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Les compétences pour l’éducation – avantages et limites

Génération numérique en classe de langues

2. Les compétences pour l’éducation – avantages et limites

Dans ce monde de grands changements, des tendances, des directions se profi lent nettement. Nous pouvons observer que le monde de l’éducation est de plus en plus souvent lié au monde économique et devient « une entre-prise éducative » avec tous les instruments et descriptifs propres à ce type d’organisation. Le langage suit, et, parmi les mots le plus souvent utilisés, le mot compétences (au pluriel) relève presque de l’abus. Comme ce mot est devenu « passe-partout » dans plusieurs domaines, il est abondamment utilisé dans les discours des politiciens, des responsables de l’éducation et des chercheurs. Commençons par les défi nitions qui lui sont données pour ensuite aborder le sujet des compétences clés et de leurs implications en didactique des langues. Selon le Larousse, la compétence est l’« ensemble des dispositions, capacités, aptitudes spécifi ques qui permettent à tout sujet parlant une langue de la maîtriser, et qu’il met en œuvre à l’occasion de ses actes de parole effectifs dans des situations concrètes (ce qui constitue la performance). »

La notion de compétence(s) dans l’éducation provient du monde de tra-vail. La zone dans laquelle elle est fortement présente est la gestion et la compétitivité économique. Guy de Boterf, reconnu comme l’un des meilleurs experts de la gestion et du développement des compétences et des parcours de professionnalisation, la décrit comme « la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donné » (Le Boterf 1997 : 210) et « savoir-faire en situation » (Le Boterf 2002 : 1). Il mentionne qu’un employé en contexte de travail isolé doit « savoir exécuter, prescrire et appli-quer des instructions » (ibid., 3), et, dans un contexte de travail polyvalent,

« savoir réagir en situation », « savoir quoi faire » et aller au-delà de ce qui est prescrit. Le Boterf (2002 : 3) écrit encore que

« pour agir avec compétence, un employé devra de plus en plus combiner et mobiliser non seulement ses propres ressources (connaissances, savoir-faire, qualités, culture, expériences ...), mais également des ressources de son environnement (réseaux professionnels, collègues, réseaux documentaires, banques de données, manuels de procédures...) ».

Ces idées et ce type de discours se retrouvent de plus en plus souvent aussi dans les discours des gestionnaires de l’éducation – il suffi t de remplacer le mot « employé » par « apprenant », car, à partir des années 90, le monde du travail a commencé à s’intéresser à l’éducation. Nombreux sont les projets qui relient l’économie et l’éducation, et c’est l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (l’OCDE) qui gère ceux concernant la « qua-lité de l’éducation » comme par exemple l’enquête de PISA. Ce programme international lancé en 1997 par les pays membres de l’OCDE a pour « but de déterminer dans quelle mesure les élèves qui approchent du terme de leur

scolarité obligatoire possèdent les savoirs et les savoir-faire indispensables pour participer à la vie de la société. » Cette enquête fait trembler les sys-tèmes éducatifs de certains pays membres qui veulent que les élèves aient les meilleurs résultats possibles dans ces épreuves. Nous avons pu l’observer en Pologne où les apprenants ont obtenu un score assez faible aux épreuves de PISA en 2000. Après les changements effectués dans le système scolaire, les jeunes Polonais quelques années plus tard, en 2009 ont obtenu de meilleurs résultats en lecture car le système les avait préparés et entraînés à ce type d’épreuves. Ils ont progressé de 21 points dans l’échelle compétitive, obte-nant de meilleurs résultats que les jeunes Français, qui d’après les enquêtes, par exemple, lisent plus4.

La notion des compétences prend l’ampleur en 2005 quand l’OCDE publie la liste des compétences clés. Suite à cette publication le Parlement européen et le Conseil de l’Europe ont publié en 2005 la recommandation 2006/962/CE sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, qui est entrée en vigueur le 18 décembre 2006 (Journal offi ciel L 394 du 30.12.2006) et qui a été rédigée comme l’indique son pre-mier paragraphe comme une « réponse de l’Europe à la mondialisation et à l’évolution vers des économies basées sur la connaissance ». Elle indique aux pays membres quelles compétences il faut développer. Les signateurs recommandent que

« les États membres intègrent les compétences-clés pour tous dans leurs stratégies d’éducation et de formation tout au long de la vie, y compris dans leurs stratégies en faveur de l’alphabétisation pour tous, et qu’ils utilisent les « Compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie — Un cadre de référence européen ».

