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Discours de L AENNEC pour la rentrée de la Société anatomique, novembre 1808 384

Dans le document Florent Palluault (Page 188-192)

PIÈCES JUSTIFICATIVES

4. Discours de L AENNEC pour la rentrée de la Société anatomique, novembre 1808 384

Messieurs,

Nous voici réunis de nouveau après une interruption que des circonstances particulières ont rendue plus longue qu’à l’ordinaire et cette séance sera consacrée à la fois à la reprise de nos travaux annuels, et à l’invitation que nos règlemens nous prescrivent de faire chaque année aux nouveaux élèves de l’École pratique pour les engager à y coopérer.

Dans cette circonstance la Société a cru nécessaire que les nouveaux associés qu’elle désire s’adjoindre fussent instruits du but de ses réunions et de l’esprit qui la dirige dans ses travaux. Chargé d’être son interprète, je m’acquitte de ce devoir avec d’autant plus de plaisir, que la Société peut espérer trouver encore comme les années précédentes dans le sein de l’École pratique, des confrères

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zélés et laborieux pour les quels nos séances auront quelque utilité et qui en accroîtront eux-mêmes l’intérêt par leurs travaux.

La Société anatomique fut fondée il y a quelques années par une réunion de jeunes médecins ou d’étudiants qui presque tous avoient été ou étoient encore membres de l’École pratique. L’ambition de fonder une société savante, le vrai désir d’appartenir à une réunion de cette nature, celui de se faire une réputation par des travaux académiques ne furent point les motifs de cette association. Ce ne fut même pas le désir plus louable de reculer les limites de la science, ou si les travaux de la Société peuvent avoir quelque fois ce résultat utile, elle n’en a point fait l’objet principal de son institution. L’amour de l’étude, le désir de s’instruire et de se perfectionner dans les sciences anatomiques seule base solide des connaissances médicales y présidèrent seuls. Le but principal de la Société fut donc l’instruction de ses membres. Une réunion formée sous de pareils auspices ne pourroit manquer d’avoir d’heureux résultats et dès la première année de sa fondation, la Société anatomique offrit l’exemple rare d’une réunion d’hommes unis la plupart par des liens de l’amitié ou d’une estime réciproque, travaillant à leur commune instruction sans désir de briller, sans prétentions et n’apportant à ses séances que du zèle et une noble émulation.

Mais dès lors il étoit facile de prévoir qu’une Société de cette nature ne pourroit exister longtemps entre les mêmes membres; il étoit plus que probable qu’un grand nombre de sociétaires arrivés au terme des études préparatoires à l’exercice de la médecine seroient forcés de quitter Paris, et que parmi ceux-mêmes qui se fixeroient dans la capitale, plusieurs se trouveraient dans des circonstances qui ne leur permettraient pas longtemps d’attacher le même intérêt aux séances de la Société. Les fondateurs de la Société ne voulurent pas qu’une institution qui leur avoit été utile et agréable fut perdue pour ceux qui devaient les suivre dans la même carrière, et ils décidèrent que tous les ans les élèves nouvellement reçus à l’École pratique et les élèves internes des hôpitaux de Paris seroient invités à faire partie de la Société. Par de nouvelles décisions, il fut statué que ceux des anciens membres de la Société que leur attrait particulier pour les Sciences anatomiques ou la direction qu’ils auroient données à leurs études pourroient porter à désirer de faire constamment partie de la Société porteroient le nom de membres résidans. C’est à eux qu’a été confiée la garde des règlemens. C’est parmi eux que sont choisis le président, le secrétaire et les autres membres de l’administration de la Société. Eux seuls ont le droit de les élire. Les nouveaux membres que la Société s’adjoint tous les ans portent le nom d’associés. Ils peuvent s’ils le désirent acquérir le titre de membre résidans aux conditions et après le temps fixé par les règlemens.

