• Aucun résultat trouvé

Le statut juridique de la forêt en Turquie

En Turquie, la forêt couvre une superficie de 21,5 millions d’hectares qui représente 27,6% de la surface totale du pays410. Publique à 99%411, elle constitue la 4ème surface forestière paneuropéenne après la Suède, la Finlande et la France métropolitaine et ultramarine412. Possédant une végétation qui comprend des arbres à aiguille et des arbres à feuilles larges, elle fait partie des pays qui jouissent d’une biodiversité exceptionnelle parmi les pays de la zone de climat tempéré413 grâce à l’hétérogénéité de la végétation forestière414. Toutefois, la dégradation majeure de la

403

Pour la forêt communale voir les articles 26 et 27 de la loi.

404

Pour la forêt privée, il s’agit notamment des articles 30 et 31 de la loi qui concernent les syndicats, les propriétaires forestiers et la gestion des forêts privées par l’État.

405

«∆ασικό Συµβουλευτικό Σώµα», dispositions 5, 6, 7 de la loi.

406

Articles 8, 9 de la loi « sur la forêt de 2012 (25 (I) / 2012)».

407

Articles 18-20 de la loi « sur la forêt de 2012 (25 (I) / 2012)».

408

Il s’agit notamment de délits concernant les incendies de forêts, les coupes illégales et le commerce de produits forestiers prévus aux articles 32-57 du Code forestier.

409

Article 26-29 de la loi « Sur la forêt de 2012 (25 (I) / 2012)».

410

Source République de Turquie, ministère de l'environnement et de la forêt, Direction Générale de commande de Reboisement et érosion.

411

Site de l’O.N.F. http://www.onfinternational.org/pt/info-onfi/381-05082011-cooperation-forestiere- france-turquie-un-nouveau-souffle.html

412

Site de l’O.N.F. http://www.onfinternational.org/pt/info-onfi/381-05082011-cooperation-forestiere- france-turquie-un-nouveau-souffle.html

413

Elle comprend 8000 types de plantes approximativement dont 3000 sont endémiques (Source : Ministère de l’environnement et de la forêt).

414

Au nord de la Turquie, se trouvent des forêts mixtes de la zone tempérée ; à l’ouest et au sud, il existe des forêts méditerranéennes et en Anatolie de l’est, des forêts des zones arides-semi-arides et des sortes de chênes et des zones situées entre les zones côtières et centrales (Source : site du Ministère).

forêt turque qui atteint 49%415 soit 14 millions d’hectares416 ne permet pas de la valoriser. En effet, seuls 8 millions417 sont considérés comme productifs418. La question forestière constitue un défi pour la Turquie, car à la suite de la croissance économique, démographique et urbaine très rapide des années 90 sont apparus des problèmes d’érosion des sols, de pollution des eaux et des mers ainsi qu’une hausse constante des émissions de CO2 par habitant419. Pour remédier à cela, les autorités turques ont réalisé des travaux de réhabilitation et de reboisement afin de protéger la couverture existante de forêt dans des secteurs endommagés420. L’omniprésence de la forêt publique justifie un centralisme étatique qui reflète une conception datant d’Atatürk qui, dans le domaine forestier comme dans bien d'autres, avait entrepris une politique de régénération nationale, sous l'égide de l'État. D’où son rattachement, au Ministère des forêts421 créé en 1969 et détaché du Ministère de l’Agriculture en 1992. Son organisation hiérarchique est la même qu’en France422. La gestion de la forêt turque est confiée à l’ « Oman Genel Müdürlügü (O.G.M.) », équivalent turc de l'O.N.F.423. Son rôle est majeur puisque la forêt constitue un vrai défi pour la Turquie tant au plan économique qu’au plan social. Les activités économiques majeures sont la vente du bois424 et les grands travaux de reboisement 425 : en effet, la Turquie est le 3ème pays au monde en termes de taux de reboisement après la Chine et l'Inde.

415

Site du Ministère des forêts et des affaires d’eaux de Turquie : http://www.cem.gov.tr/erozyon/ Files/yayinlarimiz/NIJERxFRA.pdf

416

PARDÉ J., « La Turquie forestière », R.F.F., Numéro 2, 1998, page 188.

