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Etude paramétrique du vieillissement électrique de rec–BN/Al 2 O 3

V. ETUDE DES MECANISMES PHYSICO-CHIMIQUES DE VIEILLISSEMENT ELECTRIQUE DES

V.1 Mise en évidence du vieillissement électrique sous fort flux électronique

V.1.3 Etude paramétrique du vieillissement électrique de rec–BN/Al 2 O 3

L’énergie et le flux affectent directement la profondeur d’implantation électronique, la dose ionisante et les mécanismes de conduction induite sous irradiation. Par conséquent, leurs effets sur le vieillissement électrique de rec–BN/Al2O3, c’est à dire sur l’évolution temporelle critique de son potentiel de charge doivent être mis en évidence.

V.1.3.1 Energie des électrons incidents

La Figure 76 représente l’évolution temporelle du potentiel de surface de rec-BN/Al2O3

irradié avec un faisceau électronique ayant le même flux critique que lors de l’essai décrit précédemment, mais une énergie deux fois plus élevée (20 keV).

Figure 76 – Evolution temporelle du potentiel de surface de rec–BN/Al2O3 exposé à une irradiation électronique critique (0,75 µA.cm-2, 20 keV, faisceau focalisé, T°Camb)

L’analyse de l’évolution des cinétiques de charge de rec-BN/Al2O3 dans ces conditions critiques d’irradiation a mis en évidence l’influence de l’énergie sur son comportement de charge lors du vieillissement électrique. En effet, différents régimes de charge ont été identifiés grâce à cette irradiation électronique sous faisceau de haute énergie. L’existence du premier régime de pseudo-équilibre déjà étudié et identifié a été confirmée (Figure 76). L’équilibre entre les courants entrant et sortant à faible dose n’est que temporaire. Après le

-3000 -2500 -2000 -1500 -1000 -500 0 0 50 100 150 200 250 Vs (V)

Temps d'irradiation réel (min)

20 keV

tc134 min

20 10 10 keV

Vsp-e (p-e dénote le régime de pseudo-équilibre), la cinétique de charge augmente graduellement comme cela a été expliqué lors de l’analyse du vieillissement électrique à 10 keV (V.1.1). Ce deuxième régime postérieur au régime I est finalement un régime transitoire (noté II sur Figure 76). En effet, l’irradiation à 20 keV a mis en évidence l’existence d’un régime de charge critique à partir d’un temps critique d’irradiation, noté tc, environ égal à 134 min. La cinétique de charge élevée est alors considérée comme linéaire entre tc et tc + 60 minutes. Ce régime III a donc été appelé régime critique.

Au cours du régime de pseudo-équilibre à 20 keV, l’observation de Vsp-e est plus nette qu’à 10 keV. En effet, aucune diminution du Vs n’est observée en début d’irradiation contrairement au cas décrit précédemment (10 keV). Le potentiel de pseudo-équilibre est environ égal à -125 V dans les deux cas. Il est possible que le Vs à 20 keV soit en réalité, au moins deux fois plus élevé dans le cas où l’incertitude de mesure serait significative. De plus, la RIC est plus faible à 20 keV qu’à 10 keV. Néanmoins, le fait que le régime de pseudo-équilibre soit similaire en temps ( 20 min) à 10 et à 20 keV et que leur Vsp-e soit du même ordre de grandeur, conforte la théorie de la régulation de la charge par les mécanismes de décharges partielles (aux temps courts).Cela n’empêche pas de comparer en relatif les évolutions de potentiel de surface au cours du temps.

Lors du régime transitoire, la cinétique de charge de rec-BN/Al2O3 augmente davantage à 10 keV par rapport à 20 keV. Dans les deux cas, l’évolution temporelle du Vs ne peut plus être décrite tel un modèle RC (II.1.4.2). Ces observations confortent l’hypothèse de la dégradation de surface du dépôt d’alumine. En effet, la dose ionisante injectée à 10 keV est davantage concentrée au sein de l’alumine par rapport à celle injectée à 20 keV. De ce fait, le taux de dégradation est plus élevé à 10 keV, ce qui entraîne une charge prématurée du matériau au cours du régime transitoire, d’où l’augmentation accrue de la cinétique de charge.

