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Un jacobinisme fondé sur le caractère d’ordre public du régime forestier français

Section I : Un fort jacobinisme : une réalité en matière forestière

B. Un jacobinisme fondé sur le caractère d’ordre public du régime forestier français

En France, la politique forestière étatique dépend du régime forestier dont le champ d’application est très étendu545, car il englobe l’ensemble de la forêt publique. Ce régime constitue le cœur du droit forestier qui est un élément du droit des biens

539

Article 24§1, alinéa 3.

540

Décret 1141/1980 du 18/12/1980 « Sur la photographie et la cartographie des forêts et des terres boisées et du Cadastre du pays », J.O.R. A, 288.

541

Le Conseil d’État dans les arrêts C.E. grec 2818/1997, rev. Per.Dik. 1997, p.210, revue Arm. P.1997, p.1072, revue ElDni 1999, p. 892, revue Nom.Vim. 1998, p. 1529.

542

Article 3 de la loi 3208/2003 du 24/12/2003 « Sur la protection des écosystèmes forestiers, la réalisation du cadastre et la réglementation des droits réels sur les forêts et terres boisées, J.O.R. A’ 303.

543

C.E. grec Ass. 3973/2009, revue ThPDD 2010 p.208, EDDD 2010, p.382.

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Pour plus de précisions, voir infra pp.292 et suiv.

545

presque inchangé depuis Colbert. Jusqu’à la loi du 9 juillet 2001, le régime forestier était le premier livre du Code forestier et le modèle de référence de toute législation forestière546 : il l’est encore aujourd’hui.

Contrairement à la constance du régime forestier, depuis 1827 aucune définition juridique n’a été donnée. Ce silence législatif a ouvert la voie à des interrogations doctrinales sur la définition de la forêt et le caractère central et spécial du droit forestier a été souligné547 dès les premières tentatives de définition doctrinale. Plus précisément, le régime forestier apparaît comme un droit domanial des personnes publiques dont les fondements sont la propriété publique et le pouvoir de tutelle548. Une autre tentative de définition s’appuie sur la présentation de son contenu549 qui, en dehors de la conservation, concerne la valorisation et affirme la vocation patrimoniale du droit forestier. L’intégration du centralisme et de la conservation a été reprise par la doctrine550. La recherche doctrinale en la matière551, même si elle n’ajoute pas d’éléments nouveaux, élargit le champ d’application du régime des forêts « stricto sensu » aux terrains reboisés et à reboiser en les assimilant aux forêts et en étendant la définition de la forêt. Cette extension est compatible avec l’agrandissement du champ d’application de l'administration des Eaux et Forêts dans la seconde moitié du XIXème

546

Comme le régime forestier est la partie du droit forestier qui comprend l’essentiel des règles applicables à la forêt publique (domaniale et communale,) parfois une confusion a lieu entre le régime forestier et le droit forestier ; LAGARDE M., « Le régime forestier (1827-2002) : un chêne qu’on n’abat pas » in La forêt en France au XXIe, Enjeux politiques et juridiques, (sous la dir.) CORNU M. FROMAGEAU J., L’Harmattan, 2004, p.39.

547

MEAUME E., Commentaire du Code forestier, Paris ILGJ, 1856, n°1, « Le régime forestier est

l'ensemble des règles spéciales tracées pour l'administration des bois et forêts, sur lesquels l'État exerce un droit de propriété ou de tutelle ». Il s’ensuit que le régime forestier s'applique à tous les bois

et forêts qui n'appartiennent pas à des particuliers.

548

LAGARDE M., Un droit domanial spécial : le régime forestier, Contribution à l’étude du domaine,

op. cit., p.11 et suiv.

549

MICHEL H., LELONG E., Principes de législation forestière, op. cit., n° 2 ,"... un ensemble de

règles spéciales auxquelles sont soumises toutes les forêts qui appartiennent à l'État et la plus grande partie des forêts appartenant aux départements, aux communes et aux établissements publics. Ces règles sont relatives à l'administration, à la conservation et à la jouissance des bois qui sont soumis au régime forestier, et aussi à certaines servitudes qui grèvent ces bois et dont sont affranchis les bois des particuliers"

550

GUYOT C., Cours de droit forestier, op. cit. , n° 7 "Un ensemble de règles restrictives, s'appliquant

à certaines forêts gérées par les agents de l'Administration, qui ont sur ces immeubles un véritable pouvoir de tutelle, dans le but d'assurer plus efficacement la conservation de la propriété forestière".