Telle fut, Messieurs, l’origine de la Société anatomique; telles sont les principales bases de son organisation; les objets de ses travaux peu étendus en apparence et même peu capables de faire l’objet d’une réunion, ne sont cependant pas aussi circonscrits qu’on pourroit être tenté de le croire et que son nom même pourroit le faire penser. Si la Société anatomique ne s’occupoit que des découvertes que ses membres ou même que tous les savans dispersés sur la surface du Globe peuvent faire chaque année en anatomie ou dans les sciences qui en dérivent, certes elle ne trouveroit point dans l’objet de son institution de quoi remplir des séances aussi fréquentes que les siennes. Mais ses vues sans exclure ce genre de travail ont une direction tout à fait différente. La Société anatomique n’est point une société savante, un objet pour lui être présenté n’a point besoin d’être nouveau, il suffit que la communication en puisse être utile à quelques uns de ses membres ainsi chaque sociétaire peut être sûr d’être accueilli favorablement en lui présentant quelques unes des préparations anatomiques qui exigent le plus de temps, de soin ou d’habileté dans l’art de la dissection en en faisant lui-même la démonstration. Les variétés que les diverses parties du corps humain offrent dans leur nombre, leur situation [BLANC] encore fixer son attention lorsque la dissection en présente à quelqu’un des sociétaires, la répétition des expériences anciennes ou modernes sur lesquelles sont fondées les vérités physiologiques reconnues ou les systèmes seulement probables sur diverses parties de la même science entre encore dans le plan des travaux de la Société et peut offrir à ceux de ses membres que leur zèle porte à répéter devant elle quelqu’une de ces expériences une source d’instruction d’autant plus utile que rarement on a eu l’occasion de faire ces sortes d’observations et que beaucoup de médecins et d’anatomistes les croient vraies sur la parole d’autrui.

L’anatomie comparée peut encore occuper quelques fois la Société, quoi qu’elle n’entre pas aussi essentiellement que l’anatomie humaine dans le plan de ses travaux. Mais outre qu’il est difficile d’être seulement anatomiste sans avoir au moins quelques connaissances précises sur la structure variée des différentes classes des êtres vivans, personne n’ignore quelles lumières a répandues sur

l’anatomie de l’homme la dissection des animaux et l’examen comparatif des organes de l’un et des autres. peut-être pourroit-on nous objecter ici que de semblables études sont utiles tout au plus à quelques savans qui ont fait de l’anatomie l’objet unique de leurs recherches et de leurs occupations. Peut-être nous reproduira-t-on les objections tant de fois faites et tant de fois réfutées : quelle est donc l’importance de l’anatomie, quelles sont les applications immédiates à l’art de guérir et qu’est-il besoin que des médecins passent un temps considérable à étudier dans leurs détails les plus minutieux des formes d’organisation qui ne leur donneront le plus souvent pas de notion plus positives sur la nature des maladies aux qu’elles ils ne devront presque jamais avoir aucun égard dans l’administration des moyens thérapeutiques ne suffit-il pas qu’un médecin connaisse en général le siège et la structure des organes sans charger sa mémoire de détails et de subtilités inutiles ? A ces déclamations, Messieurs, il est facile de trouver des réponses solides et chacun de vous les a sans doute déjà prévues.

Je laisse donc de côté les plus fortes, celles qui se présentent les premières à l’esprit. Je ne dirai point que sans l’anatomie la nosologie et par conséquent le [BLANC] devant une carrière ouverte à l’incertitude et à des discussions interminables, que c’est au scalpel minutieux des Rudbeck et des Bartholin que la médecine doit la connaissance des vaisseaux lymphatiques et de l’absorption la thérapeutique l’acquisition d’une méthode d’introduire les médicamens dans le corps humain très précieuse et même unique dans un grand nombre de cas; que c’est à d’autres anatomistes subtils que nous devons la connaissance de la marche et de la distribution des nerfs, et des méthodes qui ont le plus souvent réussi dans le traitement de la goutte sciatique, du tic douloureux et des autres [BLANC].

Nous pourrions citer cent exemples de cette nature; mais nous nous contenterons d’une seule remarque : quels sont les hommes qui ont nié ou réduit à peu de choses l’utilité de l’anatomie, étoit-ce des hommes remarquables par des connaissances étendues dans cette science, étant des hommes qui après avoir consacré pendant longtemps leurs travaux et leurs veilles à son étude, n’en avoient retiré d’autres lumières que la triste certitude du peu d’avantages qu’ils en devroient attendre. Non sans doute il seroit impossible de citer un pareil exemple. Si les détracteurs de l’anatomie ont rarement trouvé l’occasion de faire des applications de cette science à la médecine pratique, au moins aucun d’entr’eux n’a eu le droit de penser, que d’autres que lui n’eussent pas rencontré plus souvent cette occasion.

Mais nous pouvons leur accorder encore que certains détails de la structure du corps humain sont ou doivent être sans utilité dans la pratique. Au moins ne nient-ils pas qu’un médecin ne peut être entièrement étranger à cette science qu’il faut qu’il en connaisse l’ensemble et que le peu de connaissances qu’ils lui permettent d’acquérir en ce genre étoient exactes. Nous nous arrêterons là et leur demanderons s’ils croyent possible qu’un homme puisse parvenir à un degré d’instruction suffisant et y rester longtemps s’il n’a d’abord rempli sa mémoire de beaucoup de ces détails qu’ils regardent comme superflus, et il est en un mot possible de comprendre et de retenir des résultats si l’on n’a d’abord connu les faits et les détails qui leur servent de base et de développement. Il faut avoir beaucoup appris pour pouvoir retrouver encore dans sa mémoire au bout d’un certain nombre d’années les bases les plus essentielles d’une science.

