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Analyse de la stabilité des systèmes non linéaires par les fonctions de Lyapunov

Chapitre 7 : Introduction à la stabilité des modèles

2. Analyse de la stabilité des systèmes non linéaires par les fonctions de Lyapunov

Les fonctions de Lyapunov sont des fonctions scalaires qui peuvent être utilisées pour prouver la stabilité d’un point d'équilibre d'un système d’équations différentielles ordinaires. Ces fonctions tirent leur nom du mathématicien Russe Aleksandr Mikhailovich Lyapunov qui les a définies en 1885 durant son travail de thèse [Lyapunov 1904]. Son manuscrit de thèse, intitulé Problème Général de la

Stabilité du Mouvement, fut traduit en français en 1904, date à partir de laquelle ses travaux sur la

stabilité commencèrent à attirer l’attention des scientifiques en Europe. La stabilité d’un point d’équilibre au sens de Lyapunov est acquise si, lorsque l’on écarte le système de son point d’équilibre, il y revient quelles que soient les conditions initiales.

Lyapunov a proposé deux méthodes pour étudier la stabilité du point d’équilibre des modèles. La première méthode est analytique et basée sur la résolution du système d’équations différentielles. La seconde méthode utilise une approche énergétique qui permet d’éviter la lourde tâche de résolution des équations différentielles ordinaires. En effet, cette première méthode peut s’avérer difficile et très longue si le système est non linéaire, d’ordre ou de degré élevé. En règle générale, la première méthode est utilisée pour étudier la stabilité locale d’un système linéarisé au voisinage du point d’équilibre, c'est-à-dire que le système d’équations différentielles est simplifié de manière à le ramener à un système linéaire autonome. Dans cette partie du travail de thèse, je m’intéresserai dans ce travail de thèse essentiellement à la seconde méthode qui est un formalisme mathématique sur un constat énergétique. Cette méthode est très largement utilisée pour démontrer la stabilité des systèmes non linéaires [Jerbi 2001], mais également stochastiques [Florchinger 1995].

2.1. Caractéristiques de la fonction candidate de Lyapunov

Le principe de la seconde méthode développée par Aleksandr Lyapunov se base sur une observation de la physique liée à la dissipation d’énergie d’un système [Khalil 2001]. Cette constatation revient à dire que si l’énergie totale d’un système d’EDO est dissipée de manière continue, c'est-à-dire décroît

avec le temps, alors le système (linéaire ou non) tend à atteindre un point d’équilibre. Cette méthode

consiste à chercher une fonction scalaire de type énergétique et à analyser certaines de ses propriétés afin de conclure sur la stabilité du système. Une fonction candidate de Lyapunov est définie par des propriétés bien précises.

Une fonction de Lyapunov est une fonction scalaire , continue et différentiable, telle que :

(7.7)

(7.8)

(7.9)

Les équations (7.7) à (7.9) assurent que la fonction scalaire , représentant l’énergie du système étudié, soit positive et croissante à tout instant. De plus, elle doit être nulle à l’origine (pour les valeurs d’équilibre). Cela implique un changement d’origine du point d’équilibre , afin de le ramener à zéro. Pour réaliser ce changement de variable, l’équation (7.4) est utilisée. La Figure 7.3 représente une fonction de Lyapunov d’un modèle à deux états ( et ) à titre d’exemple. La Figure 7.3 permet de visualiser de manière plus simplifiée les caractéristiques d’une fonction de Lyapunov.

Etude de l’activité neuronale : optimisation du temps de simulation et stabilité des modèles 115

Figure 7.3 : Représentation graphique de la fonction de Lyapunov d’un modèle à deux états.

2.2. La stabilité au sens de Lyapunov

Le point d’équilibre est globalement stable s’il existe une fonction candidate de Lyapunov telle que :

(7.10)

L’équation (7.10) indique que le point d’équilibre du système étudié sera stable si la dérivée de la fonction de Lyapunov est strictement négative. Cela traduit une dissipation de l’énergie du système. Cette stabilité est au sens strict de Lyapunov [Malisoff and Mazenc 2009]. Au cas où la dérivée de la fonction de Lyapunov n’est pas strictement négative, c'est-à-dire que :

(7.11)

alors, on parle de stabilité de Lyapunov au sens large [Malisoff and Mazenc 2009].

L’avantage principal de cette méthode de Lyapunov est qu’elle ne nécessite pas la connaissance des solutions exactes des équations du système étudié. En effet, il est parfois très difficile, voire impossible, de résoudre le système d’équations différentielles. Cette méthode permet de remplacer l’étude de la convergence des trajectoires de dimension n non exprimable analytiquement par l’étude de la convergence d’une fonction scalaire exprimable analytiquement [Khalil 2001]. De plus, elle est applicable à tout type de systèmes, linéaires et non linéaires. En revanche, la principale difficulté de cette méthode réside dans la recherche de la fonction candidate de Lyapunov appropriée au système étudié et l’analyse de ses propriétés. En effet, l’étude de la stabilité au sens de Lyapunov n’est pas constructive dans le choix de la fonction appropriée et ne permet donc pas de conclure sur la stabilité si on ne trouve pas une telle fonction respectant les conditions (7.10) ou (7.11).

