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Le report modal vers les transports collectifs

1. Question reformulée

Comment développer le report modal de la voiture individuelle vers les transports collectifs ?

2. Exposé de la problématique, état de la connaissance et de la prospective

Voiture individuelle versus transport public, une question politique

La question du report modal de la voiture individuelle vers les transports collectifs est abordée dans les politiques de transport en milieu urbain depuis plusieurs décennies. Dans un premier temps, la politique a été orientée uniquement vers le développement de l'offre de transport public.

Puis, dans les années 1980 (rappel : LOTI 1982), il est apparu qu'une réorientation était néces­

saire et qu'il fallait envisager des mesures de restriction à l'usage de la voiture. La LAURE (1996) qui demande une diminution de la circulation automobile (véhicules-kilomètres) dans les agglomé­

rations est la traduction législative de cette analyse.

Le guide sur les « Plans de Déplacements Urbains » publié par le Certu la même année, à partir des PDU établis au cours des années 1980 et à partir des démarches similaires en Europe, met clairement en avant la nécessité d'allier développement du transport public (et des modes doux, cf.

question A4) et restriction à l'usage de la voiture. Deux exemples présentés dans ce guide illus­

trent bien le sujet. Le premier exemple concerne Fribourg-en-Brisgau en Allemagne (environ 200 000 habitants). Dès 1970, la Ville s'est engagée dans cette politique à double dimension et elle a par la suite constamment poursuivi les efforts dans cette direction. En 1976, la voiture assurait 42 % des déplacements, les transports collectifs 16 % et les modes doux 42 %. En 1993, la répartition modale était la suivante : voiture 36 %, TC 20 % et modes doux 44 %. Le deuxième exemple est celui du PDU de Nuremberg également en Allemagne (environ 500 000 habitants à l'époque). Le PDU comportait deux scénarios, un scénario « d'offre »et un scénario dit « d'offre et de rationalisation ». L'effet attendu en termes de parts de marché des modes alternatifs à la voiture : évolution de 56 % (1989) à 60 % (2000) pour le premier scénario et 70 % pour le second, conduisait la Ville de Nuremberg a retenir ce dernier scénario.

En France, malgré la LAURE, la politique d'offre reste fortement dominante, ce qui explique le peu de résultats obtenus même si des « frémissements positifs » viennent d'être notés à Lyon et Lille à l'occasion des dernières enquêtes ménages déplacements (les analyses sur ces résultats restent à faire). Des enquêtes d'opinion sur les transports urbains menées en 1996 et en 2001 expliquent la situation. En 1996, à la question : « A votre avis, faut-il limiter l'usage de la voiture afin d'améliorer la circulation en ville? », le grand public répondait oui à 78 % et les maires oui à 68 %.

Mais les maires pensaient que leurs administrés n'étaient d'accord avec cette proposition qu'à 27 % ! En 2001, le décalage entre l'opinion réelle du grand public et la perception de cette opinion par les maires s'était réduit mais était encore de 25 %.

De nombreux débats publics ont montré un décalage entre la position des citoyens et celle des responsables politiques. Pour les maires, les priorités dans la politique des déplacements étaient en 2001 au développement des transports publics puis à la création des parcs-relais en périphérie.

Les mesures de restriction à l'usage de la voiture apparaissent encore « dogmatiques » pour certains, y compris dans le milieu des experts, comme on a pu le constater à Paris lors de la créa­

tion des couloirs-bus, des quartiers verts ou du tramway des Maréchaux, autant de mesures banales pour nombre d'agglomérations européennes. Un travail de pédagogie est donc à pour­

suivre et à accentuer, ce qui est peut-être plus facile dans un contexte de préoccupation croissante dans les domaines de la santé publique et du réchauffement climatique (cf. question C6).

Un ensemble de leviers d'actions largement connus

Les leviers pour agir ont fait l'objet de nombreuses publications. Nous dresserons ici simplement un panorama rapide des actions possibles (liste non exhaustive). Certaines d'entre elles sont développées dans le cadre d'autres questions traitées pour le groupe de travail.

