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I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES CERAMIQUES SPATIALES IRRADIEES SOUS FAISCEAU

I.4.3 Emissions électroniques

L’une des conséquences de l’ionisation de la matière par le faisceau d’électrons incidents est l'émission électronique qui a été brièvement introduite à l’échelle macroscopique dans la section précédente. Pour rappel, le coefficient d'émission électronique (ψ) est égal à la somme du coefficient de rétrodiffusion (η) et du coefficient d'émission secondaire (δ). L’émission rétrodiffusée et l’émission secondaire sont détaillées dans cette section.

I.4.3.1 L’émission rétrodiffusée

Les électrons primaires qui ont subi des chocs inélastiques et élastiques au sein de la matière puis qui de par leurs interactions se dirigent vers l’interface cible/vide avant d’être réémis en dehors de la surface, sont appelés électrons rétrodiffusés (trajectoires rouges sur la Figure 11). Les électrons rétrodiffusés élastiques ont une énergie quasiment équivalente à l’énergie des électrons primaires (Ei), comme représenté sur la Figure 12. Le rapport du courant d’électrons rétrodiffusés émis Iη et du courant des électrons incidents Ii définit le coefficient de rétrodiffusion η. Celui-ci dépend de l'énergie des électrons incidents et de la nature du matériau irradié. L’influence de l’énergie des électrons incidents sur ce coefficient de rétrodiffusion est négligeable lorsqu’elle est supérieure à 10 keV. Toutefois, si l’énergie des électrons primaires est inférieure à 10 keV, alors le coefficient de rétrodiffusion dépend du numéro atomique des espèces chimiques de la cible irradiée. En effet, quand l’énergie diminue, les échantillons constitués d’éléments légers, comme le BN, ont leur coefficient η qui augmente, tandis qu’il diminue pour ceux ayant des éléments lourds [CASTAING 1960].

Dans ce dernier cas, les interactions sont fortes lorsque l’énergie incidente diminue et par conséquent l’énergie des électrons n’est pas suffisante pour qu’ils soient émis hors de la surface.

I.4.3.2 L’émission secondaire

Les électrons secondaires sont générés par les électrons incidents qui ionisent les espèces chimiques de la matière par transfert d’énergie. Les électrons des couches externes (peu profondes) atomiques sont alors extraits de leur orbite et acquièrent une énergie cinétique cédée par les électrons primaires. Ces électrons secondaires sont donc générés le long du chemin de parcours des particules ionisantes incidentes, au sein de la poire d’interaction.

Les électrons secondaires générés dans le volume du matériau se déplacent dans toutes les directions (trajectoires bleues sur la Figure 11). Une partie des électrons secondaires se dirigent ainsi vers la surface du matériau. Dans le cas où les électrons ont été générés à une faible profondeur par rapport à la surface, appelée profondeur d’échappée (et notée ), ils sont alors en mesure d’atteindre l’interface cible/vide. La profondeur d’échappée des électrons secondaires au sein des céramiques est généralement inférieure à  10 nm [ONO et al. 1979], selon le numéro atomique des composés. Dans cette profondeur, les électrons ont potentiellement assez d’énergie cinétique pour atteindre la surface malgré leurs interactions avec les phonons ou les divers défauts des céramiques.

Lorsque l’électron secondaire atteint l’interface cible/vide (c’est-à-dire la surface), celui-ci a besoin d’une certaine quantité d’énergie pour franchir l’interface et ainsi être émis dans le vide. Cette quantité d’énergie, notée  (Figure 16), correspond à l’affinité électronique dans le cas des isolants (et des semi-conducteurs). Les électrons secondaires franchissent le niveau de vide avec une énergie maximale de l’ordre de 50 eV [SEILER 1983]. Néanmoins, la majorité des électrons secondaires ont une énergie de quelques eV (Figure 12). Le coefficient d’émission secondaire, également appelé rendement d’émission secondaire (SEE) et noté δ, est défini par le rapport entre le courant d’électrons secondaires émis Iδ et le courant d’électrons incidents Ii. Le coefficient d’émission électronique dépend de paramètres d’irradiation tels que l’énergie incidente. La Figure 13 montre une courbe caractéristique du rendement d’émission secondaire qui varie en effet en fonction de l’énergie des électrons incidents. Les énergies Ec1 et Ec2 pour lesquelles le rendement d'émission total est égal à l'unité sont appelées respectivement première et deuxième énergie critique, ou également premier et deuxième point de "cross-over". Entre ces deux valeurs d’énergie, il y a davantage d’électrons secondaires émis que d’électrons incidents implantés. La dose injectée par les

