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Le rédacteur du bulletin

Dans le document Florent Palluault (Page 164-168)

Réunis en une collection unique, les bulletins gagnaient beaucoup en valeur. Cette modification laissait espérer que des contributions de plus grande envergure pourraient y être accueillies. Le 1er octobre 1835 le Comité adressa une lettre aux membres honoraires et correspondants pour leur apprendre que la Société publierait dorénavant elle-même ses bulletins et se ferait un plaisir d’accepter leurs travaux.

La composition du Bulletin

Le rédacteur du bulletin

Dans les premiers temps de la reconstitution de la Société, le secrétaire présentait le sommaire du bulletin à paraître qui était adopté en séance (article 57 du règlement de 1826). Le Bulletin se composait alors d’extraits du procès-verbal et d’observations présentées par les candidats. Le 12 mars 1826, CRUVEILHIER proposa qu’un extrait du rapport de la commission fût ajouté à toutes les observations.346 Dans la séance du 9 avril 1826, les matériaux du bulletin d’avril n’ayant pas été rassemblés à la date prévue, CRUVEILHIER proposa la nomination d’une commission chargée de réunir les observations et de les présenter dans la séance suivante. Le secrétaire, ROYER-COLLARD se vit adjoindre CLEMENT et ROBERT et ainsi fut constitué le premier comité de rédaction des Bulletins de la Société anatomique. Certains membres entrevirent immédiatement l’intérêt d’une telle commission. Dans la même séance, COMTE déposa une proposition appuyée par Auguste BERARD et CLEMENT, dans laquelle il demandait la création d’une commission chargée de la rédaction et de la direction du bulletin. Cependant, dans la séance suivante, ROYER-COLLARD présenta des objections et COMTE retira sa proposition. Le secrétaire resta seul en charge de la rédaction des bulletins (article 56 du règlement), même si chaque mémoire lu par un membre était mis aux voix en séance pour être inséré ou non dans les bulletins. Le Secrétaire ne décidait pas seul de la composition du Bulletin, mais l’influence des autres membres sur la rédaction restait minime.

Lors de la création du Comité de rédaction en 1834, on ne définit pas clairement les droits et les devoirs de chacun dans la rédaction des bulletins. L’article 62 du règlement stipulait qu’une « commission de rédaction était chargée de veiller à la rédaction, à la pagination, à l’impression du bulletin, et de dresser une table analytique pour chaque année. » L’article suivant précisait qu’elle se composait « de trois membres et d’un suppléant. Le secrétaire en fait partie de droit, les autres membres sont nommés tous les trois mois au scrutin secret et peuvent être réélus.» Des conflits de compétence émergèrent : quelle part chaque membre du Comité pouvait-il avoir dans la rédaction ? Le secrétaire pouvait-il rédiger et faire publier les procès-verbaux sans informer le Comité de leur contenu ?

Le flou du règlement contribua à laisser au secrétaire toute liberté dans la rédaction du Bulletin. Les membres du Comité n’étaient présents qu’en qualité d’adjoints. De temps à autres, ils essayaient

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de réduire les attributions du Secrétaire ou de mieux contrôler son travail. Le 2 mars 1837, au vu des nombreuses fautes contenues dans le bulletin, le Comité décida que les épreuves seraient corrigées une première fois par le secrétaire, puis renvoyées au Comité pour vérification. Le 3 juin 1840, BECQUEREL se plaignit que le Comité ne fût pas consulté sur la composition du bulletin puisque seul le secrétaire, président du Comité de rédaction, décidait.347 A la suite de cette remarque, le Comité décida de préciser les attributions du secrétaire et décida que la rédaction des bulletins serait laissée à sa discrétion à condition qu’il rendît compte au Comité des circonstances particulières que pourrait présenter la rédaction. Dans la même séance les membres du Comité obtinrent de joindre aux observations soumises à leur examen une note explicite sur la valeur et l’opportunité de l’impression.348

Cependant, l’intervention des membres du Comité demeurait très restreinte et le secrétaire restait chargé de tout le travail de synthèse et de finition, en plus de la rédaction des procès-verbaux. Pour « diminuer en partie les nombreux travaux du secrétaire et apporter plus de sévérité dans la rédaction des bulletins », MAILLIOT proposa le 26 mars 1847 que chaque membre du Comité s’occupât d’un ou de plusieurs des travaux à imprimer. Le secrétaire, BONNET, lui répondit qu’il avait lui-même fait cette proposition quand il est entré au Comité, mais que cette mesure aurait entraîné un manque d’unité dans la rédaction et une perte de temps pour les membres, sans profit pour le secrétaire, obligé de toute manière de revoir leurs observations. Cet argument revint très souvent dans les discussions du Comité sur les attributions de chacun des membres par rapport au secrétaire.

