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Pouvoir et vouloir participer en démocratie : sociologie de l'engagement participatif : la production et la réception des offres institutionnelles de participation à l’échelle municipale

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Academic year: 2021

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Pouvoir et vouloir participer en démocratie : sociologie

de l’engagement participatif : la production et la

réception des offres institutionnelles de participation à

l’échelle municipale

Guillaume Petit

To cite this version:

Guillaume Petit. Pouvoir et vouloir participer en démocratie : sociologie de l’engagement participatif : la production et la réception des offres institutionnelles de participation à l’échelle municipale. Science politique. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2017. Français. �NNT : 2017PA01D094�. �tel-01825655�

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UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON-SORBONNE

ÉCOLE DOCTORALE DE SCIENCE POLITIQUE

THÈSE

POUR

L’OBTENTION

DU

DOCTORAT

EN

SCIENCE

POLITIQUE

présentée et soutenue publiquement le 15 novembre 2017 par Guillaume PETIT

POUVOIR ET VOULOIR PARTICIPER EN DÉMOCRATIE

Sociologie de l’engagement participatif : la production et la

réception des offres institutionnelles de participation à

l’échelle municipale

Directeur de thèse

Loïc BLONDIAUX, Professeur, Université Paris 1

Jury

Céline BRACONNIER Professeure, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Guillaume GOURGUES Maître de conférences, Université de Franche-Comté

Rémi LEFEBVRE Professeur, Université Lille 2, rapporteur

Nonna MAYER Directrice de recherche émérite, CNRS, Sciences Po Paris, rapporteure Frédéric SAWICKI Professeur, Université Paris 1

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« Depuis 1848 [...] la majorité des gens cultivés considérait la politique comme un atavisme plutôt que comme une chose importante. [...] Ainsi Ulrich avait-il été habitué toute sa vie à ne pas espérer que la politique fît jamais ce qui devait se produire, mais seulement, dans les meilleurs cas, ce qui aurait dû se produire depuis longtemps. Ce qu’il voyait le plus souvent en elle, c’était l’image d’une criminelle négligence. [...] Ulrich avait assez souvent de petites conversations avec [l’étudiant Schmeisser], ce révolutionnaire qui ne voulait pas faire de révolution : « Que tôt ou tard l’humanité reçoive une organisation d’aspect socialiste, lui disait Ulrich, je le savais déjà [...] car le fait que des millions d’hommes sont opprimés de la manière la plus brutale pour que quelques milliers d’autres ne sachent rien faire de bien de la puissance qu’ils en retirent, ce fait est non seulement injuste et criminel, mais encore stupide, mal pratique et de l’ordre du suicide ! » [...] Schmeisser répliqua ironiquement : « Vous vous êtes toujours contenté de le savoir. N’est-ce pas ? Voilà l’intellectuel bourgeois ! [...] Vous n’avez aucune idée de ce qui compte en politique, parce que vous êtes un bourgeois affligé de romantisme social, au mieux un anarchiste ! ». » (Musil, L’Homme sans qualités, T.2, 1956 (1930-32), Seuil, p.736-737)

*

« Formé à l’école de Malinowski, Marcel Appenzzell voulut pousser jusqu’au bout l’enseignement de son maître et décida de partager la vie de la tribu qu’il voulut étudier au point de tout à fait se confondre avec elle. [...] Au bout de plusieurs jours de marche, Appenzzell avait enfin découvert un village Kubu. [...] Personne ne le regarda, ne sembla s’apercevoir de sa présence. [...] Tout au plus put-il regarder comment vivaient les Kubus et commencer à consigner par écrit, ce qu’il voyait. [...] Le matin du quatrième jour, quand Appenzzell se réveilla, le village avait été abandonné. Les cases étaient vides. Toute la population du village [...] était partie [...]. Appenzzell mis plus de deux mois à les retrouver. [...] Pas plus que la première fois, les Kubus ne lui parlèrent, ni ne répondirent à ses avances. [...] Le lendemain matin, à nouveau, le village était abandonné. Pendant presque cinq ans, Appenzzell s’obstina à les poursuivre. A peine avait-il réussit à retrouver leurs traces qu’ils s’enfuyaient à nouveau, s’enfonçant dans des régions de plus en plus inhabitables pour reconstruire des villages de plus en plus précaires. Pendant longtemps Appenzzell s’interrogea sur la fonction de ces comportements migratoires. [...] S’agissait-il d’un rite religieux, d’une épreuve d’initiation, d’un comportement magique lié à la naissance ou à la mort ? [...] La vérité cependant, l’évidente et cruelle vérité, se fit enfin jour. [...] « Quelque irritants que soient les déboires auxquels s’expose celui qui se voue corps et âme à la profession d’ethnographe, afin de prendre par ce moyen une vue concrète de la nature profonde de l’Homme [...] et bien qu’il ne puisse aspirer à rien de plus que mettre au jour des vérités relatives [...] la pire des difficultés que j’ai dû affronter n’était pas du tout de cet ordre. [...] Au terme d’une exaltante recherche, je tenais mes sauvages, et je ne demandais qu’à être l’un d’eux, à partager leurs jours, leurs peines, leurs rites ! Hélas, eux ne voulaient pas de moi [...] C’était à cause de moi qu’ils abandonnaient leurs villages et c’était seulement pour me décourager moi, pour me persuader qu’il était inutile que je m’acharne qu’ils choisissaient des terrains chaque fois plus hostiles, [...] pour bien me montrer qu’ils préféraient [tout] affronter [...] plutôt que les hommes ! ». [...] Marcel Appenzzell n’écrivit pas d’autre lettre. » (Perec, « Histoire de l’anthropologue incompris », La Vie mode d’emploi, Hachette, 1978, p.141-147)

*

« Tout est intéressant pourvu qu’on le regarde assez longtemps » (Flaubert, cité par Bourdieu, La Misère du Monde, Seuil, 1993, p.1388)

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Remerciements

Mes remerciements dans la réalisation de cette thèse vont à toutes les personnes rencontrées au fil de ces années et qui y ont chacune contribué, tant pour aider à poser des questions, que pour suggérer des réponses. Merci,

… aux membres du jury pour avoir accepté l’invitation à discuter cette recherche.

… à Loïc Blondiaux pour son suivi et la qualité de nos échanges. Ma thèse et la possibilité de la mener à bien lui doivent assurément beaucoup. Je me réjouis d’avoir eu la chance de travailler sous sa direction.

… aux collègues de Missions Publiques, pour tout le temps passé ensemble, entre quatre murs ou aux quatre coins du pays. Je pense avant tout à Judith Ferrando, à ce que lui doit mon parcours professionnel et à la sympathie que j’éprouve à son égard. Mes salutations vont également à Fanny Gleize, Yves Mathieu, Antoine Vergne, Marie Thiry, Margot Espalieu, Romain Rodrigues, Erwan Dagorne, Laura Marilly, Lucie Anizon et tous les autres. Enfin, j’ai une pensée toute particulière pour les camarades Damien Fournel et Elian Belon, deux individus parmi les plus remarquables que j’ai pu croiser.

… aux enseignants et/ou chercheurs, qui lors de différentes étapes de la thèse, comités de l’école doctorale, communications ou propositions d’articles, ou lors de séminaires, ont eu l’occasion de me faire des critiques, qui m’ont à chaque fois aidé. Je pense notamment à Rémi Lefebvre, Daniel Gaxie, Guillaume Gourgues, Clément Mabi, Samuel Hayat ; mais aussi à Julien Fretel, Frédérique Matonti, Bastien François, Marion Paoletti, Marion Carrel, Jean-Michel Fourniau, Magali Nonjon, Héloïse Nez, Marie-Hélène Sa Vilas Boas, Samuel Coavoux. Je remercie Alice Mazeaud et Lorenzo Barrault-Stella, pour leurs critiques sur certains aspects du texte, et encore davantage Julien Talpin et Julien O’Miel, pour leur ouverture, leurs encouragements et leurs retours tant précis que précieux.

