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Le vice-président

Dans le document Florent Palluault (Page 64-67)

Aux termes du règlement, le vice-président était uniquement chargé d’assister le Président pendant les séances et de le remplacer en cas d’absence. La fonction de vice-président était donc elle aussi plus ou moins honorifique. La Société prit l’habitude d’élire au poste de vice-président le secrétaire de l’année précédente, afin qu’il eût l’expérience de la rédaction des procès-verbaux et des bulletins aussi bien que des affaires financières de la Société.

Ses fonctions, s’il voulait remplir à plein les prérogatives auxquelles il avait droit, pouvaient véritablement porter le vice-président à la tête de la Société. CRUVEILHIER ne représentait souvent, pour les affaires administratives, qu’une caution scientifique et morale. Comme l’écrivit fièrement BROCA à ses parents en 1851 juste après son élection au poste de vice-président : « Pour cette année (…), j’ai la direction des séances et des intérêts de la Société ».135 Cependant, ces fonctions n’engageaient pas le vice-président dans des travaux d’écriture ou de secrétariat. Il s’agissait plutôt d’une responsabilité morale.

La Société avait donc besoin au poste de vice-président d’un homme capable, non seulement par son expérience de secrétaire de superviser la rédaction des Bulletins, sur lesquels un article du règlement lui donnait un droit de regard, mais aussi par son autorité scientifique et morale, de mener les débats de la Société en l’absence de CRUVEILHIER. C’est sans doute ce qui poussa certains secrétaires à ne pas briguer le poste de vice-président, ne se sentant pas apte à diriger les discussions. C’est aussi certainement la raison qui poussa la Société à élire quelquefois un membre plus ancien, disposant déjà, par exemple, du titre de médecin du Bureau Central et dont l’autorité scientifique était indiscutée. Édouard CHASSAIGNAC fut ainsi élu vice-président en 1835, 1837 et 1840.

En 1840, la Société avait même tout d’abord élu un personnage encore plus reconnu que CHASSAIGNAC. Il s’agissait d’Auguste BERARD, un des membres fondateurs de la nouvelle Société, agrégé et chirurgien des hôpitaux. MERCIER DE SAINTE-CROIX, secrétaire sortant, avait été élu à la place d’archiviste.136 Par sa stature scientifique, BERARD aurait avantageusement animé les débats de la Société. Cependant, dans la séance suivante, le 19 février 1840, CRUVEILHIER reçut une lettre dans laquelle les membres de l’ancien Bureau lui exposèrent que la nomination de BERARD à la vice-présidence allait à l’encontre de l’article 35 du règlement qui n’admettait à cette fonction que des membres titulaires.

Le président regrette que cette disposition vienne protester contre un choix aussi avantageux pour la Société mais sa qualité de président lui impose avant tout de veiller à l’exécution du règlement, dont les

135

Paul BROCA, Correspondance, 1841-1857. Paris : Schmidt, 1886. t. II, p. 242. 136

Il est difficile de savoir pourquoi on ne suivit pas la règle cette année-là. Il est possible que MERCIER, déjà docteur, sachant qu’il devrait partir bientôt pour la province, n’ait pas voulu accepter les responsabilités de la vice-présidence. On l’aurait alors nommé archiviste par une sorte de dédommagement, le poste étant plus facile à quitter et à attribuer à quelqu’un d’autre en cours d’année.

termes sont fort précis sur ce point, et il déclare que la nomination de M. BERARD ne peut être valable. M. BERARD Jeune remercie la Société de l’honneur qu’elle lui a fait. Il regrette de n’avoir point su dans la dernière séance que le règlement s’opposât à sa nomination en quelque sorte improvisée. Selon lui, l’interprétation de l’art. 35 ne peut laisser de doute. Il regarde sa nomination comme non valable. Plusieurs membres prennent successivement la parole, les uns pour faire remarquer que l’article cité s’applique aux correspondants et ne peut atteindre sinon dans le texte, au moins dans l’esprit, les membres honoraires; les autres pour soutenir que le règlement ne peut être interprété d’une manière différente de celle dans laquelle il l’a été par MM. CRUVEILHIER et BERARD. Nombre des premiers sont d’avis de modifier l’article 35.

MM. LASSERRE, RAYNAUD et THORE demandent par écrit : 1° Qu’on modifie l’article 35 du règlement.

2° Que la discussion soit fixée à mercredi prochain.

3° Que la nomination du vice-président soit remise jusqu’après la discussion de la proposition.

