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Le problème de l’origine sociale de Riquier

Riquier, le saint fondateur de l’abbaye

A. Le problème de l’origine sociale de Riquier

La première référence à Riquier se trouve au début du chapitre II du livre I. Selon Hariulf, Riquier est né sous le règne de Clotaire (511-561) dans une famille noble du Ponthieu :

1 Alcuin, Vita Richarii, éd. B. Krusch, MGH, SS rer. Merov., 4, Hanovre-Leipzig, 1902, p. 381-401. Cette Vie a été traduite par C. Veyrard-Cosme (L’œuvre hagiographique en prose d’Alcuin, p. 110-137).

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À l’époque de ce roi, Riquier, notre pasteur bienheureux et élu par Dieu, né de parents très nobles issus de l’illustre province de Ponthieu, répandit les joies heureuses de sa venue, dans un monde qui en avait besoin, par la connaissance du salut2.

Pourtant, le soin que met ensuite Hariulf à le démontrer sous-entend que cette affirmation n’allait pas de soi. Tout d’abord, dans le chapitre IV du livre I, il recopie dans son intégralité le premier chapitre de la Vie de Riquier réécrite par Alcuin :

Ainsi, du temps du très glorieux roi des Francs Dagobert qui brilla, remarquable selon la puissance séculière et noble selon la religion chrétienne (en effet, il éleva les grands par des dignités et orna les serviteurs de Dieu avec des honneurs), plusieurs monastères commencèrent à être construits par des saints pères et on rencontra plusieurs hommes religieux qui avaient abandonné la vie laïque. Parmi eux un certain Riquier, né dans le domaine de Centule dans la province de Ponthieu, comme l’étoile du matin surgit parmi les ombres à l’est, non tant issu de parents nobles selon le siècle qu’honnête dans ses mœurs et très dévot en toute probité, si bien qu’il montrait dans sa vie laïque des présages de sa sainteté future3.

Puis, dans le chapitre V du livre I, Hariulf feint de repérer deux contradictions dans ce passage : la première concerne l’époque de la naissance de Riquier, sous Dagobert (623-639), et la seconde son origine sociale, plutôt modeste4. Il entreprend ensuite de les surmonter : ainsi, il est pour lui impossible que Riquier soit né et ait vécu à l’époque de Dagobert :

Voici en effet qu’on le voit dire que ce saint est né du temps de Dagobert alors qu’il est assurément impossible que, durant le règne d’un roi n’ayant pas régné longtemps,

2 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 8 : Hujus itaque tempore regis beatus, et a Deo electus pastor noster, Richarius nobilissimis ex inclyta provincia Pontiva parentibus progenitus, mundo salutis scientia indigenti felicia sui exortus gaudia infudit.

3 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 12 : Temporibus igitur gloriosissimi regis Francorum Dagoberti, qui et saeculari potestate praeclarus, et Christiana religione nobilis effulsit (nam et optimates suos dignitatibus exaltavit, et servos Dei honoribus excoluit), plurima monasteria a sanctis Patribus coeperunt construi ; nec non et multi ex laico habitu viri religiosi inventi sunt ; ex quibus Richarius quidam natus in villa Centula provinciae Pontivae, velut lucifer inter umbras oriens emicuit ; non tam nobilibus juxta saeculum parentibus ortus, quam moribus honestus, et omni probitate devotissimus, ita ut in laica vita quaedam praesagia futurae sanctitatis gereret.

4 Même origine modeste dans la Vie de Valery datant du deuxième tiers du XIe siècle (Vita Walarici, c. 1, p. 161).

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un homme naisse, grandisse, soit éduqué et parvienne au sommet d’une parfaite maturité et à la vieillesse d’un âge décrépit5.