… à toutes les personnes, qui organisent les lieux où les échanges scientifiques sont rendus possibles, particulièrement le Gis Démocratie et Participation.

… à l’ensemble des équipes pédagogiques de l’UFR de science politique de l’université Paris 1. Avoir la possibilité de rejoindre l’équipe enseignante, en tant qu’Ater à la suite de la Cifre, a été une source de motivation. Merci pour leur disponibilité aux équipes administratives, notamment Chantal Lisse, Clarence Paul et Lucie Ribourg.

… aux collègues et camarades doctorants. Mes amitiés à Jean-Michel Chahsiche, Matthieu Marcinkowski, William Arhip-Paterson, Mario Bilella, Clément Lescloupé, pour le plaisir des conversations communes. Mes sincères salutations à Dimitri Courant, Vincent Jacquet, pour les occasions de discussions sur nos recherches. Un salut collectif aux collègues doctorants de Paris 1, Julie Le Mazier, Martin Baloge, Amélie Beaumont, Juliette Fontaine, Nicolas Azam, Antoine Aubert, Nazli Nozarian, Ewa Krzatala-Jaworska, Pierre Mayance, Xavier Guignard, Claire Bloquet, Guillaume Letourneur, Oriane Tercerie, Sidy Cissokho, Alessio Motta, Lola Avril, Natalia Frozel-Barros, Walter Nique-Franz, Armand Dang, Paul Grassin, Pierre France, Anne Bellon, Marianne Saddier, Simon Massei, Thomas Lépinay, Damien Lecomte…

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… à mes parents, Daniel et Sylvie, pour leur soutien de toujours, et à mon frère Vivien. Qu’ils sachent toute l’estime et l’affection que je leur porte.

… aux amis, pour tout ce qui importe en dehors de la thèse et pour leur capacité éprouvée à m’en extirper ; la bise en premier à Jérémy, Nicolas et Romain, et à tous les autres. Enfin, merci, à Mathilde, pour ce que tu es et pour ce que tu m’aides à être, pour l’avant et pour l’après.

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Pouvoir et vouloir participer en démocratie.

Sociologie de l’engagement participatif : la production et la réception des offres institutionnelles de participation à l’échelle municipale

Résumé :

Les élus locaux veulent associer les citoyens, qui veulent pouvoir être entendus et peser dans les décisions. Ces propositions résument les enjeux d’une démocratie participative, à la fois comme idéal de gouvernement et comme norme de l’action publique locale. La thèse revient sur la mise à l’épreuve de l’impératif délibératif à l’échelle municipale, depuis les années 1990. L’enquête repose sur l’analyse des conditions sociales de la production et de la réception d’offres institutionnelles de participation, dans trois communes de 20 000 habitants. Au travers d’une approche inductive et pluri-méthodologique, nous proposons une sociologie de l’engagement participatif, entre études sur la socialisation politique et sur l’action publique locale. L’attention portée aux contextes, aux acteurs et aux formats de l’offre de participation, permet d’en constater l’institutionnalisation inaboutie et les appropriations socialement situées. Nous argumentons en faveur d’une compréhension dispositionnelle et situationnelle des parcours de participation et de non-participation, pour élaborer une théorie ancrée de l’engagement participatif, entre pouvoir et vouloir. Dans ce cadre, la possibilité intermittente d’une participation réalisée ne se comprend qu’au regard d’un engagement distancié, critiqué, empêché ou évité. En toute fin, si elle est une voie d’intéressement à un intérêt local commun, l’offre de participation voit sa portée sociale et politique fondamentalement limitée par l’encastrement de la participation dans la représentation.

Mots clés : démocratie participative, politique locale, politiques procédurales, participation

institutionnalisée, engagement participatif, dispositions sociales, parcours de participation

Participation in Democracy: Who can, and who would want to participate?

Production and reception of public participation policies at municipal level. Abstract :

This thesis studies political participation at local level and its implications for citizen engagement in public policy. Local elected representatives want to engage citizens in governance, citizens want to be heard and to influence policy making. Thus participatory democracy and deliberative imperative are considered as an ideal for government and a best practice in public action. This thesis focuses on “offers of participation” − opportunities for participation created by authorities for citizen − in French municipalities since 1990. I argue that these “offers” swing between thwart institutionalising and continuous experimenting. Empirical data are derived from the study of policies for implementing participatory democracy in three cities of 20 000 inhabitants. I discuss the social-historical anchorage of these political-administrative constructions, the effects of their various design and the social conditions of their differentiate appropriations by citizens. I suggest a grounded theory of citizen engagement based on an inductive and multi-method approach. The analytical framework is based on the concepts of social dispositions and situations, in order to determine social conditions of patterns of participation and non-participation, as both faces of a similar phenomenon. The opportunity for an effective intermittent participation can only be understood in relation with a distanced, impeached, prevented or avoided participation. “Offers of participation” are a way to mobilise citizens on a common local interest. Though, their impact is narrowed by the fact that participation is imbedded in the system of political representation.

Keywords : participatory democracy, procedural policies, local policies, institutionalised participation,

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Sommaire

Sommaire 2

Anonymat des données et choix d’écriture 4

INTRODUCTION :POUR UNE SOCIOLOGIE DE L’ENGAGEMENT PARTICIPATIF 11

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE ET STRATEGIE EMPIRIQUE 27

CHAPITRE 1 :LA DEMOCRATIE ET LA PARTICIPATION COMME CONSTRUCTIONS SOCIALES : INVENTAIRE

CRITIQUE 29

Section I : Les ancrages théoriques et pratiques de l’objet participatif 32 Section II : Les débats autour des effets des dispositifs participatifs et de la demande de participation 53 Conclusion : Repères pour une sociologie de l’engagement participatif 77 CHAPITRE 2 :CHOIX DES TERRAINS, POSTURE DE RECHERCHE ET STRATEGIE EMPIRIQUE 79 Section I : Retour sur la sélection des terrains, entre approche localisée et comparée 80

Section II : Posture de recherche et données de l’enquête 105

Conclusion : Des cas limites et typiques de l’offre institutionnelle de participation 137

PARTIE 2 : LES LOGIQUES DE L’OFFRE 139

CHAPITRE 3 :LES CONTEXTES POLITIQUES DES OFFRES DE PARTICIPATION 141 Section I : Les configurations d’alternance par la démocratie participative 143

Section II : Les parcours individuels des élus participatifs 171

Conclusion : L’ancrage socio-historique des offres de participation : fiefs locaux et capital politique

spécifique 198

CHAPITRE 4 :LE CADRAGE DES OFFRES DE PARTICIPATION ET LE FAÇONNAGE ORGANISATIONNEL DE

L’ENGAGEMENT PARTICIPATIF 201

Section I : La participation par instances : pérenne et territorialisée 205 Section II : La participation par projet : ponctuelle et thématique 241 Conclusion : Une nouvelle séquence de l’offre de participation ? 267 CHAPITRE 5 :LA MISE EN ADMINISTRATION DE L’OFFRE DE PARTICIPATION.LES TENSIONS ENTRE

EXPERIMENTATION ET INSTITUTIONNALISATION 269 Section I : La règlementation et la mise en administration des offres de participation 272 Section II : L’institutionnalisation limitée et l’expérimentation perpétuelle 300 Conclusion : L’offre de participation : excès ou défaut d’institutionnalisation ? 316 Récapitulatif - Partie 2 : sur la production des offres de participation 318