Ce cadre de référence décrit huit compétences clés : la communication dans la langue maternelle, la communication en langues étrangères, la compétence mathématique et les compétences de base en sciences et technologies, la compétence numérique, l’apprendre à apprendre, les compétences sociales et civiques, l’esprit d’initiative et d’entreprise et la sensibilité et expression culturelle5. Quatre de ces compétences sont primordiales pour l’enseignement effi cace des langues : la communication en langues étrangères, la compétence numérique, l’apprendre à apprendre et la sensibilité et expression culturelle.

Il est certainement plus facile de défi nir ces compétences que de les intro-duire dans la pratique scolaire – cela sera le sujet des passages suivants.

4 Les rapports complets des résultats des épreuves sont disponibles sur le site : http://

www.oecd.org/document/0/0,3746,en_32252351_32235731_38378880_1_1_1_1,00.html

5 Recommandation 2006/962/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie [Journal offi ciel L 394 du 30.12.2006] http ://europa.eu/legislation_summaries/educa-tion_training_youth/lifelong_learning/c11090_fr.htm

Cette approche par compétences a ses avantages et ses limites. Avantages car elle nous permet de parler la même langue, de nous comprendre plus facilement. Un autre avantage, comme le disait déjà Pernaud (2000), est qu’elle représente

« une forme de reconnaissance du travail réel et de son écart au travail prescrit, une prise de conscience du fait que si les opérateurs les moins qualifi és ne manifestaient pas au travail intelligence, créativité et autonomie, la production serait compromise. » Pernaud (2000), dans le même texte souligne aussi un autre avantage de cette notion :

« l’approche par compétences transforme une partie des savoirs disciplinaires en ressources pour résoudre des problèmes, réaliser des projets, prendre des déci-sions. Cela pourrait offrir une entrée privilégiée dans l’univers des savoirs : plutôt que d’assimiler sans répit des connaissances en acceptant de croire qu’ils «  com-prendront plus tard à quoi elles servent », les élèves verraient immédiatement les connaissances comme bases conceptuelles et théoriques d’une action complexe, ou comme des savoirs procéduraux (méthodes et techniques) guidant cette action. » Mais ce système basé sur les compétences n’est pas sans risque. Certaines applications peuvent sous-estimer le savoir au profi t des savoir-faire, d’autres peuvent nier l’autonomie qui peut être limitée à l’application des grilles de compétences, car l’autonomie souvent n’est estimée ni par les élèves ni par les enseignants. Pernaud (ibid.) nous met en garde aussi dans le contexte curriculaire ou

« ce qu’on appelle «approche par compétences» se limite souvent, dans les réformes curriculaires en cours, à mettre l’accent sur les capacités, disciplinaires ou transver-sales. Il n’y a pas alors développement de véritables compétences. »

Un autre problème est que les enseignants ne sont pas préparés aux chan-gements et, préférant rester dans le système connu, ne les appliquent pas véritablement, car cela demande une remise en question de leurs méthodes de travail, mais aussi de leurs attitudes. Nous observons le même phénomène avec l’introduction des nouvelles technologies en classe. Les enseignants en grand nombre restent conservateurs dans leurs approches. Les nouveaux médias demandent de redéfi nir leur rôle dans le processus d’apprentissage ou ils ne sont plus les uniques “traiteurs de savoir”. Nullement préparés pour ces changements, ils ne savent pas, non plus, comment évaluer certaines compétences et font semblant d’introduire ces nouvelles démarches, mais de façon très superfi cielle, ce qui, ensuite, infl uence négativement l’évaluation de l’effi cacité du nouveau système.

3. Approche par compétences en didactique des langues