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La succession des abbés de Saint-Riquier selon Hariulf

L’abbaye de la mort d’Angilbert jusqu’à l’attaque des Vikings (814-881)

A. La succession des abbés de Saint-Riquier selon Hariulf

Selon la liste des abbés de Saint-Riquier qui précède le livre I de la chronique (et dont les vingt-quatre premiers noms, de Riquier à Gervin II, sont a priori d’Hariulf), neuf abbés ont été à la tête de l’abbaye entre 814 et 881, à savoir Nithard, Hericus, Hélisachar, Ribbodon, Louis, Rodolphe, Helgaud, Welf et Carloman1. Hariulf semble toutefois se contredire au sujet du premier successeur d’Angilbert. En effet, dans le dernier paragraphe du chapitre XII du livre II, il déclare que ce fut Nithard, fils d’Angilbert et de Berthe :

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Cependant, au terme de ce livre, il nous faut encore écrire que, après son saint trépas, son fils Nithard qu’il eut de Berthe, la fille du roi, fut élevé à la fonction abbatiale par les moines de Centule mais, après avoir passé peu de jours à diriger l’abbaye, ayant été tué lors d’une bataille, il fut privé de la vue de la lumière de ce monde et enterré à côté de l’endroit où son père reposait en paix […]2.

Pourtant, le premier chapitre du livre III est consacré à l’abbé Hericus et la première phrase de ce chapitre, tirée du premier miracle contenu dans les deux livres de miracles de Riquier du IXe siècle3, le présente ainsi :

En l’an 814 de la sainte Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ, septième indiction, alors que la Francie, favorisée par la fortune, s’épanouissait avec grâce sous le gouvernement du très glorieux empereur Louis, l’abbé Hericus obtint par une faveur de ce prince la direction du monastère du bienheureux Riquier4.

Juste après, Hariulf ajoute le commentaire suivant :

Cette indication doit être notée car cet Hericus fut promu à l’abbaye de Centule la même année que celle où le très saint abbé Angilbert mourut, mais pas la même indiction, si du moins les indictions changent bien le 24 septembre5.

Que faut-il penser de ces trois extraits ? Le témoignage concordant de la liste des abbés de Saint-Riquier et du dernier paragraphe du chapitre XII du livre II laisse penser

2 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 79 : Hoc tamen in calce libri necessario recondimus, quod post ejus sanctum transitum filius ejus, Nithardus, quem de regis filia Bertha susceperat, Centulensibus jure abbaticio praelatus est, paucisque diebus in regimine expletis, interemptus praelio praesentis luminis caruit visu, sepultusque juxta proprium genitorem quievit in pace […].

3 Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, saeculum II, l. I, c. 1, p. 213.

4 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 82 : Anno sacrae Incarnationis Domini nostri Jesu Christi DCCCXIV, indictione VII, dum felix Francia sub gloriosissimi Caesaris Hludogvici moderamine omni venustate floreret, obtinuit beneficio ipsius principis Hericus abbas regimen monasterii beati Richarii.

5 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 82 : Notetur autem descriptio, quia eodem quidem quo sanctissimus Anghilbertus abbas obiit anno, sed non eadem indictione, hic Hericus abbatiae Centulensi praelatus est ; si quidem mense Septembri die XXIV indictiones mutantur. Comme F. Lot l’a remarqué, la date du 24 septembre montre qu’Hariulf utilise l’indiction de Bède le Vénérable (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 82, note 1). Dans l’inventaire des possessions de l’abbaye de Saint-Riquier réalisé en 831 à la demande de Louis le Pieux, on trouve justement une des deux œuvres de comput de Bède le Vénérable, à savoir le De temporibus (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 91), mais cela ne signifie pas nécessairement qu’Hariulf a utilisé cette œuvre. À ce sujet, voir I. Warntjes, « Computus as Scientific Thought in Ireland and the Early Medieval West », p. 158-178.

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qu’Hariulf voyait vraiment en Nithard le successeur immédiat d’Angilbert6. Nous en déduisons que, pour lui, Nithard fut abbé de Saint-Riquier en 814, pendant quelques mois, et qu’Hericus lui succéda, après sa mort au combat, entre le 24 septembre et le 31 décembre 814. Hariulf a donc commis une erreur puisque nous avons vu dans notre chapitre 3 que Nithard est décédé en 844 ou en 845.