PARTIE 3 : LES LOGIQUES SOCIALES DE LA RECEPTION 325

CHAPITRE 6 :LES FACTEURS SOCIAUX DE LA PARTICIPATION 327 Section I : Connaître les publics : un enjeu pour la pratique et la recherche 332

Section II : La sélectivité sociale de la participation 341

Section III : La sélectivité sociale au prisme des intensités variables de l’engagement participatif 365 Conclusion. : L’analyse quantitative des facteurs sociaux de la participation : redites, apports et limites

401 CHAPITRE 7 :L’ESPACE SOCIAL DE LA PARTICIPATION ET LES RESEAUX DES PARTICIPANTS 405

Section I : L’espace social de la participation 407

Section II : Les réseaux de l’engagement participatif : un effet de reversements d’expériences préalables 438

Section III : La société des participants 453

Conclusion. Le capital social déterminant ou équivalent de l’engagement participatif ? 482 Récapitulatif - Partie 3 : sur les logiques sociales de l’engagement participatif 489

PARTIE 4 : LES SENS DE L’ENGAGEMENT PARTICIPATIF 493

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Section I : Les motifs de la participation, entre dispositions et situations 497 Section II : L’engagement participatif comme redéfinition du politique ? 543 Conclusion : Des motifs de la participation aux parcours de participation 574 CHAPITRE 9 :LES PARCOURS DE PARTICIPATION 577 Section I : Les temps sociaux de la participation : dispositions, disponibilités 581 Section II : Les parcours balisés de l’engagement participatif : la participation entre pouvoir et vouloir

628 Conclusion : Des temps sociaux situés dans l’espace social, des parcours entre persistance et

intermittence 675

Récapitulatif - Partie 4 : sur les sens de l’engagement participatif 678 Conclusion générale : Pouvoir et vouloir participer en démocratie 685

ANNEXE 707

Bibliographie 749

Index des extraits d’entretien 784

Index des noms 785

Index des tableaux et figures 789

Index des encadrés 792

(11)

Anonymat des données et choix d’écriture

Avec la rédaction est venue cette question sempiternelle : faut-il rendre anonymes l’ensemble des données mobilisées dans cette étude ? La réponse est plus complexe qu’une simple convention d’écriture. Les choix en la matière renvoient aussi à des postures sociologiques et à la considération donnée aux enquêtés, comme des collaborateurs à part entière de la démarche empirique. Ainsi nous les explicitons, en tant qu’ils renvoient à des enjeux déontologiques, mais aussi scientifiques1.

Le premier niveau d’anonymat concerne les lieux d’enquête. Devons-nous rapporté avoir enquêté à Cornerville2, plutôt qu’à Lanester, Arcueil et Bruz ? Notre choix va sans dire, une fois les trois toponymes révélés. La raison en est que la dissimulation nous est apparue autant irréaliste que contre-productive. Comment argumenter de l’importance de saisir la participation en contexte, et ensuite passer sous silence la possibilité d’effectivement le situer ? Nos données sont éminemment liées à leur contexte de production. C’est justement en tenant compte de cet ancrage − pourquoi et comment cela a-t-il pu se passer ainsi à ce moment et dans cette configuration ? − qu’il est ensuite possible d’interroger les conditions de possibles généralisations3. L’enquête

sociologique est située et il semble nécessaire de prendre cette affirmation au mot, en explicitant les lieux de sa réalisation. Bien entendu nous aurions pu inventer des appellations. Mais ce choix aurait été loin de tout résoudre : faut-il des appellations génériques, mais qui du coup ne disent rien, ou des appellations qui en disent tout de même un peu… mais qui du coup mettent en lumière un pan de l’histoire locale, au détriment de tous les autres ?

Ce choix de retenir les noms des localités a des conséquences sur l’anonymat des personnes. L’anonymisation des figures publiques, notamment les maires de ces villes, mais aussi certains fonctionnaires ou plus généralement des membres connus de la communauté locale, selon le degré de familiarité du lecteur avec le contexte, n’a alors plus vraiment de sens. Notre choix a été de conserver les prénoms réels des maires, actuels et passés, en tant qu’ils constituent les figures publiques par excellence, auxquels font référence de façon récurrente l’ensemble des autres enquêtés. Ce choix exclut les éléments nous ayant été signalés comme relevant du off. Pour les autres élus ou les fonctionnaires, les prénoms ont été modifiés. Nous n’indiquons cependant

1 Sur ce sujet, voir notamment :

Aude BELIARD et Jean-Sébastien EIDELIMAN, « Au-delà de la déontologie. Anonymat et confidentialité dans le travail ethnographique », in Didier FASSIN et Alban BENSA (dir.), Les Politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, Paris, La Découverte, 2008, p. 123-141

Florence WEBER, « Publier des cas ethnographiques : analyse sociologique, réputation et image de soi des enquêtés », Genèses, vol.1, n°70, 2008, p. 140-150

Katja M. GUENTHER, « The politics of names : rethinking the methodological and ethical signiffiance of naming people, organizations and places », Qualitative Research, vol. 9, N°4, 2009, p.411-421

Emmanuelle ZOLESIO. « Anonymiser les enquêtés », Interrogations, 2011, p.174-183

2 William Foote WHYTE, Street corner society: la structure sociale d’un quartier italo-américain, Paris, La Découverte, 1996.

Réédition dans laquelle le chercheur révèle d’ailleurs : « plus de quarante ans après avoir quitté le quartier, il me semble plus guère y avoir de raison de maintenir ce nom fictif, ni les pseudonymes des personnages principaux » (p.360), indiquant par-là, sans l’interroger, une motivation d’ordre éthique à l’anonymisation, et non pas d’abstraction ou de généralisation du propos.

3 Barney GLASER et Anselm STRAUSS, The discovery of grounded theory: strategies for qualitative research, Chicago, Aldine Pub. Co., 1967.

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que les prénoms pour les personnes rencontrées. Il y a deux raisons à cela. La première est proprement technique, elle renvoie à l’indexation des textes par les moteurs de recherche en ligne, or il ne semble pas justifiable de lier notre analyse aux recherches effectuées sur des personnes publiques4. La deuxième est davantage politique, nous y revenons en évoquant le cas des autres enquêtés, dont les prénoms ont été modifiés.

Une première possibilité d’anonymat des enquêtés, en dehors des promoteurs assumés des offres de participation, aurait été de se référer à des entretiens numérotés, liés à une base de donnée listant leurs principales caractéristiques sociales. Cette possibilité − qu’on pourra juger réductionniste, ce qui ne signifie pas réductive − nous est d’emblée apparue insatisfaisante. D’abord elle nous paraît nuire profondément à l’incarnation et à la lisibilité du propos. Ensuite, le fait que les enquêtés ne sauraient n’être que des numéros ne renvoie pas qu’à une pudeur humaniste, mais aussi à une façon de faire de la sociologie et de concevoir le social. Se contenter de numéroter c’est, consciemment ou non, sous-entendre que les enquêtés seraient interchangeables et équivalents à l’aune de quelques critères : âge, CSP ou niveau de diplôme. D’individus sociaux ils deviennent des observations statistiques : peu importe qui parle, du moment qu’on sait s’il s’agit d’un vieil ouvrier ou d’un jeune cadre. Vouloir s’intéresser aux parcours des individus et aux sens qu’ils donnent à leur participation est partiellement incompatible avec une telle perspective. Sans nous y limiter, nous fournissons tout de même le numéro des entretiens, car la numérotation par ordre chronologique de réalisation des entretiens donne une indication de la temporalité du recueil de données, plus directement compréhensible que la simple mention du mois et de l’année de réalisation.