Il existe des méthodes permettant de déterminer des fonctions de Lyapunov candidates pour les systèmes étudiés. La méthode la plus répandue sera présentée plus loin dans ce chapitre, mais avant cela, une définition du domaine de convergence d’une fonction de Lyapunov est nécessaire.

2.3. Domaine de convergence

Un attracteur d’un système dynamique est un ensemble particulier d’états, sous-ensemble de l’espace des états, vers lequel tend le système au cours du temps [Malisoff and Mazenc 2009]. A titre d’exemple, un point d’équilibre est un attracteur. Un bassin d’attraction d’un attracteur est donné par l’ensemble des initialisations à partir desquelles toute trajectoire converge vers l’attracteur considéré, dans notre cas le point d’équilibre .

Pour les systèmes linéaires, le seul attracteur possible est le point d’équilibre du système. Le bassin d’attraction est alors . Pour les systèmes non linéaires, plusieurs attracteurs peuvent coexister. A chaque attracteur correspond un bassin d’attraction avec . Dans la plupart des cas, le bassin d’attraction ne peut être explicité analytiquement. Une solution consiste donc à rechercher un sous-ensemble, le plus grand possible, exprimable analytiquement. Ce sous-domaine est déterminé à l’aide de la fonction de Lyapunov du système.

La Figure 7.4 illustre le domaine de convergence et de divergence de la fonction de Lyapunov candidate d’un système à deux états (X1 et X2). Le domaine représente la délimitation de la zone de divergence, ceci signifie que l’extérieur du domaine fermé correspond à la zone d’instabilité du système. De manière très similaire, le domaine compris dans représente le domaine de stabilité du système. La délimitation de est obtenue par :

(7.12)

La plus grande équipotentielle de la fonction de Lyapunov contenue dans le domaine , délimite le domaine par :

(7.13)

où C est une constante. L’intérieur du domaine correspond à la zone de stabilité du point d’équilibre considéré.

Figure 7.4 : Domaine d’attraction de la fonction de Lyapunov candidate pour un système à deux états X1(t) et X2(t).

Sur la Figure 7.4, le domaine est représenté par la zone fermée en rose, alors que le domaine , compris dans , est représenté en bleu. Un point d’équilibre qui se trouve en dehors du domaine sera instable, alors que ceux qui se trouvent dans le domaine seront asymptotiquement stables. Pour le point d’équilibre qui est situé dans le domaine , mais en dehors de , il est impossible de conclure sur sa stabilité. En effet, ce point d’équilibre peut aussi bien converger que diverger.

Etude de l’activité neuronale : optimisation du temps de simulation et stabilité des modèles 117

Les affirmations du paragraphe précédent peuvent être considérées d’un point de vue énergétique et donc reformulées de la manière suivante :

 A l’intérieur du domaine , l’énergie du système décroît, x tend vers et le point d’équilibre est stable.

 A l’extérieur de , l’énergie ne décroît pas, le système diverge (le point d’équilibre est instable)

 Entre et , on ne peut pas conclure.

Conclure sur la stabilité d’un point d’équilibre au sens de Lyapunov est donc possible avec le domaine de convergence de la fonction de Lyapunov. Cependant, cette méthode est conditionnée par un point primordial, la connaissance de la fonction de Lyapunov représentant l’énergie du système considéré.

2.4. Construction d’une fonction de Lyapunov

Il n’existe pas de technique générale permettant la construction de ces fonctions. Il existe cependant des conditions suffisantes, permettant de déterminer l’existance de fonctions de Lyapunov candidates, et donc de déterminer la stabilité du modèle considéré. Les approches les plus répandues sont les suivantes [Pai 1981] :

 l’approche de la première intégrale,

 l’approche quadratique,

 la solution des équations aux dérivées partielles (EDP),

 l’approche du gradient conjugué,

 la somme des carrées.

Toutes ces approches sont présentées et détaillées dans l’ouvrage de [Pai 1981]. Dans ce travail de thèse, seule l’approche quadratique, qui utilise les inégalités matricielles, sera présentée.

Soit un système sous la forme de l’équation (7.1) étudié :

(7.14)

avec les conditions initiales et J(x) la dérivée partielle (aussi appelé Jacobienne) du système définie par :

(7.15)

S’il existe une matrice définie positive telle que :

(7.16)

avec P une matrice constante symétrique et définie positive, alors le point d’équilibre du système considéré est dit stable asymptotiquement. La matrice P, une fois déterminée, permet de poser la fonction de Lyapunov ainsi que sa dérivée telles que [Pai 1981] :

(7.17)

(7.18)

L’existence de la matrice P définie symétrique et positive est une condition suffisante pour trouver une fonction de Lyapunov candidate, c’est-à-dire que la fonction de Lyapunov trouvée est une solution parmi d’autres capable de représenter l’énergie du système considéré. Les inégalités matricielles linéaires (LMI pour Linear Matrix Inequality) permettent d’exprimer les conditions suffisantes pour trouver une fonction de Lyapunov candidate [Pardalos and Yatsenko 2008]. La résolution de l’inégalité matricielle permet ainsi de trouver la matrice P, lorsque cela est possible. En effet, le principal défaut de cette méthode quadratique, mais également des autres méthodes non générales citées au début de cette section, est qu’il n’est pas toujours possible de trouver la matrice P et donc de conclure sur la stabilité du modèle étudié.

3. Analyse de la stabilité des systèmes bilinéaires