Hariulf reparle brièvement de Nithard dans le chapitre V du livre III, juste après avoir recopié un extrait de son Histoire des fils de Louis le Pieux7, mais il n’apporte guère d’éléments nouveaux :

Il est avéré que ce même Nithard, fils du seigneur Angilbert, a été à la tête de notre monastère après le décès de son père ; mais il n’occupa cette fonction qu’un très petit nombre de jours, ayant été tué à la guerre, et il mérita d’avoir sa sépulture à côté de celle de son père. Il reposa là pendant un certain nombre d’années quand, le corps de saint Angilbert ayant été transféré dans l’église, des hommes dévots déposèrent le corps de ce même Nithard dans le tombeau de son père8.

Cela signifie qu’Hariulf a surtout retenu de Nithard qu’il était le fils d’Angilbert. D’une certaine façon, Hariulf le fait profiter du prestige de son père tout comme il a fait profiter Angilbert du prestige de Charlemagne. Par ailleurs, on remarque qu’il ne mentionne pas le fait que Nithard est l’auteur de l’Histoire des fils de Louis le Pieux alors qu’il a utilisé cette œuvre et qu’il a même copié le passage de celle-ci où Nithard dit être le fils d’Angilbert9.

En ce qui concerne Hericus, force est de constater qu’Hariulf est très mal renseigné puisque la seule source dont il dispose à son sujet est le premier miracle contenu dans les deux livres de miracles de Riquier du IXe siècle. Ce miracle nous apprend simplement, outre le fait

6 À moins qu’il faille comprendre le fait que Nithard ait succédé à Angilbert dans un sens plus général.

7 Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, éd. et trad. P. Lauer revues par S. Glansdorff, l. IV, c. 5, p. 148-151.

8 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 102 : Is ipse Nithardus, domni Angilberti filius, coenobio huic praefuisse asseveratur post decessum patris : quique, cum paucissimis diebus ministrasset, bello interfectus, juxta patrem sepulturam meruit. At, cum ibi aliquantis annis pausasset, jamdudum translato corpore sancti Anghilberti in ecclesiam, quidam devoti posuerunt corpus ejusdem Nithardi in patris sarcofagum.

9 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 102 ; Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, éd. et trad. P. Lauer revues par S. Glansdorff, l. IV, c. 5, p. 150-151.

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qu’il est devenu abbé de Saint-Riquier en 814, qu’Hericus a donné le domaine de Sorrus10 à un vassal nommé Heuto qui mourut après avoir commis le sacrilège d’y abattre le hêtre sous lequel Riquier avait l’habitude de se reposer et de prier avant ou après ses voyages outre-Manche11. Hariulf a recopié ce miracle dans la suite du chapitre I du livre III12 mais pour mettre en valeur la puissance vengeresse de Riquier davantage que pour célébrer Hericus, abbé du reste très mal connu.

Hélisachar, le successeur d’Hericus, est autrement plus célèbre que ce dernier13. Hariulf, dans le chapitre IV du livre III de sa chronique, voit en lui un homme important, non pas du fait des fonctions que ce dernier a remplies sous le règne de Louis le Pieux (et dont il n’a manifestement pas connaissance) mais du fait des miracles qui eurent lieu sous son abbatiat. Hariulf en recopie deux14 et renvoie le lecteur aux deux livres de miracles de Riquier du IXe siècle dans lesquels il pourra trouver les autres15. Le premier de ces deux miracles raconte la guérison de la fille paralytique d’un noble originaire de Bourgogne qui, toutefois, n’avait pas pu entrer dans l’abbaye car Hélisachar en avait interdit l’accès aux femmes. Il est intéressant de constater qu’Hariulf semble frappé par cette interdiction plus que par le miracle de guérison en lui-même :

Il mettait beaucoup d’ardeur à la recherche d’une grande sainteté et il observait si bien la rigueur de la religion la plus haute que, dès son arrivée au monastère, il en empêcha l’accès aux femmes de quelque façon que ce soit16.

