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Les débuts de la communauté de Saint-Riquier

Riquier, le saint fondateur de l’abbaye

B. Les débuts de la communauté de Saint-Riquier

Alors que la Vie de Riquier réécrite par Alcuin parle très peu des premiers compagnons de Riquier, Hariulf se montre plus loquace à leur sujet dans le chapitre XV du livre I :

Ce lieu, conservé par Dieu, perdure brillant jusqu’à aujourd’hui à Centule et contient une foule de serviteurs dévoués au Christ Seigneur. Et alors qu’il accomplissait cela, dans la mesure où cela plaisait à sa très sainte volonté, et qu’il cherchait non la grandeur des édifices ou la beauté des habitations mais le salut des âmes et la sainteté des mœurs honnêtes, il rassembla en ce lieu des frères, des habitants de la région pour quelques-uns ainsi que des hommes qu’il avait libérés, qui essayaient assurément d’imiter sa sainteté. En dissipant leurs vies et en dénonçant leurs mœurs, il leur enseignait par l’exemple plus que par la parole, en les dirigeant avec le titre d’abbé, à tendre des profondeurs vers les hauteurs et des choses terrestres vers les choses célestes109.

108 Il est toutefois difficile de trouver des preuves venant à l’appui de cette hypothèse. Dans l’inventaire des actes conservés à l’abbaye en 1098 (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 316), on trouve un acte intitulé Item aliud cum Vermondo de Altovillari mais qui remonte à l’abbatiat d’Enguerrand (vers 1015-1045) et qui est aujourd’hui perdu puisqu’Hariulf ne l’a pas recopié dans sa chronique. En outre, dans le chapitre XXI du livre IV, Hariulf recopie un acte datant de 1046 par lequel l’abbé Gervin (1045-1071) renouvelle et étend la cession en mainferme faite au vir fidelis Agenardus de plusieurs domaines, dont Rebellismons et Valerias, contre un cens annuel de 4 sous (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 233-234) mais on ne peut pas vraiment y voir une menace planant sur ces deux domaines.

109 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 25 : Qui locus, Deo conservante, clarus adhuc in villa Centula permanet, et Christo Domino famulantium hactenus turbam retentat. Igitur cum hoc perfecisset, prout sanctissimae ejus voluntati complacuit, quae non amplitudinem aedificiorum, aut venustatem tectorum, sed salutem animarum, et sanctitatem quaerebat morum honestorum, ex provincialibus aliquos, et ex his quos

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Ces hommes auraient donc été, comme Riquier, d’origine plutôt modeste. Cependant, comme pour ce dernier, Hariulf corrige juste après ce qui lui semble être un défaut en insistant sur l’attraction exercée par Riquier sur les nobles : Et de nombreux nobles français, s’attachant à sa bonté, suivaient aussitôt les chemins de la vie110. On retrouve cette même attraction à plusieurs reprises dans le livre I, ainsi au début du chapitre XVIII, avant l’épisode de la venue de Dagobert à Centula :

Par conséquent, la réputation de tant de bienfaits ne resta pas cachée mais, par la volonté de Dieu qui glorifie ceux qui le glorifient, la bonne odeur de sa sainteté se répandit dans toutes les contrées voisines, si bien qu’elle fut connue des puissants du royaume et des grands et que cette réputation admirable poussa le roi Dagobert lui-même à venir le voir111.