Dans la suite de ce chapitre, il explique à deux reprises qu’il s’agit d’une erreur d’interprétation : puisque Riquier était un homme d’un certain âge à l’époque de Dagobert, les actions qu’il a accomplies durant son existence n’ont pas pu avoir toutes lieu uniquement sous son règne, ce qui signifie qu’il est forcément né avant6. Si Hariulf n’a donc eu aucun mal à surmonter cette première contradiction, il n’en va pas de même de la seconde7 :

Et de même, face à celui qui cherche à savoir si sa naissance serait révélée par l’origine humble de ses parents, il tonne [Alcuin] avec l’exagération de l’indignation en disant à celui qui a demandé cela d’une manière absurde : comme l’étoile du matin surgit parmi les ombres à l’est. Et à l’adresse de celui qui insiste pour savoir si par hasard cette origine si splendide et l’éclat de la naissance du saint homme ne seraient pas nuisibles aux vertus dans la mesure où, pour ainsi dire, se sera d’autant moins humilié celui qui pouvait autant présumer du siècle, le docteur modeste, t’éloignant de cette pensée, ajoute d’une manière saine : non tant issu de parents nobles selon le siècle qu’honnête dans ses mœurs et très dévot en toute probité, c’est-à-dire que la noblesse s’élevant a fleuri en lui à tel point qu’il figurait parmi ses compatriotes, par la splendeur de sa naissance, tel l’étoile du matin parmi les ombres. Et afin que tu ne crois pas que, né d’un si sang si élevé, il aurait pris avec plus de difficultés les armes de la milice céleste, sache que, méprisant l’orgueil de sa naissance, il s’est soumis aux ordres divins avec tant d’humilité et de modestie qu’il a vaincu la grandeur de sa noblesse par la grandeur de la religion et que, faisant preuve de douceur envers tout le monde, il s’est montré honnête en toutes choses et n’a manifesté aucune arrogance8.

5 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 12 : Ecce enim videtur dixisse quod Dagoberti temporibus sanctus ille ortus sit, cum profecto fieri non potuerit ut sub tempore unius regis pauculo spatio regnantis homo nasceretur, adolesceret, educaretur, et ad perfectae senectutis fastigium, vel decrepitae aetatis perveniret senium.

6 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 12-13 et 14. Nous expliquerons plus loin pourquoi Hariulf place la naissance de Riquier sous le règne de Clotaire.

7 T. Evergates évoque également, quoique de façon beaucoup plus rapide, cette contradiction et la tentative d’Hariulf de la surmonter (« Historiography and Sociology in Early Feudal Society », p. 46).

8 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 13 : Ac demum velut adhuc inquirenti an ipsa ejus nativitas humiliori parentum prosapia exstiterit, absurde interroganti cum exaggeratione indignationis intonat dicens : Velut lucifer inter ombras oriens emicuit. Tum vero tanquam adhuc insistenti, ne forte illa splendidissima nativitas, et generis claritudo sancti viri virtutibus obfuerit, ut quasi minus se humiliaverit qui tantum de saeculo praesumere potuisset, doctor modestus ab hac te removens cogitatione, salubriter infert : Non tam nobilibus juxta saeculum parentibus ortus, quam moribus honestus, et omni probitate devotissimus, tanquam dicens : adeo

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On constate qu’Hariulf, dans sa démonstration, interprète délibérément ce qu’a écrit Alcuin dans le sens qui l’intéresse. Il utilise d’abord ce dernier comme un argument d’autorité pour réfuter l’idée d’une origine plutôt modeste de Riquier et présente ensuite de façon assez classique les raisons pour lesquelles il est un saint. On peut résumer son raisonnement par le syllogisme suivant : Riquier est d’origine noble mais il méprise sa noblesse et obéit aux ordres divins, or les nobles qui méprisent leur noblesse et obéissent aux ordres divins sont des saints, donc Riquier est un saint. Autrement dit, alors que l’origine plutôt modeste de Riquier faisait de lui un saint sortant de l’ordinaire, Hariulf a corrigé ce qui lui apparaissait comme une anomalie pour faire de Riquier un saint d’origine noble, conformément aux critères traditionnels de sainteté9.

Angilbert, abbé de 790 à 814, semble être le premier à avoir fait de Riquier un homme d’origine noble, sans doute car il lui était difficile d’accepter que celui qu’il tenait pour le fondateur de l’abbaye qu’il avait entrepris de reconstruire soit de naissance obscure. Rappelons au passage que c’est également lui qui demanda à Alcuin de réécrire la première Vie de Riquier. Ainsi, dans l’épitaphe de ce dernier qu’il a composée et qui a été gravée sur les différentes faces de la châsse en or contenant ses reliques, Angilbert lui attribue une origine noble :

Cette urne d’or contient un trésor céleste. Un serviteur du Seigneur du nom de RIQUIER ; Qu’offrit Centule, d’une origine très élevée, Un illustre pasteur qui s’épanouit dans ce lieu10.