Nous avons vu dans notre chapitre 3 que cette interdiction est sans doute liée à l’action réformatrice de Benoît d’Aniane17 dont Hélisachar était un proche. Toutefois, Hariulf n’était visiblement pas conscient du lien entre les deux hommes. S’il vante Hélisachar pour avoir

10 Dép. Pas-de-Calais, arr. Montreuil, cant. Berck.

11 Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, saeculum II, l. I, c. 1, p. 213-214. 12 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 82-84.

13 P. Depreux, Prosopographie de l’entourage de Louis le Pieux, p. 235-240 ; Lexikon des Mittelalters, tome 4, col. 2121.

14 Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, saeculum II, l. I, c. 4-5, p. 215-216.

15 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 99. Seuls trois miracles ont eu lieu de manière certaine sous l’abbatiat d’Hélisachar (Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, saeculum II, l. I, c. 2, p. 214, c. 4, p. 215, et c. 6, p. 216-217).

16 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 98 : Hic magnae sanctitatis studiis pollebat, et in tantam professit summae religionis severitatem, ut ab ingressu monasterii omnimodum arceret feminarum accessum.

17 À ce sujet, voir M. Gaillard, D’une réforme à l’autre, p. 123-147 ; J. Semmler, « Le monachisme occidental du VIIIe au Xe siècle », p. 68-89.

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formulé cette interdiction, c’est donc parce qu’il admire son intransigeance mais cela révèle aussi, implicitement, qu’une telle mesure était difficilement applicable de son temps18.

Selon Hariulf, le successeur d’Hélisachar fut Ribbodon. Hariulf retient surtout de lui qu’il a procédé, le 5 novembre 842, à la translation du corps d’Angilbert à l’intérieur de l’abbatiale. Il s’appuie pour cela sur l’épitaphe d’Angilbert composée par Micon à l’occasion de cette translation, qu’il recopie d’ailleurs à la fin du chapitre V du livre III19, et sur l’Histoire des fils de Louis le Pieux de Nithard, dont il recopie un extrait dans le même chapitre20. Cependant, Hariulf ajoute deux éléments qui ne figurent pas dans ces deux sources. D’après lui, c’est parce que Ribbodon supportait mal le fait que les fidèles marchent sur la tombe d’Angilbert pour entrer dans l’abbatiale qu’il fit transférer le corps de ce dernier à l’intérieur de l’église :

Voyant que le corps saint du très saint abbé Angilbert reposait à un endroit où les personnes entrant dans l’église étaient obligées de marcher, et supportant très mal qu’un tel homme, si grand, soit foulé aux pieds par la venue quotidienne des fidèles, et considérant qu’il était juste que l’homme de Dieu repose à l’intérieur de la maison de Dieu, éleva ses membres saints et les transféra à l’intérieur de la basilique de Saint-Riquier le jour des nones de novembre21.

On peut toutefois se demander dans quelle mesure Hariulf, pour qui Angilbert est un saint, ne prête pas à Ribbodon sa propre réprobation, à moins qu’il ne s’agisse simplement d’un prétexte. Le second élément ajouté par Hariulf concerne l’odeur de sainteté qui se serait répandue lors de l’ouverture de la tombe d’Angilbert : Et on affirme qu’une odeur d’une merveilleuse suavité se répandit à cet endroit22. Hariulf croyait d’autant plus volontiers à ce topos hagiographique, qu’il a peut-être inventé pour mieux souligner la sainteté d’Angilbert, qu’il écrivait au maximum une quarantaine d’années après l’invention des reliques de celui-ci

18 Dans les faits, cette interdiction n’était peut-être pas aussi stricte que cela. Elle fait en tout cas penser à celle attestée à Saint-Bertin par Folcuin à la mort du comte Baudouin II de Flandre en 918 (Folcuin, Gesta abbatum Sithiensium, c. 103, p. 627 ; B. Meijns, « Les premières collégiales des comtes de Flandre », p. 566).

19 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 103. 20 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 102.

21 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 101 : Qui videns sanctissimi Angilberti abbatis corpus sanctum eo loci quiescere, ubi ecclesiam ingredientes necessario incedebant, et nimium moleste ferens talem tantumque virum quotidiano populi accessu calcari, reputansque esse justum ut homo Dei intra Dei domum pausaret, levavit ejus membra sancta, et transtulit ea intra basilicam Sancti Richarii die nonarum Novembrium.