charges implantées est en effet concentrée en surface et la section efficace d’ionisation est élevée. Le matériau est donc chargé positivement. Le coefficient d’émission maximale noté δmax (pour une énergie incidente correspondant à Emax) est généralement supérieurà l’unité pour les céramiques. A partir de Emax, lorsque l’énergie des électrons incidents continue d’augmenter, l’énergie déposée dans la profondeur d’échappée des électrons secondaires diminue. De ce fait, le taux d’ionisation décroit en extrême surface de la cible irradiée. Par conséquent la section efficace d’ionisation diminue et cela entraîne la décroissance du rendement d’émission électronique. Au-delà du deuxième point de cross-over, le matériau se charge négativement étant donné que le rendement d’émission secondaire est devenu inférieur à l’unité.

Figure 12 – Représentation schématique de la distribution en énergie des électrons secondaires et

des électrons rétrodiffusés

Figure 13 – Courbe schématique de l’évolution du rendement d’émission secondaire en fonction de

l’énergie des électrons incidents

Le rendement d’émission secondaire évolue également en fonction de l’angle du faisceau incident. En effet, plus l'angle d'incidence s'éloigne de la normale, plus l’énergie déposée est concentrée en surface : le nombre d’électrons secondaires générés près de l'interface cible/vide augmente alors (Figure 14). Par conséquent, le coefficient d'émission secondaire augmente lorsque l'angle d'incidence diminue.

L’évolution du rendement d’émission électronique du p-BN en fonction de l’énergie des électrons primaires (à basse énergie) et de leur angle d’incidence a été étudiée. La Figure 14 montre que l’angle d’incidence du faisceau électronique n’a pas d’influence lorsque l’énergie des électrons incidents est inférieure à 1,2 keV [SHERSTNYOV et al. 1969]. Le SEE de p-BN est relativement faible à basse énergie (< 3 keV). En effet, il est environ égal à l’unité lorsque l’énergie incidente des électrons est égale à  3 keV (E2) et que l’angle du faisceau est de 20°.

Electrons secondaires Elastiques Electrons rétrodiffusés 50eV Ei Inélastiques Coups Energie (eV) E0(eV) Ec2 Emax Ec1 1 max

Le rendement d’émission secondaire du BN a été peu étudié à haute énergie incidente (E0 > 3 keV). Les travaux réalisés par Dawson en 1966 [DAWSON 1966], ont permis de mettre en évidence que le rendement d’émission secondaire d’un échantillon de BN (pressé à chaud) est égal à 1,7 lorsque E0 = 3 keV (l’angle est de 0° par rapport à la normale). Une différence de rendement d’émission secondaire environ égale à un facteur 2 est donc constatée entre le p-BN et le BN pressé à chaud (malgré la différence égale à 20° de l’angle d’incidence).

Figure 14 – Evolution du rendement d’émission secondaire du p-BN en fonction de l’énergie des électrons primaires pour différents angles d’incidence du faisceau de (1) 20°, (2) 30° et (3) 40° [SHERSTNYOV et al. 1969]

Le coefficient d’émission maximal et le second point de cross-over de l’-alumine sont bien supérieurs à celui du BN ( 7 < E2 <  10 keV selon l’échantillon d’Al2O3 étudié et la technique de caractérisation utilisée – [DAWSON 1966, RAU et al. 2008]).

L’interaction des particules incidentes chargées avec la matière engendre donc l’ionisation des atomes puis l’émission d’électrons secondaires à partir de l’extrême surface du matériau. Cela participe à la régulation du potentiel de charge des céramiques sous irradiation électronique. Néanmoins, d’autres mécanismes physiques tels que les conductions en surface et en volume, qu’elles soient intrinsèques au matériau ou induites sous irradiation, influent sur le transport et l’écoulement des charges implantées et générées en profondeur.