Cela signifie donc qu’Hariulf a repris la tradition inaugurée trois siècles avant lui par Angilbert et qui s’était naturellement imposée depuis à l’abbaye de Saint-Riquier.

in illo viguit excellens nobilitas, ut qualis inter umbras lucifer, talis et ipse splendore generis inter patriotas haberetur. At ne putes quod tanta sanguinis natus altitudine, caelestis militiae difficilius arma corripuerit, scito illum contempto generis supercilio, tam humiliter ac summisse divinis paruisse mandatis, ut nobilitatis magnitudinem vicerit religionis magnitudo, et, servata in omnibus dulcedine, totum vindicaret honestas, nihil possideret arrogantia.

9 À ce sujet, voir I. van’t Spijker, Als door een speciaal stempel, p. 64-65.

10 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 73 : Aurea celestem thesaurum contegit urna. / Cultorem Domini, nomine RICHARIUM ; / Stemmate precelso quem Centula protulit ista, / Quique loci pastor floruit egregius.

130 B. La conversion de Riquier à la vie religieuse

Selon Hariulf, Riquier, alors un jeune homme, fut converti à la vie religieuse par Chaydocus et Fricorus (surnommé Adrien), deux sacerdotes irlandais11 arrivés sur les côtes du Ponthieu. Il s’agit sans doute de deux moines irlandais accomplissant la peregrinatio12, même si Hariulf, à la suite d’Alcuin, utilise le terme sacerdotes et non le terme monachi. Hariulf place leur arrivée sous le règne conjoint de Sigebert et de Brunehaut, soit entre 566 et 575, et en déduit que Riquier est né sous le règne de Clotaire (511-561), comme nous l’avons vu plus haut. Il s’appuie pour cela sur une tradition orale selon laquelle Chaydocus et Fricorus auraient été des compagnons de Colomban qui serait justement arrivé dans le royaume des Francs du temps de Sigebert et de Brunehaut :

On raconte qu’ils ont traversé la mer en hâte avec lui. Nous pensons qu’ils ont fait un détour par notre région : il en découle que la période que nous avons notée plus haut se trouve pleinement confirmée car, comme chacun sait parfaitement que le bienheureux Colomban est arrivé en Francie du temps du roi Sigebert et de son épouse Brunehaut, il faut nécessairement croire que le bienheureux Riquier est né du temps du roi précédent, Clotaire, puisque ces hommes saints l’ont rencontré du temps de Sigebert alors qu’il était déjà un jeune homme13.

L’affirmation selon laquelle Colomban serait arrivé dans le royaume des Francs du temps de Sigebert et de Brunehaut provient de la Vie de Colomban rédigée par Jonas de Bobbio14. Toutefois, il y a là une confusion, due soit à Jonas, soit à un copiste, entre Sigebert et son fils Childebert II (575-596)15. Cette erreur, qu’Hariulf a reproduite sans le savoir, réduit donc à néant sa démonstration sur l’époque de la naissance de Riquier. En outre, la tradition

11 Selon F. Lot, Chaydocus serait toutefois un nom breton (Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 15, note 2). H. Le Bourdellès estime quant à lui que Chaydocus était Gallois (« Vie de St Josse avec commentaire historique et spirituel », p. 936).

12 Au sujet de la peregrinatio, voir E. Johnston, « Exiles from the Edge ? », p. 38-52 ; A. Angenendt, « Die irische Peregrinatio und ihre Auswirkungen », tome 1, p. 52-79.

13 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 15-16 : Fertur vero quod cum ipso illi quoque maria huc properando transmearunt. Quos ad nostra loca ferimus divertisse : unde et illa temporum ratio quam paulo superius notavimus, maxime confirmatur, quia cum notissimum sit omnibus beatum Columbanum Sigiberti regis et Brunichildis conjugis ejus tempore Franciam advenisse, necessario creditur beatissimus Richarius superioris Clotharii regis temporibus natus fuisse, quem illi sancti viri diebus Sigiberti jam juvenem invenerunt.