La frontière entre les régimes transitoire et critique est mal définie dans le cas de l’essai à 10 keV. En effet, l’évolution de la charge au cours du temps de ce matériau reste relativement faible par rapport à celle déterminée pour l’essai à 20 keV. Le comportement en charge est davantage critique à 20 keV car la profondeur moyenne de pénétration des électrons est environ 4 fois plus élevée. Les charges sont majoritairement piégées au sein du substrat de BN. De plus, la RIC au sein du dépôt d’alumine ainsi que son rendement d’émission électronique sont bien plus faibles qu’à 10 keV. De ce fait, l’augmentation de la cinétique de charge à 20 keV apparaît brutalement à partir du temps critique égal à 134 min (tc < ± 4 min). La tendance de cette cinétique de charge au cours de ce régime critique est quasi-linéaire (sur l’intervalle [tc, tc + 1 heure]) en opposition à celle déterminée au cours du

régime transitoire.

La rupture de pente à tc (correspondant à la position du minimal du pic d2Vs/dt2) semble dépendre de l’énergie incidente. Un coefficient de vieillissement électrique critique, noté

 [s.V-1], a alors été déterminé au cours de ces analyses. Par définition, il a été exprimé (sur l’intervalle [tc, tc + 1 heure] pour une énergie incidente E0) par la formule suivante :

𝛼𝐸0 = |𝑑𝑡

𝑑𝑉𝑠|𝐸0 (37)

Dans ces conditions d’irradiation à 0,75 µA.cm-2, le coefficient de vieillissement électrique critique à 10 keV et 20 keV est respectivement égal à 7,3 s.V-1 (où tc(10 keV) = 148 ± 10 min) et 2,6 s.V -1 (où tc(20 keV) = 134 ± 4 min). Autrement dit, lorsque l’énergie incidente est égale à 20 keV, le potentiel de surface augmente d’un volt environ 2,8 fois plus vite qu’avec une énergie incidente de 10 keV, au cours de ce régime critique. De ce fait, le coefficient  semble être inversement proportionnel à l’énergie incidente.

Il existe une compétition entre les phénomènes de dégradation des matériaux (notamment du dépôt) et de charge qui sont respectivement accentués à basse et haute énergie. Le potentiel de surface de rec–BN/Al2O3 finit donc par tendre vers celui de BN, notamment à haute énergie incidente. L’étude de ce vieillissement accéléré a été approfondie en utilisant des facteurs d’accélération plus élevés. Pour cela, le flux incident ainsi que le temps d’irradiation ont été augmentés. L’analyse relative à ce coefficient de vieillissement électrique à 20 keV est également approfondie dans la prochaine section. V.1.3.2 Influence du flux électronique

L’étude du matériau rec-BN/Al2O3 sous fort flux électronique en fonction de l’énergie incidente a mis en évidence que la cinétique de charge évolue en trois régimes. Le vieillissement électrique critique de cet échantillon expliquerait la dégradation du rendement de l’application industrielle sur le long terme. En effet, le potentiel de surface de cet échantillon, suite à la dégradation de ses propriétés électriques, devient critique et comparable à celui du BN brut. Cela conforterait l’hypothèse de la dégradation préférentielle du dépôt d’alumine recuit en plus de la contamination de surface sous irradiation électronique. L’évolution de la cinétique de charge de rec-BN/Al2O3 a ensuite été étudiée en fonction du flux incident afin de mettre en évidence son effet sur ce vieillissement électrique. L’objectif suivant qui en a découlé a été de définir un modèle qui permette d’évaluer le temps critique à partir duquel les échantillons se dégraderaient au sein de l’application industrielle.

1,7 et 10 µA.cm-2 en plus de l’essai à 0,75 µA.cm-2 déjà analysé. Cette étude paramétrique approfondie en fonction du flux a été effectuée à 20 keV car le coefficient de vieillissement électrique est plus faible, comme analysé dans la section précédente. Par conséquent, l’incertitude liée à la détermination de tc et de α est plus faible. La Figure 77 représente l’évolution temporelle du potentiel de surface relatif par rapport à Vsp-e (potentiel de pseudo-équilibre) en fonction du flux incident utilisé. Une diminution brutale du potentiel de surface est observée au cours de chaque essai, après les deux premiers régimes. Par conséquent, ce phénomène de charge critique à partir d’un temps critique tc est reproductible. De plus, cette étude montre que la diminution de ce temps critique de vieillissement électrique semble être inversement proportionnelle au flux incident utilisé.

