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La désynchronisation des activités

1. Les temps qui rythment notre vie ont beaucoup évolué

Les temps qui rythment notre vie ont beaucoup évolué au cours du XXe siècle. Notre société change, est devenue plus complexe et difficilement prévisible. Une organisation du travail en pleine transformation, des rythmes de travail et de vie de plus en plus déstructurés, désynchro­

nisés, un rapport au temps plus individualisé, autant de faits qui conduisent à une évolution des modes de vie et des pratiques de la ville et de ses services.

Ces évolutions sont pour partie liées à la mise en place de la loi sur les 35 heures en France, qui a permis de faire émerger des phénomènes sous-jacents ; mais plus globalement cela résulte d'évo­

lutions sociétales de ces vingt dernières années telle la féminisation du travail : 80 % des femmes aujourd'hui travaillent, et ce sont elles d'ailleurs qui souffrent le plus des problèmes de concor­

dance des temps. Mais il faut aussi mettre en cause le développement des NTIC, qui accélèrent tous les processus de communication, personnels ou dans le travail, ou l'accélération des rythmes dans le travail : on voit se développer partout une flexibilité accrue, une course à l'urgence, à l'im­

médiateté dans le travail, qui se répercute dans la vie privée par un accroissement de stress et l'impression de n'avoir « plus de temps pour soi ».

Le territoire est ainsi devenu un lieu où l'on assiste à une multiplicité des rythmes indivi­

duels tant dans notre vie familiale, que sociale ou professionnelle. Pour exemples, Un salarié sur deux change d'horaires tous les jours, 29 % des salariés travaillent désormais le dimanche et 51 % le samedi. Dès lors, on assiste à un phénomène où chacun revendique SON propre temps et son propre rythme avec l'émergence de logiques paradoxales difficiles à gérer par la puissance publique.

Le risque est de voir se développer une société de l’immédiateté, qui veut « tout, tout de suite, et tout le temps », qui vit de plus en plus dans l'instant présent, qui anticipe moins et qui est de plus en plus dans l'action immédiate, dans l'urgence, ce qui n'est pas sans conséquence pour l'offre de services, publics ou non, qui doit en permanence s'adapter. Mais aussi une société qui veut « tout et son contraire », qui veut des services « à la carte », individualisés… Avec des atti­

tudes contradictoires et schizophrènes où chacun « demande à autrui ce qu'il ne veut pas pour soi ». Ainsi, si nous travaillons moins, nous voulons souvent des services publics aux horaires élargis (crèches, activités péri et extra scolaires, ou transports par exemple).

La demande d’une ville ouverte en continu se renforce, les services urbains s’adaptent peu à peu. La première crèche 24 h / 24 vient d’ouvrir à Lyon, de même que la première ligne de bus nocturne. On va au concert à la pause de midi ; les distributeurs automatiques en tous genres (épicerie, banque, vidéo, essence…) se multiplient ; des séances de cinéma ont lieu à minuit ou à 11 heures du matin; tel ministre parle d’ouvrir les magasins le dimanche pour relancer la consom­

mation ; on dort une heure de moins par nuit que nos grands-parents ; internet permet de surfer en continu…

Sur le territoire du Grand Lyon, l’offre de transports urbains s’est développée hors des temps usuels : avec 49 lignes de nuit fonctionnant jusqu'à 0 h 30 et la mise en place de navettes « pleine lune » fonctionnant toute la nuit, mais aussi en adaptant l’offre lors d’événements festifs (Nuits sonores, Fête des Lumières, etc..). Depuis mi-2005, la ville est accessible à vélo à toute heure avec la mise en place d’un service innovant de location Vélo’v© à la population. Des navettes communales pour se déplacer en temps voulu voient le jour sur de nombreuses communes, pour les personnes âgées ou pour l’ensemble de la population.

La pression sur la nuit, comme sur le dimanche, comme sur tous les temps de la vie quotidienne, et comme sur le temps de travail, augmente. L’étalement temporel sans limite peut devenir aussi nuisible que l’étalement urbain.

2. Quel rapport entre le temps et la mobilité ?

La course contre le temps est souvent perdue ou gagnée dans les déplacements. Les horaires de travail et des loisirs déversent en même temps des flottes de véhicules qui saturent les entrées des villes. Et dans le même temps les TC perdent des parts de marché. Sans parler des heures creuses (de moins en moins creuses d’ailleurs) où l’offre est inadaptée et des horaires atypiques où le seul recours à la voiture est possible…. Avec donc les conséquences environnementales que cela engendre.