L’anatomie, la physiologie pratique étudiées dans toute leur étendue sont donc des sciences dignes de toute l’attention et des méditations du médecin vraiment digne de ce nom. Mais ces objets d’étude, quoique différans pour remplir les teneurs de la Société et pour offrir de l’intérêt à des hommes qui connaissent toute l’importance de l’anatomie ne sont pas les seuls dont s’occupent les membres de la Société. Une carrière plus vaste, plus féconde, plus riche surtout en faits d’une application immédiate à la médecine pratique est ouverte devant eux. Je veux parler de l’anatomie pathologique, de cette science sans laquelle le diagnostic presque toujours impossible ou erroné nécessairement à une incertitude déshonorante pour l’art dans le choix des méthodes ou des moyens de guérir, conduit à un prognostic faux et fait souvent flatter d’un vain espoir des malades destinés à une mort certaine, ou inspirer des craintes sans aucun fondement. Cette science ne s’apprend point dans les ouvrages des maîtres de l’art. Les écrits des Morgagne, des Walter, des Bichat sont des livres fermés pour quiconque n’a pas lui-même assez vu pour avoir appris à les lire et à mes entendre. Les ouvrages des médecins peu versés dans les sciences anatomiques ne sont remplis que des citations fausses et à contre-sens des observations de ces maîtres. Ouvrir des cadavres, observer, revoir encore, communiquer ses observations à des confrères qui se livrent au même genre d’étude, comparer ses remarques et ses réflexions aux leurs, tels sont les seuls moyens d’apprendre l’anatomie pathologique, d’acquérir l’intelligence des livres écrits sur cette science et de porter en suite dans l’exercice de la

médecine une précision, une sûreté du diagnostic qui peut quelques fois étonner ceux des médecins qui trouvent encore plus commode de mépriser l’anatomie que de l’étudier. L’importance de ce genre d’étude est trop généralement sentie de nos jours pour qu’il soit nécessaire de nous y arrêter plus longtemps. La Société en a toujours fait l’objet principal de ses recherches et depuis sa fondation la plus grande partie de ses séances a été occupée par des observations de maladies suivies de l’ouverture des cadavres ou par l’examen des pièces d’anatomie pathologique qui lui ont été présentées.

Il ne me reste plus qu’une seule chose à faire connaître à nos nouveaux confrères, c’est l’esprit qui a constamment animé la Société. Cet esprit exclud toute espèce d’appui et de prétentions. Nous nous plaisons à la répéter encore, cette réunion n’est point une société savante. On ne doit point craindre de lui présenter des faits déjà connus, des observations ou des pièces qui n’offriroient que de l’utilité et de l’instruction sans avoir rien de propre à piquer la curiosité. Les juges aux quels ces objets sont présentés sont des condisciples qui y trouveront une occasion d’apprendre un fait nouveau ou de mieux connaître ce qu’ils avoient déjà vu, ou des médecins qui pour avoir devancés de quelques années leurs collègues dans la carrière des études, n’en croyent pas devoir mépriser des faits exacts et utiles parce qu’ils les ont déjà vus et qu’ils attachent autant de prix à conserver par de fréquentes observations les connaissances qu’ils possèdent, que d’autres peuvent en mettre à en acquérir.

Un usage qui datte des premiers temps de la fondation de la Société a voulu que pour éviter tout ce qui sent la contrainte presqu’inséparable des autres réunions de cette nature, les observations offertes à la Société fussent exposées de vive voix. La Société s’est seulement réservée le droit de demander lorsqu’elle le juge convenable la rédaction écrite de l’observation qui lui a été présentée.

La Société anatomique espère que les avantages que notre réunion présente engageront plusieurs des nouveaux élèves de l’École pratique à en faire partie; elle recevra avec plaisir dans son sein ses nouveaux confrères et elle croit pouvoir attendre surtout de leur zèle à lui présenter les pièces d’anatomie pathologique qui pourront s’offrir à eux dans le cours des dissections ou [BLANC] d’intérêt pour ses séances et une source abondante d’instruction pour ses membres.

5. Discours de CRUVEILHIER lors de la réorganisation de la Société, 12 janvier

Dans le document Florent Palluault (Page 188-192)