Bilan de l’expérimentation « Manuels numériques via l’ENT »

L’expérimentation nationale « Manuels numériques via l’ENT » lancée en septembre 2009 s’est terminée en juin 2014. Au total, 1500 enseignants et 15000 élèves ont expérimenté les manuels numériques en ligne via l’ENT.

EduSCOL (2014), site pédagogique du Ministère de l’Education Nationale, dresse le bilan des cinq années d’expérimentation346. Il en ressort que le nombre d’utilisations des manuels numériques a été croissant mais relativement faible par rapport à la population concernée. La plus-value du manuel numérique est principalement sa richesse en ressources multimédias libres de droit. Cependant, les enseignants attendent davantage du manuel numérique. Ils souhaitent qu’il soit personnalisable et que la mise en œuvre des licences soit simplifiée. Le manuel numérique doit être également pensé pour un usage élève et disposer d’un niveau d’interactivité permettant des activités individuelles. Pour augmenter ces activités, le manuel numérique doit être disponible sur tablette et permettre une accessibilité plus grande pour les élèves ayant un handicap.

2.2 Rapport IGAENR-IGEN (2010). Le manuel scolaire à l’heure du

numérique. Une « nouvelle donne » de la politique des ressources pour

l’enseignement.

Le rapport347 des inspections générales (IGEN et IGAENR) de 2010 présente la place, les fonctions et les usages du manuel scolaire. Il expose le contexte évolutif du manuel scolaire et sa mutation enclenchée par les nouvelles pratiques pédagogiques tournées vers le numérique. Les auteurs du rapport qualifient le manuel scolaire comme un « personnage à transformations » qui a fait preuve pendant deux siècles à de grandes capacités d’adaptation pour continuer à exister face aux changements pédagogiques. Selon les auteurs, ces « évolutions affectent à la fois la fonction de l’objet, le rapport au savoir et aux contenus

346 Bilan de l’expérimentation « Manuels numériques via l’ENT ». Site internet éduSCOL – Ministère de l’Education nationale – Direction générale de l’enseignement scolaire. Mis à jour le 18 juillet 2014. En ligne : http://eduscol.education.fr/cid80954/manuels-numeriques-via-l-ent-bilan.html

347 IGAENR-IGEN (2010). Le manuel scolaire à l’heure du numérique. Une « nouvelle donne » de la politique des ressources pour l’enseignement, Paris, MENESR, N° 2010-087. En ligne :

150

d’enseignement, la nature de la relation entretenue avec l’usager (élève ou enseignant) et, plus simplement, la forme matérielle dans laquelle il s’incarne.348». Ainsi, les pratiques pédagogiques qui accompagnent le manuel scolaire le transforment profondément.

Le rapport rappelle que pour faire évoluer le manuel scolaire, le député Fourgous (2009-2010) a rendu obligatoire en 2011 la généralisation de la publication de manuels bi-média avec une version imprimée et des services numériques interactifs. Dans le premier degré, les manuels proposés sont essentiellement des versions numérisées (format pdf) disposant de la réplique du manuel papier, des fichiers numérisés ainsi que des outils d’affichage (zooms, etc.). Selon les éditeurs, le décalage dans l’enrichissement en ressources numériques est dû « à la situation critique du manuel imprimé dans le premier degré depuis

de nombreuses années349» Dans le second degré, la situation est toute autre. La plupart des disciplines disposent de manuels bi-média. Les manuels numériques, développés sur la base de la version papier, comportent des enrichissements importants tels que des fonctionnalités spécifiques, de l’interactivité, des liens ou encore des annexes.

L’expérimentation « Manuels numériques via l’ENT » menée dans douze académies de 2009 à 2014 permet de donner les premiers enseignements sur les manuels numériques. Les inspections générales font ainsi une synthèse des résultats de l’étude. Ils indiquent que le manuel numérique correspond aux attentes de l’expérimentation : allégement du poids du cartable, qualité des illustrations, intérêt et attention renforcés de la part des élèves, ouverture sur des pratiques pédagogiques renouvelées. Cependant, les auteurs soulignent que « sur ce plan, les quelques observations directes que la mission a pu effectuer donnent

peu d’indices qui ne lieraient pas la pratique pédagogique de l’enseignant et l’exploitation du manuel numérique en classe. Autrement dit, si la démarche pédagogique reste frontale, l’utilisation du manuel numérique, avec projection à l’écran, renforce plus encore l’effet magistral et l’apport aux élèves est très faible. Par contre, dans le cas d’une pratique plus inductive, reposant sur une démarche qui associe le visionnement d’une illustration soutenu par un questionnement individuel, des analyses et des commentaires lors d’une mise en commun, une synthèse en appui sur le texte du manuel et enfin une évaluation par un court exercice ou un QCM animé, la plus-value est certaine.350 » Si les résultats de l’expérimentation sont généralement positifs, quelques déceptions sur les fonctionnalités des