Si l’on s’interroge sur ce que le critère « temps » représente aujourd’hui pour la mobilité il faut en priorité considérer l’impact des rythmes des individus et des territoires sur la mobilité, en s’appuyant sur l’évolution des modes de vies des individus ces 10 dernières années.

Concernant la mobilité :

le constat a été fait d’une carence de chiffres pour étayer nos propos. Trop souvent les enquêtes de déplacement considèrent une journée type et le seul déplacement domicile-travail. Or, on l’a vu, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Il est donc nécessaire d’adapter les outils et les méthodes aux nouveaux usages.

Cela nécessite donc de préconiser des enquêtes qui prennent en compte les usages diver­

sifiés du territoire, qu’ils soient journaliers, hebdomadaires ou mensuels, qui prennent en compte les déplacements domicile-travail mais aussi les déplacements hors-travail (achats, tourisme, loisirs,…) accrus et diversifiés depuis la mise en place de la RTT (par exemple, les déplacements domicile-travail ne représentent plus que 25 % des déplacements), les déplacements du week-end ou festifs.

Le lissage des heures de pointe et le déplacement de la mobilité vers le soir…

Mais aussi dans les rythmes professionnels : un salarié sur deux change d’horaires de travail tous les jours, 25 % des salariés travaillent le dimanche… On peut dès lors imaginer que va se développer une multi-mobilité tous azimuts, des demandes « à la carte », liées à des temps plus désordonnés, ce n’est pas aisé à gérer pour les collectivités tout comme les autorités de transports ou les transporteurs et qui ne fait qu’accentuer la dégradation de l’environnement.

Il ne s’agit pas de faire systématiquement du « sur mesure » mais de repérer les évolu­

tions, les réalités temporelles sur le territoire et de mettre en place une palette de solutions de déplacement qui permettraient de mieux concilier temps de vies individuels, rythmes des territoires, offre de mobilité et conséquences environnementales .

Les chaînes de déplacements des femmes sont à considérer particulièrement : les études montrent que les femmes doivent encore gérer leurs nombreuses « tranches de vies » : travail, famille, vie personnelle, sociale… et que pour cela, elles organisent, hiérarchisent et planifient leurs déplacements. Ces « stratégies de pérégrination » leur permettent de rationaliser leurs déplacements et de concilier au mieux ces « tranches de vies ». Mais cela favorise également une sur-utilisation de la voiture et une résistance à prendre les TC, ceux-ci étant considérés comme limitant leurs stratégies. On peut penser que des études précises sur ces pratiques permettront de mieux comprendre les logiques et ainsi d’agir en prenant en compte des critères subjectifs pour encourager les change­

ments de pratiques. Tout en étant captives des TC, les femmes y sont aussi rétives.

L’Espace des temps du grand Lyon en partenariat avec le Certu a édité une plaquette sur ce thème en 2005.

3. Un outil pour les collectivités locales : la mise en place de « bureaux des temps »

Face à cet état des lieux de nouveaux temps, de nouveaux rythmes, la collectivité publique ne peut plus faire l’économie d’un exercice de régulation et de coordination.

C’est ainsi que sont nées diverses réflexions et expérimentations locales dans certaines collectivités françaises de « bureaux des temps » (une quinzaine de collectivités à ce jour).

Ces lieux ont tous en commun d’être des espaces de médiation qui cherchent à mieux comprendre les rythmes de vie des habitants et les dysfonctionnements qui en résultent et à proposer des solutions de conciliation et de concertation entre prescripteurs de temps et utilisateurs de temps. La relation « temps et mobilité » est un axe fort pour beaucoup de territoires engagés.

L’objectif est de créer une mobilité participative avec l’idée de maîtriser la mobilité en intervenant sur les horaires d’ouverture des services publics, des écoles, etc.. Tels les pactes de mobilité en Italie visant à adapter les horaires des services publics aux temps individuels reposent sur une démarche participative qui associe tous les acteurs locaux et concernés.

4. L’espace des temps du Grand Lyon

Le Grand Lyon, s’est doté en 2002, d’un « Espace des Temps », intégré à la Direction de la Prospective, lieu de réflexion et d’action sur la question des temps urbains. Son objectif est d’être un outil d’observation, de concertation et d’expérimentation sur les pratiques temporelles de notre agglomération. Une de ses quatre missions principales est d’expérimenter des terrains d’actions et la problématique « temps et mobilité » est fortement présente :

parce que c’est une forte demande des élus des communes du Grand Lyon, suite à un premier contact de l’Espace des temps ;

parce que les enjeux et objectifs de la mission croisent entièrement ceux du développement durable dans ses trois dimensions : économique, sociale et environnementale.

