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L’essoufflement de la Société

Dans le document Florent Palluault (Page 47-53)

Malgré ses travaux de qualité, la Société anatomique s’essouffla pourtant très rapidement. Plusieurs raisons y concoururent. Tout d’abord, les élèves fondateurs passèrent leur doctorat et quittèrent l’École pratique. La plupart d’entre eux partirent s’installer en province et ceux qui restèrent dans la capitale n’eurent pas toujours le temps ou le désir de venir assister aux réunions de la Société. Les nouveaux élèves de l’École pratique ne furent pas aussi nombreux à remplacer leurs aînés et nombre d’entre eux durent interrompre leurs études pour aller servir dans les armées napoléoniennes.

Cependant la raison principale de la décadence de la Société anatomique vint sans doute d’une sombre rivalité entre DUPUYTREN et LAENNEC,84 respectivement président et vice-président de la Société à sa création.85 En 1804, ils commencèrent une querelle par l’intermédiaire de la Bibliothèque médicale et du Journal de Médecine à propos de la division des tissus accidentels en homologues et hétérologues. LAENNEC revendiquait la découverte de cette division dans une notice, reprenant un discours présenté à la Société de l’École de Médecine le 6 nivôse an XIII (27 décembre 1804). La réponse de DUPUYTREN fut cinglante et provoqua un nouvel article indigné de chaque côté, avec force

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Archives de la Société anatomique de Paris. registre n°1, 27 ventôse an XII. 80

Archives de la Société anatomique de Paris. registre n°1, 5 messidor an XII. 81

POUMET, op. cit., p. 335. 82

Archives de la Société anatomique de Paris. registre n°1, 27 ventôse an XII. 83

Archives de la Société anatomique de Paris, Registre n°1, 7 prairial an XII. 84

Voir Planches I et II. entre les pages 33 et 34. 85

La mésentente fut peut-être à l'origine de l'éviction de LAENNEC de la vice-présidence à la fin de l'an XII. La liste des présidents et des autres membres du Bureau se trouve en annexe p. 219.

arguments et jeux sur les dates, chacun voulant prouver qu’il possédait l’antériorité de la découverte.86 Les termes employés par les deux interlocuteurs étaient violents, à la hauteur de l’humiliation éprouvée par quelqu’un dont l’honneur et la parole avaient été bafoués. Il ne semble pas que la querelle s’atténua puisqu’aucune autorité reconnue par les deux parties ne vint donner raison à l’un ou à l’autre. LAENNEC et DUPUYTREN demeurèrent chacun de leur côté, avec leur intime conviction et leur rancœur. Il semble tout de même que LAENNEC obtint l’avantage dans l’opinion publique.

Quoi qu’il en soit de la sincérité de l’un et de l’autre, cette querelle eut un effet désastreux pour la Société anatomique. DUPUYTREN, comme président de la Société et chef des travaux anatomiques à l’École, était en position de force. LAENNEC préféra ne plus assister aux séances pendant quelque temps. Mais DUPUYTREN, dont le prestige auprès des étudiants avait souffert, choisit lui aussi de s’éloigner de la Société à la fin de l’an XIII. La perte du deuxième registre empêche que l’on étudie la fréquentation de la Société, et que l’on sache dans quelles conditions DUPUYTREN renonça au fauteuil de président de la Société. DELAROCHE fut élu à sa place, puis SAVARY et MARJOLIN. Enfin vint LAENNEC à qui le départ ou le désintérêt de DUPUYTREN laissait – trop tard malheureusement – le champ libre pour remplir une fonction qui lui tenait à cœur.

L’élan premier avait disparu; les membres résidants, supposés être le moteur de la Société, étaient trop occupés par leur vie professionnelle. Quant aux nouveaux membres, ils étaient trop peu nombreux et sans pouvoir. Les réunions rassemblèrent de moins en moins de monde à partir de 1807. Une séance extraordinaire à laquelle tous les élèves des différentes sections de l’École pratique avaient été invités se tint le 29 décembre 1808 mais le discours optimiste de LAENNEC ne porta pas ses fruits.

M. LAENNEC prononce un discours dans lequel, après avoir retracé les motifs qui ont déterminé la formation de la Société et le but qu’elle se propose d’atteindre, il fait ressortir les avantages qu’elle offre à ses membres, et invite les élèves de l’École Pratique à marcher sur les traces de leurs prédécesseurs qui la plupart ont concouru à ses travaux.87

Les modifications du règlement furent sans effet et la Société finit par disparaître le 20 avril 1809, cinq ans et demi après sa création.