A l’inverse, une non-identification serait un choix radical tout aussi insatisfaisant, profondément anti-sociologique et postulant naïvement que les actes valent toutes choses égales par ailleurs, que le discours vaut quel que soit le locuteur. Or, « la compétence à produire des phrases compréhensibles peut être tout à fait insuffisante pour produire des phrases susceptibles d’être écoutées, des phrases propres à être reconnues comme recevables dans toutes les situations où il y a lieu de parler »5. La solution retenue a donc été des plus classiques : employer des prénoms modifiés. Cette substitution s’est faite compte tenu de la non-interchangeabilité, sociale et culturelle, des prénoms6. Nous avons choisi les prénoms dans une liste de patronymes socialement proches : à partir de l’enquête emploi, de personnes nées entre 1960 et 1980, regroupées selon la catégorie socio-professionnelle du père7. La proximité générationnelle et

4 Nous nous inspirons ici de la position exprimée par Nicolas JOUNIN, Voyage de classes: des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers, Paris, France, La Découverte, impr. 2014, 2014.

5 Pierre BOURDIEU, Ce que parler veut dire: l’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982, p. 42. 6 Baptiste COULMONT, Sociologie des prénoms, Paris, La Découverte, 2014.

Des outils sont disponibles pour permettre de chercher des prénoms les plus équivalents possibles. Deux exemples : 1- http://dataaddict.fr/prenoms/?x=0&y=0#alain-h,bernard-h permet de comparer les attributions de prénom entre 1945 et 2015 à partir du fichier des prénoms produits par l’Insee. L’url que nous citons illustre par exemple que Alain semble être un bon choix pour renommer Bernard.

2 - http://coulmont.com/bac/nuage.html permet de repérer des proximités entre prénoms à partir des mentions obtenues au baccalauréat.

Le premier exemple se fonde donc sur un critère uniquement générationnel, ayant simplement une dimension démographique : il tient compte de l’importance numérique d’un prénom, mais pas de sa position dans l’espace social. Le deuxième apporte cette dimension sociologique, mais est limité aux prénoms les plus récents, en couvrant une période débutant au baccalauréat 2012.

7 Nous remercions Baptiste Coulmont de nous avoir fourni cette liste.

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sociale des enquêtés implique la récurrence de nombreux prénoms parmi les enquêtés. Ce fait est en réalité un résultat à part entière de l’enquête et nous l’avons conservé. Ainsi les homonymes se sont tous vus attribuer le même faux prénom. Bien entendu, nous en avons toujours choisi un troisième, plutôt que de simplement les inter-changer un à un.

Cette approche est la plus courante, mais elle pose néanmoins des questions qui sont rarement évoquées8. D’abord, pourquoi appeler les enquêtés par leurs prénoms ? Il faut ici expliciter que

cette appellation correspond à la réalité de l’enquête de terrain. Nous avons toujours opté pour le vouvoiement, laissant aux personnes l’initiative de passer ou non au tutoiement, mais nous avons appelé la plupart par leur prénom. Les plus âgés, que nous avons pu dénommer Monsieur ou Madame dans un premier temps, nous ont ainsi souvent rappelé à l’ordre : « pas de ça avec moi ». Ce rappel est en soi un indice de l’espace social de notre enquête, un milieu où le respect extrême d’une étiquette est perçu comme du « chichi », sans pour autant verser à l’inverse dans une familiarité surfaite.

La deuxième raison rejoint le point que nous avons laissé jusqu’ici en suspens, en évoquant les élus et les agents, que par ailleurs nous avons également appelé par leur prénom et souvent tutoyé. Il s’agit de l’affirmation d’un principe d’égalité. En effet, avant d’arrêter ce principe, nous nous sommes rendu compte, que nous tendions à désigner certains enquêtés par leurs prénoms et noms de famille, tandis que d’autres n’avaient qu’un prénom. Cette différence renvoie à l’incorporation d’une hiérarchie sociale : dans la première catégorie nous retrouvions principalement les élus, et notamment les maires et adjoints, tandis que dans la deuxième nous retrouvions des habitants, dont nous redoublions inconsciemment l’ordinarité en les privant d’un nom, que pour une part d’entre eux nous ne rappelions plus facilement. Il y a ainsi une indéniable inégalité sociale devant l’anonymisation et cette difficulté à rendre anonyme certains témoignages, au risque de leur faire perdre une partie de leur importance est en soi révélatrice. Cette difficulté peut être d’ordre statutaire, comme par exemple pour des maires ou des agents territoriaux, mais elle peut aussi renvoyer à d’autres ressources, comme le capital social de l’enquêté − en témoignent les réactions ironiques à notre précaution d’usage sur l’anonymat en début d’entretien : « de toute façon je suis connu ici… » − ou encore les particularités d’un parcours qui identifient indirectement la personne : « dans votre questionnaire, on me situait complètement… »

Nous reconnaissons l’artificialité qu’il y a à n’indiquer qu’un prénom d’un élu, quand son nom est publiquement accessible par ailleurs. Mais cet artifice est le prix de la cohérence et du respect d’une même norme de citation. Par contre, lorsque d’autres enquêtés citent ces mêmes élus, nous avons repris leur façon de les désigner, puisque cela constitue en soi une information sur le rapport qu’ils entretiennent avec eux.

Baptiste Coulmont a objectivé les usages des sociologues en matière d’anonymat. Ils s’avèrent significativement différents selon l’origine et la catégorie sociale des populations enquêtées. L'anonymat par l’usage du seul prénom modifié concerne d'abord des « personnes disposant d'un pouvoir social réduit », quand l'anonymat complet, sans prénom, même modifié, concerne

8 A ce titre cet article stimulant vient combler un manque apparent dans la littérature : Baptiste COULMONT, « Le petit peuple des sociologues: Anonymes et pseudonymes dans la sociologie française », Genèses, 2017, vol. 107, no 2, p. 153.

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« surtout des personnes en position relative d'exercer un pouvoir ». Notre position tente de contrôler ce biais d’usage socialement différencié du pseudonyme : quelle que soit la grandeur relative d’un individu dans sa communauté, c’est la même règle qui prévaut dans le texte. Nous avons découvert après coup que ce choix était historiquement et politiquement situé, au travers d’un texte d’Alain Desrosières dans lequel celui-ci réagit à une controverse opposant une anthropologue à une de ses enquêtés, réagissant négativement à son objectivation. Il y rappelle : « un usage en vigueur dans le mouvement féministe des années 1970, celui de semi-anonymiser les identités des intervenant(e)s, [en n’employant que leurs prénoms]. Elles le faisaient par choix militant plutôt que scientifique, pour mettre chacune sur un pied d’égalité, et souligner ainsi le caractère collectif de leurs activités »9.

Cette référence et cette perspective nous conviennent tout à fait : il s’agit pour nous autant de reconnaître la position individuelle des individus, que leur appartenance à un ensemble les dépassant et les englobant, dans lequel ils inscrivent leurs activités sociales et qui influe en retour sur leurs positions, prises de positions et points de vue dans l’espace social. Cette affirmation d’un principe d’égalité10 dans la dénomination ne charrie pas pour autant un égalitarisme de

façade, qui dissimulerait le poids des hiérarchies, des appartenances et des catégorisations sociales. Ainsi les principales caractéristiques sociales et statutaires, par ailleurs disponibles en annexe, sont régulièrement rappelées sous la forme habituelle d’un « talon sociologique », plus ou moins détaillé selon la fréquence de la référence à un même entretien. Nous identifions la plupart de nos données de la sorte : Type [Entretien numéroté/Observation/Questionnaire], Ville, Date, Prénom, Statut [élu, agent, habitant], Informations sociales pertinentes (âge, ancienneté de résidence, profession, diplôme, revenus11…), Informations liées à la participation pertinentes.