14 Jonas de Bobbio, Vitae Columbani abbatis discipulorumque eius, éd. B. Krusch, c. 6, p. 162 ; Id., Vie de saint Colomban et de ses disciples, trad. A. de Vogüé, p. 112.

15 Sigebert est dit roi d’Austrasie et de Bourgogne, ce qu’il n’a jamais été à la différence de son fils Childebert II (entre 592 et 596).

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orale selon laquelle Chaydocus et Fricorus auraient été des compagnons de Colomban est peu crédible, d’autant plus que leurs noms ne figurent pas dans la Vie de Colomban et qu’ils ne sont pas connus par ailleurs16. Il est donc possible que cette tradition orale soit en fait une invention, peut-être d’Hariulf lui-même, ayant pour but de rattacher explicitement Riquier à Colomban, grande figure du monachisme occidental durant le haut Moyen Âge17, qui n’est toutefois pas mentionné dans les deux Vies de Riquier. Il s’agissait peut-être pour Hariulf d’élever Riquier au même niveau que son voisin Valery qui, selon la Vie de Valery datant du deuxième tiers du XIe siècle, soit une cinquantaine d’années au maximum avant Hariulf, aurait été un temps moine de Luxeuil sous l’abbatiat de Colomban18. Par conséquent, même si une influence irlandaise est plausible, on ne peut pas affirmer, comme le sous-entend Hariulf, que Riquier fut un disciple, même indirect, de Colomban.

Le mauvais accueil réservé à Chaydocus et Fricorus par la population locale donne l’occasion à Hariulf d’affirmer à nouveau la noblesse de Riquier :

Quand Riquier, porteur d’espoir bien qu’encore laïc, le découvrit, il s’interposa de lui-même pour protéger les serviteurs de Dieu de la population insurgée et, les arrachant énergiquement aux coups de celle-ci, comme il convenait à un noble, il les fit entrer dans sa demeure avec beaucoup d’égards. De ce fait, il peut être compris clairement par le lecteur avisé qu’il n’y avait alors dans cette région aucun homme plus puissant après le roi que lui qui a fait preuve d’une telle autorité pour délivrer les serviteurs de Dieu19.

Même si Hariulf n’avait peut-être pas cela en tête, un tel récit n’est pas sans faire penser à l’image du chevalier qui utilise sa force pour protéger les clercs, comme le souhaite

16 L. Gougaud met ainsi Chaydocus et Fricorus au nombre des pseudo-Irlandais ou Irlandais douteux (« Les surnuméraires de l’émigration scottique », p. 297) et ne les mentionne donc pas dans son livre Les Saints irlandais hors d’Irlande.

17 Au sujet de Colomban et de l’influence du monachisme irlandais, voir S. Bully, A. Dubreucq et A. Bully (dir.), Colomban et son influence ; E. Destefanis (dir.), L’eredità di San Colombano ; R. Flechner et S. Meeder (éd.), The Irish in Early Medieval Europe ; Y. Fox, Power and Religion in Merovingian Gaul ; A. Dierkens, « Prolégomènes à une histoire des relations culturelles », p. 371-394 ; H. Löwe (éd.), Die Iren und Europa im früheren Mittelalter ; H. B. Clarke et M. Brennan (éd.), Colombanus and Merovingian Monasticism.

18 Vita Walarici, c. 5-11, p. 162-164. C’est également l’avis de C. Mériaux (« Multorum coenobiorum fundator et innumerabilium pater monachorum », p. 89).

19 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 16 : Quod ubi bonae spei Richarius adhuc laicus comperit, semetipsum pro servis Dei rebellanti plebi objicit, et ab ipsis ictibus violenter, ut fas erat, abstrahens nobilem, obsequiis intra domum inducit. Unde a sagaci lectore liquido potest comprehendi, neminem post regis dominium tunc in his partibus fuisse potentiorem, qui ad eruendos Dei servos tantam habuit autoritatem.

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l’Église, en particulier depuis le mouvement de la paix de Dieu20, et non pour s’en prendre à eux. De ce point de vue, la façon dont Hariulf présente l’intervention de Riquier en faveur de Chaydocus et Fricorus est diamétralement opposée à celle dont il présente, dans les chapitres VII et IX du livre IV de sa chronique, le chevalier Hucbertus qui s’en prit à l’abbaye de Saint-Riquier et à l’abbé Enguerrand vers 103021.

