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I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES CERAMIQUES SPATIALES IRRADIEES SOUS FAISCEAU

I.2 Les défauts de structure au sein des céramiques

Les matériaux céramiques n’ont pas une structure cristalline parfaite. En effet, de nombreux défauts existent au sein des solides, notamment à cause des contraintes d’élaboration et d’utilisation. La classification de ces défauts [BRIDGES et al. 1990] et leur impact sur les structures atomiques dépendent de leur dimension. Il y a en effet des défauts ponctuels (intrinsèques ou extrinsèques), linéaires (dislocations) et bidimensionnel (interfaces entre matériaux, joints de grains dans les polycristaux, fautes d’empilement). Au cours de cette thèse, seuls les défauts ponctuels ont été considérés dans le but de simplifier l’étude des mécanismes de transport de charges à la fois dans le dépôt d’Al2O3 et dans le substrat de BN en négligeant les interfaces et les contraintes mécaniques résultantes. La nature et les

caractéristiques des divers défauts chimiques ponctuels sont donc majoritairement décrites dans cette section. Les défauts physiques dimensionnels sont brièvement détaillés en fin de partie.

I.2.1 Les défauts ponctuels

Les défauts dits ponctuels ont une dimension d’ordre 0. Ils sont localisés en un point dans la structure atomique de la matière. Ces défauts sont parfois qualifiés de chimiques car ils sont susceptibles d’affecter directement la stœchiométrie ou l’électro-neutralité du solide. Une céramique réelle est constituée de défauts ponctuels de nature et de concentration différentes. Ces défauts peuvent être isolés les uns des autres ou être localisés sur de faibles distances interatomiques. Cela détermine leur caractère élémentaire (primaire) ou complexe. I.2.1.1 Les défauts ponctuels élémentaires

Au sein d’un réseau cristallographique quelconque, quatre défauts ponctuels primaires principaux ont été mis en évidence [KUBIN 1987], la lacune, l’auto-interstitiel, l’interstitiel et l’espèce de substitution. La Figure 7 représente ces défauts ponctuels séparés en deux classes distinctes, les défauts intrinsèques (en vert) et les défauts extrinsèques (en bleu). Les défauts intrinsèques font intervenir les atomes du réseau tandis que les défauts extrinsèques font intervenir des atomes extérieurs (impuretés) à la structure du matériau.

Figure 7 – Représentation schématique des défauts ponctuels primaires au sein d’un réseau

Figure 8 – Représentation schématique des défauts de Schottky et de Frenkel au sein d’un réseau ionique 2 1 3 4 1 : lacune 2 : auto-interstitiel 3 : interstitiel 4 : atome de substitution 1b 1a 2a 2b 1 : Défaut de Schottky : alacune anionique + blacune cationique 2 : Défauts de Frenkel :

alac. + int. cationiques

I.2.1.2 Les défauts ponctuels complexes

Au sein d’une structure cristalline à caractère iono-covalent telle que celle de l’Al2O3, ces défauts ponctuels sont présents sous forme anionique et cationique. Toutefois, le système cristallin iono-covalent (ou ionique) conserve son électro-neutralité malgré un nombre élevé de défauts intrinsèques et extrinsèques. Les défauts ponctuels complexes sont donc appelés ainsi car ils combinent des défauts ponctuels primaires, ce qui permet de conserver la neutralité des charges au sein du réseau. Ces défauts ponctuels complexes représentés sur la

Figure 8, sont communément appelés défauts de Schottky et défauts de Frenkel

[KUBIN 1987].

Un défaut de Schottky se défini par le déplacement d’un anion (ou d’un cation) sur une grande distance atomique. Celui-ci laisse ainsi sa place initiale vacante, ce qui génère une lacune anionique (ou cationique). En parallèle de la création de cette lacune anionique (ou cationique), une lacune cationique (ou anionique) est engendrée à proximité, ce qui permet de conserver l’électro-neutralité du système (à faible distance atomique).