Figure 77 – Evolution temporelle du potentiel de surface (normalisé sur Vsp-e) d’échantillons de rec–BN/Al2O3 irradiés par différents flux d’électrons incidents (20 keV, faisceau focalisé, T°Camb)

Par conséquent, le flux incident influence la cinétique de détérioration de rec-BN/Al2O3. Le Tableau 10 fait figurer les valeurs de tc et de α20. Les valeurs expérimentales des temps critiques en fonction du flux incident ont été utilisées afin d’extraire une loi comportementale (spécifique à ces conditions d’irradiation) notamment afin de définir un modèle prédictif qui est détaillé dans le prochain axe (V.2).

-2 -1,5 -1 -0,5 0 1 10 100 1000 Vs n o rm al isé su r Vs p -e

Temps réel d'irradiation (min)

455 min

Tableau 10 – Valeurs expérimentales des temps critiques et des coefficients de vieillissement électrique en fonction du flux incident à 20 keV

Ji (µA.cm-2) 0,2 0,75 1,7 10

tc (heure) 7,63 2,28 1,08 0,23

α20 (s.V-1) 16 2,6 4,9 3,3

Si l’essai à 0,2 µA.cm-2 est négligé, les trois autres essais présentent des cinétiques de charges similaires et le α moyen est alors environ égal à 3,6 s.V-1 (écart type égal à ± 1,2 s.V-1). La valeur obtenue à 0,2 µA.cm-2 est fortement entachée d’incertitudes. En effet, les déstabilisations significatives du faisceau observées au cours de cet essai, conduisent à de fortes incertitudes sur la cinétique réelle de charge. Pour rappel, α10 est égal à 7,2 s.V-1. Ces essais effectués à 10 keV (0,75 µA.cm-2) et 20 keV (entre 0,75 et 10 µA.cm-2, soit un facteur d’accélération de l’ordre de 13 entre ces deux flux) confirment que la cinétique de charge élevée lors du régime critique, dépend de l’énergie incidente. De ce fait, en l’état, une approximation a dû être faite lors de la mise au point du modèle prédictif. Ce coefficient a alors été supposé égal à 72000/E0. Néanmoins, en raison du faible nombre d’essais réalisés, il serait hâtif de conclure que ce coefficient de vieillissement électrique ne dépend que de l’énergie incidente. De plus, le régime de charge critique du matériau vieilli est susceptible de dépendre de la RIC et donc du flux incident. Davantage d’essais en fonction de l’énergie incidente devront donc être réalisés au cours d’une étude future afin de confirmer son influence sur le régime critique. Cela permettra de déterminer plus précisément  puis d’affiner le modèle prédictif. La mise en évidence de cette influence de l’énergie sur l’évolution temporelle du Vs au cours du régime critique (contrairement aux régimes précédents) est majeure notamment pour des raisons industrielles. En effet, cela démontre que la tension accélératrice utilisée dans les applications industrielles est particulièrement problématique à partir de tc.

Ce temps critique (tc) correspond à une dose injectée dans rec-BN/Al2O3 à partir de laquelle son vieillissement électrique devient sévère. L’objectif a alors été de déterminer si la cinétique de charge en fonction de la dose est comparable, quel que soit le flux incident (proportionnel au débit de dose). L’évolution du potentiel de surface en fonction de la dose ionisante injectée au sein de rec-BN/Al2O3 a été déterminée et représentée dans la Figure 78.

Figure 78 – Evolution du potentiel de surface de rec–BN/Al2O3 en fonction de la dose ionisante injectée à E0 = 20 keV avec plusieurs flux incidents (l’encart représente cette évolution pour un flux de 10 µA.cm-2 au-delà

de 109 Gy)

Le dépôt d’alumine a une épaisseur hétérogène de 300 nm. De ce fait, la dose ionisante est majoritairement injectée dans le substrat en BN lorsque le faisceau incident à une énergie initiale (E0) de 20 keV, car la profondeur d’implantation est de  4,2 µm. De plus, la dose injectée dans le BN est supérieure à celle injectée dans l’alumine car la densité volumique du BN est inférieure. Les calculs de dose dans le dépôt et le substrat en fonction de l’énergie sont détaillés dans le chapitre II (II.1.4.1). La dose moyenne dans la profondeur d’implantation R(Ei) dépendante de l’énergie incidente (Ei = E0 + eVs) est alors donnée par :