551

VIGOUROUX C."Le régime forestier, ..., est un ensemble de règles restrictives du droit commun,

spécifiées au présent code et selon lesquelles l’administration forestière surveille et gère certaines forêts, certains terrains à reboiser et certains terrains reboisés en vue d'en assurer la conservation, le bon aménagement, la restauration ou la reconstitution", cité par LAGARDE M., Un droit domanial

siècle, avec la politique de restauration des terrains en montagne, la participation de l'Office à la gestion des parcs nationaux ou régionaux, l'ouverture des forêts au public, éléments constitutifs d’une politique d’aménagement du territoire et de modernisation du patrimoine forestier552. À titre de synthèse, voici la définition proposée par la doctrine553: « L’ensemble des règles spéciales d’ordre public, dérogeant au droit commun ou exorbitant du droit commun qui, en raison de la vocation écologique, productive554 ou récréative des bois et forêts et de leur appartenance à des personnes morales déterminées, les fait bénéficier d’une protection renforcée et les soumet à un encadrement de leur gestion afin d’assurer la conservation et leur mise en valeur tant dans l’intérêt supérieur de la nation que dans l’intérêt immédiat et futur des collectivités, communautés d’habitants et personnes morales propriétaires ».

Les critères nécessaires pour déterminer ce qui relève du régime forestier sont la nature du propriétaire555 et celle de l’immeuble556. Ainsi, les forêts relevant du régime forestier appartiennent soit à l’État soit aux collectivités et à des personnes morales557. Ce régime forestier est automatiquement applicable aux forêts étatiques, à l’exception des forêts affectées à d’autres ministères que celui de l’Agriculture558.

552

LAGARDE M., Un droit domanial spécial : le régime forestier, Contribution à l’étude du domaine,

op. cit. , p.14.

553

HEIM C., « Domaine privé-Forêts des collectivités publiques », JCL. Propriétés publiques, Fasc. 47, n° 61 ; LIAGRE J., La forêt et le droit, éd. La Baule, 1998, p.235.

554

Selon nous, il convient de changer l’ordre des mots et, donc, de mettre en premier le terme « écologie », qui est une notion plus large par rapport à l’objectif de productivité.

555

LAGARDE M., Un droit domanial spécial : le régime forestier, Contribution à l’étude du domaine,

op. cit. , p.39 et s. : en effet, il distingue la nature de l’immeuble de la nature du droit pour faire la

distinction entre la propriété publique et la propriété privée.

556

NEMOT- RAJOT H., « Le régime forestier, une mosaïque moderne et évolutive », R.F.F.L-1-1998, p. 12.

557

Article L.211-1 I. n° 2 du Code forestier.

a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes ;

b) Les établissements publics ;

c) Les établissements d'utilité publique ;

d) Les sociétés mutualistes et les caisses d'épargne.

Étant donné le caractère territorial du régime forestier, le Code précise que les forêts de Corse qui faisaient partie du domaine de l’État et étaient transmises à la collectivité territoriale de Corse et les forêts remises en dotation au domaine national de Charmond font partie du domaine forestier Article L.211-2 du Code forestier.

558

HEIM C., « Domaine privé-Forêts des collectivités publiques », préc. n° 57 ; LAGARDE M., Un droit domanial spécial : le régime forestier, Contribution à l’étude du domaine, op. cit. , p. 43. Dans ce cas, la soumission au régime forestier se réalise contractuellement entre l’O.N.F. et le ministère affectataire.

En ce qui concerne la nature du terrain, ce critère prend en compte non seulement la définition de la forêt, mais également le régime de protection. Ainsi, les terrains non boisés qui relèvent du régime forestier sont destinés à être reboisés et cette caractéristique prend le caractère d’une mesure conservatoire facilitant les travaux de reboisement559.

La condition préalable à une recherche sur la nature juridique du régime forestier est son caractère d’ordre public dont les origines remontent aux dispositions qui garantissent son application et aux « modalités administratives560 » de la gestion des forêts soumises au régime forestier.

