) et (3.17), est quant à elle approchée par une fonction gaussienne :

(3.19)

avec : l’amplitude minimale,

l’amplitude maximale,

l’abscisse du centre de la gaussienne, la largeur de la gaussienne à mis hauteur.

Le courant généré par le récepteur voltage-dépendant est obtenu à l’aide des états m et h déterminés précédemment, de la conductance du canal, mais aussi du potentiel de membrane et de réversion. Ce courant I est approché par l’expression suivante :

(3.20)

avec : le courant généré par le canal, le potentiel de membrane, le potentiel de réversion, la conductance maximale,

la probabilité que le canal soit ouvert, la probabilité que le canal soit fermé.

3.2.2. Récepteurs ligand-dépendant

Le premier modèle de récepteur ionotropique sensible à un ligand, c’est-à-dire sensible à un neurotransmetteur, a été développé en 1957 par Del Castillo et Katz [Del Castillo and Katz 1956; Del Castillo and Katz 1957]. L’idée de ce modèle était qu’un agoniste A se lie sur un récepteur R pour former un complexe AR qui pourra modifier sa conformation en AR* et conduire le canal ionique à s’ouvrir comme illustré par le schéma cinétique de la Figure 3.4. Les probabilités de transitions et

représentent respectivement la constante d’association et de dissociation du ligand A. Les constantes cinétiques et représentent quant à elles respectivement la constante d’activation et la constante de désactivation du récepteur, c’est-à-dire son ouverture et sa fermeture.

Figure 3.4 : Schéma cinétique du modèle de Del Castillo et Katz. L’agoniste A se lie au récepteur R pour former le complexe AR. Ce derniers change sa conformation pour devenir un complexe AR* et conduire à l’ouverture du canal ionique.

Comme pour le modèle générique de canal voltage-dépendant, il est possible de représenter le modèle de Del Castillo et Katz par un système d’équations différentielles à partir de la structure du modèle et de ses paramètres cinétiques :

(3.21) (3.22) (3.23)

Etude de l’activité neuronale : optimisation du temps de simulation et stabilité des modèles 31 Le courant résultant de l’ouverture du canal ionique est ensuite obtenu avec l’équation suivante :

(3.24)

avec : le nombre de récepteurs, la conductance,

la probabilité d’ouverture du récepteur, le potentiel de membrane,

le potentiel de réversion.

Les récepteurs dépendant d’un neurotransmetteur peuvent présenter différents états de désensibilisation ainsi que différents états ouverts en fonction du nombre de ligands que peut lier le récepteur. Dans ce cas, le courant résultant de l’ouverture du canal est calculé en faisant une somme des états ouverts du récepteur modulé par une conductance qui varie selon l’état d’ouverture.

3.2.3. Potentiel de réversion

La membrane neuronale constitue une barrière entre le milieu intra et extracellulaire qui est relativement imperméable aux différentes espèces ioniques. Grâce à des pompes et des transporteurs, les concentrations d’ions de part et d’autre de la membrane ne sont pas équivalentes, mais l’électro-neutralité globale est respectée. Cependant, cette différence de concentration des espèces ioniques entre l’intérieur et l’extérieur permet de créer un gradient électrochimique qui va permettre le mouvement d’ions lors de l’ouverture de canaux voltage-dépendant ou dépendant d’un neurotransmetteur, qui iront du compartiment le plus concentré vers le moins concentré.

Pour chaque espèce ionique un potentiel de réversion, c'est-à-dire un potentiel au-delà duquel le sens de circulation des ions sera inversé, peut être ainsi calculé grâce à l’équation de Nernst (équation (3.25)), formulée en 1889 [Shaposhnik 2008].

(3.25)

avec : le potentiel de réversion, la constante des gaz parfait, la température en Kelvin,

le nombre de charges élémentaires, la constante de Faraday,

la concentration d’ions extracellulaires,

la concentration d’ions intracellulaires.

La différence entre le potentiel de membrane et le potentiel de réversion pour chaque canal va déterminer l’amplitude du courant qui sera généré. Plus cette différence est grande, plus le courant va être important. Il faut noter que le courant peut s’inverser au cours du temps si les concentrations intra et extracellulaires sont modifiées. Par exemple, un récepteur GABAA qui s’ouvre engendre normalement une entrée d’ions chlorure, induisant une hyperpolarisation membranaire. Dans certaines circonstances ou pathologies, les mécanismes régulant les concentrations d’ions chlorure intracellulaires sont déficients et l’ouverture du récepteur GABAA va alors entraîner une sortie d’ions chlorure, c'est-à-dire une dépolarisation membranaire.

3.3. Modélisation des récepteurs métabotropiques

Les premiers concepts de modèles de récepteurs métabotropiques étaient fondés sur la loi d’action de masse, aussi connue sous le nom de loi de Guldberg et Waage [Lund 1965]. Cette loi stipule la

réversibilité de la liaison entre le ligand et le récepteur selon des constantes d’association et de dissociation.

Durant les années 70, les travaux réalisés sur le récepteur β2-adrénergique révèlent l’existence de deux types de récepteurs métabotropiques, le premier possédant une forte affinité et le second une faible affinité pour le même ligand [Lefkowitz et al. 1976; Kent et al. 1980]. Cette différence d’affinité dépend de la présence de magnésium et de Guanosine Triphosphate (GTP). Les observations de De Lean et Stadel ont donné lieu à un modèle dit ternaire (Figure 3.5.A) mettant en jeu une association entre le ligand, le récepteur et un facteur non déterminé à l’époque [De Lean et al. 1980]. Ce facteur non connu a été identifié aujourd’hui comme étant la protéine G.

