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CHAPITRE IV : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE

4.2. Expériences socioprofessionnelles dans les premières années

4.2.2. Les cadets de l’arrivée à la première installation

À la question de savoir comment s’est passée son intégration à son arrivée au Québec, un répondants arrivé plus récemment, c’est à dire après 1980, affirme que tout était mis en œuvre par l’université qui l’a accueilli. Toutefois, sa première préoccupation a été de trouver des compatriotes et ce qui a été important pour son intégration plus tard.

Ce sont les premiers Togolais que j’ai rencontrés qui m’ont dit qu’ici, il y a des préjugés sur les Africains, qu’ils sont lents, ils ne travaillent pas et donc qu’il faut que je travaille à 120% pour mériter la confiance des professeurs. Ainsi grâce à ce qu’ils m’ont dit, j’ai pu avoir la confiance de mes professeurs [...]et celle des autres professeurs pendant cinq ans. Ils ont tout fait pour me donner des contrats même si les conditions ne le permettaient pas puisque j’étais boursier alors [je ne pouvais pas avoir] plus d’un certain nombre de contrats. (Irenée, 45, 1998, M)

Le même répondant continue dans le même sens par rapport à ses démarches administratives et le choix des épiceries «moins chères» en soulignant le rôle de ces Togolais qu’il a rencontrés dans son université. Il insiste toutefois sur les efforts qu’il a dû faire, expliquant que la réussite de l’intégration dépend de «15 % de l’information qu’on reçoit sur les démarches importantes à faire dans la société d’accueil et toi-même c’est 85 %, [car] si les Togolais m’avaient dit et que je n’avais pas réagi en conséquence, je n’aurais pas réussi mon intégration ».

Chez d’autres répondants de la même cohorte, venus directement du Togo, le recours aux réseaux des Togolais a été également plus ou moins déterminant dans leur intégration, surtout dans le domaine de la recherche de l’emploi et du logement à leur arrivée au Québec. Une répondante qui est arrivée en 2009 nous a confié que c’est grâce à son ami connu au Togo (et qui réside maintenant au Québec) qu’elle a pu passer les premiers moments à Montréal « sans le stress du logement ». Elle avait été hébergée gratuitement par ce dernier, qui l’a également aidée à obtenir ses premiers emplois exercés dans les manufactures avant son retour aux études et à s’installer dans son propre appartement. Une autre répondante, qui est venue des États-Unis a vécu une expérience d’intégration relativement différente. Ayant la citoyenneté américaine, elle avait la possibilité de retourner aux États-Unis si son expérience migratoire s’avérait trop difficile, mais elle a réussi à s’intégrer assez rapidement selon elle. Elle a notamment eu recours aux forums de discussion et à Internet pour préparer son arrivée :

Nous n’avons contacté personne, nous n’avons rien comme difficultés. Pour les dossiers, on l’a fait seul par toutes les informations sur l’internet. Personne n’a été notre intermédiaire. Si on avait des questions, on se référait plus aux forums de discussions sur le site de l’immigration pour savoir comment les choses se passent ici [au Québec], surtout par les forums de discussion. Il est

vrai qu’en arrivant avec le «bouche-à-oreille», on a eu une information d’une famille chez qui on pouvait rester. (Lydie, 43, 2006, NM)

Les réfugiés, comme nous l’avons déjà souligné, appartiennent également au groupe des cadets avec une expérience relativement différente des migrants économiques. Cette différence est plus visible au moment du premier soutien dont ils bénéficient à leur arrivée. Cependant, après ce soutien, les autres démarches d’intégration semblent être à leur charge. Un répondant raconte :

Quand, nous sommes arrivés au Québec, nous avons été pris en charge par les services d’immigration, on est resté à l’hôtel et il y a un organisme, le centre multiethnique, qui travaille conjointement avec le service d’immigration au Canada qui nous ont pris en charge, c’est eux qui nous ont progressivement aidés à trouver un logement, à avoir le téléphone, ouvrir un compte en banque et faire les premières démarches pour notre réinstallation. Donc c’est ça, c’est vraiment ces deux organismes. Pour trouver cet emploi, c’est par le biais de ceux qu’on a connus au niveau de notre temps d’intégration qu’un Québécois nous a dit si cela nous intéresse, il y a tel emploi dans tel restaurant si ça t’intéresse il faut aller et puis voir telle personne. Il y a aussi un service d’immigrant qui nous explique un peu, pendant une semaine comment ça fonctionne. Le logement, le service de santé, les fonctionnements de la ville. (Penelope, 53, 2000, NM).

Pour un autre réfugié, arrivé 14 ans plus tôt, l’intégration a été facilitée par une relation amoureuse développée avec une Québécoise à son arrivée:

Je me suis fait une petite amie québécoise que j’ai rencontrée dans une discothèque. C’est elle qui m’a conseillé de faire des études pour me débrouiller plus tard. C’est elle qui m’a beaucoup aidé en tout, je veux dire, elle a été pendant longtemps ma référence. Elle m’a même appris à conduire. Et cela a été déterminant dans mon parcours socioprofessionnel. Car avec le permis de conduire que j’ai eu grâce à son aide, j’ai commencé par livrer du courrier. Et après, j’ai refait mon secondaire, comme elle me l’a conseillé ici et après je suis parti au Cegep pour faire des cours. En 2004, après mes cours au Cegep, après ça bon, je trouve que je ne chôme pas du tout [...] (Zeus, 40, 1999, NM)

Notre enquête révèle qu’il existe, dans les différentes villes du Québec habitées par nos répondants, des réseaux informels de Togolais. Ces réseaux ont, d’une manière ou d’une autre, eu un impact sur leur trajectoire migratoire, dans la mesure où ils ont déterminé leur décision d’immigrer ou leur choix de s’établir dans une ville plutôt qu’une autre. A Gatineau tout comme à Montréal et Sherbrooke, on peut remarquer la présence d’un bon

nombre de Togolais. Certains nous ont dit avoir été influencé par leur contact Togolais dans le choix de ces villes du Québec comme premier lieu de résidence. On peut dire qu’avant d’arriver, tous cherchent ou se font donner de l’information par ou auprès de leur amis Togolais qui résident au Québec afin d’adapter leur stratégie en conséquence. Pellerin, (2013) en reprenant Sandefur et Lauman (1998), explique la tendance des migrants à recourir aux membres de leur communauté ethnique. Selon elle, il est peut-être moins coûteux et plus rapide pour les nouveaux arrivants de recourir aux compatriotes de leur communauté ethnique pour s’intégrer, plutôt que de chercher quelqu’un d’une autre nationalité qui ne partage pas leurs référents culturels. Cette tendance s’observe chez les répondants qui sont venus après 1980. À travers cette manière d’agir, la majorité des migrants togolais, particulièrement les migrants économiques venus au Québec, disent qu’ils ont trouvé une facilité dans la communication avec les membres de la communauté togolaise ce qui a pu leur être utile et faciliter leur intégration sur certains aspects comme l’usage des cartes de crédit et l’aide pour passer l’examen de conduite par exemple.

En recourant, une fois arrivée au Québec, aux réseaux de leurs compatriotes, nos répondants disent avoir mobilisé leurs ressources pour avoir des informations relatives au fonctionnement de la société québécoise en général. Les doyens comme les cadets ont eu recours à leurs réseaux surtout à leur arrivée et aussi au moment de leur intégration socioprofessionnelle après avoir obtenu leur diplôme québécois (pour ceux qui ont eu sont retournés aux études) et à trouver des «petits boulots» à leur arrivée pour ceux qui veulent faire des économies pour avoir des fonds nécessaires pour retourner aux études.