1. Les outils pour améliorer l'offre de transport public

– améliorer la régularité et la fiabilité des temps de parcours et des horaires (cadencement) en donnant la priorité à la circulation des véhicules de transport public ; tramways et autres bus à haut niveau de service ont montré l'efficacité de cette action dont la générali­

sation se heurte à une culture de la régulation du trafic encore tournée vers la maximisa­

tion des flux automobiles,

– mettre en place une offre flexible, adaptée à l'évolution des activités (au-delà de l'accès au travail et à l'école) et à celle des rythmes urbains (cf. question B6),

– améliorer la sécurité,

– améliorer la rapidité, notamment pour les lignes radiales desservant les couronnes urbaines et le périurbain (par exemple en réservant au transport public une voie sur les axes routiers),

– faciliter l'usage du transport public par des actions au niveau tarifaire (tarification intégrée, billettique), au niveau de l'information, au niveau de la coordination des services et des réseaux (pôles d'échanges) et au niveau de l'accessibilité des personnes handicapées, – améliorer le confort d'usage dans les véhicules, aux arrêts et sur les cheminements

d'accès aux réseaux,

– réaliser des services adaptés à la demande de déplacements dans les couronnes urbaines et dans le périurbain (cf. question A2),

– faire une véritable promotion du transport public par exemple par des opérations de marketing individualisé et en mettant en place des services de conseil en mobilité,

– mieux prendre en compte les potentialités d'articulation avec le mode vélo (vélo et vélo à assistance électrique),

– favoriser aussi l'intermodalité par la création de parc relais mais avec une réflexion sur la cible visée (par exemple trajets automobiles longue distance, cf.question A9). Une atten­

tion particulière doit être portée sur l'optimisation de l'utilisation des terrains concernés (une urbanisation peut être plus pertinente), sur le risque d'une accentuation de la disper­

sion urbaine (comme cela a eu lieu au cours du siècle dernier d'abord avec le ferroviaire puis avec la route) et, éventuellement, sur les nuisances induites dans les quartiers concernés.

Par ailleurs, on sait que ces actions seraient mieux conduites et plus efficaces avec une organisa­

tion institutionnellle établie sur des territoires pertinents et avec une compétence globale sur la mobilité (cf. question A7).

2. Les outils pour maîtriser / réduire la circulation automobile dans les agglomérations

– actions économiques : stationnement payant et surveillance du stationnement (questions de la dépénalisation et de la décentralisation du stationnement), taxation des parkings de bureau et des grandes surfaces commerciales, révision de la fiscalité automobile, péage, permis négociables... (cf. questions C1, C2, C3)

– actions urbanistiques : article 12 des PLU, formes urbaines, densité et mixité, quartiers sans voiture (cf. questions B2 et B3),

– actions de gestion : au niveau des générateurs de trafic (plans de déplacements d'ente­

prises, d'administrations, d'établissements scolaires, etc.), au niveau du stationnement (offre réduite et servant prioritairement les résidents et les visiteurs) et au niveau de la circulation (partage de la voirie, réduction des vitesses -cf. question A6),

– actions pour l'environnement : restrictions de circulation pour les véhicules les plus émet­

teurs de GES et les plus polluants, réduction des vitesses pour améliorer la sécurité et favoriser le transfert modal, requalification de l'espace public,

– actions vis-à-vis des comportements, notamment pour réduire la voiture solo par le déve­

loppement du covoiturage (en lien aux PDE/PDA) et de l'autopartage (cf. question A3).

Quelles sont les marges d'évolution en matière de report modal?

Pour beaucoup de personnes, individus, élus ou techniciens, les usagers ont des comportements

« rationnels », ce qui ne laisse pas ou peu de marges de manoeuvre pour agir. Les exemples de résultats obtenus dans un certain nombre d'agglomérations suite à la mise en oeuvre de politiques globales volontaristes dans la durée ou à la mise en place de péage, ou suite à des réductions significatives de capacité routière, ou suite à la réalisation de PDE ne manquent pourtant pas.