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La réponse de DUPUYTREN semble évoquer la Société anatomique : il y dénonce en LAENNEC un homme « habile à profiter des moindres aperçus que [mes recherches] me fournissoient, et soigneux de conserver pour lui seul ses idées au point de refuser, dans une société de jeunes médecins que la plus franche amitié, le plus noble désintéressement ont distingué jusqu’à présent, de concourir au travail d’une commission dont il faisoit partie, et qui avoit été chargée d’indiquer les moyens de travailler efficacement aux progrès des sciences anatomiques en général, et à ceux de l’anatomie pathologique en particulier ». Le 24 nivôse an XII une Commission nommée pour rechercher les points obscurs d’anatomie, anatomie pathologique, et de physiologie était composée entre autres de DUPUYTREN et LAENNEC.

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L

A NOUVELLE

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OCIÉTÉ ANATOMIQUE DE

P

ARIS

Les promesses que la Société anatomique avait fait naître pendant sa courte vie incitèrent quelques anciens membres à participer à une tentative de reconstitution le 30 janvier 1814. Le Bureau provisoire se composait de LAENNEC (président), BECLARD (vice-président), BRESCHET (secrétaire) et Jules CLOQUET (vice-secrétaire).88 On ne sait si LAENNEC se trouvait à l’origine de cette tentative ou si, comme en 1803, l’impulsion venait d’étudiants avides d’apprendre et de se retrouver sous la direction d’un aîné. Cette séance n’eut pas de suite immédiate et il fallut attendre le 11 août 1814, quelques semaines avant les vacances, pour qu’une autre réunion eût lieu. On discuta sans succès du règlement, ce qui dissuada sans doute les participants de tenir une nouvelle séance à la rentrée.

Il est vrai que cette tentative intervint pendant une année particulièrement instable du point de vue politique. L’année suivante, le retour des Bourbons au pouvoir et la fin de la guerre auraient peut-être pu, en ramenant les étudiants dans les écoles, fournir une base plus solide pour la reconstitution de la Société anatomique. D’autre part, LAENNEC n’était pas encore professeur à la Faculté de Médecine : il était simplement membre de la Société de la Faculté. Il était donc plus difficile pour lui de réunir des étudiants que cela ne l’avait été pour DUPUYTREN onze ans auparavant.

La liste des participants donnée par POUMET comportait pourtant quelques noms destinés à devenir célèbres : BARON, BAYLE, BIETT, DE BLAINVILLE, CHEVREUL, CHOMEL, CRUVEILHIER, LEJUMEAU DE KERGARADEC, MAGENDIE, MOULINIE, NYSTEN, ORFILA, PELLETAN, RULLIER, SERRES. Parmi les dix-neuf membres connus, dix seulement étaient des membres de l’ancienne Société : BAYLE, BARON, BECLARD, BIETT, BRESCHET, LAENNEC, MAGENDIE, NYSTEN et RULLIER. Il est possible que PELLETAN et LEJUMEAU DE KERGARADEC aient aussi été membres de l’ancienne Société puisqu’ils étaient internes avant 1807, mais cela reste impossible à déterminer. Les autres n’étaient encore que des étudiants, ou venaient juste de recevoir leur diplôme de docteur. Parmi eux, on notait quatre internes ou anciens internes (CHOMEL, CRUVEILHIER, MOULINIE et SERRES).

La reconstitution définitive de la Société anatomique

L’échec de 1814 n’éteignit pas tous les espoirs de faire renaître la Société, mais aucune impulsion décisive n’intervint avant le 12 janvier 1826. Ce jour-là, dans l’amphithéâtre de la clinique de Perfectionnement, onze étudiants et un jeune docteur en médecine se réunirent sous la présidence du nouveau professeur d’anatomie, Jean CRUVEILHIER, et reconstituèrent la Société anatomique. Outre le professeur CRUVEILHIER, la nouvelle Société se composait d’Alexandre BRIERRE DE BOISMONT, docteur en médecine; Pierre Joseph MANEC, prosecteur des amphithéâtres de la Pitié; Jean-Louis BINTOT, ancien interne à l’hospice de Perfectionnement; Auguste BERARD et Philippe Jean Nicolas HUTIN, internes à la Salpêtrière; Charles Jean Baptiste Claude CLEMENT, César Alphonse ROBERT et Hippolyte ROYER-COLLARD, internes à l’Hôtel-Dieu; Achille COMTE, interne à la Maison d’Accouchements; Joseph PINAULT, interne à l’hôpital Cochin; Charles Gustave THOURET et Adolphe LENOIR, respectivement interne et externe à l’hôpital des Vénériens.