Ou encore au début du chapitre XIX, avant que Riquier n’exprime le souhait de se retirer en ermite : Et les princes de toute dignité, imitant l’exemple des rois, s’appliquaient à l’envi à profiter des bénédictions du saint homme112. Rappelons enfin qu’Hariulf met aussi en avant, dans le chapitre XX, la noblesse de Sigobard, le disciple de Riquier dans la forêt de Crécy. Derrière cette insistance d’Hariulf, il faut peut-être voir à nouveau l’influence de la Vie de Colomban, dans laquelle Jonas de Bobbio affirme que beaucoup de nobles devinrent moines à l’abbaye de Luxeuil113, ou alors celle de la Vie de Philibert, également utilisée par Hariulf114, dans laquelle il est dit que de nombreux nobles et puissants devinrent moines à Jumièges115. Dans tous les cas, il est clair qu’Hariulf insiste sur la noblesse de Riquier ainsi

redemptos fecerat liberos, qui scilicet sanctitatem ejus certius aemulabantur, inibi fratres collocavit. Quorum vitas discutiens moresque corripiens, de imis ad alta, de terrenis ad caelestia, plus exemplo quam verbo tendere perdocebat, praesidendo eis jure abbatis.

110 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 25 : Multi quoque nobilium Franciscorum, ejus adhaerentes bonitati, semitas vitae jugiter carpebant.

111 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 29 : Tantorum igitur bonorum fama non latuit, sed, Deo volente, qui glorificantes se glorificat, cunctas partes finitimas sanctitatis ejus odor bonus respersit in tantum, ut ipsos optimates regni et proceres non lateret, regem quoque ipsum Dagobertum ad visendum eum mira opinio provocaret.

112 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 31 : Exemplum nempe regium quarumcunque dignitatum principes imitantes, sancti viri benedictionibus certatim perfrui constudebant.

113 Jonas de Bobbio, Vitae Columbani abbatis discipulorumque eius, éd. B. Krusch, c. 10, p. 169-170 ; Id., Vie de saint Colomban et de ses disciples, trad. A. de Vogüé, p. 119.

114 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 41-43. 115 Vita Filiberti, c. 22, p. 595.

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que sur celle de ses premiers compagnons, en lesquels il voyait manifestement des moines, dans le but de mieux valoriser l’abbaye116.

Dans le chapitre XIX du livre I, Hariulf raconte comment Riquier, avant de se retirer en ermite dans la forêt de Crécy, nomma son successeur à la tête de l’abbaye qu’il avait fondée à Centula :

Mais parce que l’église qu’il avait fondée à Centule ne devait ni ne pouvait rester sans abbé, en se déchargeant de cette fonction, il désigna comme abbé dudit monastère un de ses disciples à la sainteté parfaite et éprouvée nommé Ocioald117.

Cette phrase confirme le fait qu’Hariulf emploie les mots « église » et « monastère » comme des synonymes du mot « abbaye » et que le lieu de culte fondé par Riquier à Centula fut pour lui une abbaye dès ses origines. Par ailleurs, on remarque qu’Hariulf ne fait aucun commentaire au sujet de la façon dont Ocioald a été désigné alors que, selon le chapitre 64 de la règle bénédictine, l’abbé doit être élu par les moines118. Selon Jean-François Lemarignier, la pratique de la désignation par l’abbé de son successeur provient uniquement de la règle colombanienne119 mais, comme l’indique Adalbert de Vogüé, on la trouve aussi dans la règle du Maître120.

Dans le chapitre XXIII du livre I, Hariulf explique qu’Ocioald procéda, quelques mois après la mort de Riquier, au retour de son corps à Centula :

Et ainsi, il n’était pas permis que le bienheureux Riquier, parce qu’il s’était révélé très brillant parmi nos compatriotes de par son origine très remarquable et de par sa sainteté éminente, demeure longtemps en ce lieu où il s’était retiré à cause de son chemin peu fréquenté et de sa vie plus à l’écart. La gemme du corps vénérable du

116 T. Evergates évoque également cette tendance d’Hariulf à ennoblir Riquier, ses abbés et, en définitive, l’abbaye elle-même (« Historiography and Sociology in Early Feudal Society », p. 46-47). De même, E. Warlop souligne le fait qu’Hariulf, dans la Vie d’Arnoul de Soissons qu’il a achevée en 1114 et complétée en 1119/1120, emploie très souvent le mot nobilis ou des expressions dérivées de celui-ci (The Flemish Nobility before 1300, tome 1, p. 60 et 102-103).