348 IGAENR-IGEN (2010). Le manuel scolaire à l’heure du numérique. Une « nouvelle donne » de la politique des ressources pour l’enseignement, Paris, MENESR, N° 2010-087, p.21. En ligne :

http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/telechargement/rapport-ig-manuels-scolaires-2010.pdf

349 Idem, p.24.

350 IGAENR-IGEN (2010). Le manuel scolaire à l’heure du numérique. Une « nouvelle donne » de la politique des ressources pour l’enseignement, Paris, MENESR, N° 2010-087, p.31. En ligne :

151 manuels numérisés se font ressentir par certains enseignants. Pour répondre à leur demande, « les éditeurs commencent à proposer une « nouvelle génération » de manuels

numériques, plus interactifs et plus dynamiques, avec des fonctionnalités de traitement qui vont au-delà du navigationnel (capture, annotation, composition).351».

A. Séré et A.M. Bassy dévoilent ensuite les attentes des différents acteurs (institution scolaire, élèves, enseignants, etc.) autour du manuel scolaire. Les institutions scolaires promeuvent « une politique plus globale de la « ressource pour enseigner » et de

« l’éducation numérique352». Le bulletin officiel du 18 mars 2010353 sur la préparation de la rentrée 2010 rappelle l’obligation de l’école à développer le numérique à l’école pour favoriser les apprentissages et la réussite des élèves. Des mesures phares sont énoncées comme généraliser les ENT, stimuler l’apprentissage des langues vivantes avec le recours de la diffusion par baladeur, former les enseignants aux TICE et développer les ressources numériques.

A. Séré et A.M. Bassy (2010) révèlent que les transformations du manuel scolaire ne sont pas évoquées dans la circulaire. Pourtant les éditeurs l’affirment : « en quinze ans, le manuel

a évolué, passant d’un outil pour l’enseignant dans sa classe à un outil destiné à répondre aux besoins des élèves et à leur diversité354 ». Le rapport des inspections générales souligne que les élèves utilisent « un outil conforme aux programmes de l’institution, conçu par un

éditeur et par ses auteurs et choisi par une équipe enseignante.355». Mais les élèves semblent être « parfaitement absents d’un processus dont ils sont les bénéficiaires

privilégiés356 ». Cette absence se retrouve également dans le rapport de A. Séré et A.M. Bassy qui éclaire exclusivement les usages et les attentes des lycéens en matière de ressources numériques pédagogiques. Aucune information n’indique les attentes des élèves de primaire et de collège. Au niveau du monde enseignant, l’avancée du numérique entraîne de nouvelles postures et pratiques professionnelles. Le rapport des inspections générales confirme que : « le manuel scolaire appartient bien à l’environnement de travail des

enseignants, dans la multiplicité de ses usages avant, pendant et après la classe, dans la diversité de son statut en tant qu’outil de référence (cadre pédagogique que l’on adopte ou

351 Idem.

352 Idem, p.40-41.

353 Circulaire n°2010-38 du 16 mars 2010 (BO n° 11 du 18 mars 2010 – Encart n°2) sur la préparation de la rentrée 2010. En ligne

354 IGAENR-IGEN (2010). Le manuel scolaire à l’heure du numérique. Une « nouvelle donne » de la politique des ressources pour l’enseignement, Paris, MENESR, N° 2010-087, p.41.

355 Idem. 356 Idem.

152

non, avec plus ou moins de liberté) 357». Cependant, les auteurs ajoutent qu’il « est de plus

en plus une ressource parmi bien d’autres, une « brique applicative » plus ou moins intégrée à la « vue » de l’enseignant sur l’ENT. 358». Il ressort du rapport que le manuel scolaire ne suffit pas à combler les attentes des enseignants. Ils s’orientent vers les blogs, wikis et sites collaboratifs pour obtenir des ressources et des méthodes pour aborder des sujets particuliers. Ces recherches sur internet montrent l’insuffisance de ressources numériques pédagogiques dans les manuels numériques. Par ailleurs, le rapport relève que certains enseignants attendent une formation technique et pédagogique sur les usages et la personnalisation du manuel numérique.

Pour conclure, les auteurs présentent une série de recommandations telles que : encourager la mise sur le marché d’une offre de ressources et manuels scolaires bâtie sur une composition modulaire (progression, illustrations animées, sons, activités, etc.) interactive et paramétrable par le professeur, encourager un programme de réaménagement des espaces scolaires sur la base de l’intégration des changements induits par le numérique, former les enseignants sur les ressources et outils pour l’enseignement ou encore soutenir les usages de l’ENT pour que les élèves puissent accéder de chez eux aux ressources pour l’enseignement.

2.3 Enquêtes « Usages des ressources éducatives numériques »