Les catégories sont variablement complétées selon la raison de la mobilisation de l’extrait. Ce choix nous semble le meilleur équilibre entre lisibilité générale du texte, contextualisation des éléments de preuve et possibilités de lier différents extraits comme émanant d’une même source. Les extraits courts d’entretien sont signalés par des guillemets dans le texte, avec référence en notes de bas de page, les extraits longs d’entretiens font l’objet d’un encart à part. Certains extraits ne sont pas directement attribués à un entretien en particulier, du fait de leur récurrence, ils sont alors signalés comme tels. Nous prenons le parti d’intégrer des extraits de citation dans le cours du texte ou en encadré plutôt que des transcriptions en annexe. En ce qui concerne le niveau de langage, nous avons généralement tenté de respecter le style du locuteur, en adaptant parfois les traces du langage oral pour une transcription écrite ; celles qui sont significatives (répétitions, hésitations, reprises, arrêt) sont résumées en italique. Nous proposons pour ces extraits deux niveaux de lecture, complète ou sélective, en y signalant en gras les mots ou les phrases qui nous semblent importants et qui ont justifié la sélection de l’extrait. Le principe de

9 Alain DESROSIERES, « Quand une enquêtée se rebiffe : de la diversité des effets libérateurs, ou les arguments des trois chatons », Genèses, 2008, vol. 71, no 2, p. 148 note n°1.

10 Jacques RANCIERE, Le maître ignorant: cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 2009. 11 Ces deux dernières variables sont simplifiées. Pour le diplôme : inférieur au bac - bac - 1er cycle - 2eme cycle. Pour le revenu : faible : inférieur à 2000 ; moyen : 2000 - 3000 ; élevé : 3000 - 4000 ; très élevé : supérieur à 5000. Il s’agit des revenus mensuels nets par foyer, et non pas individuels. L’échelle relative de référence est notre échantillon, et non pas les données nationales. Nous avons conscience que les revenus qualifiés de « moyen », correspondent en fait au salaire médian. Lorsque ces indications sont précédés d’un ~ cela signifie que nous les avons déduites approximativement d’après d’autres informations, notamment la profession ou les indices de la situation d’entretien. Autrement, c’est une information directement fournie par les enquêtés.

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mise en gras est par ailleurs ponctuellement appliqué à certains passages du texte, pour faciliter la mise en avant des résultats principaux.

Un dernier aspect qui nous semble intéressant pour la pratique de l’écriture sociologique, est qu’une telle anonymisation n’est possible qu’en toute fin de rédaction. Certes, cela laisse la possibilité d’omissions involontaires, mais cette raison est d’ordre pratique. En effet, rédiger à partir de données qualitatives issues d’entretiens va avec une sorte « d’attribution mémorielle » de la part de l’enquêteur au moment de la rédaction. Lorsqu’on cite, on se rappelle qui parle et dans quelles circonstances, et en cas de défaillance de la mémoire visuelle à la seule lecture de l’extrait, réécouter la bande sonore viendra souvent la combler. L’enquêteur se souvient ainsi de façon sensible des moments passés avec la personne, avant, pendant et durant l’entretien et à d’autres occasions lors des séjours sur le terrain. Malgré tous les défauts et les effets de reconstitution de la mémoire, il sait à peu près qui a dit cela et comment il l’a dit, quels gestes, postures ou ambiances ont accompagné la formulation de tel propos. Perdre ce lien au terrain lors de la rédaction, au prétexte d’une anonymisation en amont, c’est renoncer à tout un stock d’informations qui sont déjà difficilement communicables au travers de l’écrit. Anonymiser de la sorte ne peut donc se faire qu’une fois que l’ensemble est stabilisé, sous peine de se perdre parmi les locuteurs au fil de la rédaction, de ne plus savoir qui dit quoi et qui est qui. Et ce d’autant plus que la rédaction n’est pas un processus linéaire. S’obliger au moment de reprendre un passage après un premier jet, à retrouver dans une base de données à quel enquêté correspond tel pseudo est une abnégation qui dépasse nos capacités et qui nous semble par ailleurs assez contreproductive. Pour nous, le fait qu’un tel dise cela et pas un autre à un sens qui ne saurait être réduit à un pseudo et quelques variables jugées significatives.

L’identification des locuteurs permet aussi un certain cumul des discours au fil de la démonstration, plutôt que de considérer chaque extrait isolément. Le choix de nommer individuellement les enquêtés n’implique pas pour autant une vision individualisée du social, au sens où il serait impossible d’observer des récurrences et de les expliquer à l’aune de propriétés collectivement sédimentées. Il s’agit de reconnaître « les plis singuliers du social »12, et donc par rapport au sujet qui nous intéresse ici de reconnaître l’importance d’une possible identification individuelle permettant de reconstituer le contexte d’énonciation des propos, sans pour autant nier la possibilité de les situer dans l’espace social. Ces développements ne sont pas ici amenés comme une précaution stylistique, ils renvoient bel et bien à une réalité de notre terrain, comme le relève un habitant s’adressant à une assemblée de quartier qu’il quitte après une dispute : « vous regarderez le compte-rendu de la dernière réunion. Il n’y a que les élus qui sont nommés, nous les habitants on n’a pas de noms, on n’est jamais nommé ! »13 Il s’agissait ainsi de rendre à chacun un prénom, de le faire de la même façon pour tous, tout en respectant l’engagement pris d’anonymat ; toujours relatif au vu des autres données disponibles par ailleurs14.

12 Bernard LAHIRE, Dans les plis singuliers du social: individus, institutions, socialisations, Paris, La Découverte, 2013.

13 Observation, Assemblée de quartier, Arcueil, hiver 2014. Extrait du carnet de terrain.

14 Il est ainsi inenvisageable de passer sous silence des données comme l’âge, la profession ou un statut particulier comme président de conseil de quartier. Mais nous avons par contre évité la trop grande précision : ajouter ou soustraire aléatoirement un an aux deux-tiers des enquêtés ; ne pas préciser l’employeur exact, sauf si cela avait une signification particulière (fonctionnaire dans telle collectivité, employé dans telle entreprise locale) ; ne pas indiquer de quel conseil de quartier il s’agit.

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Ces choix d’écriture ne concernent que les données qualitatives. Les données quantitatives issues des questionnaires sont entièrement anonymisées, et ce quand bien même il nous était possible de les identifier en recoupant nos bases de données. Nous avons fait le choix éthique de ne jamais croiser de fichiers de données avec des informations nominatives. Ensuite, nous avons appliqué la même règle pour les données qualitatives issues d’observation. Nous avons considéré qu’en l’absence d’accord explicite, l’anonymat complet s’impose. Enfin, même pour les entretiens, nous avons adapté ce principe au cas par cas : par exemple lorsque les enquêtés avaient eux-mêmes réclamé le off sur certains ou l’entièreté de leur propos, soit en demandant l’arrêt de l’enregistreur, soit en nous le faisant comprendre ou lorsque nous avons-nous-mêmes jugé qu’une affirmation méritait de ne pas être lié à un enquêté identifiable, car cela pourrait lui nuire dans son milieu. Ce dernier aspect n’est pas le plus évident à jauger, bien des jugements peuvent apparaître triviaux pour l’observateur extérieur et pourtant avoir une portée transgressive pour l’enquêté depuis la position depuis laquelle il les exprime ; nous avons essayé d’être le plus maximaliste en la matière.