117 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 31 : Verum quia ecclesia in Centulo exstructa absque abbate nec debebat esse nec poterat, hoc officio sese exonerans, unum e discipulis perfectae ac probatae sanctitatis, nomine Ocioaldum, jam dicto coenobio praefecit abbatem.

118 Benoît de Nursie, La Règle de S. Benoît, éd. et trad. A. de Vogüé et J. Neufville, tome 2, c. 64, p. 648-653. 119 J.-F. Lemarignier, « Jumièges et le monachisme occidental », p. 755.

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saint reposa cependant dans son sarcophage de bois durant cinq mois et douze jours, c’est-à-dire du VI des calendes de mai jusqu’au VII des ides d’octobre : à ce moment en effet, les frères du monastère de Centule que le saint avait lui-même fondé, comme il a été dit plus haut, vinrent avec leur abbé Ocioald, homme religieux et successeur du saint, et levèrent le corps vénérable de leur père bien-aimé, exempt de toute trace de corruption, de même qu’il avait possédé un cœur propre et exempt de tout amour du monde. Avec la révérence due à un tel confesseur, plaçant avec une grande dévotion sur leurs épaules la glèbe, plus précieuse que tout or, précédés et suivis par une foule de religieux et de gens du peuple, ils la transportèrent à Centule de telle sorte que celle-ci se réjouissait d’être le lieu de naissance du saint homme et désormais d’être ornée par sa sépulture. Riquier, ami du Christ et glorieux confesseur, fut donc enterré le VII des ides d’octobre dans son église qu’il avait fondée en l’honneur de Notre Dame, Marie, la sainte Mère de Dieu : en ce lieu se trouve aujourd’hui, du côté de sa tête, l’autel du bienheureux Pierre, prince des apôtres121.

Avec le 26 avril (le VI des calendes de mai), jour du décès de Riquier, le 9 octobre (le VII des ides d’octobre), jour du retour de son corps à Centula, devint naturellement un jour de fête en l’honneur du saint comme le prouve la mention de la Prima translatio patris nostri Richarii, le VII des ides d’octobre, dans le propre de l’abbaye122. Pour mieux mettre en valeur l’importance du retour du corps de Riquier, Hariulf a regroupé au sein du chapitre XXIV du livre I les miracles qui eurent lieu après cette translation et qui figurent dans les chapitres 15

121 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 36-37 : Beatus itaque Richarius quia, tum pro spectabilissimo genere, tum pro eximia sanctitate, apud nostrates populos clarissimus habebatur, non diu est permissus eo loci quiescere, quo, propter iter infrequens et vitam remotiorem, seipsum retruserat. Jacuit tamen sancti corporis venerabilis gemma in ligneo illo sarcophago spatio quinque mensium et dierum duodecim, id est a VI. Kalendas Maii usque ad VII. idus Octobris : quo scilicet tempore fratres a Centulo monasterio, quod, ut supra dictum est, ipse sanctus aedificaverat cum suo abbate Ocioaldo, viro religioso sanctique successore, venerunt, et dilecti Patris corpus venerandum levaverunt ita ab omni tabo corruptionis liberum, sicut ab omni mundi amore cor possederat mundum. Cum reverentia ergo tanto confessori debita, glebam, omni auro cariorem, devotissime humeris imponentes, praecedente et subsequente religiosorum et plebialium caterva, detulerunt Centulam, ut quae sancti viri gaudebat genitura, ejus consequenter ornaretur sepultura. Sepultus est ergo Christi amicus et gloriosus confessor Richarius in ecclesia sua, quam sub honore nostrae dominae, sanctae Dei matris, Mariae dudum aedificaverat, VII. idus Octobris : in quo loco a parte capitis ejus beati Petri Apostolorum primatis nunc altare habetur.

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à 17 de la Vie de Riquier réécrite par Alcuin123 ainsi que le poème de vingt-six vers, composé par le moine Micon au IXe siècle, au sujet de la fête de Riquier124.