22 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 101 : Odor etiam mirae suavitatis ibidem exuberasse asseveratur.

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par l’abbé Gervin (1045-1071), épisode qu’il relate dans le chapitre XXXII du livre IV de sa chronique23. Si Hariulf a ajouté les deux éléments que nous venons de présenter, on constate en revanche, dans la mesure où il n’en parle pas, qu’il semble ignorer le fait que Ribbodon était un petit-fils de Charlemagne par sa mère (et donc un cousin de Charles le Chauve) et qu’il est mort au combat, le 14 juin 844, lors d’une bataille ayant eu lieu près d’Angoulême.

Si Hariulf semble ignorer l’appartenance de Ribbodon à la dynastie carolingienne, ce n’est pas le cas pour Louis, son successeur. Par conséquent, comme il l’a fait avec Riquier dans le livre I et avec Angilbert dans le livre II, Hariulf souligne la noblesse de Louis au début du chapitre VII du livre III :

[…] Louis, homme glorieux, orné de la prudence tant divine que séculière, reçut le soin de ce même monastère. Issu de la lignée royale, il changea la noblesse d’une naissance illustre pour la noblesse de la religion afin que, tout comme ses parents, les membres de sa famille et ses frères se distinguaient par la pourpre et les diadèmes, lui-même brille ainsi dans les yeux de Dieu par la vertu de son âme24.

Ce renseignement provient du diplôme par lequel Charles le Chauve confirme aux moines de Saint-Riquier, le 27 septembre 844, à Compiègne, la possession des domaines constituant la mense conventuelle ainsi que de ceux ajoutés à cette dernière par Louis25 : […] qu’avec la bienveillance et la permission de Louis, notre cher parent, abbé de ce même monastère sacré […]26. Hariulf a donc amplifié cette simple information dans le but de glorifier Louis alors que celui-ci ne fut abbé de Saint-Riquier que pendant peu de temps.

Au début du chapitre IX du livre III, Hariulf affirme que Rodolphe succéda à Louis à sa mort : Après un intervalle de quelques années, l’abbé Louis étant mort, l’abbaye de

23 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 264-266.

24 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 106 : […] ejusdem coenobii curam suscepit gloriosus vir Ludovicus, tam divina quam saeculari prudentia ornatus. Iste ex regali prosapia oriundus fuit, et nobilitatem praeclari generis in nobilitatem transtulit religionis, ut, sicut sui parentes, cognati vel fratres, purpura et diatematibus refulgebant, sic ipse in oculis Dei animi virtute splenderet.

25 Recueil des actes de Charles II le Chauve, éd. A. Giry et alii, tome 1, n° 58, p. 163-166. Hariulf a recopié ce diplôme dans le chapitre VII du livre III de sa chronique (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 109-111).

26 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 109 : […] quia benignitate et licentia dilecti propinqui nostri, Hludovici abbatis ejusdem sacri coenobii […].

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Centule eut pour recteur un homme au nom éminent appelé Rodolphe […]27. En fait, Hariulf se trompe car, comme nous l’avons vu dans notre chapitre 3, Rodolphe succéda à Louis dès 846 alors que ce dernier n’est décédé qu’en 867. En revanche, il sait que Rodolphe est un oncle de Charles le Chauve28 grâce au diplôme par lequel ce dernier confirme aux moines de Saint-Riquier, le 29 février 856, à Germigny-des-Prés, la possession des domaines constituant la mense conventuelle29 : […] que, par la volonté et avec la permission de Rodolphe, notre cher oncle, recteur du monastère sacré de Centule, […]30. C’est pour cette raison qu’Hariulf présente Rodolphe, comme son prédécesseur Louis, en des termes très élogieux :

[…] l’abbaye de Centule eut pour recteur un homme au nom éminent appelé Rodolphe, un homme impérial, orné au plus haut point tant de la philosophie divine que de la prudence séculière. Comme il était l’oncle du très glorieux roi Charles et que, cependant, ayant repoussé la gloire du siècle, il se consacrait noblement au Seigneur car il était d’une très grande noblesse, il fut élu abbé par les frères de Centule dont il partageait le mode de vie. Et comme il avait endossé cette fonction à la prière du roi, il reçut par le don et à la prière de ce même roi Charles, son neveu, le comté de la province maritime car, comme nous l’avons dit, il était très versé non seulement dans le domaine des études spirituelles mais aussi de la prudence humaine. Notre monastère était donc honoré par l’abbé Rodolphe tandis que, en parallèle, la chose publique resplendissait grâce au comte Rodolphe31.