Le discours de CRUVEILHIER, retraçant l’origine de la Société et appelant les nouveaux membres à suivre la voie de leurs aînés, apportait toute la solennité requise pour un tel événement :

Messieurs,

La Société anatomique que nous sommes appelés à reconstituer, fut fondée le 12 frimaire an XII (3 décembre 1803),89 dans le sein de l’Ecole pratique, par M. DUPUYTREN, alors chef des travaux anatomiques. Composée des meilleurs élèves de cette école, encouragée par la Faculté, qui mit à sa disposition toutes sortes de moyens d’instruction, et qui lui permit de tenir ses séances dans ce même

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POUMET, op. cit.. Il est impossible de déterminer si POUMET eut accès aux procès-verbaux de ces deux séances ou à d’autres archives aujourd'hui disparues, ou bien si ses informations provenaient de CRUVEILHIER lui-même et d’autres témoins de 1814. 89

Cette date erronée, sans doute née d’une erreur de calcul dans la concordance entre le calendrier révolutionnaire et le calendrier grégorien, fut reprise sans interrogation dans toutes les publications ultérieures de la Société (préface au Bulletin de la Société anatomique de 1835, article de POUMET, op. cit., etc.). L’Annuaire des sociétés savantes (Paris: Imprimerie royale, 1846) ne corrige pas l’erreur, pas plus que l’historique de Lucien CORNIL (« Historique de la Société anatomique », dans

Annales d’anatomie pathologique. t. 3, 1926. p. 936). Les professeurs ORCEL et VETTER sont les premiers à donner la date correcte : 4 décembre 1803 (ORCEL et. VETTER, op. cit.).

amphithéâtre où nous sommes réunis en ce moment, cette Société se plaça de suite dans un rang distingué parmi les compagnies savantes. Déjà le titre de membre de la Société était devenu un titre de gloire; déjà les bulletins de ses travaux, consignés dans un journal périodique, et associés aux bulletins de la Faculté, étaient recherchés avec cette avidité qui dénotait le direction générale des esprits vers les choses positives; lorsque la mort de quelques-uns de ses membres les plus distingués, de TILORIER, de PITET, de MARANDEL, et surtout le défaut de centre et d’unité, entraînèrent sa ruine totale après cinq années d’existence.

L’étude de l’organisation, soit dans l’état sain, soit dans l’état morbide; les fonctions physiologiques et pathologiques rattachées autant que possible à cette organisation, voilà le but que s’était proposé l’ancienne Société, voilà le but que se proposera également la nouvelle; et en parcourant la collection des faits qui constituent en quelque sorte l’héritage que nous a légué l’ancienne Société, faits précieux que je dois à l’obligeance de M. LAENNEC, son dernier président, et que nous conserverons soigneusement dans nos archives,90 vous serez étonnés, comme moi, de leur importance, des germes de vérités utiles qui y sont contenues, et qui n’attendent peut-être qu’un fait nouveau pour éclore. (…) Ce peu de mots suffira sans doute pour vous faire sentir l’importance que peut acquérir cette Société, et les résultats que la science a le droit d’en attendre. Héritiers de la Société anatomique, nous ferons tous nos efforts pour soutenir le poids de la juste célébrité qu’elle s’est acquise. Étrangers à tout esprit de secte médicale ou autre, nous nous prémunirons contre les doctrines exclusives; et ne citant au tribunal de la raison et de l’expérience toutes les théories médicales anciennes et nouvelles, nous rallierons autour d’elles les masses de faits que nous aurons recueillies, ou pour les détruire si elles sont fausses, ou pour leur donner une nouvelle vie si elles sont vraies.

Et moi, Messieurs, qui vous ai devancé de quelques années dans la carrière, je répondrai à votre confiance en imprimant aux travaux de la Société une bonne direction, en participant activement à ces mêmes travaux, et je regarderai toujours comme mon plus beau titre de gloire, celui d’avoir réorganisé une institution aussi éminemment utile.