Après avoir secouru Chaydocus et Fricorus, Riquier aurait été converti à la vie ascétique qu’ils prêchaient et aurait alors pris l’habit religieux22 : À partir de cette époque, prenant l’habit religieux, il brûlait de jour en jour de s’élever de vertu en vertu23. Dès lors, il apparaît que le fait d’avoir insisté auparavant sur la noblesse de Riquier permet ici à Hariulf de mieux souligner la radicalité de sa conversion à la vie religieuse. À nouveau, même si Hariulf ne pensait peut-être pas à cela, la conversion de Riquier ressemble à celle d’un chevalier qui a abandonné la milice du siècle pour devenir moine, cas de figure attesté au XIe siècle24, à ceci près qu’Hariulf indique dans le chapitre VIII du livre I, comme Alcuin avant lui25, que Riquier est ensuite devenu prêtre et non moine :

Progressant ainsi par l’accroissement de ses vertus et présentant son corps vénérable comme une hostie sainte, vivante et plaisante à Dieu, il se montra digne d’être reçu dans un digne ministère et de devenir prêtre, artisan de la prédication apostolique et dépositaire des secrets divins, afin que celui qui s’était montré immaculé au Christ par ses actions saintes puisse lui-même toucher de ses mains pures le corps immaculé du Christ et que la dignité de l’honneur ne fasse pas défaut à celui en qui se trouvait le zèle pour la prédication26.

20 Au sujet du mouvement de la paix de Dieu, voir D. Barthélemy, L’an mil et la paix de Dieu ; M. Lauwers (éd.), Guerriers et moines ; H.-W. Goetz, « La paix de Dieu en France autour de l’an Mil », p. 131-145 ; D. C. Van Meter, « The Peace of Amiens-Corbie and Gerard of Cambrai’s Oration », p. 633-657.

21 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 190-193 et 199-200.

22 À moins qu’il ne faille traduire dans le sens plus symbolique de conversion à la vie religieuse.

23 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 17 : Ab illo denique tempore habitum religionis sumens, in dies de virtute in virtutem scandere gestiebat.

24 À ce sujet, voir M. Lauwers (éd.), Guerriers et moines. Il est intéressant d’ajouter que, selon E. Warlop, Hariulf a également fait d’Arnoul de Soissons, dans la Vie de ce dernier qu’il a achevée en 1114 et complétée en 1119/1120, le prototype du chevalier noble entrant en religion (The Flemish Nobility before 1300, tome 1, p. 94).

25 Alcuin, Vita Richarii, c. 3, p. 391 ; C. Veyrard-Cosme, L’œuvre hagiographique en prose d’Alcuin, p. 112-113.

26 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 18-19 : His itaque virtutum incrementis succrescens, et venerabile corpus suum hostiam viventem, sanctam, Deo placentem exhibens, dignus digno ministerio mancipatur, et apostolicae praedicationis exequutor, ac secretorum divinorum conscius et sacerdos efficitur, ut qui se totum sanctis actibus Christo immaculatum exhibuerat, ipse quoque immaculatum Christi corpus intemeratis manibus tractaret, et ut cui praedicationis devotio inerat honoris dignitas non deesset.

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Cela signifie qu’Hariulf, qui est pourtant moine et voit en Riquier le saint fondateur et le premier abbé de son abbaye, a ici choisi de rester fidèle à la Vie de Riquier réécrite par Alcuin, dont Charles Mériaux a montré qu’elle fait de Riquier « le modèle du prêtre local27 », plutôt que de réduire Riquier à son rôle d’abbé fondateur. Il a sans doute agi ainsi car c’était un moyen pour lui de magnifier Riquier en multipliant les facettes de sa personnalité ayant contribué à sa sainteté. Par ailleurs, on peut signaler que la référence faite par Hariulf au prêtre immaculé dont les mains sont pures a peut-être un lien avec la lutte engagée par la papauté, dans le cadre de la réforme grégorienne, afin de moraliser le clergé, notamment en luttant contre la simonie et le nicolaïsme.