De récentes études ont permis de générer un nouveau modèle ternaire étendu comme présenté sur la Figure 3.5.B. Il existerait un équilibre entre une forme dite inactive (R) et une forme dite active (R*) du récepteur [Gether and Kobilka 1998; Kenakin 2002]. Cette isomérisation conformationnelle du récepteur (passage de l’état R à l’état R*) nécessite soit la fixation d’un ligand, soit des changements conformationnels spontanés, soit des mutations du récepteur.

Bien que le modèle ternaire étendu permette d’expliquer un certain nombre de situations, ce modèle n’envisage pas tous les cas de figure. Pour cette raison, un modèle plus complexe dit modèle ternaire cubique, illustré sur la Figure 3.5.C, a été proposé [Weiss et al. 1996]. Ce modèle conserve les caractéristiques du modèle ternaire étendu, mais diffère sur la capacité de couplage des récepteurs inactifs aux protéines G. Ce modèle ternaire cubique ne tient cependant pas compte des échanges de GTP et GDP. Dans le cadre de sa thèse, Renaud Greget a étudié un modèle ternaire cubique étendu tenant compte de ces éléments [Greget 2011]. Ce modèle cubique étendu est illustré sur la Figure 3.6.

Figure 3.5 : Modèles proposés pour l’activation des récepteurs métabotropiques (L : Ligand ; R : Récepteur inactif ; R* : Récepteur actif ; G : protéine G). Modifié d’après [Weiss et al. 1996].

L’objectif de cette thèse n’est pas tant de développer de nouveaux modèles élémentaires (génériques) de récepteurs synaptiques, mais d’améliorer la simulation des modèles existants afin d’optimiser l’effort de calcul de la plateforme de simulation RHENOMS. Nous utiliserons donc les modèles existants et calibrés par l’équipe de modélisation pour la suite de ce travail. En parallèle, les équipes de Rhenovia Pharma continuent le travail de modélisation des différents récepteurs synaptiques.

Etude de l’activité neuronale : optimisation du temps de simulation et stabilité des modèles 33

Figure 3.6 : Modèle ternaire cubique étendu étudié par Renaud Greget pour la modélisation des récepteurs métabotropiques. D’après [Greget 2011].

3.4. La norme SBML

La mise en équation du modèle, c’est-à-dire la définition du système d’équations différentielles résultant d’une architecture donnée, peut s’avérer délicate. En effet, la complexité des systèmes biologiques avec leurs multiples interactions conduit très rapidement à développer des modèles élémentaires de plus en plus complexes, avec un grand nombre d’états et de multiples entrées.

Pour pallier ce problème, la communauté scientifique a fait plusieurs propositions aujourd’hui largement acceptées pour la description des systèmes biologiques, et qui de surcroît fournissent un langage précis et commun aux expérimentateurs et aux théoriciens. Parmi ces langages, on trouve le

Systeme Biology Markup language (SBML) qui propose une description standard des modèles de

systèmes biologiques [Hucka et al. 2003; Le Novère et al. 2008]. De nombreux modèles de réseaux biologiques exprimées en SBML sont regroupés dans la base BioModels [Le Novère et al. 2006; Li et al. 2010]. De plus, de nombreuses solutions libres sont développées afin d’aider les biologistes dans la conception et l’édition de nouveaux modèles au standard SBML comme JDesigner, Narrator ou encore CellDesigner [Kitano et al. 2005; Strömbäck and Lambrix 2005; Mandel et al. 2007; Suderman and Hallett 2007; Dräger et al. 2008; Zheng and Sriram 2010].

La norme SBML utilisée par le développeur de modèles présente de nombreux avantages :

 La diminution du temps consacré à la construction du modèle et à sa mise en équation. Le temps gagné peut ainsi être consacré à la validation du modèle.

 La mise en équation du modèle est automatisée d’après le schéma cinétique. Cela supprime la limite de la complexité du modèle lors de la construction d’un modèle.

 La diminution des risques d’erreurs lors de la traduction du modèle en système d’équations différentielles.

 L’uniformisation et la standardisation du modèle et du code généré.

Une fois le modèle défini à l’aide de la norme SBML, le fichier est sauvegardé sous un format XML qui contient toutes les informations du modèle. Ce fichier peut ensuite être traduit en différents langages de programmation (Matlab, Java, C, C++ ou encore Fortran), à l’aide d’outils proposés par les logiciels de modélisation tels que SBMLTranslator. Rhenovia Pharma a, quant à elle, décidé de

créer son propre Parser (traducteur) afin de générer automatiquement des fichiers Java standardisés et conformes à ses besoins avec l’aide de la librairie LibSBML [Bornstein et al. 2008]. Ce choix est justifié par la nécessiter d’adapter le code du modèle aux besoins et exigences des utilisateurs.

Le processus de conception d’un modèle élémentaire requiert deux étapes. La première consiste à utiliser un logiciel (CellDesigner par exemple) pour construire le modèle et générer un fichier XML contenant les équations, les paramètres cinétiques et les conditions initiales du modèle. La seconde étape consiste à parser (utilisateur du Parseur, cf. section 4.3) le fichier XML et à générer des scripts standardisés automatiquement qui seront implémentés dans la plateforme de simulation.

Les travaux de recherches conduits durant cette thèse ont contribué en partie à l’amélioration des différents outils développés par Rhenovia Pharma, tout particulièrement avec le Parseur en Java.