Dans son discours, CRUVEILHIER se posait en défenseur de l’anatomie pathologique et donnait des indications sur la manière dont il envisageait le fonctionnement de la nouvelle Société. Il se fondait en cela sur le règlement de l’ancienne, qui lui avait été confié par LAENNEC, et dont les principales dispositions furent provisoirement adoptées par les sociétaires. Les membres devant composer le Bureau furent élus pour deux mois, comme le voulait ce règlement. Alexandre BRIERRE DE BOISMONT, le plus âgé des nouveaux membres titulaires, fut élu vice-président. Hippolyte ROYER-COLLARD fut choisi pour secrétaire. CLEMENT lui fut adjoint au poste de vice-secrétaire et MANEC fut élu trésorier. Les membres du Bureau, auxquels vinrent se joindre BERARD et COMTE, furent chargés de proposer à la Société les modifications que devrait subir l’ancien règlement. Enfin une autre commission, composée de HUTIN, PINAULT et THOURET, devait mettre en ordre les travaux de l’ancienne Société.91

La nouvelle Société anatomique se reconstituait donc dans la droite ligne de l’ancienne. Cependant, le discours de CRUVEILHIER rappelant la période fructueuse de la première Société ne rend pas compte de toutes les circonstances de la recréation. La « juste célébrité » de la Société anatomique du début du siècle ne suffit pas à expliquer sa renaissance : d’autres sociétés étudiantes avaient connu autant de gloire qu’elle et n’en faisaient pas moins définitivement partie du passé. Autant qu’à son court et prestigieux passé, la nouvelle Société devait à la volonté de son président. La première Société anatomique avait vu le jour à l’initiative des étudiants, et DUPUYTREN avait rapidement perçu tous les avantages qu’il pouvait retirer de ses réunions, grâce à son influence et à son autorité parmi les élèves. La Société anatomique représentait pour lui un moyen de conserver sous sa direction une grande partie des meilleurs étudiants de l’École pratique et de recevoir la primeur de leurs nombreuses observations. DUPUYTREN avait animé les séances de la Société avec talent, mais il avait aussi profité de la profonde adhésion des étudiants.

En 1826, la reconstitution intervint par la seule volonté de CRUVEILHIER. Or si le jeune professeur concevait tous les avantages de cette réunion pour les étudiants, puisqu’il avait désiré y participer lui-même en tant qu’étudiant en 1814, son authentique désir de contribuer à la recherche an anatomie pathologique ne constituait pas l’unique raison de la renaissance de la Société. CRUVEILHIER

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LAENNEC transmit à CRUVEILHIER la collection des pièces de la première Société. Les registres de procès-verbaux des séances avaient été conservés par le dernier secrétaire, Gilbert BRESCHET, et ne furent retournés à la Société qu’en 1846. 91

Ceci est la dernière mention de la collection des travaux de l’ancienne Société anatomique, dont la disparition reste mystérieuse.

avait été le plus doué des étudiants et disciples de DUPUYTREN dans les années 1811-1816. Limousin comme lui, il avait été son interne à l’Hôtel-Dieu, et avait suivi les leçons du maître à une époque où DUPUYTREN n’avait pas encore complètement abandonné ses recherches anatomo-pathologiques. Lorsque CRUVEILHIER lui demanda sur quel sujet il devrait écrire sa thèse inaugurale, DUPUYTREN lui répondit simplement « sur l’anatomie pathologique ». Comme CRUVEILHIER lui demandait de préciser sur quelle partie de cette discipline il devait faire porter ses efforts, DUPUYTREN lui répondit de nouveau, sans plus d’explication, « l’anatomie pathologique ».92 Malgré l’ampleur d’un tel travail, CRUVEILHIER ne renonça pas et, en 1816, il soutint une thèse en deux volumes destinée à faire date dans cette science : Essai sur l’anatomie pathologique en général.93 Ce travail augurait bien du futur professeur d’anatomie pathologique, mais dans l’immédiat CRUVEILHIER partit exercer dans son pays natal où il ne réussit pas à obtenir le poste de chirurgien qu’il convoitait à l’hôpital de Limoges. En 1823, il revint à Paris et fut reçu à la première place au concours d’agrégation en médecine qui venait d’être créé. L’année suivante, il fut nommé professeur de médecine opératoire à Montpellier mais il songeait encore à abandonner ce poste pour retourner s’installer à Limoges lorsque, sans l’avoir sollicité, il fut appelé à Paris pour succéder dans la chaire d’anatomie à Pierre Augustin BECLARD, décédé soudainement à l’âge de quarante ans.