En tant qu’ordre juridique exceptionnel intégré au droit forestier qui prend en compte l’intérêt général561, le régime forestier s’applique de manière indivisible globalement et non sectoriellement562, ce qui garantit sa continuité, mais semble en contradiction avec le caractère territorial de la politique forestière. La nécessaire adaptation temporelle et territoriale du régime s’effectue par un contrat pluriannuel. En outre, le fait que le régime forestier prévoit des conséquences spéciales en cas de non respect assure son application563. Enfin, sa vocation pénale est une garantie d’application intrinsèque564.

Dans la mesure où il se caractérise par l’harmonisation des règles juridiques avec les règles techniques, le régime forestier peut être divisé entre le régime intérieur qui comprend les règles de la science et le régime extérieur qui est celui de l’Administration. Cette combinaison de la science avec l’Administration peut seule garantir l’équilibre entre la gestion scientifique de la ressource et la gestion administrative565. De toute façon, le caractère administratif du droit forestier est

559

LAGARDE M., Un droit domanial spécial : le régime forestier, Contribution à l’étude du domaine,

op. cit. , p. 43.

560

Expression de BISSARA P., « La forêt publique, La gestion des forêts soumises au régime forestier », A.J.D.A., mai 1979 p. 23.

561

MEYER, Législation et politiques forestières, éd. Berger- Levrault, 1968, p.38.

562

HEIM C., « Domaine privé-Forêts des collectivités publiques », préc. n°58 ; MEYER, Législation et

politiques forestières, op. cit., p.38; NEMOT-RAJOT H., « Le régime forestier, une mosaïque moderne

et évolutive », préc., p.3.

563

BISSARA P., « La gestion des forêts soumises au régime forestier », préc. p.20.

564

BISSARA P., « La gestion des forêts soumises au régime forestier », préc. p.20.

565

incontestable566 et il crée des passerelles entre le régime forestier et le domaine public. Tout d’abord, la finalité de l’intérêt général du droit forestier renvoie à son caractère très centralisé qui impose l’application du droit public. En outre, les procédures de soumission et de distraction applicables à la forêt communale sont d’inspiration publique. Enfin, sa vocation pénale a des liens évidents avec le droit public567. Sans contester le caractère administratif du régime, la présence d’un caractère de gestion notamment en matière de commercialisation des produits forestiers conduit certains auteurs à lui attribuer un « double visage » issu d’un amalgame juridique entre droit administratif et droit privé568. Ce double visage renvoie à la question de la nature du service public forestier569. Plus précisément, cette position rappelle la nature industrielle et commerciale de celui-ci, en s’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal des Conflits du 22 janvier 1921 « Bac d’Eloka »570. De plus, les actes adaptés au droit civil, comme la technique du bornage571 et la procédure de délimitation du domaine forestier572, font partie des arguments en faveur du caractère privé du régime forestier. Sans négliger totalement l’introduction d’éléments civils en matière forestière, nous pensons qu’il serait critiquable d’opter pour une double nature du régime, car malgré les éléments de droit privé en harmonie avec le caractère de gestion du régime, il n’est pas soutenable que ces éléments l’emportent sur son caractère d’ordre public, lequel a une vocation administrative (1). Par ailleurs, indépendamment de ce cadre d’ordre public, l’État intervient dans l’ensemble de la législation forestière (2).

566

HEIM C., « Domaine privé-Forêts des collectivités publiques », préc. n° 61, LAGARDE M., thèse p.43 et LIAGRE M., La forêt et le droit, éd. La Baule, 1998, n° 235 s.

567

NÉMOZ-RAJOT H., « Le régime forestier, une mosaïque moderne et évolutive », R.F.F.L-1-1998, p. 3, HEIM C., « Domaine privé-Forêts des collectivités publiques », préc. n°60.

568

Enfin, le régime forestier emprunte certaines de ses règles et procédures au droit pénal. M. Liagre en déduit que le régime forestier présente « un double visage », à mi-chemin entre le droit administratif et le droit privé ; LIAGRE J., La forêt et le droit, op. cit., p.120;NÉMOZ-RAJOT H., « Le régime forestier, une mosaïque moderne et évolutive », préc., p. 10 ; HEIM C., « Domaine privé-Forêts des collectivités publiques », préc. n° 61.

569

Question qui , à cause de sa complexité, sera developpée dans le cadre de ce travail.

570

NÉMOZ-RAJOT H., « Le régime forestier, une mosaïque moderne et évolutive », préc., p.12 : D’après cet auteur, l’arrêt rendu par le Tribunal des Conflits (9 juin 1986 - commune de Kintzheim contre O.N.F.) confirme la dualité de la nature juridique du régime forestier.