417

7 millions selon PARDÉ (Jean), La Turquie forestière, R.F.F., Numéro 2, 1998, page 188

418

BONNIER J., CHALLOT A., MONGOFLIER J. , « Voyage forestier en Turquie », Forêt méditerranée t. XVII, n° 1, janvier 1996,p.46.

419

Communiqué de presse A.F.D. (Agence française de développement) Istanbul, le 21/10/2011 « Le 27 octobre 2011, l’Agence Française de Développement accorde son premier prêt souverain de 150 millions d’euros à la République de Turquie pour le financement du programme forestier national », http://www.afd.fr/home/pays/mediterranee-et-moyen-rient/geo/turquie?requestedYear=tech_year_2011 .

420

http://www.cem.gov.tr/erozyon/Files/yayinlarimiz/NIJERxFRA.pdf

421

BONNIER J., CHALLOT A., MONGOFLIER J. , « Voyage forestier en Turquie », préc. p. 46.

422

Il a 4 Directions générales : La Direction Générale des forêts, celle de la chasse, celle du reboisement et de la conservation des Sols et celle des communautés rurales (villages forestiers), puis 27 directions régionales subdivisées en 244 centres de gestion avec 1317 techniciens, responsables en moyenne de 15.000 hectares ; PARDÉ J., « La Turquie forestière », préc., p. 188.

423

http://www.onfinternational.org/pt/info-onfi/381-05082011-coopération-forestière-france-turquie- un-nouveau-souffle.html

424

Elle génère chaque année un chiffre d'affaires supérieur à 700 millions d'euros.

425

Le défi social, lui, réside d’une part dans le rôle que peut jouer la forêt en faveur de l’emploi426 et, d’autre part, dans l’impact sur le mode de vie et les droits des populations des communautés villageoises installées à l’intérieur des forêts ou à leur périphérie427. Cela justifie le rôle de la « Direction générale des Communautés rurales », l’existence de droits d’usage et la nécessité de leur gestion428. Les objectifs principaux de la politique forestière turque reposent sur la conciliation de ces exigences économiques, sociales et écologiques. Il s’agit notamment de la gestion de la nature, de la gestion des populations existantes et des usages sociaux de la forêt429. Cette politique, proche de celle de la France, remonte à 1856, car suite au Traité de Paris qui mit fin à la guerre de Crimée, le gouvernement ottoman désirait entreprendre des changements fondamentaux dans tous les domaines. Parmi les membres du « Conseil des Travaux publics» rattaché au ministère des Travaux publics dans les missions duquel figurait l’organisation forestière, il y avait deux inspecteurs des eaux et forêts : MM . Tassy et Sthème. Le premier devint directeur de l’école forestière créée en 1857 à Istanbul. Parallèlement à l'enseignement, ces deux inspecteurs poursuivirent l'exploration de massifs boisés du pays et préparèrent un projet de code forestier et un cahier des charges pour la vente des coupes430. Aujourd’hui, cette coopération entre la France et la Turquie a évolué dans la gestion des ressources génétiques forestières, dans la lutte contre les feux de forêts, dans l’attention portée à des questions actuelles comme l'adaptation de la sylviculture aux changements climatiques, la restauration des terrains en montagne, la légalité des coupes et la traçabilité des bois, l'éco-certification et la biomasse énergie431.

426

La forêt emploie 35.000 agents (dont 11.000 pour les seuls services de lutte contre les feux de forêt).

427

En effet, près de 20.000 villages (soit entre 7,5 et 9 millions de personnes) sont installés à l’intérieur des forêts ou à leur périphérie, Communiqué de presse A.F.D. (Agence française de développement) Istanbul, le 21/10/2011. « L’Agence Française de Développement accorde son premier prêt souverain de 150 millions d’euros à la République de Turquie pour le financement du programme forestier national »,http://www.afd.fr/home/pays/mediterranee-et-moyenorient/geo/turquie?requestedYear= tech_year_2011 .

428

BONNIER J., CHALLOT A., MONGOFLIER J. , « Voyage forestier en Turquie », préc. p. 46.

