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Influence de l’orientation des feuillets du substrat

III. ETUDE DE L’INFLUENCE D’UN DEPOT D’ALUMINE ET D’UN TRAITEMENT THERMIQUE SUR LE

III.2 Caractérisation du transport de charges au sein des céramiques irradiées

III.2.1 Etude du comportement électrique du nitrure de bore brut

III.2.1.2 Influence de l’orientation des feuillets du substrat

Le partenaire industriel utilise au sein de son application électronique, un BN dont la configuration des feuillets (Figure 35 - c) est comparable à celle de BNpara(Figure 35 - b). Le but a donc été de vérifier que la conductivité apparente de ce matériau n’était pas inférieure à celle de BNperp, car cela favoriserait sa charge, ce qui est néfaste au rendement de l’application sur le long terme. BNperp et BNpara, ont alors été irradiés durant 30 minutes dans les mêmes conditions afin de comparer leurs cinétiques de charge et de relaxation. Pour cela, un faisceau électronique ayant une énergie de 10 keV, une densité de 100 pA.cm-2 et un diamètre (Dfaisceau) supérieur à 5 cm, a été calibré. Le faisceau a été défocalisé pour irradier l’intégralité de la surface de chaque matériau, de manière à comparer leur conductivité apparente, c’est-à-dire la somme de leur conductivité induite sous irradiation en surface (<  1 µm de profondeur –

II.1.4.1) et leur conductivité intrinsèque de surface et de volume. Plusieurs échantillons de BNpara ont été assemblés afin d’augmenter la surface d’analyse (lech > 1,5 cm), ce qui permet d’obtenir une faible incertitude absolue liée à la sonde. Les échantillons ont été installés suivant la même configuration géométrique (Figure 39), c’est-à-dire avec les mêmes tenants métalliques positionnés à la même distance dans les deux cas, de telle sorte à limiter les effets du champ électrique latéral.

Figure 39 – Photographie de la configuration géométrique standard d’irradiation avec un échantillon BNperp

La Figure 40 représente l’évolution temporelle du potentiel de surface de BNperp et BNpara en phase de charge et de relaxation. Ces deux matériaux ont une cinétique de charge élevée aux temps courts (> 1000 V/min en moins de 3 minutes). Leur potentiel de surface à l’équilibre (Vséq) est atteint en moins de 25 min. Le Vséq de BNperp et de BNpara sont respectivement égaux à -4625 V et -4455 V. Par conséquent, l’écart relatif entre leur Vséq est inférieur à 3,7 % (en incluant l’incertitude relative totale liée à la mesure). Concernant la phase de relaxation, c’est à dire après coupure de l’irradiation, leur cinétique de relaxation est comparable et extrêmement faible (< 1 V/min).

Figure 40 – Evolution temporelle du potentiel de surface de BNperp et de BNpara lors de leur irradiation (10 keV, 100 pA.cm-2, T°Camb) puis de leur relaxation – (encart) ajustement Vs(t +dt)

BNpara BNperp Irradiation Relaxation -5000 -4500 -4000 -3500 -3000 -2500 -2000 -1500 -1000 -500 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Po ten ti e l d e s u rfa ce ( V ) Temps (min) -5000 -4000 -3000 -2000 -1000 0 0 10 20 30 40

Le second point de cross-over de ces deux substrats peut être défini approximativement (en supposant que le courant de fuite est nul) avec le potentiel de surface en régime d’équilibre [JBARA et al. 2001]. En supposant que le Vséq ( -4,5 kV, Figure 40) de ces substrats de BN est limité uniquement par l’émission électronique, Ec2 (= E0 + eVséq) serait environ égal à 5,5 keV. Ce second point de cross-over serait bien supérieur au E2 reporté dans la littérature [SHERSTNYOV et al. 1969] (où  = 1 pour E2  3 keV). En d’autre terme, dans ces conditions d’irradiation, un Vséq théorique supérieur à  -7 kV [ie 10 keV - 3 keV] (au lieu de -4,5 kV) devrait être attendu une fois le régime stationnaire atteint (si  = 1). Ces différences sur les valeurs de Ec2 sont vraisemblablement dues à la présence d’un courant de fuite dans le cas de cette étude. A l’équilibre la formule suivante est alors obtenue :

1 = é𝑞+𝐼𝐿

𝐼𝑖 (30)

éq est le rendement d’émission total (éq + éq) à l’équilibre, tandis que IL (=Vs/R) et Ii

sont respectivement les courants de fuite et incident (I.3). Le rendement d’émission rétrodiffusée est négligeable devant le rendement d’émission secondaire. En effet,  augmente lorsque l’énergie incidente diminue au cours de la charge (Ei = E0 + eVs) et il est nettement supérieur à  dans cette gamme d’énergie. Le rendement d’émission secondaire de BN a alors été évalué à partir du modèle d’ajustement numérique Vs(t+dt) puis du modèle empirique d’Agarwal [AGARWAL 1958] (modèles décrits dans II.1.4.3). Pour rappel, l’ajustement numérique du profil expérimental de charge permet d’évaluer la conductivité et les paramètres (m, Em et ) utilisés dans le modèle d’Agarwal pour tracer approximativement la courbe de rendement d’émission secondaire. L’analyse de la charge de BNpara par cette méthode d’ajustement a alors été effectuée. Cet ajustement numérique de Vs(t+dt) sur Vs = f(t) est illustré dans l’encart de la Figure 40. Une conductivité environ égale à 1.10-13

S.m-1 a été déterminée. Les valeurs des paramètres m, Em et  qui ont été évalués, sont reportées dans le Tableau 5. La Figure 41 représente l’évolution du rendement d’émission secondaire en fonction de l’énergie incidente, qui a été tracée à partir de ces paramètres grâce au modèle d’Agarwal.

