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L’identification de la diversité de territoires à caractère forestier

Les territoires à caractère forestier présentent une grande hétérogéneité. Ainsi, la forêt doit d’abord être distinguée par rapport aux notions qui ont un sens voisin (1). Ensuite, il est indispensable de distinguer la forêt d’autres espaces à caractère similaire (2).

1. Distinction bois – forêt

En France, la distinction principale est celle qui est établie entre forêt et bois. En français, le terme « bois » qui est apparu au XIIe219 pour désigner d’abord un « groupe d’arbres » viendrait du mot latin « boscus »220 qui, lui-même, est issu du terme germanique occidental « bosk »221. Le « bois » issu du latin « lignum » a eu le sens de matière ligneuse. Ce terme existe dans tous les parlers gallo-romains pour désigner la forêt222.

En grec, le bois est désigné par le terme « άλσος ». Aujourd’hui, tant en France qu’en Grèce, la distinction principale entre le bois et la forêt repose sur un critère de taille223. Toutefois, dans la Grèce ancienne les « άλση » étaient considérées comme des bois sacrés. En France, au Moyen Âge, les personnes qui avaient accès à

219

DAUZAT A., Dictionnaire étymologique de la langue française, op. cit. , p.123.

220

DUBOIS J., MITTERAND H., DAUZAT A., Dictionnaire étymologique et historique du français, LAROUSSE, 2007.

221

La forme « bois » vient non de boscum mais du pluriel « bosci ». « D’où vient le mot buisson, terme apparu au XIe siècle, bois », « Busch » « buisson », DUBOIS J., MITTERAND H., DAUZAT A., Dictionnaire étymologique et historique du français, LAROUSSE, 2007, p.450.

222

BLOCH O., Walhter von Warthburg, Dictionnaire étymologique de la langue française, QUADRIGE, PUF, 2002, p.115 ; Le terme « Bosco » existe aujourd’hui dans tous les parlers gallo- romains qui n’ont plus de trace de la selve, latin « silva », qui est synonyme de forêt.

223

LIBES M., Le droit de l’Aménagement foncier agricole et forestier : un remembrement tourné vers

la forêt étaient le critère de distinction, car la forêt, au Moyen Âge, était réservée à la chasse seigneuriale224. En outre, la présence de bois, surtout à l’échelle européenne était plus fréquente à la périphérie des espaces communaux225. Parfois, les bois étaient ce qui restait d’anciennes forêts largement défrichées : ils servaient à produire du bois de chauffage et à nourrir des animaux domestiques226.

Actuellement, tant en France qu’en Grèce, le législateur utilise les deux termes de manière similaire et souvent cumulative par l’expression « bois et forêts »227. Dès 1830, la Cour de Cassation française utilisait les mots « bois » et « forêts » comme synonymes228.

Les opérations de l’ Aménagement foncier Agricole et forestier (A.F.A.F.), comme le remembrement rural, apportent une illustration de la conséquence pratique de la distinction entre le bois et la forêt. En effet, elles excluent les massifs forestiers parce qu’il existe pour eux un mode d’aménagement foncier spécifique229. Toutefois, selon une jurisprudence établie du Conseil d’Etat230 si les bois dans le périmètre sont d’une surface importante et traduisent une « réalité agricole particulière» qui ne peut être considérée comme un massif forestier, l’objectif d’équilibre entre apports et

224

Dictionnaire étymologique Osar Bloch, op. cit., p.115.

225

Les bois communaux.

226

MERLIN P et CHOAY F. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, op. cit. , p. 442.

227

LAGARDE M., « Forêts », préc. , n°14.

228

Cass. Crim. 1er mai 1830, Forêt c/ Lachenal, Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation rendus en matière criminelle, 1830, t35, n° 5 ; FOUILLOUX G., «Le régime administratif des bois et des forêts appartenant à des particuliers », A.J. D. A. 1962 p.409-416, note de bas de page n° 4.

