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Section II : Les parcours individuels des élus participatifs

1 Les parcours des adjoints à la démocratie participative : entre légitimité locale, partisane et participative

1.2 L’importance des dispositions individuelles à investir le rôle d’élu participatif

Pourtant l’opposition entre appartenance à un parti politique ou à la vie associative, tend à durcir des oppositions entre des parcours qui ont des points communs. On constate ainsi à Arcueil comment Cécile, venue par la voie associative et Virginie, venue par la voie partisane, insistent toutes les deux sur des engagements locaux communs, par exemple en tant que parents d’élèves. Plus largement, le fait de rejoindre le rassemblement politique local, peut aussi correspondre à une promotion individuelle, liée à l’inscription dans des réseaux locaux, comme l’illustre le parcours de la première élue adjointe à la citoyenneté à Lanester.

Encadré C3-8 : Parcours politique de Nadège, adjointe à la démocratie participative - Lanester, 2004-2014

« Et puis il y avait un homme, qui était Jean Claude Perron, qui avait de la posture, qui était vraiment… qui en imposait et qui était vraiment bien quoi. Et derrière tu avais une femme comme Thérèse T. qui croyait vraiment à la démocratie participative et qui y croit toujours, qui vraiment disait on peut pas faire sans les habitants [...] Moi j’ai beaucoup aimé ça, j’ai fait partie des fameux groupes de travail, par thèmes. Moi j’ai fait jeunesse et aménagement. Avant 2001, en 1998. Sans vouloir être élue, il était pas question pour moi de… Et puis fin 2000 JC Perron a décidé de faire sa liste et il y avait cette histoire de parité qui rentrait en compte. Alors peu importe la position à l’époque. Donc moi je faisais partie des jeunes à l’époque (sourires) j’avais pas 30 ans, je venais d’avoir 30 ans, avec des enfants, etc. Donc avec une autre on était toutes les deux et Jean Claude est venu nous trouver si on voulait être sur la liste, alors qu’on n’avait pas du tout pensé à ça. On a dit, oui, oui, ok… Mais on pensait… Vers la fin. Moi je suis pas du tout du monde politique, j’ai jamais été cartée, jamais du monde politique ; je suis à gauche, point. Et puis… je devais être à la 17ème position et c’est comme ça que je suis arrivée la première fois, arrivée au conseil municipal, Jean Claude m’a donné la présidence du groupe LNC et j’étais à l’agglo aussi. Je n’étais pas adjointe à l’époque. J’étais la porte-parole et conseillère communautaire simple. Puis beaucoup de choses se sont passées dans ces quelques années [...] moi j’ai soutenu Jean Claude, puis il a disparu… Thérèse est arrivée et m’a demandé de passer adjointe. Et ça coulait de source pour elle que je sois l’adjointe à la citoyenneté. Avant c’était elle, à la citoyenneté et la communication, c’est elle qui a mis en place les conseils de quartier. C’est elle, c’est nous, qui avons créé la direction citoyenneté, qui n’existait pas, puis mis en place les conseils de quartier avec la directrice de la citoyenneté de l’époque. C’est comme ça que c’est venu. [...] En 98 j’ai acheté à Lanester, j’habitais Lorient… Je suis originaire de Niort et je suis venu pour mon mari. J’ai continué mes études sur Brest, puis on a eu un appartement sur Lorient. Mon mari habitait vers ici. Et on cherchait à acheter. [...] je travaillais à l’EFS à Brest à l’époque et maintenant dans un labo médical privé. Je voulais aller à Lanester par rapport à la politique enfance, les prix étaient encore abordables. Et on s’est installé en 98. [...] Sabine [elle aussi élu, à la politique de la ville, puis à l’urbanisme] c’est ma grande sœur, elle habitait déjà Lanester, elle était déjà derrière Jean Claude Perron. Moi je suis arrivée, on m’a présenté Jean Claude et j’ai suivi. Après j’ai toujours fait partie d’associations, mais pas du tout politique, associatif, sportif, etc. [...] Après je me suis réengagée dans LNC c’était un mouvement qui me plaisait. [...] Une fois arrivée ma sœur a commencé à me présenter des gens, à m’inviter à des réunions qu’ils organisaient, c’est comme ça que je suis rentrée dedans. [...] c’est pas mal, ça peut aller très vite. Après ça vient de ton éducation aussi, mes parents m’ont donné une éducation très axée sur les associations, sur l’investissement pour la cité, etc. Mon père était très engagé, faisait partie d’une commission au sein de la mairie dans son bled, il était dans les associations. Après tu sais, tu donnes de ta personne, tu baignes là- dedans enfant et après tu fais pareil. Et j’ai mon mari c’est comme moi, il est pas dans la politique, mais au niveau du monde associatif il est très investi. Donc voilà. Et nos enfants c’est pareil. Automatiquement, tu transmets ce que tu fais. »

(Entretien 35, Lanester, nov. 2013, Nadège, 43 ans, Praticienne en laboratoire, Plus de 30 ans ; Elu, adjoint à la démocratie participative, 2004-2014)

