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Introduction de la première partie

CHAPITRE 3 : Les usages du manuel numérique au primaire et au secondaire

1. L’intégration et l’appropriation

1.1 L’intégration des TICE

1.2.2 L'approche instrumentale

1.2.2.2 Le système d'instruments

Dans une activité, l'enseignant peut également associer l'instrument à d'autres instruments. Cette association forme ainsi un « système d'instruments ».

Dans sa thèse, G. Bourmaud246 résume les caractéristiques des systèmes d'instruments présentées dans les travaux de B. Lefort247, P. Rabardel248, J. L. Minguy249, C. Vidal-Gomel250 et C. Zanarelli251. Il retient, entre autres, que le système d'instruments :

 organise des ensembles d'instruments et des ressources variées ;  est lié aux objectifs de l’action ;

 présente des complémentarités et des redondances de fonctions ;  est distinct d’un opérateur à un autre ;

 est structuré en fonction de l’expérience et des compétences de l’utilisateur.

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Bationo-Tillon, A., Rabardel, P. (2015). Approche instrumentale: conceptualiser et concevoir pour le développement. In F. Decortis (ed.). L’ergonomie orientée enfants. Paris : PUF.

245 Carroll, J., Howard, S., Peck, J., and Murphy, J. (2002). A Field Study of Perceptions and Use of Mobile Telephones by 16 to 22 Year Olds. Journal of Information Technology Theory and Application (JITTA) 4(2).

246 Bourmaud, G. (2006). Les systèmes d’instruments : méthodes d’analyse et perspectives de conception. Thèse de Doctorat de Psychologie Ergonomique, sous la direction de Pierre Rabardel, Université Paris 8.

247 Lefort B. (1982). L’emploi des outils au cours de tâches d’entretien et la loi de Zipf-Mandelbrot. Le travail Humain, 45 (2), 307-316.

248 Rabardel, P. (1995), Op. cit.

249 Minguy, J.L. (1997). Concevoir aussi dans le sillage de l’utilisateur. International Journal of Design and Innovation Research, 10, 59-78.

250 Vidal-Gomel C. (2002). Systèmes d’instruments des opérateurs. Un point de vue pour analyser le rapport aux règles de sécurité. Pistes4(2).

251 Zanarelli,, C. (2003). Caractérisation des stratégies instrumentales de gestion d’environnements dynamiques : Analyse de l’activité de régulation du métro. Thèse de Doctorat de Psychologie Ergonomique. Université Paris 8.

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Il ajoute aux caractéristiques du système d'instruments son organisation autour d'un instrument pivot : « dans un système d’instruments, un instrument joue un rôle particulier d’organisateur, de pivot pour les autres instruments252 ». Ainsi, ce système d’instruments pourra faire l’objet de multiples genèses instrumentales.

Schéma 8 : Système d’instruments

L’approche instrumentale est basée sur l’analyse du processus d’appropriation. Elle vise à analyser les activités des enseignants et des élèves tout en mettant en évidence les différentes genèses instrumentales.

Pour conclure, l’appropriation d’un objet est un processus long qui implique la maîtrise cognitive et technique de celui-ci et son intégration sociale. Lorsque l’enseignant s’est approprié l’objet, l'invention de nouvelles activités est possible. D’après le modèle ACOT de J. H. Sandholz, C. Ringstaff et D.C. Dwyer253, l’enseignant peut entrer dans le stade de l’invention. A partir de ses expériences passées avec cet objet, des problèmes soulevés et en vue d’enrichir son expérience, l’enseignant va inventer de nouveaux usages et donc innover.

252

Bourmaud, G. (2007). L’organisation systémique des instruments : méthodes d’analyse, propriétés et perspectives de conceptions ouvertes. Colloque de l’Association pour la recherche cognitive – ARCo’07 : Cognition – Complexité – Collectif, nov 2007, Nancy, France. p.64.

253 Sandholtz, J.H., Ringstaff, C. Dwyer, D.C. (1997). Op. cit.

Système d’instruments Manuel

numérique

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1.3 L’innovation

1.3.1 Eléments de définition

L’innovation est l’action d’inventer ou de créer quelque chose de nouveau dans un domaine particulier. Elle est généralement associée à la science, aux technologies, à l’entreprise mais revêt également d’une dimension sociale (éducation, écologie, santé, etc.). C. Delahaye et ses collaborateurs254 soulignent que « Si l’étymologie du terme (lat. novus : nouveau) est

sans ambiguïté, le concept d’innovation est particulièrement délicat à définir en raison de l’extrême variété des domaines de référence disponibles (innovation technique, économique, sociologique, pédagogique) et des points de vue retenus (processus de l’innovation, enjeu de l’innovation, produit de l’innovation, diffusion de l’innovation, etc.). ».

L’innovation peut désigner le produit (le manuel scolaire numérique est une innovation numérique) et le processus (les enseignants innovent en personnalisant à plusieurs le manuel numérique alors qu’ils procédaient autrement pour préparer leurs cours et de manière individuelle). Elle résulte, selon F. Cros255, d’une intention et de la mise en œuvre d’une ou des actions visant à changer quelque chose (un état, une situation, une pratique, des méthodes, un fonctionnement), à partir d’un diagnostic (d’insuffisance, d’inadaptation ou d’insatisfaction) par rapport aux objectifs à atteindre, aux résultats ou encore aux relations de travail. L’innovation est une opération dont l’objectif est d’améliorer une situation, d’atteindre de nouveaux objectifs ou de nouvelles performances. Pour D. Peraya et J. Viens256, « Cette

amélioration peut viser l’amélioration du produit, du processus (en le rendant plus productif ou plus facile) ou encore, permettre d’atteindre de nouveaux objectifs ou objets qui n’auraient pu être abordés dans les conditions préalables». Cette nouvelle pratique peut être mise en place en raison d’un problème perçu dans l’environnement professionnel (difficultés techniques, pédagogiques, etc.) ou pour une utilisation plus efficiente des ressources. L. Vieira257 souligne que « le plus important dans la mouvance de l'innovation ne réside pas

dans la progression technique elle-même, mais plutôt dans les effets générés par celle-ci ».