Le Ministre de l’Instruction publique, Grand-Maître de l’Université et évêque d’Hermopolis, Mgr de FREYSSINOUS, avait connu le fervent CRUVEILHIER à Saint-Sulpice, et sur la recommandation de DUPUYTREN, venait de le nommer à la chaire vacante. Cette désignation sans concours, et sans présentation par le Conseil de la Faculté, comme le voulait l’usage, ne fut pas sans provoquer des remous, en particulier parmi les étudiants. CRUVEILHIER ne disposait pas de meilleurs titres et était certainement moins connu que les deux candidats déclarés à la chaire, Jules CLOQUET et Gilbert BRESCHET.94 Quelques années seulement après les événements de 1822 et la dissolution de la Faculté de Médecine, les étudiants ressentirent cette nomination comme un nouveau coup de force des autorités. Ils craignaient qu’on leur imposât un professeur dont le seul mérite aurait été de partager les idées politiques et les convictions religieuses de son Ministre, et qui n’aurait pas été de taille à succéder à BECLARD. Cependant, cette crainte, légitimée par la médiocrité de certains professeurs nommés en 1823, se trouva infondée. Le premier cours de CRUVEILHIER, le 10 novembre 1825, fut très mouvementé, mais par sa modestie et surtout ses solides connaissances, il réussit à conquérir la majorité des étudiants. A la longue, son autorité dans le domaine de l’anatomie, et plus tard de l’anatomie pathologique ne fut plus contestée. En 1826, il fut nommé, sur concours, médecin des hôpitaux de Paris.

La désapprobation des étudiants resurgit toutefois en 1830. La Révolution leur donna l’occasion de protester contre les professeurs suspectés de sympathies pour le régime précédent. CRUVEILHIER était évidemment inclus dans ce groupe. Cependant, alors que les professeurs imposés à la Faculté en 1823 furent remplacés, CRUVEILHIER fut maintenu dans son poste. Dans son historique de la Faculté de Médecine, Auguste CORLIEU rendit hommage aux convictions et au talent de CRUVEILHIER :

On reprochait à CRUVEILHIER d’avoir été nommé par l’évêque d’Hermopolis, à cause de ses tendances religieuses. Il le savait, et ceux qui ont connu CRUVEILHIER ont pu se convaincre que la religion n’était pas un manteau dont il se parait et qu’il n’a jamais renié ni affiché ses principes. Quelques journaux politiques, le National entre autres, lui étaient un peu hostiles; ce dernier journal publia contre lui un article malveillant. CRUVEILHIER répondit en rappelant qu’en 1823, au concours d’agrégation, il avait été nommé le premier sur vingt-quatre compétiteurs et que, en 1824, il avait été nommé professeur d’anatomie à la Faculté de Montpellier, avant d’être appelé à Paris.

Deux mois après avoir professé son premier cours dans le grand amphithéâtre de la Faculté de Médecine de Paris, CRUVEILHIER reconstituait la Société anatomique. Cette rapidité incite à penser que dans les premiers temps de sa nomination, ressentant l’hostilité de nombreux étudiants autour de

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Pierre HUARD, Marie-José IMBAULT-HUART, « La vie et l’œuvre de Jean Cruveilhier (1791-1874), anatomiste et clinicien », dans Episteme (Milano). t. 8, 1974. p. 46-57. Le choix de ce sujet est l’un des indices qui font penser que DUPUYTREN avait à ce moment-là définitivement renoncé au grand ouvrage d’anatomie pathologique qu’il promettait depuis des années. Auparavant, il n’aurait jamais abandonné un tel sujet à qui que ce soit.

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Jean CRUVEILHIER, Essai sur l'anatomie pathologique en général. Paris : l’auteur, 1816. 2 vol. 94

Cette circonstance explique sans doute pourquoi BRESCHET ne remit pas les procès-verbaux de l’ancienne Société à

Dans le document Florent Palluault (Page 47-53)