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Conclusion : Des cas limites et typiques de l’offre institutionnelle de participation

Chapitre 3 Les contextes politiques des offres de participation

La concrétisation de politiques municipales de participation publique, à travers la mise en œuvre de dispositifs participatifs, et la promotion de la démocratie participative s’inscrivent dans une « fabrique de l’alternance »515, dont la participation s’avère être un des enjeux les plus

visibles, pour des exécutifs locaux qui mettent cette thématique au cœur de leur contrat de mandature516. Ces nouveaux élus cherchent à être identifiés au travers de cette proposition participative, qui définit leur inscription et leur position dans le champ politique local. Ce changement dans l’action publique locale rejoint l’intuition, que les politiques publiques symboliques sont celles qui sont le plus tangiblement visibles et le plus aisément investies lors d’une alternance, au travers d’une « construction emblématique »517.

Les alternances politiques au travers desquelles les élus ont fait de la référence à la participation un thème central de campagne sont plus ou moins anciennes au moment de l’enquête et sont ainsi différemment évoquées. Les usages du rappel de ces prémices de la démarche de participation sont divers, entre consolidation d’une stratégie distinctive et appel à la réinvention. Ces usages, de ce qui est à bien des égards un mythe fondateur pour les équipes municipales et leurs principaux soutiens, se greffent sur des caractéristiques constantes, qui permettent la comparaison des différentes offres de participation au-delà des spécificités.

Il apparaît d’abord comme une règle commune que l’annonce et la mise en place d’une offre institutionnelle se fasse dans le contexte d’une alternance ou a minima d’un changement par anticipation d’une possible alternance. La démocratie participative est ainsi présentée comme cause et effet de ce changement de configuration et sa promotion en tant qu’enjeu politique est concomitante de la promotion d’hommes et de femmes qui accèdent à travers elle aux responsabilités politiques locales. A travers cette revendication d’un double renouvellement, à la fois des représentants et des façons de représenter, l’alternance se veut être une alternative. Cette assimilation entre alternance et changements politiques est la raison d’être de la notion dans un système représentatif, où la scansion électorale est censée définir la principale possibilité de sanction des administrés envers leurs représentants. Cette définition théorique rencontre de nombreuses limites empiriques 518 Mais pour les acteurs politiques, les configurations d’alternance demeurent néanmoins des « conjonctures critiques [qui] sont des moments de mise à l’épreuve des règles institutionnelles tant dans l’ordre du politique que dans celui de l’action publique »519 et constituent une fenêtre opportunité pour l’émergence de nouvelles options de

politiques publiques520. Il importe de saisir l’alternance dans un contexte politique et social qui

515 A. MAZEAUD, La fabrique de l’alternance. La démocratie participative dans..., op. cit.

516 Stéphane CADIOU, « Les exécutifs locaux », Revue française d’administration publique, 2015, vol. 154, no 2, p. 337‑349.

517 Alice MAZEAUD, « La construction emblématique de l’alternance. Les recompositions de l’action agricole et environnementale de la région Poitou-Charentes (2004-2010) », in Philippe ALDRIN, Lucie BARGEL, Nicolas BUE

et Christine PINA (dir.), Politiques de l’alternance : sociologie des changements (de) politiques, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2016, p. 359‑380.

518 Philippe ALDRIN, Lucie BARGEL, Nicolas BUE et Christine PINA (dir.), Politiques de l’alternance : sociologie des changements (de) politiques, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2016.

519 A. MAZEAUD, La fabrique de l’alternance. La démocratie participative dans..., op. cit., p. 87. 520 John W. KINGDON, Agendas, alternatives, and public policies, Little, Brown, 1984.

conditionne en partie les possibles en la matière et qui justifie ici l’évocation de configurations d’alternance, qui sont déterminées par un jeu d’ajustement entre ce qui précède et ce qui suit.

Nous évoquons dans la section (I), les configurations d’alternance par la démocratie

participative. Nous interrogeons comment une proposition programmatique similaire dans ces

villes rencontre un contexte politique et social préexistant, sur lequel les protagonistes s’appuient, pour revendiquer une continuité ou une rupture.

Dans les trois cas mobilisés, la construction d’une alternative est liée à la revendication d’une certaine prise de distance avec les partis politiques nationaux. La distance reste variable et des recompositions s’observent au fil des mandats, entre nouvelles alliances électorales et fluctuations des appartenances individuelles à un parti politique. Ces trois terrains se caractérisent par la création d’associations politiques locales, qui incarnent une forme de gauche plurielle, dont l’un des enjeux est la négociation souvent difficile avec les autres formations politiques nationales (PS, Verts, Front de Gauche). Ce rapport aux partis politiques est notamment important à Lanester et Arcueil qui sont des villes fortement marquées par le communisme municipal, une donnée qui est importante pour y saisir l’implantation de la thématique participative521 et le rapport qu’y entretiennent les différentes formations politiques. Mais ces configurations politiques se comprennent d’autant mieux au regard des trajectoires individuelles des principaux élus, et notamment des maires. Leurs parcours se comprennent comme les différentes étapes d’une carrière politique au fondement d’un leadership paradoxal.

Nous abordons dans la section (II) les rassemblements citoyens et les parcours individuels

de dissidence des élus participatifs. Nous mettons en avant l’aspect transitoire de la mise à

distance des partis politiques locaux, qui ne survit pas au-delà du premier mandat, la volonté de durer rendant nécessaire des alliances électorales. Nous relevons enfin en quoi la prise en compte des parcours des maires permet de révéler des continuités au-delà des discours de rupture. Mais la prise en compte des autres élus, notamment les adjoints à la démocratie participative permet d’entrevoir un renouvellement des élus via les dispositifs participatifs.

521 Héloïse NEZ et Julien TALPIN, « Généalogies de la démocratie participative en banlieue rouge : un renouvellement du communisme municipal en trompe-l’œil ? », Genèses, 2010, no 79, p. 97‑115 ; Émilie BILAND, « La « démocratie participative » en « banlieue rouge ». Les sociabilités politiques à l’épreuve d’un nouveau mode d’action publique », Politix, 2006, no 75, p. 53‑74.

Section I : Les configurations d’alternance par la démocratie

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