A ce stade du développement, nous espérons avoir argumenté au mieux nos choix et avoir clarifié quelle est notre posture : reconnaître l’importance des trajectoires individuelles, sans pour autant passer sous silence leur inscription sociale, tout en plaidant pour que cela n’empêche pas une certaine mise à égalité des points de vue. A notre sens le fait que « tout ne se vaille pas » n’est pas un principe explicatif satisfaisant, mais bien ce qu’il faut chercher à contextualiser et à expliquer, en interrogeant les conditions sociales de cette inégale validité : savoir qui parle, à partir de quelles expériences, quelles positions et selon quelles perspectives en est le premier pas.

Nous remercions sincèrement, pour leur temps et leur bienveillance, chacune des personnes rencontrées lors de l’enquête.

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Introduction : Pour une sociologie de l’engagement

participatif

Cette thèse revient sur deux décennies d’institutionnalisation et d’expérimentation de la solubilité du « participatif » dans le gouvernement local. Les offres institutionnelles de participation en constituent la principale entrée empirique. Nous nous intéressons à leur production et à leur réception, pour en mettre à jour les conditions et les logiques sociales.

Les recherches sur la démocratie participative ont forgé différentes notions : impératif délibératif15, nouvel esprit de la démocratie16, politiques de participation publique17, norme de l’action publique locale18. L’énumération correspond en partie à un ajustement de focale

théorique et empirique par rapport à l’analyse de la participation. Nous tenons compte de ces notions, tout en en développant une autre : l’engagement participatif19 ; dont nous situons l’étude, comme une contribution spécifique à la compréhension du fait social de la participation politique. Nous définissons l’engagement participatif au travers de la réception des offres de participation, tout en maintenant une attention aux logiques de leur production. Autrement dit, l’engagement

dans et par l’offre de participation20.

L’offre de participation désigne la mise en œuvre de dispositifs participatifs, visant à associer les citoyens à l’élaboration des politiques publiques et à la prise de décisions. Nous nous accordons avec le fait de penser la participation publique comme une politique de l’offre21. Mais

nous posons l’hypothèse que l’offre ne fait pas que s’imposer de façon homogène sur une population. L’offre de participation rencontre un contexte social et politique, qui implique sa confrontation avec un ensemble de représentations et de pratiques, qui lui préexistent et en découlent ; et ce à l’échelle institutionnelle, collective et individuelle.

15 Loïc BLONDIAUX et Yves SINTOMER, « L’impératif délibératif », Politix, 2002, vol. 15, no 57, p. 17–35. 16 Loïc BLONDIAUX, Le nouvel esprit de la démocratie, Paris, Seuil, 2008.

17 Guillaume GOURGUES, Les politiques de la démocratie participative, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2013.

18 Anne-Cécile DOUILLET et Rémi LEFEBVRE, Sociologie politique du pouvoir local, Armand Colin, 2017, p. 179‑193.

19 Julien TALPIN, « Pour une approche processuelle de l’engagement participatif: Les mécanismes de construction de la compétence civique au sein d’institutions de démocratie participative », Politique et Sociétés, 2008, vol. 27, no 3, p. 133-164

20 Pour le dire avec Howard Becker : « Quel type d’explication de la cohérence des comportements humains réside implicitement dans le concept d’engagement ? Un individu est clairement envisagé comme agissant de telle manière (« s’engageant »), ou comme étant dans une situation telle (« étant engagé ») qu’il va à présent suivre une conduite cohérente » ; la différence est subtile, comme le notent les traducteurs : « la distinction entre l’engagement comme action (ou engagement en acte) et l’engagement comme état est malaisé à traduire en français, [depuis] la langue anglaise [...] made a commitment [et] being committed ».

Howard Saul BECKER, « Notes sur le concept d’engagement », Tracés, 2006, no 11. Référence originale : H.S. Becker, « Notes on the Concept of Commitment », The American Journal of Sociology, vol. 66, n° 1, 1960, p. 32-40. L’auteur signale justement en quoi l’engagement visant à rendre compte d’une « trajectoire cohérente d’activités » est souvent « un concept non analysé, utilisé selon l’envie, qui recouvre un large panel de signification [et] d’ambiguïtés » et dont l’usage s’avère potentiellement tautologique « si on ne spécifie pas les caractéristiques ce qu’est « être engagé » indépendamment du comportement que l’engagement servira à expliquer ».

21 Guillaume GOURGUES, « Avant-propos : penser la participation publique comme une politique de l’offre, une hypothèse heuristique », Quaderni, 2012, no 79, p. 5‑12.

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Nous souhaitons donc rendre compte des investissements différenciés dans les dispositifs participatifs, sans nous centrer unilatéralement sur les promoteurs de l’offre ou sur les participants. Il s’agit de se fonder sur l’existence d’une offre de participation et d’incitations à la faire exister, pour décrire et analyser les modalités de son appropriation, tant du côté de ceux qui font participer, que de ceux qui participent.

Ainsi, nous nous intéressons conjointement à la production de l’offre et à sa réception, pour interroger si, et en quoi, ces opportunités octroyées modifient localement, en principe et en substance, les logiques du pouvoir démocratique locale22 et les déterminants et les conditions des comportements 23 et de la participation politique 24 sous le régime du gouvernement

représentatif25.

Dans ce cadre, nos questions essentielles sont : Qui (fait) participe(r) ? À quoi ? Comment ?

Pour quelles raisons et avec quels effets ?

Les termes « engagement participatif » et « participation » sont régulièrement convoqués comme synonymes dans notre recherche. Nous précisons une fois pour toutes que « engagement participatif » implique strictement la réponse à l’offre de participation et sa potentielle réitération, quand « participation » a une acceptation potentiellement plus large. Au plus simple, par définition : tout engagement participatif est de la participation, mais toute participation n’est pas de l’engagement participatif. « Participant » devrait dans ce cadre s’entendre comme « engagé participatif », « engagé par/dans l’offre de participation », mais nous ne poussons pas la nomenclature jusqu’à distordre à ce point le langage commun et nous conservons donc l’appellation ordinaire.

A partir du suivi d’opportunités concrètes de participation à l’échelle municipale, nous observons en quoi la participation réalisée, relève d’une série d’épreuves : avoir connaissance d’une offre de participation, être en capacité et en possibilité d’y répondre et voir un intérêt à participer dans ces conditions. Nous comprenons l’engagement participatif, comme la conséquence de la réception de l’offre de participation, avec pour visée d’en interroger les éventuelles spécificités par rapport à d’autres formes d’engagement social ou politique.

Le cadre premier de cet engagement est le « dispositif participatif »26, qui implique que des

pratiques et des interactions soient étiquetées comme actes constitutif d’une participation. L’engagement participatif est donc a priori défini par l’offre de participation : participer, c’est pénétrer l’espace-temps du dispositif et se situer par rapport aux règles qui y ont cours27. Le dispositif participatif est ainsi un filtre apposé sur un phénomène plus large. Des voisins qui se regroupent pour discuter de leur lotissement ne font pas un conseil de quartier, mais le regroupement des mêmes personnes, dans le même lieu, mais cette fois à l’initiative de la mairie s’interprète comme tel.

22

23 Nonna MAYER, Sociologie des comportements politiques, Armand Colin, 2010 ; Olivier FILLIEULE, Florence HAEGEL, Camille Auteur HAMIDI et Vincent Auteur TIBERJ (dir.), Sociologie plurielle des comportements politiques, Paris, France, Sciences Po Les presses, 2017.