Le 26 février, il manqua une voix pour que le changement fut entériné et CHASSAIGNAC fut élu au poste de vice-président. L’élection de BARTH en 1846 fut la dernière tentative d’élire un membre déjà ancien et bien entré dans la carrière au poste de vice-président. Il est certain que si des personnages tels que BARTH, CHASSAIGNAC ou BERARD étaient capables de prendre la relève de CRUVEILHIER et de se hausser au même niveau scientifique, la Société anatomique, en élisant des vice-présidents qui n’étaient plus, depuis longtemps, des étudiants, aurait risqué de rompre le contact entre les membres et le Bureau. Ce contact était pourtant vital pour que la Société continuât à se considérer comme une société d’étudiants destinée à l’instruction de ses membres.

Il était aussi nécessaire que le vice-président soit complètement disponible pour les séances de la Société, ce que l’on ne pouvait toujours exiger de CRUVEILHIER qui, comme professeur à la Faculté, était parfois retenu par des obligations. En 1846 BARTH avait été élu à la vice-présidence, semble-t-il pour évincer DEMARQUAY, dont l’élection au poste de secrétaire l’année précédente, avait été l’objet d’un « petit coup d’état ». Avant l’été, BARTH fut obligé de prendre un assez long congé pour cause de maladie. Le 3 juillet 1846, la Société fut appelée à nommer un vice-président provisoire destiné à le remplacer. Malgré les arguments légitimes du secrétaire, cette élection rencontra l’opposition de DEPAUL, qui comme BARTH avait intégré la Société dix ans plus tôt.

M. DEVILLE expose les motifs qui ont porté les membres du Bureau à proposer cette nomination. Depuis un mois et demi, par suite de l’indisposition de M. BARTH, la Société n’a pas de président stable. Il en résulte qu’à chaque séance un nouveau membre prenant la présidence, n’a pas l’habitude de diriger l’ordre du jour, et le secrétaire, déjà assez occupé de prendre des notes pour la rédaction du procès-verbal, doit en même temps veiller à chaque instant sur la direction de la séance, deux choses impossibles à concilier. En attendant le retour de M. BARTH, on a proposé trois moyens de remédier à cet ordre de choses :

On a demandé que le secrétaire prît la place du vice-président, et le vice-secrétaire celle de secrétaire. M. DEVILLE qui a été nommé secrétaire pour toute l’année désire conserver sa place; il a déjà commencé pour le compte-rendu de la fin de l’année, des travaux qui seraient perdus sans cela, et le compte-rendu lui-même souffrirait nécessairement de ces changements du secrétaire. Ce moyen n’est donc pas applicable.

On a proposé de maintenir l’état des choses et de laisser diriger chaque fois la séance par le plus ancien membre présent. Mais ce maintien est impossible, puisque c’est précisément l’expérience acquise de ses inconvénients qui a motivé la proposition faite à la Société.

Il ne reste plus comme moyen praticable qu’à nommer un vice-président provisoire dont les fonctions cesseront au moment où M. BARTH pourra venir présider sans nuire à sa santé.

M. DEPAUL s’oppose à cette proposition. La nomination demandée ne serait pas convenable vis-à-vis de M. BARTH qui pourrait s’en blesser avec raison. D’ailleurs la proposition n’a pas été faite suivant le mode prescrit par le règlement car elle aurait du être signée par trois membres et déposée sur le Bureau, ce qui n’a pas eu lieu.

M. DEVILLE répond à la première objection, la seule discutable, qu’il ne comprendrait pas pourquoi M. BARTH pourrait se blesser d’un fait aussi simple que la nomination d’un vice-président provisoire puisque au moment où M. BARTH pourra revenir, le nouveau vice-président devra cesser ses fonctions. Quant à la seconde objection, M. BONNET fait remarquer que tout le Bureau a adopté la proposition et

l’a présentée à la Société. M. RICHARD rappelle d’ailleurs l’article 33 du règlement qui prescrit en cas d’absence d’un membre du Bureau de procéder à un remplacement provisoire, sans autre explication. M. DEPAUL prétend que ce remplacement provisoire doit avoir lieu dans chaque séance et demande, contrairement à la proposition présentée, qu’à chaque fois le plus ancien membre présent prenne la présidence. Il ne voit pas du tout les inconvénients qui peuvent en résulter. M. DEVILLE déclare que la chose est impossible; mais il n’a pas dit en quoi; il devrait le dire et on chercherait alors à lever les difficultés s’il y en a.