Quelques actions conduites par l’Espace des temps sur le thème de la mobilité :

la mobilité liée aux équipements scolaires : décaler les horaires d’ouverture et de fermeture des différents collèges et lycées pour limiter la circulation en heures de pointe matin et soir, adapter l’offre de transports TC à ces décalages et développer les modes doux :une telle mise en œuvre nécessite une concertation fine ! Quatre terrains d’expérimentations sur le Grand Lyon : la commune de Neuville sur Saône, les 1er, 4e et 5e arrondissements de Lyon, et la commune d’Oullins.

les réflexions sur des plans de déplacement inter-entreprises : organiser les déplacements des salariés, des entreprises, des clients pour jouer le gagnant / gagnant : limiter les nuisances, accroitre la qualité de vie des salariés, limiter leurs dépenses de transports, accroitre la compétitivité des entreprises et l’attractivité des territoires.

Entre 2003 et 2005, le Grand Lyon, via sa mission Espace des temps, est engagé dans un programme européen Equal « articuler les temps pour développer les compétences » piloté par Agefos-Pme qui met en œuvre sur qutre terrains d’expérimentation en Rhône Alpes des actions de services aux salariés (modes de garde d’enfants, déplacements des salariés, offre de services divers sur les temps de pause).

À partir de cette première expérimentation, la question des déplacements aux salariés devient prépondérante et l’on voit émerger depuis 2006 sur l’agglomération lyonnaise une forte demande des industriels et des acteurs économiques locaux pour mettre en place de telles actions locales. À ce jour, deux plans de déplacements sont en cours d’études sur :

- le plateau Nord de Lyon, sur la ZI Perica (13 entreprises engagées : 3000 salariés concernés),

- le Parc technologique de St Priest : 15 entreprises engagés pour 1750 salariés environ).

D’autres territoires sont en train de s’engager dans la démarche : - la ZI de Techlid,

- les entreprises de la Vallée de la Chimie (dans le cadre de l’agenda 21 local), - les Zi de l’Est lyonnais,

- en collaboration avec la CCI, un PDE pour les salariés des commerces de la Presqu’ile est en cours.

Toutes ses actions sont animées par le Grand Lyon (Espace des temps du et développeurs économiques) portées par les industriels et cofinancées par Grand Lyon, Ademe, Région RA (80 %) et entreprises (20 %).

Autres actions « mobilité » portées par l’Espace des temps :

la mobilité la nuit : une réflexion et une concertation avec le Sytral pour diversifier l’offre de transports de nuit pour les festifs, les jeunes mais aussi les salariés de nuit qui a démarré avec une traversée nocturne de Lyon, la mise en place des navettes pleine lune par le Sytral

l’apport dans la réflexion sur le PDU

des débats organisés sur le thème de la mobilité : mobilité quotidienne des femmes, mobilité et temps : comparaison de temps de transports par modes.

Une action abandonnée car difficile à monter : « Faire des lieux d’interconnexions de véritables lieux de services… une expérimentation à Gorge de Loup (9e) »

D’où l’idée de porter notre regard sur la question de l’aménagement des pôles d’interconnexions en véritables lieux de services pour les usagers .

Ces lieux particuliers où se rejoignent divers modes de transports (train, bus, métro, parcs relais…) sont devenus des lieux de transit à part entière et des modes de vies spécifiques. Ces lieux concentrent de la population locale, de la population de transit, des salariés… Si on ajoute à cela un espace urbain propice à être aménagé, il est intéressant de travailler sur la démarche suivante :

« en offrant sur ces lieux des services appropriés (commerces de base, services administratifs, marché de l’après midi, outils de communication..), on pourrait permettre à la fois une meilleure conciliation et un gain de temps pour les habitants et les utilisateurs du lieu – comment je gère mon temps travail / hors travail avec des services appropriés – mais aussi induire une meilleure utilisation des TC, les usagers trouvant sur place des services qu’ils n’auraient pas besoin d’aller chercher en voiture.

Il faut aussi noter que les bureaux des temps sont organisés dans un réseau national

« tempo territorial » qui peut aider sur des échanges d’expériences.

Plus d’infos sur www.espacedestemps.com où une bibliographie complète sur les « questions de temps » est en ligne.