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Les mécanismes de détérioration sous irradiation

I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES CERAMIQUES SPATIALES IRRADIEES SOUS FAISCEAU

I.5 Les mécanismes de détérioration sous irradiation

La dégradation structurale des matériaux sous irradiation électronique a été largement étudiée car ce processus altère leurs propriétés physiques. Cet axe a donc pour objectif d’introduire les mécanismes de dégradation au sein des isolants irradiés et notamment de l’alumine qui est la céramique constituant les films minces de cette étude.

I.5.1 Désorption d’oxygène au sein de l’alumine

Les électrons incidents n’ont pas une énergie et une masse suffisamment élevées pour déplacer directement les atomes au sein du solide lors de leurs interactions avec la matière. Néanmoins, la diffusion des électrons par collisions inélastiques avec la matière au sein de l’alumine peut entraîner la scission des liaisons entre atomes. Le déficit de charges négatives entre Al et O dû à l’ionisation fait qu’ils se repoussent mutuellement par répulsion coulombienne. L’alumine se décompose ainsi localement. En effet, les ions d’Al migrent au sein du réseau, tandis que les ions d’O initialement en volume diffusent vers la surface. Ce processus est appelé en anglais « Coulomb explosion » [PANTANO et al. 1981]. Les ions d’O sont désorbés lorsqu’ils atteignent l’extrême surface de la cible d’alumine soumis au rayonnement électronique. Les travaux de Hoffman et Paterson montrent que l’alumine change de composition en extrême surface [HOFFMAN et al. 1996] sous l’effet d’électrons incidents ayant une faible énergie (E0 < 1 keV). En effet, à faible énergie incidente la dose ionisante injectée est concentrée en surface. De ce fait, la désorption d’oxygène sous irradiation entraîne la réduction de l’alumine en aluminium. Il a été démontré que lorsque la dose augmente, un équilibre de composition est atteint sur les premiers nanomètres mais la réaction de réduction perdure en profondeur dans le volume de la cible.

I.5.2 Le claquage en surface des isolants

Des phénomènes locaux de décharges sont susceptibles de se produire à la surface de certains isolants sous vide soumis à un champ électrique élevé. Ces évènements sont appelés flashover de surface (en opposition au claquage diélectrique en volume dont la tension de rupture est plus élevée) [ANDERSON 1974]. Le mécanisme de flashover est susceptible de se produire à la surface d’un isolant positionné par exemple entre deux électrodes. Il se déroule en quatre étapes successives. Lors de la première phase, des électrons sont émis au point triple (métal, diélectrique, vide) par effet de champ dont la théorie a été décrite par Fowler et Nordheim en 1928 [FOWLER et al. 1928]. La seconde phase du flashover correspond à la création d’un phénomène divergent d’émission d’électrons secondaires qui se propagent à la surface du diélectrique. Ce mécanisme est également appelé avalanche d’émission électronique secondaire (SEEA en anglais) [CAI et al. 2015]. Il amorce la troisième phase, c’est-à-dire l’augmentation de la pression partielle locale en raison du dégazage des impuretés et des espèces désorbées par l’action du courant élevé d’électrons secondaires (Figure 19). La dernière étape du flashover correspond à la décharge en surface qui entraîne l’ionisation des espèces neutres et l’émission d’un plasma à partir d’un seuil critique de courant et d’espèces désorbées (dépendant du matériau) [MILLER 1989]. Les charges en surface sont alors neutralisées.

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Figure 19 – Représentation schématique du mécanisme d’avalanche d’électrons secondaires (trajectoires en noire) et du dégazage local (trajectoires en bleu) à la surface de l’isolant [CAI et al. 2015]

La théorie de SEEA a été principalement décrite comme précurseur aux flashovers en surface des isolants. Néanmoins, plusieurs scientifiques ont proposés d’autres théories qui permettraient d’expliquer le développement des flashover en surface. En effet, Bugaev et al. ont avancé que le claquage était susceptible de s’initier directement dans la couche d’atomes de gaz adsorbés notamment dans les pores ouverts [BUGAEV 1967]. Un électron incident peut

induire une succession de décharges dans le gaz, produisant ainsi un plasma qui neutralise les charges à la surface du matériau. Avdienko a postulé, de par ses travaux expérimentaux, que des flashovers peuvent se produire au sein d’amas de gaz désorbés en extrême surface de films minces d’isolant, après l’impact d’électrons qui se déplacent en surface [AVDIENKO 1977]. Par conséquent, le mécanisme de cascade d’électrons secondaires ne serait pas forcément à l’origine des phénomènes de flashover en surface des cibles bombardées par faisceau électrons.

Le mécanisme de flashover peut produire un éclair lumineux (dans le domaine du visible) lorsqu’il se propage entre la cathode et l’anode. Cela a permis à Cross et al. [CROSS et al. 1976] d’étudier expérimentalement la vitesse de flashovers au sein d’échantillons d’alumine installés entre deux électrodes. Il a mesuré une vitesse le long du chemin de parcours, environ égale à 1.107 m.s-1.

La température et l’état de surface des isolants sont des paramètres qui affectent la tension critique de déclenchement des claquages de surface. En effet, la température influence la tension de flashover car elle affecte la cinétique de dégazage. De ce fait, une faible température peut donc permettre d’augmenter la tension de flashover d’un échantillon d’alumine [CROSS et al. 1982]. Les céramiques ayant une porosité élevée, ont une tension de flashover plus faible [MAZUREK et al. 1984]. L’homogénéité du matériau conditionne donc le taux de claquage en surface des diélectriques. Les flashovers successifs sont susceptibles d’endommager la surface des isolants et ainsi altérer leurs propriétés physiques et électriques [MILLER 1989] et favoriser la création successives de décharges. La détérioration de la surface peut en effet être à l’origine de l’abaissement de la tension de flashover.

De nombreuses études expérimentales et théoriques ont été menées pour mettre en évidence et comprendre les mécanismes de flashover par injection de charges en surface d’échantillons d’alumine positionnés entre deux électrodes métalliques (tension dc ou ac). Néanmoins, dans le cadre des études expérimentales de ce doctorat, la charge des isolants est étudiée sous implantation électronique. Il est ainsi probable que les électrons primaires issus du canon soient à l’origine de flashovers en surface des isolants. Blaise et Le Gressus [BLAISE et al. 1991] ont défini une théorie expliquant le claquage de surface des isolants par l’intermédiaire d’une dépolarisation brutale du réseau due à la relaxation de la charge d’espace par une faible stimulation électrique, thermique ou autre. La théorie de l’avalanche des électrons secondaires ne serait alors pas le précurseur des flashovers mais seulement une étape du processus.

I.5.3 Contamination en surface

Au cours du processus physique d’adsorption [AJLONY et al. 2014], les contaminants sont fixés sous l’impact du faisceau électronique qui apporte de l’énergie pour modifier et créer des liaisons entre la surface du matériau et les contaminants adsorbés. De plus, le bombardement électronique améliore le coefficient d’empilement, en raison de la formation d’une force électrostatique temporaire entre les contaminants adsorbés et la surface bombardée. Le taux de contamination est donc proportionnel au courant du faisceau d’électron mais il dépend également de la propreté de l’environnement d’irradiation. Rau a démontré que la contamination en surface d’un isolant, même de quelques nanomètres, engendre une modification du rendement d’émission électronique significative [RAU 2008]. En effet, il a été déterminé que le second point de cross-over de l’alumine diminue de 4,6 keV après 100 s d’irradiation. Le film mince d’hydrocarbure formé en surface a donc un effet néfaste sur la charge des céramiques au cours du temps.