229

C.E. , 23 octobre 1987, Martin , req. n°58115 , Rec. Lebon , tabl., p.581.

230

C.E. du 29 octobre 2007, Cts Delage, req. n° 278713 : « Les parcelles boisées faisant partie des massifs forestiers de la commune du périmètre du remembrement, qui ont été néanmoins inclus dans ce périmètre ne pouvaient être rangées dans la même catégorie que les terres affectées aux labours ; que la circonstance que les boisements de certaines de ces parcelles auraient été endommagés par la tempête de 1999 ne pouvait être légalement prise en compte dès lors qu’elle est postérieure à la date à laquelle ont été prescrites les opérations du remembrement. La commission départementale d’aménagement foncier était tenue, par application des dispositions de l’article L. 123-4, de prévoir pour les terrains boisés inclus dans le périmètre du remembrement une catégorie particulière en fonction de laquelle une nouvelle distribution devait être faite».

L’arrêt Delage se place dans la ligne d’une jurisprudence bien établie (voir C.E., 24 novembre 1967, Cauchard, req. n° 64357, Rec. Lebon, p. 442 ; C.E., 29 avril 1981, Leygnac, req. n° 16855, Rec. Lebon tabl. p. 606).

attributions nécessite la création d’une nature de culture « bois »231. Dans le cas d’un bois de petite superficie232, l’attribution de la qualification de « terres »233 dépend de la jurisprudence. La présence de quelques arbres ainsi que de friches non cultivables éloignées de tout massif boisé n’entraîne pas le classement automatique d’une parcelle234.

2. La délimitation de la forêt par rapport aux autres espaces

La distinction entre la forêt et les terres boisées repose tant en France qu’en Grèce sur le pourcentage du couvert arboré. En France, la définition retenue est celle de la F.A.O. qui complète la définition de la forêt déjà citée235 en l’accompagnant de neuf notes explicatives236 et admet un couvert arboré assez vaste. Cela s’explique par

231

LIBES M., Le droit de l’Aménagement foncier agricole et forestier : un remembrement tourné vers

l’environnement, op. cit., p.200.

232

Un bois de petite superficie disséminé au milieu des autres cultures est considéré comme un « boqueteau », un « bosquet » et un « bouquet de bois ».

233

C.E., 25 avril 1986, SCI Immeuble Naudet, req. n° 46987 où les parcelles boisées sont considérées comme des « terres ».

234

Le classement opéré ne repose pas sur une appréciation erronée. (C.E., 11 décembre 1996, Arvois, req. n° 132444).

235

Les terres boisées sont « Des terres qui couvrent une superficie de plus de 0,5 hectare avec, soit des arbres d’une hauteur de plus de 5 mètres et un couvert forestier de 5 à 10 %, soit des arbres capables d’atteindre ces seuils in situ »

http://www.fao.org/docrep/014/am665f/am665f00.pdfethttp://www.onf.fr/gestion_durable/sommaire/ milieu_vivant/patrimoine/forets_monde/20070926-112926-300942/@@index.html sites consultés le 19/7/2012.

236

http://www.fao.org/docrep/014/am665f/am665f00.pdf. La forêt est déterminée tant par la présence d’arbres que par l’absence d’autres utilisations prédominantes des terres. Les arbres doivent être capables d’atteindre une hauteur minimale de 5 mètres in situ.

2. Inclut les zones couvertes d’arbres jeunes qui n’ont pas encore atteint, mais devraient atteindre un couvert arboré de 10% et une hauteur de 5 mètres. Sont incluses également les zones temporairement non boisées en raison de pratiques d’aménagement forestier (coupes) ou par des causes naturelles et dont la régénération est prévue dans les 5 ans. Les conditions locales peuvent, dans des cas exceptionnels, justifier un délai plus long.

