• Aucun résultat trouvé

Évaluer la compétence à communiquer langagièrement

4. Une évaluation dite « alternative »

4.3. Les difficultés rencontrées

Il ressort de ce type de grilles quelques diffi cultés :

– l’évaluation, en compétence orale, ne permet pas une écoute active du jeu. Il semble indispensable d’avoir recours à une caméra pour fi lmer le jeu avant de l’évaluer. Or, il peut être soit techniquement diffi cile soit déstabilisant pour l’apprenant de recourir à une caméra dans une salle de classe.

– le nombre de critères étant élevé, il faut du temps à l’enseignant pour bien évaluer.

– l’apprenant n’est pas en situation communicative de face à face. Lorsqu’il échange uniquement avec l’enseignant lors d’une évaluation de type DELF, celui-ci peut reformuler ses questions si elles demeurent incom-prises, orienter son échange verbal si celui-ci semble trop éloigné de

la réalité de l’apprenant, mesurer le niveau langagier de l’apprenant et faire en sorte de s’y adapter rapidement. Lors du jeu ou de l’improvisa-tion en groupe, les apprenants ne sont pas toujours en mesure d’être guidés ou accompagnés aussi facilement. Leur jeu et échange langagier dépend invariablement de leur(s) partenaire(s), de sa qualité de jeu, de ses connaissances et compétences langagières.

– une autre diffi culté réside dans la subjectivité liée à l’évaluation de l’oral.

Si nous prônons l’idée que la subjectivité est inévitablement présente dans tout processus d’évaluation et qu’elle est nécessaire pour parler de processus d’évaluation, il reste que, en ce qui concerne la pratique théâtrale, un apprenant peut avoir un excellent sens de créativité et un jeu fort constructif, tout en ayant des connaissances linguistiques assez réduites. Le choix des critères retenus peut, de ce fait, paraître trop paralinguistiques.

5. Conclusion

Envisager une compétence à communiquer langagièrement n’est-ce pas se donner comme objectif communicatif de réfl échir à l’expression par la mise en place de situations qui contribueraient à la susciter ? L’expérience menée et la méthode choisie soutiennent que la pratique théâtrale invite à la recherche de nouvelles compétences. Elle donne à l’apprenant une chance de décou-vrir la langue à travers le langage en prenant conscience de sa voix, de son corps et aussi de la multiplicité des ressources qui existent au cours d’un acte communicatif : la présence, l’engagement, l’attitude, la demande de pré-cisions, le geste et enfi n…l’autre. Si, encore aujourd’hui, ce type d’activités semble atypique, marginal ou laissé pour compte, l’apprenant, engagé en tant qu’acteur dans la construction de l’acte communicatif en contexte, apprend à reconnaître ses capacités, à les faire mûrir afi n de mieux communiquer ou encore de communiquer autrement.

Pouvoir juger de la qualité d’une « performance » en langue étrangère – rappelons qu’en anglais, « to perform » signifi e la réalisation d’un spectacle ou d’une action – implique une réfl exion poussée sur l’aspect pragmatique de la langue et la défi nition de critères d’évaluation. L’évaluation « alternative » suppose de la part des enseignants et des décideurs un changement fonda-mental de la culture d’évaluation mais aussi de la réfl exion sur la compétence de communication langagière en langue étrangère. Si ce type d’évaluation semble aujourd’hui indispensable dans une démarche actionnelle, elle néces-site un œil attentif et habitué à de nouveaux objectifs. Elle implique une connaissance de la pratique orale et suppose, dès lors, une formation. Elle agit pour redonner à la communication une visée sociale, un contexte et une dimension multicanale. Elle peut donc sembler compliquée ou irréalisable.

Les évaluations menées en classe d’expression théâtrale en sont d’ailleurs la

preuve. Cependant, elles ont le mérite de faire avancer d’un pas la réfl exion sur l’évaluation en interaction orale.

Références bibliographiques

Busson, Véronique (1993), « Utiliser l’improvisation contextualisée », Le français dans le monde, n° 256, avril, pp. 55-59.

Canale, Michael & Merrill, Swain (1980), « Theoretical Bases of Communicative Approaches to Second Language Teaching and Testing », Applied Linguistics, 1, pp. 1-47.

Caré, Jean-Marc (1999), « Les bienfaits de l’improvisation, Fiche pédagogique », Le fran-çais dans le monde, n° 305, juillet-août, pp. 21-22.

Chomsky, Noam (1971), Aspects de la théorie syntaxique, Seuil : Paris.

Conseil de l’Europe (2001), Cadre européen commun de référence pour les langues, Paris : Didier.

Goffman, Erving (1991), Les cadres de l’expérience, Paris : Editions de Minuit. Traduction de Frame Analysis (Isaac Joseph, éd. Originale, 1974, Harper & Row, New York).