Dans la séance suivante, le débat reprit de plus belle. Selon MAILLIOT et PIGNE le retard de cinq mois dans la publication des bulletins était dû à la liberté illimitée laissée par le Comité au secrétaire précédent, DEVILLE. PIGNE, en parfait connaisseur de l’histoire de la Société, rappela que, huit ou dix ans auparavant, « le secrétaire apportait à chaque séance les travaux dont l’impression avait été votée et les distribuait en parties égales aux divers membres, suivant le genre d’études de chacun d’eux. Puis à la séance suivante, on discutait des modifications proposées. Tout cela était l’application d’un règlement du Comité écrit par M. DENONVILLIERS. » Il s’engagea à présenter un nouveau projet si on ne retrouvait pas ce règlement dans les archives. Bien qu’il fût « convaincu qu’il n’y avait rien de personnel dans les réflexions qui venaient d’être faites et que chacun était animé du désir de voir prospérer les intérêts de la Société », BONNET crut devoir, comme secrétaire, « défendre pour ses successeurs une espèce de privilège qui lui [avait] été transmis par celui qui l’[avait] précédé. » Il demanda l’ajournement de la question jusqu’à ce qu’on retrouvât le règlement de DENONVILLIERS.349 Ce règlement ne fut jamais retrouvé, et le 30 avril 1847, comme il l’avait promis, PIGNE proposa l’adoption des articles suivants, qui furent tous acceptés :

1° : Tous les travaux à imprimer doivent être connus et approuvés par le Comité.

2° : Les travaux adressés au Comité par la Société seront distribués par le secrétaire à tous les membres du Comité.

3° : Chaque membre qui aura reçu un travail à examiner le déposera dans la séance suivante sur le Bureau en faisant connaître sur une feuille séparée et annexée au travail les principales modifications qu’il croit utiles d’y faire et son opinion sur l’opportunité de la publication.

4° : La composition du bulletin sera laissée au secrétaire mais à la condition qu’il la fera ensuite connaître préalablement au Comité en lui exposant les motifs qui l’ont déterminé dans son choix, afin que le Comité puisse y faire des modifications s’il le jugeait convenable.

5° : L’extrait des procès-verbaux destiné à l’impression sera fait par le secrétaire et devra être préalablement à l’impression lu au Comité et approuvé par lui.

6° : Aucune note, aucune remarque ne pourra être publiée par le secrétaire sans l’approbation formelle du Comité et devra toujours porter pour signature : « Note du Comité ».350

Même après cette mise au point, les limites du pouvoir dévolu au Comité ne cessèrent d’être remises en question. Les membres du Comité eux-mêmes ne purent toujours s’accorder sur une définition satisfaisante, ni sur une formule de travail qui accélérerait la publication. Si le secrétaire

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Archives de la Société anatomique de Paris, Carton n°1, Registre n°8, 3 juin 1840. 348

Archives de la Société anatomique de Paris, Carton n°1, Registre n°8, 10 juin 1840. 349

Archives de la Société anatomique de Paris, Carton n°1, Registre n°17, 2 avril 1847. 350

était seul chargé des Bulletins, il était submergé de travail, bien que le Comité ait pris l’habitude de confier au vice-président la correction des épreuves.351 Au contraire, si les différentes observations étaient confiées aux membres, le secrétaire était alors dépendant d’eux et de leur rapidité à revoir les travaux. Or, comme le faisait remarquer RICHARD le 23 février 1849, les membres du Comité ne rendaient souvent les observations que très longtemps après les avoir obtenues, et il citait en exemple BARTH qui conservait une observation depuis plus de deux ans.352

Il était aussi difficile aux membres du Comité de s’accorder sur la profondeur des changements à apporter aux observations. Pendant son secrétariat, MAILLIOT engagea les membres du Comité à imiter BROCA, récemment élu, qui n’hésitait pas à refondre et réduire des observations qu’il jugeait mal rédigées ou incomplètes. BOUTEILLER prétendit au contraire que la Société devait publier les travaux de ses membres et non ceux de son Comité. BROCA et DEVILLE soutinrent le système des modifications, tant qu’on ne touchait pas aux réflexions scientifiques. Ils s’engagèrent toutefois à ne pas abréger d’observation sans en avertir le Comité. DEVILLE proposa en outre qu’une observation déclarée mauvaise par un membre du Comité passât à un autre membre.353 Lorsqu’il fut élu secrétaire, BROCA demanda aux membres du Comité de ne pas se contenter de modifier les inexactitudes dans les observations, mais de rectifier aussi les incorrections de style.354

BROCA avait à cœur l’amélioration des publications. Le 10 janvier 1851, il demanda une nouvelle révision du système de rédaction et de publication :