3. Inclut les chemins forestiers, les coupe-feu et autres petites clairières; les forêts dans les parcs nationaux, les réserves naturelles et les autres aires protégées présentant un intérêt environnemental, scientifique, historique, culturel ou spirituel.

la prise en compte des différentes conditions climatiques qui conduisent à des végétations elles aussi différentes. En Grèce, la notion correspondante est celle de l’étendue boisée dont la définition complète celle de la forêt dans l’article 24§ 3 de la Constitution hellénique, définition dans laquelle le législateur reste fidèle aux critères qualitatifs237. À première vue, cette distinction ne paraît pas très importante. Cependant, nous allons démontrer qu’elle influe sur le cadre de protection des espaces en question.

En France, il convient de distinguer la forêt des « espaces boisés classés ». Ce classement, prévu au Code de l’Urbanisme238, ne nécessite pas l’existence préalable d’un boisement ou d’une formation arborée. Dans ce cas, un espace boisé classé peut être créé sur un terrain initialement non boisé à condition que l’on indique sa destination forestière ou récréative. Ce classement interdit tout changement d’affectation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la

4. Inclut les brise-vent, les rideaux-abris et les corridors d’arbres occupant une superficie de plus de 0,5 hectare et une largeur de plus de 20 mètres.

5. Inclut les terres à culture itinérante abandonnées avec des arbres régénérés qui atteignent, ou sont capables d’atteindre, un couvert forestier de 10% et une hauteur de 5 mètres.

6. Inclut les zones intertidales couvertes de mangroves, qu’elles soient ou non classifiées comme terres. 7. Inclut les plantations d’hévéas, de chênes-lièges et de sapins de Noël.

8. Inclut les zones couvertes de bambouseraies et de palmeraies à condition que l’utilisation de la terre, la hauteur et le couvert arboré soient conformes aux critères établis.

9. Exclut les peuplements d’arbres dans des systèmes de production agricole tels que les plantations d’arbres fruitiers, les plantations de palmiers à huile et les systèmes agroforestiers dont les cultures se déroulent sous couvert d’arbres. Note: Les systèmes agroforestiers tels que le système «Taungya», où les cultures s’effectuent seulement pendant les premières années de rotation forestière, entrent dans la catégorie «forêt».

237

« Il y a étendue forestière quand, dans l’ensemble ci-dessus, la végétation sauvage en bois, haute

ou basse, est éparse » Constitution de la Grèce, XIIe Résolution du 7 juin 1975 de la Chambre Révisionnelle 1ère Résolution du 6 mars 1986 de la VIe Chambre Révisionnelle IIe Résolution du 6 mars 1986 de la VIe Chambre Révisionnelle et Résolution du 6 avril 2001 de la VIIe Chambre Révisionnelle sous la direction de :K. Mavrias et Epaminondas Spiliotopoulos, traduction : Fabienne

Vogin-Fortsakis, 2004 Parlement hellénique, traduction figurant sur le site de l’ambassade de Grèce en France, http://www.amb-grece.fr/grece/constitution.htm .

238

L’article L 130-1 du code de l’urbanisme prévoit :« Les plans locaux d’urbanisme peuvent classer

comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu’ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s’appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d’alignements. »

création des boisements239. Dans la pratique, la qualification de « forêt » conduit à l’application du Code forestier, tandis que la protection des espaces boisés classés correspond à la législation du droit de l’urbanisme240. Les difficultés d’identification de la législation applicable s’ajoutent aux arguments selon lesquels l’adoption d’une définition de la forêt permettrait une résolution du problème241.

§III. À la découverte de la typologie des forêts

La forêt, en tant qu’espace d’une richesse hétérogène aux « utilités multiples »242, peut être divisée en plusieurs catégories selon sa végétation et ses utilisations.

La science forestière distingue les forêts en fonction de certains critères communs tant en France qu’en Grèce (A). À part cette distinction, la législation forestière se livre aussi à une classification des forêts(B).