Huver, Emmanuelle, Springer, Claude (2011), L’évaluation en langues, Paris : Didier.

Hymes, Dell (1984), Vers la compétence de communication, Paris : Hatier/Didier.

Le Boterf, Guy (1994), De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Paris : Les Éditions d’organisation.

Le Cam-Cocton, Marie-Noëlle (2007), L’improvisation contextualisée en classe de FLE. Le cas d’apprenants japonais, Thèse pour le doctorat, Université de Nantes.

Moirand, Sophie (1982), Enseigner à communiquer en langue étrangère, Paris : Hachette.

Perrenoud, Philippe (2000), « Compétences, langage et communication », Texte d’une confé-rence au Colloque Le développement des compétences en didactique des langues romanes, Louvain-la-Neuve, 27-23 janvier 2000.

Puren, Christian (2002), « Perspectives actionnelles et perspectives culturelles en didac-tique des langues cultures : vers une perspective co-actionnelle-co-culturelle », Les Langues modernes, août-septembre-octobre, pp. 55-71.

Tabensky, Alexis (1997), Spontanéité et interaction : le jeu de rôle dans l’enseignement des lan-gues étrangères, Paris : L’Harmattan.

Winkin, Yves (1981), La nouvelle communication, Paris : Le Seuil.

Annexe 1

Grille d’évaluation pour l’enseignant-spectateur

Évaluation du joueur / de l’apprenant / de l’acteur pour une improvisation contextualisée d’une durée moyenne de 5 à 10 minutes.

Critères d’évaluation Intensité Du – au +

L’improvisation (le joueur)

Engagement du joueur dans le jeu / personnage 1. Il prend l’initiative du début ou la fi n du jeu 2. Il prend l’initiative de nouveaux thèmes 3. Il tient compte du dire d’autrui

Spontanéité du joueur 4. Il répond immédiatement

5. Il donne de la cohérence à l’inattendu

6. Il alimente le scénario facilement (par des gestes, des actions ou des énoncés)

Créativité du joueur

7. Son rôle est construit de façon créative 8. Son jeu ou son rôle est culturellement adapté 9. Il alimente le scénario par des nouveautés

1 2 3 4

10. Il mobilise ses connaissances linguistiques 11. Il produit des énoncés cohérents

11. Il mobilise ses connaissances culturelles 12. Il produit beaucoup d’énoncés

13. Il fait preuve de créativité lexicale 14. Il s’autocorrige

17. Il utilise effi cacement l’espace

18. Il utilise effi cacement son corps pour le rôle 19. Il adopte une intensité de voix et une intonation

pour son rôle.

Après un tour d’horizon des différentes théories qui ont travaillé les notions de progression et de compétence en FLE notamment, notre travail se focalise sur la progression de la com-pétence socio-langagière dans deux manuels de FLE, Alter Ego 2 (A2-B1) et Festival 2.

Notre étude est basée sur un corpus décrit puis commenté dans notre deuxième section, section qui met au jour des incertitudes quant à l’hétérogénéité du matériau proposé et donc quant au manque de progression dans l’apprentissage de ces expressions. Nous faisons dans notre dernière partie des propositions concernant l’organisation des données selon une progression sociolinguistique, pragmatique et syntaxique de la matière socio-langagière à enseigner afi n de faciliter l’enseignement de ces expressions.

1. Introduction

Les notions de « compétence » et de « progression » sont fondamentales à tout enseignement et à tout apprentissage. De la notion de progression découlent les décisions des méthodologues; de la notion de compétence découle la mise en place de l’évaluation sur laquelle repose le système éducatif déterminant le succès ou l’échec des apprenants. Cependant si défi nir la progression semble nécessaire, elle reste un horizon, qui recule au fur et à mesure des débats qui essayent de la défi nir (Besse & Porquier 1991). De même la compétence a connu bien des défi nitions, de Chomsky à Hymes, pour nous limiter aux deux courants les plus connus et les plus opposés (Cuq 2003 : 205). Après un rapide tour d’horizon de ces débats dans notre première section, notre travail se focalise sur la progression de la compétence socio-culturelle dans deux manuels de FLE précis, à travers la présentation des éléments appelés

‘sociolangagiers’ pour rependre le lexique des manuels qui sont l’objet de cette étude. Un relevé exhaustif des formes socio-langagières dans Alter Ego 2 (A2-B1) et Festival 2 ayant été fait, ce corpus est décrit puis commenté dans notre deuxième section : des questions concernant l’organisation des données selon une progression sociolinguistique, pragmatique et syntaxique et « la mise en ordre des contenus à enseigner » (Galisson & Coste 1976), FABIENNE BAIDER

Université de Chypre – Chypre

EFI LAMPROU

Université de Chypre – Chypre

Compétence interculturelle et apprentissage