L’auteure précise que ce phénomène n’est pas nouveau : « à chaque "révolution culturelle"

qui a marqué notre histoire, on a constaté que l'humanité a pu faire un progrès majeur aux

254 Delahaye, C., Derouet-Besson, M.C., Godinet, H. (2009). Observer l’innovation, un cas d’école innovante. Distances et savoirs,4, 1, 61-72, p.12.

255 Cros, F. (1997). L’innovation en éducation et en formation. Revue française de la pédagogie, 118, 127-156.

256 Peraya, D., Viens, J. (2005). Relire les projets « TIC et innovation pédagogique » : y a-t-il un pilote à bord, après Dieu bien sûr… ? in Karsenti T. & Larose F. L’intégration pédagogique des TIC dans le travail enseignant :

recherches et pratiques. Sainte-Foy (Canada) : Presses de l’Université du Québec, p.15-60, p.33.

257 Vieira, L. (2014). Design, vous avez dit Design. In : X e colloque international EUTIC «Le rôle des TIC dans le

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plans sociétal et culturel grâce à l'invention d'un objet : le papier pour l'écriture, la presse à bras puis la rotative pour l'imprimerie, le cinéma puis la télévision pour l'image, l'ordinateur et les réseaux pour le multimedia 258». Toutefois, ces innovations ont pu révolutionner l’histoire parce qu’il y a eu appropriation des usagers.

En raison de leur parenté étymologique, la novation, l’énovation et la rénovation sont employés à tort comme synonymes d’innovation. La novation concerne selon F. Cros259 « le

renouveau radical, celui qui n’a jamais existé jusque-là : il est synonyme d’invention et découverte. Les novateurs apportent la création ». Cela concerne également la transformation des pratiques à la nouveauté. L’énovation est un concept, créé par A. Gelinas et R. Fortin, radicalement opposé à celui de l’innovation. Il s’agit d’une « stratégie du

changement émergent260 », un « processus de gestion appropriative par des acteurs

organisationnels261». Alors que l’innovation porte sur les individus, le produit et la nouveauté, l’énovation s’attache à l’organisation, au processus et à l’adaptabilité. La rénovation quant à elle « conduit à une remise à neuf, quand cela était nouveau, de manière à effacer les

marques du temps : il s’agit de conforter les objectifs initiaux qui auraient pu être affaiblis par le temps.262». Bien que les définitions de ces trois notions montrent de grandes différences sur l’objet et les objectifs, elles ont cependant en commun le changement d’une situation. Ce changement qu’apporte l’innovation lui donne un caractère révolutionnaire. Selon A. Gelinas et R. Fortin, l’innovation se rapproche sur certains aspects de la réforme, « notamment son

intentionnalité, cette sorte de volontarisme mais aussi en ce qu’elle est « une stratégie de changement planifié263».

Bien qu’elle évoque actuellement une connotation positive, elle représentait au XVIIIe siècle le danger et la révolution. A cette époque, il était déconseillé d’innover tant les nouveautés étaient dangereuses. Le Dictionnaire de l’Académie François de 1740 résumait ainsi l’innovation :

« Innovation : introduction de quelque nouveauté dans une

coutume, dans un usage, dans un acte. Il ne faut point faire d’innovation. Les innovations sont dangereuses. »

258 Idem, p.36.

259 Cros, F. (1996). « Défintions et foncitons de l’innovation pédagogique : le cas de la France de 1060 à 1994 », dans M. Bonami et M. Garant (dir.), Systèmes scolaires et pilotage de l’innovation : émergence et implantation du changement, Bruxelles, De Boeck, p. 15-31, p.18.

260 Gélinas, A., Fortin, R. (1996). « La gestion du perfectionnement des enseignants : formation-recherche auprès des directeurs d’établissements scolaires au Québec », dans M. Bonami et M. Garant (dir.), Systèmes scolaires et pilotage de l’innovation : émergence et implantation du changement, Bruxelles, De Boeck, p. 115

261 Idem, p.119.

262 Idem, p.18.

121 F. Cros indique que « l’innovation engendrait du déséquilibre, du désordre ; elle était

potentiellement génératrice de désintégration de la société civile. Elle avait le sens que nous accordons actuellement à subversion ou à révolution264». D’après l’auteure, il fallut attendre les années 1960 pour que le terme innovation porte une connotation positive.

Cette image positive provient, selon F. Cros265, de l’économie et de la théorie du développement économique de J. Schumpeter266. Elle fait suite à la crise boursière de 1929 aux Etats-Unis et la Grande Dépression qui suivit. Les entreprises devaient produire de nouveaux objets pour améliorer leurs ventes et augmenter leur plus-value financière. L’innovation et le progrès technique ont eu un rôle important sur la dynamique de l’économie capitaliste. L’innovation est même présentée par J. Schumpeter, comme le moteur du développement économique et le ressort de l’économie capitaliste.