Un défaut de Frenkel se caractérise par le déplacement d’un cation (ou d’un anion) sur une faible distance atomique dans un site interstitiel proche de sa position initiale, ce qui crée une lacune cationique (ou anionique). La lacune et l’interstitiel sont proches, ce qui permet de maintenir la neutralité électrique du réseau cristallin ionique. Le cation ayant un rayon ionique plus faible que celui de l’anion, les défauts cationiques de Frenkel sont généralement favorisés au dépend des défauts anioniques.

I.2.1.3 Les centres colorés

Les défauts ponctuels élémentaires ou complexes peuvent être à l’origine de phénomènes optiques de luminescence. En effet, ces défauts se comportent comme des pièges pour les porteurs de charges (voir I.4.5.2). De ce fait, lorsqu’une charge transite d’un état de piège à un autre (voir I.4.6), par conservation d’énergie, des photons sont soit émis (désexcitation) soit absorbés (excitation). Les défauts ponctuels chargés au sein d’un diélectrique qui engendrent un mécanisme radiatif, sont donc appelés lacunes chargées ou plus communément centres colorés [FRIEDEL 1967], noté F (de l’Allemand Farb zentrum, Farb signifie « couleur » et zentrum signifie « centre »). Un centre coloré est une lacune anionique (ou cationique) qui a capturé un nombre d’électrons (ou de trous) inférieur ou égal à l’ordre de valence de l’anion (ou du cation). La Figure 9 représente de façon schématique ces centres colorés au sein d’un réseau ionique ayant des anions divalents.

Figure 9 – Schéma simplifié d’un réseau ionique à anions divalents ayant des lacunes anioniques en déficit d’électrons et chargées

Dans le cas de cette étude, l’Al2O3 a une structure cristalline ionique composée d’anions O2- et de cations Al3+ comme détaillé dans I.1.1.2. Lorsqu’un anion (O2-) se déplace et qu’une lacune anionique est créée, la charge d’espace n’est plus neutre. Elle est déficitaire de deux électrons. Par conséquent, un ou deux électrons sont susceptibles d’être piégés par cette lacune. Dans le cas où seulement un électron est piégé, le centre coloré est de type F+ (une charge négative manquante) tandis que si deux électrons sont piégés (Figure 9), le centre coloré est de type F (neutre).

A l’inverse, un centre coloré ayant pour origine une lacune cationique (monovalente) qui a capturé une charge positive, autrement dit un trou, est noté VF. Les trous sont des porteurs de charge positive et correspondent à l’absence d’un électron au sein de la bande de valence. Ils sont à même de se déplacer au sein du solide comme le fait un électron grâce au recouvrement des orbitales.

Il a été décrit précédemment que deux lacunes (anionique et cationique) se trouvant à proximité dans le réseau ionique, peuvent se neutraliser électroniquement. Néanmoins, dans le cas où un porteur de charges est piégé par l’une d’entre elles, l’électro-neutralité du système lacunaire est déstabilisée. Le centre coloré n’est donc pas restreint à la lacune concernée mais à l’ensemble du système binaire qui a une énergie caractéristique. Des défauts complexes de ce type tels que Fcat et F2 ont été mis en évidence au sein de l’alumine. Les centres colorés complexes Fcat correspondent à une lacune d’oxygène et une impureté divalente (Mg2+ par exemple qui substitue Al3+) susceptibles de piéger un électron libre [GHAMNIA et al. 2003]. Les centres colorés de type F2 sont constitués d’au moins deux lacunes anioniques voisines et qui ont ainsi la possibilité de piéger deux à quatre électrons [EVANS et al. 1994].

+

3

2+

1 2

Lacune anionique 1 2 3 Centre F+ Centre F Anions divalents (X2-) Cations (Yn+) Electrons

De nombreuses techniques de luminescence telles que la thermoluminescence [MOLNAR 2014], la photoluminescence [MUSEUR et al. 2009] ou la cathodoluminescence [BONNELLE et al. 2010, EVANS et al. 1994], ont été utilisées pour caractériser les divers états de pièges au sein des mailles cristallines de BN et Al2O3. La nature et l’énergie des pièges présents dans l’alumine et le BN sont discutées quantitativement dans la partie III.2.3 afin de confronter les résultats expérimentaux de cathodoluminescence de cette étude avec ceux de la littérature.