C. La fondation de l’abbaye de Forest-Montiers et ses liens avec Saint-Riquier À la fin du chapitre XIX du livre I, après avoir évoqué l’aide apportée à Riquier par Ghislemar et Mauront, Hariulf explique que Mauront aurait commencé à construire un monastère à Forest-Montiers, dans la forêt de Crécy, sur le lieu de l’ermitage de Riquier, et y serait devenu moine puis abbé :

[…] en ce lieu, il commença à construire un monastère au Christ en l’honneur de Notre Dame sainte Marie. Et nous voulons que le lecteur sache que celui-là même dont nous parlons, à savoir Mauront, devint ensuite moine et père des moines après avoir foulé aux pieds l’habit et la pompe du siècle et remplit maintenant la société céleste par le mérite de sa vie sainte ; en effet, la très sainte bénédiction du noble père Riquier qu’il avait naguère obtenue, alors qu’il était enfant, à la demande de sa mère, ne pouvait pas être annulée125.

À la fin du chapitre XXVI et donc du livre I de sa chronique, Hariulf parle à nouveau de Forest-Montiers :

Que le lecteur sache que cette cellule de Forest-Montiers a été honorée décemment par des frères dès le jour très saint du décès du bienheureux Riquier et que, tout comme notre lieu en eut un, cette même celle obtint un abbé, étant donné qu’elles avaient eu dès le départ un seul et même fondateur très saint126.

123 Alcuin, Vita Richarii, c. 15-17, p. 399-400 ; C. Veyrard-Cosme, L’œuvre hagiographique en prose d’Alcuin, p. 132-135.

124 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 37-38.

125 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 32 : […] in eodem vero loco sub honore nostrae dominae sanctae Mariae Christo monasterium construere inchoavit. Scire autem volumus lectorem quod is ipse, de quo loquimur, Maurontus postea pompa saeculari et habitu calcato monachus monachorumque Pater factus est, et nunc sanctae vitae merito caelesti fungitur societate ; nec enim cassari poterat illa sacrosancta magni Patris Richarii benedictio, qua fuerat dudum puer intercessione matris potitus.

126 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 44-45 : Sciat vero legens hanc Forestensem cellulam a die sanctissimi obitus beati Richarii fuisse decenter a fratribus excultam, et qualem hic habuit locus, talem et ipsam cellam obtinuisse abbatem, utpote qui ab initio habuerant unum eumdemque sacratissimum fundatorem.

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Ces deux passages permettent de voir comment Hariulf concevait la transformation du modeste ermitage de Riquier en une cella dépendante de l’abbaye de Saint-Riquier. Dans le chapitre XIX, il affirme ainsi que Mauront, fils de Rictrude de Marchiennes, a commencé à construire un monastère sur le lieu de l’ermitage de Riquier. S’il n’indique pas de façon claire à quel moment cette construction a débuté, on peut tout de même penser que ce fut pour lui après la mort de Riquier puisque nous avons vu qu’il décrit, dans le chapitre XX, la vie austère que mena Riquier, jusqu’à son décès, dans ce qui n’était alors qu’un modeste ermitage. Cependant, dans le chapitre XXVI, on constate qu’il ignore complètement Mauront au profit exclusif de Riquier. Comment expliquer cette volte-face ? Ce n’est qu’une hypothèse mais il nous semble qu’Hariulf a essayé de renforcer, à la fin du livre I, l’idée selon laquelle la dépendance de Forest-Montiers envers Saint-Riquier était ancienne en faisant remonter son origine à Riquier présenté comme le fondateur des deux établissements. Précisons à ce propos que cette idée n’était pas nouvelle et qu’elle figurait déjà dans un quatrain composé par Alcuin et recopié par Hariulf dans le chapitre XI du livre II de sa chronique :

Tu as construit un monastère Dans un lieu près d’Argubium, Et un autre à Centule,

Tous deux d’un mérite pérenne127.