𝐷 = 𝐽𝑖 𝑞𝑒× 𝑡 𝜌𝑚(𝐵𝑁)× 𝐸𝑖 𝑅(𝐸𝑖) (38)

Cette représentation de l’évolution du potentiel de surface en fonction de la dose met en évidence le vieillissement électrique de rec-BN/Al2O3 à partir d’une dose critique. Toutefois, les courbes ne se superposent pas. En effet, la dose critique augmente légèrement avec le flux (Tableau 11). -1500 -1300 -1100 -900 -700 -500 -300 -100

1,0E+07 1,0E+08 1,0E+09

Vs (V) Dose (Gy) BN 10 µA.cm-2 BN 1,7 µA.cm-2 BN 0,75 µA.cm-2 BN 0,2 µA.cm-2 -4000 -3000 -2000 -1000 0 1,0E+09 6,0E+09

Tableau 11 – Valeurs expérimentales des doses critiques de vieillissement électrique en fonction du flux incident à 20 keV

Ji (µA.cm-2) 0,2 0,75 1,7 10

Dc (Gy) 1,2.108 1,4.108 1,5.108 1,9.108

Cette augmentation de la dose critique avec le flux pourrait s’expliquer par l’effet de la conductivité induite sous irradiation. En effet, l’augmentation de la conductivité induite sous irradiation avec le flux induirait un léger retardement de l’augmentation critique du potentiel. Cette analyse confirme ainsi que le débit de dose et la dose affectent l’évolution du potentiel de charge de rec-BN/Al2O3 irradié sous fort flux électronique. L’encart de la Figure 78 montre que le potentiel de surface se stabilise à partir d’une dose supérieure à 5.109 Gy. Ce potentiel de surface à l’équilibre (Vs -3300 V) est davantage caractéristique du substrat de BN que de rec-BN/Al2O3 initial. Ceci suggère que le comportement en charge de ce système n’est plus régulé par le dépôt recuit d’alumine.

La remise sous air de ces échantillons permet de neutraliser la forte charge d’espace piégée suite au vieillissement électrique. Cependant, une seconde irradiation après vieillissement électrique (puis remise sous air - Figure 79) a montré que celui-ci est irréversible. En effet, le potentiel de surface atteint après les premières minutes de la seconde irradiation est de nouveau critique.

Figure 79 – Comparaison de l’évolution temporelle du potentiel de surface de rec–BN/Al2O3 irradié sous fort flux électronique (20 keV, 1,7 µA.cm-2, T°Camb, faisceau focalisé) avant (courbe violette) et après remise sous air

(courbe orange) -3000 -2500 -2000 -1500 -1000 -500 0 0 30 60 90 120 150 180 Vs (V )

Temps d’irradiation (min)

Seconde irradiation

Cette différence de cinétique de charge corrobore que le dépôt recuit d’alumine a été vieilli ou (et) contaminé. De plus, la cinétique de charge critique après remise sous air (seconde irradiation) est davantage comparable à celle du BN brut qu’à celle de rec-BN/Al2O3

(Figure 75). Cela souligne l’analyse précédente stipulant que le comportement en charge de rec-BN/Al2O3 n’est plus gouverné par le dépôt recuit d’alumine après qu’il ait reçu une dose ionisante critique.

V.1.4 Synthèse

Le vieillissement électrique de rec-BN/Al2O3 a été mis en évidence. La cinétique de charge critique (à partir d’une dose critique) dépend de l’énergie incidente des électrons. L’effet du flux sur le temps critique de vieillissement électrique a été démontré. A priori, tc

semblait être égal à l’inverse de Ji. Toutefois, la RIC a une influence sur l’évolution temporelle du Vs, ce qui entraîne une légère déviation de cette relation de proportionnalité.

Une analyse plus approfondie des temps critiques de vieillissement électrique en fonction du flux a donc dû être réalisée afin de mettre en évidence leur relation. Cela a également été nécessaire pour établir le modèle qui permette de prédire ce comportement électrique critique et permanent au sein de l’application industrielle.