Des défauts extrinsèques au réseau ont été mis en évidence et peuvent participer aux phénomènes radiatifs comme décrit dans ce paragraphe. Ces défauts ponctuels appelés impuretés ainsi que certains de leurs effets électriques sont détaillés dans le paragraphe suivant.

I.2.1.4 Les impuretés

Des espèces chimiques étrangères au solide, ainsi qualifiées d’impuretés, sont également susceptibles de générer des défauts chimiques au sein du réseau cristallin. Ces atomes sont absorbés par le solide lors de son élaboration par exemple, puis diffusent au sein du réseau jusqu’à substituer un atome de la structure cristalline ou à s’insérer dans un site interstitiel (Figure 7). Par exemple, Katzir et Zunger ont mis en évidence l’existence d’impuretés de carbone (E = 4,1 eV), dans le nitrure de bore hexagonal [KATZIR et al. 1975].

La charge d’espace à proximité d’une impureté est modifiée en fonction de sa nature électronique (cation ou anion) et de son degré d’oxydation (d.o.). Dans le cas de figure de l’alumine, trois types de cation de degrés d’oxydation différents peuvent modifier la neutralité électrique du réseau cristallin, lors de leur insertion ou de leur substitution (avec un cation d’Al dont le d.o. est égal à +3).

En premier lieu, il existe des cations bivalents tels que Fe2+ ou Al2+, qui génèrent un déficit de charges positives. Par conséquent, afin de conserver l’électro-neutralité du réseau cristallin, des lacunes anioniques (O2-) et des interstitiels cationiques (Al3+) sont créés, ce qui compense le manque de charges positives. Les lacunes d’oxygène engendrées au voisinage de cette impureté forment les centres colorés cationiques décrits précédemment (notés Fcat).

En second lieu, des cations trivalents et donc isovalents de Al3+, comme Fe3+ ou Cr3+ sont présents dans la structure cristalline du corindon. Bien que la quantité de charge soit conservée, ces ions ont un rayon différent. Cela engendre une distorsion du réseau. Ces impuretés peuvent donc tout de même générer des défauts physiques tels que des dislocations ou des fautes d’empilements.

En dernier lieu, la présence de cations tétravalents tels que Ti4+ (dont le d.o. est supérieur de +1 par rapport à Al3+), provoque un déficit de porteurs de charges négatives au voisinage de l’impureté. Des défauts complémentaires sont alors créés pour conserver l’électro-neutralité au sein du solide (lacunes cationiques et interstitiels anioniques).

Les défauts ponctuels chimiques modifient donc directement le réseau et la neutralité électrique locale des solides. Toutefois, ils peuvent également, de par la modification de structure atomique, générer des défauts physiques linéaires ou bidimensionnels.

I.2.2 Les défauts dimensionnels

Les défauts linéaires (1D) et bidimensionnels (2D) sont des défauts physiques car ils influent directement sur l’ordre du solide (périodicité cristalline) [KUBIN 1987] à faible ou grande échelle atomique. Les défauts 1D s’apparentent à des dislocations (translation ou rotation linéaire du réseau), tandis que les défauts à deux dimensions correspondent à des fautes d’empilements plans dans la structure ou entre les grains (joints de grains). Leur énergie est plus faible que celles des défauts chimiques, ce qui ne leur permet pas de piéger profondément les porteurs de charges (voir I.4.5.2). Ces défauts n’ont pas été directement étudiés de façon quantitative au cours de cette étude. Ils sont abordés dans ce paragraphe afin d’introduire dans la suite de ce chapitre, la théorie des bandes ainsi que les mécanismes de transport de charges gouvernés par la nature et la densité des divers pièges électroniques présents au sein des matériaux isolants. Néanmoins avant de considérer ces aspects microscopiques, le comportement macroscopique de charge des céramiques exposées à un faisceau électronique doit être abordé.

I.3 Descriptions macroscopique et électrostatique du phénomène de