M. DEVILLE répond qu’il est tout simple de ne pas pouvoir faire deux choses à la fois au même instant, et que pour sa part, cela lui est tellement impossible que si l’on maintenait l’état des choses tel qu’il est depuis plus d’un mois, il serait obligé de demander un congé lui aussi pendant le temps de l’absence de M. BARTH, laissant à d’autres plus heureux le soin de remplir simultanément deux fonctions.

Ces raisons ne satisfont pas M. DEPAUL qui ne trouve même pas bien de la part de M. DEVILLE de mettre ainsi le marché à la main pour ainsi dire de la Société.

M. DEVILLE n’a nullement l’intention de mettre le marché à la main; il veut dire seulement qu’il y a impossibilité réelle à remplir les fonctions de secrétaire dans l’état actuel, impossibilité si évidente, si facile à concevoir qu’il ne comprend même pas que la discussion actuelle ait lieu. M. JOUSSET

n’aperçoit pas non plus les impossibilités signalées par M. DEVILLE et demande l’ordre du jour. M. BONNET s’oppose à l’ordre du jour et montre l’importance qu’il y a à décider une question aussi sérieuse.

La Société est appelée à voter par assis et levé sur la proposition de M. DEVILLE qui demande l’exécution de l’article 33 du règlement, contrairement à M. DEPAUL qui demande malgré le règlement qu’à chaque séance le plus ancien membre préside.

Quatre membres votent pour la proposition de M. DEPAUL et 12 pour la proposition de M. DEVILLE. La Société procède alors à la nomination d’un vice-président provisoire. Au scrutin secret il y a deux bulletins blancs, à part cela M. DE CASTELNAU présent à la séance est nommé à l’unanimité.

Dans la séance du 1er juin 1860, BLAIN DES CORMIERS, PERRIN, et VIDAL déposèrent sur le Bureau une proposition tendant à modifier l’article 27 du règlement relatif à la constitution du Bureau et portant à deux le nombre des vice-présidents, dont les fonctions passeraient de un à deux ans. Cette proposition fut discutée dans la séance du 15 juin 1860. La Société adopta la première partie de la proposition, mais décida de conserver la durée du mandat à un an. Les deux premiers co-vice-présidents furent ainsi MILLARD et CHARRIER. Nous ne possédons pas d’information sur la manière dont ils se partageaient les responsabilités.

Le secrétaire

Le poste de secrétaire, comme dans de nombreuses sociétés savantes, était au centre du fonctionnement de la Société anatomique. Le secrétaire était chargé de la rédaction des procès-verbaux des séances hebdomadaires de la Société. De ce fait, il était responsable pour une grande partie du contenu des bulletins de la Société, dont, jusqu’en 1834, il assurait seul la publication. Après cette date, il resta toujours le principal rédacteur. En tant que Président du Comité de rédaction il coordonnait le travail des membres chargés de l’aider.

En dehors de ce travail scientifique, le secrétaire fut, jusqu’en 1853, chargé de l’administration générale, de la correspondance et des relations avec l’extérieur, sauf lorsque celles-ci requéraient l’intervention de CRUVEILHIER lui-même. Dans les discussions administratives, s’il arrivait au vice-président de parler d’expérience et de prendre l’ascendant sur lui, le secrétaire conservait l’avantage de Président du Comité d’administration.

Ces fonctions demandaient un gros investissement en temps. BROCA écrivait à ses parents le 4 janvier 1851 : « Il faut que je trouve le temps de faire l’analyse des travaux de la Société anatomique, et le discours de fin d’année qui aura lieu au commencement de février. Après quoi, Dieu merci, j’aurai fini mes fonctions de secrétaire. Qu’un autre se dévoue pour l’année prochaine.»137 Les fonctions de secrétaire étaient le tremplin idéal vers celles de vice-président, qui, tout en ne comprenant pas de responsabilités véritables, offraient une grande autorité sur le Comité.

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En dehors de quelques occasions, le vice-secrétaire de la Société était toujours élu secrétaire aux élections suivantes. Parfois, cependant, un nouveau membre pouvait se distinguer par ses travaux et sa personnalité et concurrencer le vice-secrétaire lors de l’élection. Mais même dans ce cas on respectait la hiérarchie installée en élisant le concurrent au poste de vice-secrétaire. Le 16 février 1849, par exemple, MAILLIOT fut élu secrétaire avec 20 voix sur 31. BROCA avait obtenu 10 voix. Il fut facilement élu vice-secrétaire.

Dans le document Florent Palluault (Page 64-67)