La rationalité qui guide le comportement des usagers met en oeuvre de multiples critères (bien au-delà du prix, cf. question C3), ce qui laisse en fait place à de nombreuses adaptations possibles . Les flux de déplacements sont le produit du progamme d'activités des individus (activités obligées ou choisies) et de la réalisation de ce programme par des déplacements selon un mode (choisi ou non -dépendance automobile, dépendance au transport public, pauvreté…). Les chercheurs ont bien sûr déjà beaucoup travaillé sur ces deux sujets, avec différentes approches. Pour alimenter la réflexion, deux approches sont intéressantes :

– une approche analytique et économique, avec par exemple les travaux Pari 2118 et Lyon 2119. Les programmes d'activités y sont considérés comme invariants (en origines, destinations et enchaînements) de même que le niveau de service pour les automobilistes, mais cela permet d'avoir une première idée des marges de manoeuvre en hypothèse basse ;

– une approche plus sociologique, qui peut être illustrée par les travaux menés depuis plus de 10 ans par Vincent Kaufmann20, seul ou avec différents partenaires dont le Certu.

Quelques résultats des recherches Pari 21

Suivant les scénarios de développement de l'offre de transport public, le transfert modal peut concerner de 13 à 17 % des déplacements (base de 7,8 millions de déplacements), de 9 à 13 % des kilomètres parcourus (base de 65,9 millions de km), de 19 à 25 % des individus (base de 1,7 millions d'individus). Le transfert se fait à environ 95 % vers le transport public en termes de distance. En termes de déplacements, moins de 10 % des transferts vont vers la marche et 15 à 20 % vers le vélo.

Si les hypothèses touchant à la non transférabilité des déplacements liés aux motifs « accompa­

gnement » et « achats exceptionnels » sont levées, l'Inrets conclue à un report maximal possible de 23 % des voyageurs-kilomètres.

18. “Pari 21, étude de faisabilité d'un système de transport radicalement différent pour la zone dense francilienne” - Inrets – Ademe, DGMT - juillet 2001

19. “Lyon 21, étude de faisabilité d'un système de transport radicalement différent pour la zone dense lyonnaise” - Let – Ademe, DGMT, Région Rhône-Alpes - 2005

20. “Les citadins face à l'automobilité” - Vincent Kaufmann, Jean-Marie Guidez – Ademe, UTP, Certu – juin 1998

“Mobilité quotidienne et dynamiques urbaines, la question du report modal” - Vincent Kaufmann – Science,Technique, Sociéte – 2000

“Automobile et modes de vie urbains : quel degré de liberté ?” - Vincent Kaufmann, Jean-Marie Guidez, Christophe Jemelin – Predit -collection Transport, Recherche, Innovation - La Documentation Française – juin 2001

Lyon 21

Sans modifier l'offre de transport public ni augmenter le budget temps de transport des individus, 11 % des déplacements en voiture seraient transférables, représentant 5,6 % des véhicules-kilo­

mètres. En admettant une croissance (limitée) du budget-temps, les transferts possibles appa­

raissent sensiblement plus élevés qu'en Ile-de-France, ce qui est normal compte tenu de la part de marché initial du transport public dans chacune des agglomérations. Suivant les scénarios de développement de l'offre de transport public, de 15 à 25 % des kilomètres parcourus sont transfé­

rables et, avec la levée des hypothèses relatives aux motifs « accompagnement » et « achats exceptionnels », de 21 à 34 % des kilomètres parcourus sont transférables.

On peut observer que les volumes de transfert ainsi mis en évidence sont déjà importants alors que certaines hypothèses limitent les évolutions possibles. Des compléments seront apportés à partir des travaux de Vincent Kaufmann.

Les TC en périurbain et leur articulation avec les