Au-delà de l’appartenance au PS ou à LNC, les parcours de Virginie à Arcueil ou de Nadège à Lanester, présentent des points communs: toutes deux des femmes, jeunes, qui ont vu leur ascension politique locale facilitée par l’injonction paritaire et par le fait qu’elle présentait un profil d’ouverture. Toutes les deux sont arrivées récemment dans la ville, mais y ont rapidement trouvé des points d’accroche, par exemple en tant que parent d’élève ou du fait d’une sœur déjà

militante et insérée dans les réseaux locaux, et elles insistent toutes les deux dans l’entretien sur l’importance qu’elle prête à la posture charismatique du maire porteur de la démarche participative. A chaque fois l’importance de la figure mayorale se retrouve dans le récit qu’elles font de leur parcours. De fait, le détour par les élus adjoints à la démocratie participative nous ramène fréquemment à l’importance de la figure mayorale, titulaire en la matière. C’est également le cas à Bruz, où l’adjoint insiste sur son lien avec le maire pour expliquer son acceptation du poste.

« Mon rôle a évolué aussi par la place qu’a pris la démocratie dans l’équipe [...] Le maire y tient beaucoup, l’équipe y tient beaucoup, ça sera un des critères d’évaluation de ce qu’on aura pu mettre en œuvre. Dans notre projet politique c’est un axe important. [...] J’étais pas sur la liste d’avant [en 2001], j’avais fait le choix. Faut dire aussi, c’est un aparté, mon choix d’aller dans l’équipe il est aussi lié au maire, qui je le sais avait une sensibilité très forte sur ce sujet-là. Pour moi ma fonction me plait, c’est quelque chose qui me taraudait dans ma tête, cette fameuse démocratie dont on parle beaucoup. [...] Le maire d’ailleurs il n’a pas de carte à un parti, [moi non plus], non, absolument pas, non, non, non. Là j’ai milité dernièrement pour le Front de Gauche, donc plus Mélenchon. Non, non. Pour la campagne, j’ai pas pris de carte pour l’instant [...] je me situe clairement à gauche, c’est ancré dans ma tête, dans mon histoire, dans mes engagements aussi. J’ai eu plus un parcours syndical, délégué syndical CFDT. J’ai fréquenté, j’ai eu beaucoup d’occasions de rencontrer les partis, de discuter avec les partis, mais j’ai jamais pris de carte. » (Entretien 2, Bruz, juin 2012, Régis, 49 ans, Enseignant, Natif ; Elu, BCAG, adjoint à la démocratie participative 2008-2014)

Cette personnalisation du volontarisme attaché à la mise en place des politiques de participation publique est un trait récurrent, pour les maires comme nous l’avons souvent évoqué et comme nous allons le détailler ensuite en résumant leur parcours biographique, mais aussi pour les élus les plus identifiés. Ainsi Régis est lui-même désignée en ce sens par une habitante, pourtant assez éloignée des réseaux municipaux.

« Et puis je connais un tout petit peu un des adjoints, parce qu’il était prof à l’école où étaient mes enfants et j’ai eu l’occasion de le rencontrer, et quand j’ai vu ces groupes là apparaître, les groupes de démocratie participative, je me suis dit que ça collait bien avec le personnage (rires). [...] Et j’ai eu l’occasion de le côtoyer à l’école parce que j’étais parent d’élève, parent délégué. Et c’était lui le prof principal. Oui déléguée d’une classe de ma fille quand elle était en 4ème. Et c’est à cette occasion là que j’ai eu l’occasion de le découvrir. Et quand j’ai vu qu’il y avait ça de lancé, je me suis dit que ça correspondait bien à sa personnalité. [...] Plutôt ouvert. Ça ne m’a pas surpris de voir que c’était lui qui était responsable de ses idées là. » (Entretien 25, Bruz, nov. 2013, Mylène, 52 ans, Responsable études marketing dans un cabinet conseil, Entre 5 et 10 ans ; Comité d'usagers médiathèque)

Le propos est anecdotique, mais il illustre bien ce qui est sous-jacent à notre description de l’importance des parcours des promoteurs de l’offre de participation : il y a un certain « attendu » à voir tel élu plutôt que tel autre investir cette thématique, et cela se comprend dans un ensemble cumulant à la fois des expériences préalables, des dispositions et l’insertion dans certains réseaux. Autrement dit, il s’agit d’articuler le niveau micro et macro, les acteurs et le contexte, autant pour comprendre la réception que la production des offres de participation. Ce faisant il s’agit aussi d’aller contre un écueil qui serait de réserver à l’offre de participation, une approche plus macro, centrée sur le cadrage des politiques et les dispositifs, pour ensuite ne s’intéresser aux éléments biographiques que pour les participants. Or, il y a à l’inverse une toute aussi grande importance à saisir que les acteurs de l’offre ne le sont pas « toutes choses égales par ailleurs ». Les élus ne se différencient pas simplement du fait qu’ils s’engagent ou pas dans une offre de participation volontariste ; c’est parce qu’ils se différencient qu’ils s’y engagent. C’est en ce sens qu’il nous semble justifier d’évoquer une catégorie à part, dite des « élus participatifs », non pas pour la

distinguer artificiellement, mais simplement pour explorer l’hypothèse qu’en effet ces élus ont a priori un parcours particulier, qui a fait qu’ils ont eu un intérêt plus grand à investir, à un moment de leur carrière politique locale, la thématique participative.

2 Les parcours de trois maires participationnistes et la conversion de

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