Cette hypothèse est confirmée par le diplôme par lequel Charlemagne donne la cella de Forest-Montiers à l’abbaye de Saint-Riquier, le 28 avril 797, à Aix-la-Chapelle, à la demande d’Angilbert128. En effet, comme nous l’avons vu dans notre chapitre 3, il ressort de ce diplôme que la cella de Forest-Montiers s’est apparemment développée de façon autonome pendant plusieurs décennies puisqu’elle n’a appartenu à Saint-Riquier qu’à partir de 797. Pourtant, alors qu’il s’agit donc d’une donation, Hariulf donne l’impression que ce diplôme vient confirmer une possession ancienne :

Angilbert […] vint auprès du seigneur roi Charlemagne et lui demanda de confirmer, par son autorité royale, le fait que la celle de Forest-Montiers […] appartient de

127 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 73 : Tu struxisti coenobium / In loco prope Argubium, / Et aliud in Centulo, / Ambo perenni merito.

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façon perpétuelle à l’abbé de Centule. Et celui-ci […] accéda très volontiers à sa demande129.

Enfin, selon ses éditeurs, ce diplôme aurait été interpolé à trois endroits (mis entre crochets), au plus tôt au XIe siècle, dans le but de mieux défendre la possession de Forest-Montiers qui avait alors échappé en partie au contrôle de Saint-Riquier130. Si ces différents éléments permettent de mieux comprendre la démarche d’Hariulf, pourquoi celui-ci a-t-il toutefois recopié ce diplôme alors qu’il contredit dans une certaine mesure ce qu’il veut montrer ? Nous pensons qu’a dû primer à ses yeux le fait qu’il a été donné par Charlemagne, qu’il était le plus ancien des actes conservés à l’abbaye131 et qu’il permettait malgré tout de prouver la possession de Forest-Montiers par Saint-Riquier.

Synthèse du chapitre

Pour retracer la biographie de Riquier et relater les origines de l’abbaye, Hariulf a souvent suivi la Vie de Riquier réécrite par Alcuin mais il s’en est aussi parfois écarté, soit en présentant les faits différemment, soit en les développant à sa façon. Il a notamment agi de la sorte dans le but de valoriser davantage la noblesse et la sainteté de Riquier. Hariulf rappelle ainsi à de multiples reprises que celui-ci était d’origine noble, comme pour mieux dissiper les doutes pouvant subsister à ce sujet. Il souligne la radicalité de sa conversion à la vie religieuse dans sa jeunesse et celle de sa volonté de fuir les hommes en devenant ermite à la fin de sa vie. En définitive, il donne de lui l’image d’un homme qui fut un prêtre, un abbé et un ermite mais aussi un « missionnaire », un ascète et un thaumaturge. En ce qui concerne les origines assez obscures de l’abbaye de Saint-Riquier, on constate qu’Hariulf s’est efforcé de retracer une histoire à la fois crédible et utile. Il considère ainsi que Riquier a fondé à Centula, sur des terres lui appartenant de façon héréditaire, une abbaye qu’il a dirigée jusqu’à sa retraite érémitique dans la forêt de Crécy. Hariulf fait également de Riquier le fondateur de l’abbaye de Forest-Montiers, sur le site de son ermitage, car c’est un moyen commode de souligner l’ancienneté de la dépendance de Forest-Montiers envers Saint-Riquier.

129 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 318 : Angilbertus […] accessit ad domnum Carolum Magnum regem, et petiit ut cellam Forestensem […] sua regia auctoritate ad abbatem Centulae perpetim pertinere firmaret. Et ille […] hoc quoque ejus postulatum libentissime indulsit.

130 MGH, Diplomata, DD Kar. 1, n° 182, p. 245.

131 C’est ce que confirme l’inventaire des actes conservés à l’abbaye en 1098 (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 314).

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CHAPITRE 5