Tableau 5 – Paramètres déterminés à partir de l’ajustement numérique et du modèle d’Agarwal

(S.m-1) m Em (keV) Ec2 (keV)

La courbe de rendement d’émission est rationnelle (pour   1.10-13

S.m-1) et la valeur de Ec2 (2,6 keV) est inférieure à la valeur de E2 reportée dans la littérature [SHERSTNYOV et al. 1969], ce qui est cohérent. Le rendement d’émission à l’équilibre (Ei 5.,5 keV) est environ égal à 0,86, ce qui permet de déduire que le flux de fuite (JL = .Ji (1 - ).Ji) est approximativement égal à 15 pA.cm-2. La Figure 41 montre que le rendement d’émission secondaire initial (c’est-à-dire à E0 = 10 keV) est égal à 0,75. Le rendement d’émission n’est donc pas négligeable. Le profil de charge de BNperp a également été analysé afin de comparer sa conductivité à celle de BNpara. L’ajustement numérique a donc été réalisé en supposant que le rendement d’émission de BNperp est similaire à celui de BNpara

en raison de leur traitement d’usinage qui uniformise la surface de ce matériau (III.2.1.1). La conductivité de BNperp qui a été évaluée à partir des mêmes paramètres m (1,09), Em (0,3 eV) et  (0,7) est égale à 8,5.10-14 S.m-1. Leur conductivité apparente est donc comparable.

Figure 41 – Estimation (modèle d’Agarwal) du rendement d’émission secondaire de BNpara irradié en continu, en fonction de l’énergie des électrons incidents (avec  1.10-13 S.m-1)

Il est toutefois important de noter que la conductivité intrinsèque du BN qui a été déterminée (voir plus loin en section III.2.2.1) est environ 1000 fois plus faible. Cela suggère que la conductivité induite sous irradiation (RIC) n’est pas négligeable car la conductivité augmente sous irradiation. Cela permet également d’avancer que la RIC devient négligeable dès la coupure de l’irradiation. Le BN ne semble donc pas être sujet à la conductivité rémanente induite sous irradiation (DRIC). Après l’arrêt de l’irradiation, la faible cinétique de relaxation (constante de temps élevée) se traduit effectivement par une faible conductivité intrinsèque de ces substrats de BN. Les charges injectées semblent alors être fortement

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

localisées dans des pièges profonds en énergie correspondants à des défauts ponctuels [ANDREI et al. 1976, KATZIR et al. 1975] (III.2.3). L’orientation des feuillets de BNperp et de BNpara n’influence pas l’écoulement des charges, ni en surface, ni en volume (dans ces conditions d’irradiation) malgré le fort caractère anisotropique de leur structure.

L’une des hypothèses qui permet d’expliquer cette similitude de conductivité apparente entre BNperp et de BNpara, est la modification de l’état de surface par le traitement mécanique industriel (fraisage). L’analyse de structure réalisée précédemment a mis en évidence que l’anisotropie du matériau est altérée par l’écrasement des feuillets et qu’une rugosité non négligeable est occasionnée. Le potentiel de surface à l’équilibre de BNperp et BNpara semble être régulé par les mécanismes d’émission électronique et de conduction qui sont identiques pour ces deux configurations de céramiques. A ce stade de l’étude, une rugosité aussi élevée ( 1 µm) semble donc uniformiser les comportements en charge (sous irradiation électronique) et en relaxation. De ce fait, le traitement mécanique industriel appliqué à ces matériaux avant dépôt ou avant utilisation en application spatiale (dans le cas de BN brut), endommage considérablement la surface du matériau, ce qui conduit à une altération de ses propriétés physico-chimiques.

A l’échelle microscopique, des états de pièges localisés et profonds sont générés à la surface du matériau par la contrainte mécanique appliquée. Des procédés d’usure douce sont susceptibles de créer de nombreuses dislocations (déformations plastiques) dans les céramiques, comme dans le cas de l’alumine [HOCKEY 1971]. Des lacunes et des interstitiels peuvent également être générés [VALLAYER 1999]. En pire cas, c’est-à-dire en usure sévère, Trabelsi a mis en évidence l’explosion de joints de grains au sein de l’alumine, par microscopie électronique à transmission [TRABELSI 1988]. Ces défauts issus du traitement mécanique participent avec ceux initialement présents dans le matériau, au piégeage ou la localisation des porteurs de charges. Par conséquent, la conductivité totale du BN usiné par l’industriel qui a été irradié avec un faisceau électronique d’énergie égale à 10 keV, est faible quelle que soit l’orientation de ses feuillets anisotropes. Des défauts électroniques profonds sont susceptibles de localiser les charges implantées dans le volume accidenté dont l’anisotropie a été altérée. De plus, un état de surface irrégulier et abimé ayant une rugosité supérieure à 1 µm, est problématique pour réaliser des dépôts homogènes, lisses et adhérents, dans le cas de l’élaboration industrielle de revêtements d’alumine dont l’épaisseur est de 300 nm. Cet aspect sera abordé dans la section III.2.2.

Le choix industriel d’utiliser le BNen configuration parallèle par rapport au faisceau a ainsi été validé étant donné la similitude de ses propriétés électriques vis-à-vis de celles de BNperp. Les essais expérimentaux suivants ont alors été réalisés avec ce substrat afin de se rapprocher des conditions d’essai de l’application industrielle. L’influence de la température (300 °C) sur l’évolution temporelle du potentiel de surface de ce matériau brut (référence) a notamment été étudiée.