429

PARDÉ J., « La Turquie forestière »,p. 188.

430

OZDONMEZ M., « Le rôle des forestiers français dans l’évolution de la foresterie turque », R.F.F., XXV - 2-1973, p.170.

431

http://www.onfinternational.org/pt/info-onfi/381-05082011-cooperation-forestiere-france-turquie- un-nouveau-souffle.html

Au plan juridique, la forêt bénéficie d’une protection constitutionnelle432 grâce aux articles 169 et 170 de la Constitution turque qui ébauchent les grandes lignes de la politique forestière. L’article 169 prévoit l’obligation de reboisement après des incendies et l’interdiction de modifier l’usage et l’interdiction d’aliéner des forêts de l’État, disposition commune avec la Grèce433.Toutefois, la particularité de la Turquie apparaît dans l’article 170 consacré aux populations autochtones. La prise en compte par la Constitution des populations autochtones témoigne de l’ampleur sociale du phénomène. Par ailleurs, la loi sur la Forêt (Orman Kanunu, l956) détermine le régime des forêts d’une façon détaillée434. Elles sont divisées du point de vue de la propriété et de la gestion en trois catégories: forêts domaniales (étatiques), forêts détenues par les établissements publics dotés d’une personnalité morale publique et les forêts privées. Par ailleurs, la loi « Sur la mobilisation nationale pour le boisement et le contrôle d’érosion 435» reflète les besoins de reboisement. Son objectif est d’effectuer des travaux de boisement et de mesurer l’érosion par les établissements publics et les personnes privées sous la surveillance du ministère de la Forêt. Elle est critiquable du

432 http://www.google.gr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCIQFjAA&url=http %3A%2F%2Fwww.cidce.org%2Fpdf%2Flivre%2520rio%2Frapports%2520nationaux%2FTurquie.pdf &ei=n6RHUOLSJY7Rsganv4HYCg&usg=AFQjCNHJ0mvDztgeJJbHwR5m0Kv-1dFcRA&sig2= 09gfJR97zEIbVBYqx9H27w 433

Article 169 de la Constitution turque “L’État promulgue les lois et prend les mesures nécessaires en

vue de préserver les forêts et d’augmenter les zones forestières. On procède au reboisement des espaces forestiers incendiés où il est interdit de se livrer à d'autres formes d’agriculture ou d’élevage. Toutes les forêts sont placées sous la garde de l’État. La propriété des forêts d’État est inaliénable...”.

Article 170 : Dans le but d'assurer le développement du niveau de vie des habitants des villages situés à l'intérieur ou à proximité des forêts ainsi que la préservation des forêts et la continuité des zones forestières, la loi réglemente, par des mesures susceptibles de promouvoir la coopération entre l'État et les habitants de ces villages pour la surveillance et l'exploitation des forêts, la mise en valeur des zones qui ont intégralement perdu avant le 31 décembre 1981 le caractère de forêts sur le plan scientifique, tant du point de vue théorique que pratique; les modalités de détermination des zones dont le maintien en tant que forêts ne présente aucun intérêt scientifique, ni théorique ni pratique, et de leur exclusion des zones forestières; et la contribution de l'État à la revitalisation des zones en question en vue de permettre l'installation totale ou partielle de la population des villages situés à l'intérieur des forêts dans ces zones et leur mise à la disposition de cette population.

L'État prend les mesures susceptibles de faciliter l'obtention par les paysans des régions forestières des instruments, équipements et autres objets nécessaires à l'exploitation.

Les terrains appartenant aux habitants déplacés des villages situés à l'intérieur des forêts sont immédiatement reboisés en tant que forêts d'État.

434

KABOGLU I., « Turquie », Site du Centre International de Droit Comparé de l’Environnement, Turquie, http://www.cidce.org/.

435

fait qu’elle permet au secteur privé d’aménager le territoire forestier appartenant à l’État436.

Malgré les efforts réalisés en Turquie, trois facteurs négatifs continuent à s’aggraver: les incendies surtout dans les régions méditerranéenne et égéenne, l’érosion et le déboisement437.