BROCA : La manière dont se fait actuellement la rédaction des bulletins ne répond pas aux nécessités de cette publication; le nouvel ordre des choses actuellement en vigueur auquel M. BONNET secrétaire à cette époque n’a pas voulu se soumettre a déjà été subi par MM. THIBAULT, RICHARD, MAILLIOT et moi. Tant que j’ai été en fonctions, je n’ai voulu rien réclamer à cet égard mais actuellement que mes fonctions de secrétaire sont épuisées je crois devoir provoquer la modification d’un état de choses dont j’ai senti le vice. Les bulletins sont maintenant signés par 13 personnes; chacun n’a par conséquent qu’un 13e de responsabilité. D’où résulte le peu d’importance que chaque membre attache en général à la part minime qui lui revient dans la rédaction des bulletins. Ainsi ce travail est quelquefois fait si légèrement qu’il arrive que le membre du Comité chargé de revoir les travaux juge bon d’insérer le rapport seul, ne voyant pas que celui-ci suppose connus des détails contenus dans l’observation et dont l’omission peut rendre le rapport inintelligible. Plusieurs fois le nom de celui qui avait rédigé le travail a paru un tel garant au membre du Comité qu’il ne l’a pas relu. D’autres membres plus consciencieux ne portent pas leur attention sur la rédaction même. L’état des choses actuellement en vigueur expose nécessairement à beaucoup de retards. Les séances du Comité ne sont pas toujours très rapprochées et de plus, certains travaux sont oubliés par les membres : ainsi le travail de M. DEGAILLE confié successivement à MM. BARTH et LEUDET est demeuré entre leurs mains huit mois. Celui de M. TRIQUET est entre celles de M. MAILLIOT depuis deux ans et neuf mois. Beaucoup de pièces sont perdues. On a dit que le règlement actuellement en vigueur avait été fait pour compenser l’autocratie du secrétaire. Cela n’est pas exact, car aucun secrétaire ne peut et ne doit s’y soumettre : par exemple, je remets chaque mois les procès-verbaux du mois précédent à M. MAILLIOT qui ne les revoit pas il est vrai, mais devrait le faire. Si comme il en a le droit, il voulût faire quelques modifications auxquelles je ne puisse consentir serait-il juste et rationnel que le Comité me forçât à signer une chose que je n’approuve pas ?

Conclusion : l’état de choses actuel n’est pas exécutable. Je propose que le secrétaire signe seul le bulletin et reprenne les droits qu’il avait autrefois. On pourrait lui adjoindre une commission de un ou deux membres. DEVILLE : M. BROCA confond souvent le règlement de la Société avec le règlement intérieur du Comité. Le règlement n’admet, il est vrai que 10 membres, mais la Société a décidé qu’elle adjoindrait au Comité plusieurs des membres les plus anciens. C’est ainsi qu’on a adjoint MM. PIGNE, BARTH, puis moi. Si ces anciens membres avaient été nommés d’après les termes du règlement on n’aurait pu faire entrer dans le Comité de jeunes membres de la Société.

MAILLIOT : J’ai été le premier à m’insurger contre les prétentions du secrétaire, qui ne peut suffire seul à la rédaction des bulletins. Je n’avais pas osé moi-même assumer une aussi grande responsabilité que celle que l’on veut créer désormais pour le secrétaire. Si, comme a dit M. BROCA il y a des négligences chez beaucoup de membres du Comité, qu’on nous inflige un blâme, et à moi tout le premier qui semble un des plus coupables.

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Archives de la Société anatomique de Paris, Carton n°1, Registre n°19, 1er mars 1850. 352

Archives de la Société anatomique de Paris, Carton n°1, Registre n°17, 23 janvier 1849. 353

Archives de la Société anatomique de Paris, Carton n°1, Registre n°17, 27 avril 1849. 354

DEVILLE : A l’époque où cette discussion eut lieu dans le sein du Comité je partageais seul l’opinion de M. BONNET. Avant ce dernier, les secrétaires ont été moi, CASTELNAU, DEMARQUAY dont l’élection fut le résultat d’un petit coup d’état; antérieurement les bulletins furent rédigés par MM. GOSSELIN et TARDIEU seuls. A cette époque, les travaux étaient aussi nombreux qu’aujourd’hui et cependant les bulletins d’alors valent bien ceux que nous publions actuellement. L’habitude de remettre les travaux des membres entre les mains des anciens est mauvaise car le secrétaire a un intérêt majeur à la bonne rédaction des bulletins tandis que chacun de nous n’en a presque aucun. Il y a deux choses très pénibles dans les fonctions de secrétaire : les rapports avec M. MOQUET et le compte-rendu annuel. Je demande donc qu’on revienne aux anciennes habitudes et j’appuierai la proposition de M. BROCA.