Il est intéressant de noter la référence au comitatum maritimae provinciae que Charles le Chauve aurait confié à Rodolphe et qui fait naturellement penser au totius maritimae terrae ducatus qu’Angilbert aurait reçu de Charlemagne. Mais d’où provient cette affirmation ? En

27 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 113 : Post aliquot annorum spatia, mortuo abbate Hludovico, abbatia Centulensis rectorem habuit egregium nomine virum, nomine Hruodulphum […].

28 Si Rodolphe est un oncle de Charles le Chauve, il appartient toutefois à la dynastie des Welfs.

29 Recueil des actes de Charles II le Chauve, éd. A. Giry et alii, tome 1, n° 183, p. 485-488. Hariulf a recopié ce diplôme dans le chapitre IX du livre III de sa chronique (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 114-116).

30 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 114 : […] quia, voluntate et licentia dilecti avunculi nostri Hruodulfi, rectoris Centulensis sacri coenobii, […].

31 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 113 : […] abbatia Centulensis rectorem habuit egregium nomine virum, nomine Hruodulphum, virum imperialem, et tam divina philosophia quam saeculi prudentia ornatissimum. Qui cum esset avunculus gloriosissimi regis Karoli et tamen, spreta saeculi gloria, Domino ut nobilissimus nobiliter deserviret, a fratribus Centulensibus, quorum sodalis in proposito erat, abbas eligitur. Quique cum hoc officio regis precatu functus fuisset, ejusdem regis Karoli, sui scilicet nepotis, dono et prece comitatum maritimae provinciae suscepit quia erat, ut diximus, non solum studiorum spiritualium, sed et humanae prudentiae peritissimus. Ornabatur itaque nostrum monasterium Hruodulpho abbate, refulgebat res alternatim publica Hruodulfo comite.

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fait, Hariulf a d’abord trouvé dans le rouleau des morts rédigé en 866, à l’occasion du décès de Rodolphe32 (et qu’il a recopié à la fin du chapitre IX du livre III33), l’information selon laquelle celui-ci fut comte : Le seigneur comte Rodolphe, notre abbé, est décédé chez nous le VIII des ides de janvier34. Puis, sans doute car il voulait placer Rodolphe dans la continuité d’Angilbert, Hariulf a inventé le fait que Rodolphe a été comte de cette « province maritime » dont Angilbert, un demi-siècle plus tôt, avait selon lui été duc35.

Hariulf pense que le successeur de Rodolphe fut Helgaud. Voici comment il le présente au début du chapitre X du livre III :

Rodolphe ayant pris le chemin de toute chair, le comte Helgaud reçut le gouvernement de Centule. Celui-ci passa du comté séculier au duché des âmes. En effet, avant de devenir abbé ou moine, il combattit dans le siècle et, étant marié, il laissa même un fils de sa chair nommé Herluin, comte comme lui, héritier de sa puissance terrestre mais pas de sa servitude monastique36.

Comme nous l’avons vu dans notre chapitre 3, il ne peut s’agir que du comte Helgaud de Montreuil († 926), ce qui signifie qu’Hariulf s’est trompé. Il a peut-être cru, étant donné les similitudes entre Helgaud et Rodolphe, que le premier était le successeur du second mais il se peut aussi, comme le pense Josiane Barbier, qu’Hariulf ait placé Helgaud après Rodolphe à la suite d’une confusion entre Charles le Chauve et Charles le Simple37.

Au début du chapitre XI du livre III, Hariulf affirme que Welf succéda à Helgaud : Celui-ci ayant été enlevé par la survenue de sa mort, nous eûmes pour abbé, et en vérité pour