24 Gabriel Abraham ALMOND et Sidney VERBA, The Civic Culture: political attitudes and democracy in five nations, Princeton, Princeton University Press, 1963 ; Daniel GAXIE, Le cens caché: inégalités culturelles et ségrégation politique, Seuil, 1978 ; Jacques LAGROYE, Bastien FRANÇOIS et Frédéric SAWICKI, Sociologie politique, 6e éd., Paris, Presses de Sciences Po, Dalloz, 2012, p. 343‑414.

25 Bernard MANIN, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995. 26 « Dispositifs participatifs », Politix, 2006, no 75, p. 3‑9.

27 Julien TALPIN, « Jouer les bons citoyens », Politix, 2006, vol. 19, no 75, p. 11‑31.

(20)

Notre proposition d’une sociologie de l’engagement participatif28 se situe dans la littérature

au sein d’un triptyque, entre études sur la politisation, sur l’engagement et sur l’action publique locale. Nous souscrivons à cette remarque, que formulent Loïc Blondiaux et Jean-Michel Fourniau dans un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie.

« Travailler sur la participation ne signifie jamais travailler exclusivement sur la participation. Cet objet constitue une entrée, un moment souvent privilégié pour analyser un secteur social, ou les transformations de la société civile, ou les relations qu’entretiennent entre eux certains groupes d’acteurs, ou l’évolution des cultures politiques. Derrière l’objet participatif se cache une infinité d’autres objets. » 29

Ainsi l’analyse des développements d’un supposé « nouvel esprit de la démocratie »30 permet

un retour à cette problématique socle de la science politique : comment des individus souhaitent-ils, et sont-ils en mesure de souhaiter, participer à la vie démocratique ?

*

Nous revenons sur les apports théoriques et sur la stratégie empirique, sur lesquels nous fondons notre travail dans la première partie. Auparavant, dans cette introduction, nous présentons (1) les principales problématiques que nous lions à une sociologie de l’engagement participatif (2) les différents niveaux de réponse, auxquels nous nous situons et qui constituent les différentes parties de la thèse : cadrage et contexte de l’offre de participation ; facteurs sociaux de la participation ; sens et motifs de l’engagement participatif. Nous concluons ce développement préliminaire par la présentation de (3) l’économie générale de la thèse.

1 Pour une sociologie de l’engagement participatif : principaux

questionnements

Notre travail se présente comme une sociologie compréhensive des dispositions à participer. Nous affirmons la nécessité de saisir conjointement la participation, comme une proposition institutionnelle − entre concession procédurale31 et impératif délibératif32 − et comme une expérience vécue33, et donc d’articuler une attention aux logiques de l’offre de participation et à ses appropriations socialement situées.

En effet, tout en maintenant l’importance de la vérification de l’hypothèse de la sélectivité sociale des espaces de participation, nous considérons que l’exposition des déterminants sociaux de la participation est loin d’épuiser la compréhension du phénomène. En quoi les participants se différencient-ils des individus proches, et qui pourtant ne participent pas ? Qu’est-ce qui explique la participation de ceux qui ne correspondent pas aux tendances majoritaires ? Ainsi, l’étude de la participation au concret permet de décrire des appropriations socialement

28 Voir Chapitre 1 - Conclusion : repères pour une sociologie de l’engagement participatif

29 Loïc BLONDIAUX et Jean-Michel FOURNIAU, « Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? », Participations, 2011, no 1, p. 8‑35, p. 23.

30 L. BLONDIAUX, Le nouvel esprit de la démocratie, op. cit.

31 Cécile BLATRIX, La démocratie participative, de mai 68 aux mobilisations anti-TGV. Processus de consolidation d’institutions sociales émergentes, Thèse de science politique, Université Paris 1, 2000.

32 L. BLONDIAUX et Y. SINTOMER, « L’impératif délibératif », op. cit.

33 Julien TALPIN, « Pour une approche processuelle de l’engagement participatif », op. cit. ; Julien TALPIN, « Ces moments qui façonnent les hommes », Revue française de science politique, 2010, vol. 60, no 1, p. 91‑115.

(21)

différenciées d’opportunités localement existantes, qui en définissent les conditions. Quelle logique de distribution sociale se trouve à l’œuvre dans cette réponse à l’offre de participation ?

Nous interrogeons l’offre de participation comme proposition politique, déterminée par un contexte de mise en œuvre et comme politique publique, marquée par une tension entre expérimentation et institutionnalisation. Nous nous intéressons notamment aux différents formats de participation et aux évolutions de l’offre institutionnelle de participation. En écho à la notion de « façonnage organisationnel du militantisme »34, nous étudions les effets du cadrage sur les dynamiques sociales de leur réception.

Toutes ces interrogations ne prennent sens qu’au regard des contextes sociaux et politiques de mise en œuvre des offres de participation. Nous proposons ainsi de saisir les conditions d’émergence de l’offre de participation et leurs évolutions en contexte35, contre un certain « tropisme procédural »36. C’est ce parti pris, de contribuer à répondre au fait que « assez paradoxalement la question de la participation a peu été abordée du point de vue des citoyens ou alors pour identifier les modes d'engagement des citoyens dans ces dispositifs »37, qui nous incite

à proposer une enquête et une analyse qui ne se limitent pas aux situations que délimitent les dispositifs participatifs. Notre intérêt va plus globalement aux positions, aux dispositions, et aux parcours des participants, dans la suite de l’analyse des logiques de l’offre de participation, elles-mêmes conditionnées par les parcours des élus et les contextes socio-politiques dans lesquels ils évoluent. Pour le dire avec les mots d’une des élus rencontrés :

« N’empêche que la question qu’il faut se poser c’est : si ça marche ici, est-ce que c’est pertinent de répéter les choses autour ? Ou bien est-ce que c’est le hasard qui fait ? Le hasard de l’histoire ou l’histoire particulière d’un territoire ? Ou l’histoire particulière d’élus ? » (Entretien 24, Lanester, oct. 2013, Thérèse, 61 ans, Retraité. Institutrice, Native ; Maire, LNC, depuis 2004)

Nous observons, à ce jour, une relative rareté des développements empiriques, prenant au sérieux l’étude de la participation institutionnalisée dans la perspective présentée38 : comment comprendre les réponses des acteurs à l’offre de participation, au prisme de leurs dispositions et des situations qu’ils rencontrent ? Nous partons du postulat qu’une catégorisation des motifs de la participation, justement parce qu’elle vise à figurer la « pluralité des motifs d’engagement »39,

ne prend un sens sociologique qu’en articulation avec une étude des dispositions sociales à participer, contextualisées dans des parcours de participation, d’engagement ou de

34 Frédéric SAWICKI et Johanna SIMEANT, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du Travail, 2009, vol. 51, no 1, p. 97‑125.

35 Marion CARREL, « La citoyenneté plurielle. Appréhender les dispositifs participatifs dans leur environnement », in Les intermittences de la démocratie, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 89‑100.

36 Alice MAZEAUD, « « Dix ans à chercher la démocratie locale, et maintenant ? Pour un dialogue entre politiques publiques et démocratie participative », GIS « Démocratie et Participation », Actes des 1ères journées doctorales sur la participation et la démocratie participative », ENS Lyon 27-28 novembre, 2009 ; L. BLONDIAUX et J.-M. FOURNIAU, « Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie », op. cit., p. 19‑21.

37 A. MAZEAUD, « « Dix ans à chercher la démocratie locale, et maintenant ? Pour un dialogue entre politiques publiques et démocratie participative », op. cit., p. 4.

38 Alice MAZEAUD et Julien TALPIN, « Participer pour quoi faire ? Esquisse d’une sociologie de l’engagement dans les budgets participatifs », Sociologie, 2010, vol. 1, no 3, p. 357‑374 ; Jessica SAINTY, « Comprendre le désintérêt des citoyens pour la participation : un chantier à venir ? », Participations, 2017, no 16, p. 267‑283.