DEVILLE proposa qu’une commission de quatre membres soit nommée pour examiner cette question et faire son rapport dans la séance suivante. Elle se composait de DENUCE, FOUCHER, HOUËL, et MAILLIOT. BROCA y fut adjoint sans voix délibérative. Elle rendit son rapport le 17 janvier.

Messieurs, la commission que vous avez nommée vendredi dernier pour examiner les objections qui vous ont été faites par votre secrétaire relativement au règlement intérieur du Comité de Publication (…) a été unanime pour reconnaître avec le secrétaire que la publication de nos bulletins avait beaucoup à souffrir du mode mis en usage depuis 3 ans dans le Comité. Des observations remises à des membres du Comité sont quelquefois restées très longtemps entre les mains d’un membre chargé de les examiner et souvent même, comme il résulte de l’aveu de quelques uns, elles n’ont été qu’incomplètement revues; d’autres fois même, elles n’ont pas été lues; il en résulte qu’un temps précieux pour cette publication a été perdu; c’est ainsi qu’il est arrivé qu’une observation n’a été publiée que une ou deux années après sa présentation au sein de la Société; cette année votre secrétaire vous a même indiqué quelques travaux qui ont été perdus complètement.

En face de ces faits, et de beaucoup d’autres qu’il serait trop long de rappeler ici, mais que le secrétaire a communiqués à la commission, nous nous sommes arrêtés aux trois propositions suivantes sur lesquelles tous les membres ont été unanimes.

1° : le secrétaire doit seul toucher les procès-verbaux

2° : il est injuste que le bulletin soit signé également de tout le Comité tandis que le secrétaire donne tout son temps et que les autres ne s’en occupent qu’en passant.

3° : la commission émet le vœu que le secrétaire s’adjoigne deux membres pour le gros texte à savoir : le vice-secrétaire et un membre nommé à l’élection par la Société.

Dans la discussion qui s’ensuivit, DEVILLE demanda qu’on ajoutât à ces propositions que le Comité déléguait la publication au secrétaire tout en conservant le droit de surveillance et la possibilité de retirer sa délégation. BLAIN DES CORMIERS demanda à ce que la question fût tranchée par la Société. BROCA lui répondit que le présent comité n’avait plus qu’une vie éphémère et que le nouveau comité pourrait être composé de membres nouveaux qui n’approuveraient pas ce qui serait décidé. Ils ne pouvaient donc guère qu’exprimer un vœu que le Comité de 1851 approuverait et pourrait mettre à exécution. DEVILLE réprouva lui aussi l’appel à la Société, ajoutant qu’il savait par expérience que les débats concernant le règlement empêchait toujours les discussions scientifiques sérieuses. Le Comité choisit donc de prendre une décision et adopta les propositions suivantes :

1° : Le Comité de Rédaction et d’Administration délègue au secrétaire la rédaction des bulletins suivant un mode dont il sera question plus loin.

2° : La publication des procès-verbaux est déléguée au secrétaire seul.

3° : On adjoindra deux membres au secrétaire pour la rédaction du gros texte seulement.

4° : La commission propose que le vice-secrétaire de la Société soit de droit un des membres adjoints au secrétaire.

5° : Le deuxième membre adjoint sera nommé à l’élection du Comité. (Ce sera DENUCE puis FOUCHER). 6° : Le bulletin portera en tête le nom du secrétaire seul; au commencement du volume il sera précédé par le nom des membres du Comité.

Lors de la réunion du nouveau Comité, le 28 février 1851, MOREAU, récemment élu, se prononça contre les dispositions adoptées le 17 janvier. Selon lui, l’ancien système de répartition permettait de donner les observations traitant d’un sujet spécialisé à un membre du Comité versé dans ce domaine. BROCA prit de nouveau la parole pour rappeler qu’il était très important que chaque

bulletin fût publié à la fin du mois, « afin d’éviter tout plagiat comme le cas s’était déjà présenté »,355 et que cette publication régulière n’était possible que par l’unité de la rédaction et la liberté d’action du secrétaire. Aux dispositions adoptées le 17 janvier il fut tout de même ajouté deux propositions confirmant au Comité la surveillance du travail du secrétaire et la faculté de lui retirer sa délégation. Ce retrait ne pouvait être fait qu’aux deux tiers des voix

Il fallut de nouveau préciser les fonctions du secrétaire le 16 mars 1855, à la demande de BAUCHET. BROCA rappela que la rédaction des bulletins était confiée au secrétaire, que celui-ci pouvait s’adjoindre le vice-secrétaire et un membre du Comité, mais que néanmoins le Comité conservait son droit de contrôle et n’avait jamais eu l’intention d’abandonner exclusivement les fonctions de rédacteur à un seul membre.356

Dans le document Florent Palluault (Page 164-168)