571

Article 646 du Code civil. – Cass. 3e civ., 10 juill. 1973 : Bull. civ. 1973, III, n° 477), cité par HEIM C., « Domaine privé-Forêts des collectivités publiques », préc. n° 62.

572

Le dualisme de la nature du droit forestier a été souligné par NÉMOZ-RAJOT H., « Le régime forestier, une mosaïque moderne et évolutive », préc., p.12.

1. La législation forestière : une preuve du jacobinisme forestier

En France, le caractère national de la politique forestière est affirmé d’abord dans l’article 1er du deuxième titre du 1er livre du code forestier573 et dans l’article L.121-1 du Code forestier574, qui ont une relation de cause à effet. Le premier article souligne le rôle de l’État en lui attribuant une triple mission : la protection, la valorisation de la forêt et le reboisement, tâches qui sont les fondements du centralisme ; l’autre article atteste de la compétence étatique en matière forestière. Ainsi, l’enjeu de la multifonctionnalité de la forêt, l’équilibre biologique, la création d’emplois, la concentration technique de la filière bois et la satisfaction des demandes sociales liées à la forêt sont des missions de l’État en tant que coordinateur de la politique forestière575.

En Grèce, le centralisme constitutionnel qui caractérise la politique forestière est affirmé dans la législation forestière576. Les forêts sont considérées comme un « capital national » et leur protection est une obligation pour l’Administration. Par conséquent, tant en France qu’en Grèce, l’État qui coordonne la politique forestière élabore également la stratégie forestière nationale577.

573

Article L.112-1 du Code forestier ; Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers. Sont reconnus d'intérêt général la mise en valeur et la protection des forêts ainsi que le reboisement.

574

Article L.121-1 du Code forestier ; La politique forestière relève de la compétence de l'État. Ses orientations, ses financements et ses investissements s'inscrivent dans le long terme.

575

Article L.121-1 du Code forestier.

576

Article 2 de la loi 998/1979 du 29/12/1979 « Sur la protection des forêts et les étendues forestières du pays » (J.O.R., A’289, 29/12/1979) ; ALIVIZATOS N., PAVLOPOULOS Pr., « La protection constitutionnelle des forêts et des étendues forestières », Nom.Vim., n°36, p. 1581.

577

En outre, en France comme en Grèce, les problématiques sur la biodiversité forestière de par leur importance relèvent du pouvoir central578. De même, le centralisme forestier se traduit dans le rôle que joue l’État dans la protection contre les risques naturels. De manière indicative, en matière d’incendie, l’État établit tant en France qu’en Grèce les règles de police579 et procède au classement des forêts qui présentent un risque d’incendie580. De plus, en France, il coordonne la planification en élaborant un plan de prévention des risques naturels prévisibles581 et se charge de la déclaration d’utilité publique en cas de risque aggravé d’incendie582. L’initiative de l’État en matière de prévention des risques naturels se traduit dans l’élaboration de plans de prévention des risques naturels583.

Le pouvoir centralisateur de l’État afin de protéger certains massifs forestiers peut procéder à leur classement en forêt de protection584. Tant en France qu’en Grèce l’État coordonne les programmes de recherche concernant la forêt, le bois et les produits dérivés585 ainsi que les conditions de la commercialisation des produits forestiers586 en assurant la surveillance587. De la même façon, c’est le pouvoir central qui peut procéder aux autorisations de défrichement588. En Grèce, seul l’État par le biais du Secrétaire Général de l’Administration Déconcentrée peut décider d’une intervention dans la forêt589, problématique constituant le cœur du droit forestier.

578

Ainsi, en France, c’est l’État qui élabore la stratégie nationale de la biodiversité (http://www. developpement-durable.gouv.fr/-La-Strategie-nationale-pour-la-.html ) et en Grèce, c’est la loi qui prend des mesures en faveur de la biodiversité (Article 19 de la loi 998/1979 du 29/12/1979 « Sur la protection des forêts et les étendues forestières du pays » -J.O.R., A’289, 29/12/1979- et article 2 de la loi 3208/2003, sur la protection des écosystèmes forestiers, la réalisation du cadastre, la réglementation des droits réels sur les forêts, du 24 décembre 2012, J.O.R. A’ 303).