39 Bernard LAHIRE, L’homme pluriel: les ressorts de l’action, Paris, Armand Colin, 2005.

(22)

désengagement40. Nous nous intéressons, au-delà des déterminants sociaux individuels, aux

réseaux des participants, à leurs motifs de participation et à leurs parcours. Au nom de quoi participent-ils 41 et quels sont les effets de leur participation42 ?

Une sociologie des dispositions à participer se comprend au regard du cadrage de la participation, de la coexistence de différentes logiques de participation et de leurs insertions dans des parcours, faits de détours et de continuités. Les appropriations différenciées des offres institutionnelles de participation permettent de comprendre les conditions sociales des engagements participatifs, et à travers eux comment l’offre les façonnent et s’en trouve façonnée.

« A défaut de vouloir participer partout et tout le temps, les citoyens valorisent l’opportunité de pouvoir participer quand ils en ressentent le besoin et dans les formes qui leur correspondent [...] [cette] approche mérite d’être complétée et enrichie par une approche processuelle [...] [et] gagnerait aussi à croiser une analyse comparée de la variété des offres d’engagement pour comprendre si la différenciation des offres de participation élargit le cercle de ceux qui s’engagent. »43

Nous proposons de prolonger cette conclusion provisoire d’Alice Mazeaud et Julien Talpin44, par l’étude de l’engagement participatif en contexte et le cumul d’une approche dispositionnelle, relationnelle et processuelle. Comment est-il possible et qu’est-ce qui explique ce faisant que l’on participe ? Notre recherche se veut donc attentive aux facteurs sociaux de la participation et aux sens qu’en donnent ceux qui se voient étiquetés comme participants.

Nos données empiriques sont issues de l’observation de la fabrique et de la mise en œuvre de dispositifs participatifs dans trois villes de plus ou moins 20 000 habitants. Les exécutifs locaux y ont mis en avant cette thématique comme centrale dans leur gestion municipale. Nous travaillons à partir d’observations, d’entretiens semi-directifs et de questionnaires, auprès de participants qui se sont investis à des degrés divers et selon des temporalités variées dans les espaces participatifs. Ces offres de participation présentent des particularités contextuelles et procédurales, qui permettent de faire varier les situations d’observations. Les résultats cumulés permettent l’ébauche d’une représentation d’un espace social de la participation et la prise en compte du sens de l’engagement participatif pour les acteurs nourrit l’élaboration d’une typologie des parcours de participation et de leurs conditions de réalisation.

Nous introduisons ici les questionnements liés à (1.1) l’engagement participatif comme réponse à une offre de participation, (1.2) à la notion de parcours de participation et (1.3) à la définition des « espaces des possibles » de la participation.

1.1 L’engagement participatif comme réponse à une offre de participation

Nous désignons l’engagement participatif comme ce qui se joue au sein de dispositifs institutionnels de participation, portés par des municipalités. Il s’agit donc d’une forme de

40 Olivier FILLIEULE, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue française de science politique, 2001, vol. 51, no 1, p. 199‑215.

41 H. Hatzfeld, Les légitimités ordinaires – Au nom de quoi devrions-nous nous taire ?, Paris : L’Harmattan – ADELS, 2011

42 Julien TALPIN, Schools of Democracy: How ordinary citizens (sometimes) become competent in participatory budgeting institutions, ECPR Press, 2011.

43 A. MAZEAUD et J. TALPIN, « Participer pour quoi faire ? », op. cit., p. 372.

44 Voir Chapitre 8 - S.I - Les motifs de l’engagement participatif, entre dispositions et situations

(23)

participation encadrée et octroyée, qui s’incarne et se matérialise dans différentes scènes et coulisses, instituées par des dispositifs participatifs. Cette forme d’engagement est constituée comme un fait social déterminé par les expériences, les trajectoires et les positions sociales des acteurs et conditionné par le cadrage de la participation. Les modalités de l’engagement participatif dépendent à la fois de l’offre de participation et des capacités d’appropriation des participants. Lorsque nous évoquons des « politiques de participation publique »45 et les scènes

qui les font exister, nous les appréhendons au prisme d’un ensemble de conditions politiques, économiques et sociales qui influencent à la fois leur mise en œuvre et leur appropriation.

L’analogie de la proposition et de la réponse − du cadrage et de l’appropriation − peut être préférée à celle de l’offre et de demande de participation. En effet, parler de cadrage et de mise en œuvre, agrège à la fois la conception, la promotion et la déclinaison pratique des dispositifs participatifs, ce que ne fait pas pleinement la notion « d’offre », dont par ailleurs les implications théoriques renvoient à des débats sur la relation de détermination ou de non-détermination d’une demande lui faisant face46. Ces débats sont importants, mais d’autres notions peuvent tout autant rendre compte du fait étudié, soulignant ainsi leur portée avant tout conceptuelle. Nous privilégions la notion d’appropriation ou réception47, mais d’autres pourraient être évoquées, comme : recours et non-recours48, stimulus-réponse49, coulisse-scène50, cadrage-débordement51

ou codage-décodage52.

Par « offre de participation » nous renvoyons à la fabrique des politiques de participation, par les acteurs politiques et administratifs qui les promeuvent et les organisent, mais aussi ceux qui les entourent, agents publics ou privés. Mais les politiques de participation sont les termes d’un échange asymétrique entre différentes catégories d’acteurs, entre ceux qui offrent des opportunités et ceux qui s’en saisissent ou les déclinent. Nous délimitons donc l’objet participatif en tant qu’offre institutionnelle de participation et nous assumons, par construction de l’objet, le biais qui consiste à considérer « l’engagement participatif » sous l’angle d’une réponse à un stimulus descendant.

Ainsi c’est tout un pan du rapport au politique, qui peut aller de l’étude des mouvements sociaux (manifestations, pétitions…) à celle des rapports ordinaires au politique (discussions politiques, réception des médias…) qui se trouve a priori hors-champ de notre analyse ; même si dans les faits, les apports empiriques nous y ramènent régulièrement. En effet, cette délimitation institutionnelle, temporelle et spatiale n’empêche pas la prise en compte des potentielles

45 Guillaume GOURGUES, « Des dispositifs participatifs aux politiques de la participation. L’exemple des conseils régionaux français », Participations, 2012, no 2, p. 30‑52.

46 Voir Chapitre 1 - S.II - 2 Une controverse autour de la demande sociale de participation

47 Ludivine BALLAND, Clémentine BERJAUD et Sandra Vera ZAMBRANO, « Dossier. Les ancrages sociaux de la réception », Politiques de communication, 2015, no 4, p. 5‑7.

48 Philippe WARIN, Le non-recours aux politiques sociales, Grenoble, PUG, 2016 ; Philppe WARIN, « Non-recours et non-demande, symptômes des défauts de l’offre publique ? », in Robert LAFORE (dir.), Refonder les solidarités, Paris, Dunod, 2016, p. 255‑264.

49 Jacques GERSTLE, La communication politique, Paris, Armand Colin, 2008.

50 Erving GOFFMAN, La mise en scène de la vie quotidienne, Paris : Editions de Minuit, 1973.

51 Michel CALLON, « La sociologie peut-elle enrichir l’analyse économique des externalités ? Essai sur la notion de cadrage-débordement », in D. FORAY et J. MAIRESSE (dir.), Innovation et performance, Paris, EHESS, 1999, p. 399‑431.

52 Stuart HALL, « Codage/décodage », Réseaux, 1994, vol. 12, no 68, p. 27‑39.

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