579

Article L. 131-1 – L. 131-5 du Code forestier français et articles 23 et 24 de la loi 998/1979 du 29/12/1979 « Sur la protection des forêts et les étendues forestières du pays » (J.O.R., A’289, 29/12/1979). 998/79.

580

Article L. 132-1 du Code forestier français et article 25 de la loi n°998/1979 du 29/12/1979 « Sur la protection des forêts et les étendues forestières du pays » (J.O.R., A’289, 29/12/1979).

581

Article L. 131-17 – L. 131-18 du Code forestier.

582

Article L. 133-3 du Code forestier, L. 144- 1 du Code forestier. Il faut souligner que les plans sont élaborés en harmonie avec les dispositions de l’article L. 562- 1 du Code de l’environnement.

583

Article L. 144- 1 du Code forestier. Il faut souligner que les plans sont élaborés en harmonie avec les dispositions de l’article L. 562- 1 du Code de l’environnement.

584

Article L.141-1 du Code forestier.

585

Article L.152-1 du Code forestier français et article 21 de la loi n°998/1979 du 29/12/1979 « Sur la protection des forêts et les étendues forestières du pays » (J.O.R., A’289, 29/12/1979).

586

Article L.153-3 du Code forestier.

587

Article L.153-5 – L. 153-6 du Code forestier.

588

Article 46 de la loi 998/1979 du 29/12/1979 « Sur la protection des forêts et les étendues forestières du pays » (J.O.R., A’289, 29/12/1979.

589

Enfin, l’omniprésence étatique en matière forestière est confirmée par les dispositions pénales prévues par le Code forestier590 français et la législation forestière grecque591. La présomption de propriété en faveur de l’État592 est une particularité grecque et une illustration du cantralisme forestier et elle signifie la reconnaissance de la propriété de l’État sur les forêts593, à l’exception des terrains appartenant à des propriétaires dont les titres ont été reconnus par le Ministre de l’Économie. Le fait que la « condition sine qua non » soit l’existence d’une forêt souligne encore une fois la nécessité d’harmoniser les critères qui la définissent594. Les critères temporels d’application du droit imposent à la jurisprudence d’Areios Pagos de se reporter à la définition de la forêt en vigueur en 1836 pour appliquer la présomption de propriété en faveur de l’État595. Cela conduit à une solution non unifiée de l’application de la présomption de propriété en faveur de l’État parce que la définition de la forêt varie dans le temps.

2. Le centralisme forestier en tant que garantie de la sauvegarde du patrimoine forestier

La volonté de l’État de ne pas aliéner ses forêts ne s’exprime pas de la même façon en France et en Grèce. Si, en France, le centralisme intervient pour encadrer l’aliénation de la forêt (b), en Grèce, celle-ci se réalise notamment au moyen de la déqualification de la forêt, ce qui entraîne son changement d’usage (a).

590

Article L.161-1 – L. 163-18.du Code forestier.

591

Articles 68- 71 de la loi 998/1979 du 29/12/1979 « Sur la protection des forêts et les étendues forestières du pays » (J.O.R., A’289, 29/12/1979).

592

Décret du 17/11/1/12/1836, sur les forêts privées.

593

Il s’agit de terrains qui peuvent être qualifiés de forêts selon les critères de la définition de la forêt.

594

PAPAGIANNIS G., La propriété forestière, Nomiki Vivliothiki, 2011, p.142.

595

Ainsi, la jurisprudence d’Areios Pagos a admis que l’existence de terres boisées couvertes à 70% par de la végétation forestière justifie l’existence d’une préemption en faveur de l’État ; PAPAGIANNIS G., La propriété forestière, op. cit. , p.144.

a. Le centralisme de la législation forestière : un instrument qui garantit la continuité de la destination de la forêt

En l’absence d’un cadastre forestier et d’une Charte Forestière du Territoire, la définition de la forêt ne suffit pas à régler les conflits nés de la nature d’un terrain. Par conséquent, on applique une procédure dite « réglementation temporaire des conflits596 », d’après laquelle la qualification d’un terrain comme forêt, la détermination du terrain couvert par les dispositions de la législation forestière ainsi que la précision de la catégorie de la forêt peuvent être demandées par l’Administration forestière ou par toute personne ayant un intérêt pour la qualification du terrain en question. La décision est prise après avis d’un scientifique qui tient