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Quatre leviers d'action pour améliorer les équilibres financiers des transports publics urbains

Synthèse sur le financement des transports publics urbains

5. Quatre leviers d'action pour améliorer les équilibres financiers des transports publics urbains

A - Jouer sur les recettes commerciales et donc sur la contribution des usagers Différentes pistes peuvent être évoquées pour augmenter la contribution des usagers :

Le rapport de la Cour des Comptes d'avril 2005 sur les transports publics urbains préconisait que « les revalorisations tarifaires suivent davantage l'évolution des coûts, à l'exemple de la politique suivie ces dernières années en Île de France ».

Les agglomérations de province ont fait le choix politique il y a 20 à 30 ans d'un billet unique valable sur l'ensemble du périmètre de transports urbains. Compte tenu de l'extension très forte observée ces dernières années des périmètres de transports urbains, ne faut il pas reposer la question d'une tarification à la distance, sous forme de zones par exemple ? Les lignes de Tramway réalisées ces dernières années vont de plus en plus loin, elles desservent des quartiers éloignés des villes centres, ce qui bénéficie notamment aux personnes qui habitent hors des PTU et se rabattent sur ces lignes. A l'opposé, il n'existe pas non plus de tarification courte distance, permettant d'emprunter les transports publics sur quelques arrêts.

Les gammes tarifaires proposées par les différents réseaux de transports publics sont globalement basées depuis de nombreuses années sur les mêmes produits : des abonnements, des tickets vendus par carnets et des tickets unité. Le développement de la billetique permet d'imager d'autres formes de tarification qui n'ont pas encore été développées par les opérateurs de transports publics, contrairement à ce qui se passe dans la grande distribution par exemple. A quand la carte de fidélité des transports publics, la carte de crédit, le paiement en fin de mois selon son utilisation, des tarifications modulées en fonction des heures de la journée (cas du Metrolink de Manchester ou du métro de Santiago du Chili, qui ont une tarification à moitié prix en heures creuses). ....

Lutter contre la fraude de façon plus efficace. Les chiffres sur la fraude ne sont pas connus de même façon dans tous les réseaux. Le rapport de la cour des comptes d'avril 2005, indiquait un taux de fraude de 17 % sur le réseau bus de la région Île-de-France, on sait qu'en province le taux de fraude se situe classiquement entre 12 et 20 %. Lors de la

révision du PDU de Lyon en 2002 / 2003, un atelier a été consacré aux thèmes « Compte déplacements, financement des projets et tarification». Le taux de fraude était estimé à 18% en 2001 et représentait un manque à gagner de l’ordre de 8 M€/an sur le réseau de Lyon, soit un peu plus de 1 % des ressources globales du SYTRAL.

À noter que les tarifs sociaux ont augmenté ces dernières années, conduisant plutôt à une baisse des recettes commerciales. Les autorités organisatrices des transports font du social, soit de leur plein gré, soit par obligation (article 123 SRU). Cette perte n'est pas à considérer comme une non recette, mais on peut se poser la question de savoir quel acteur français doit payer cette action sociale ?

Efficacité de ce type de mesures

Compte tenu de la faible part des recettes des usagers dans le financement actuel des transports publics urbains (environ 18 % en province et 26 % en Île-de-France), agir même fortement sur les recettes n'apportera pas des modifications importantes dans la répartition des ressources. C'est toutefois une piste à ne pas écarter.

Un autre moyen d'augmenter les recettes est de trouver des clients nouveaux, en particulier dans les secteurs plus éloignés des centres. En ce sens toute opération visant à densifier l'habitat et les emplois autour des lignes de transports publics contribue à augmenter la clientèle des transports publics et les recettes, sans pour autant avoir à augmenter l'offre fortement.

B – Augmenter la clientèle payante des transports publics

Il est assez clair, aujourd'hui, que le « remplissage » des transports publics n'est pas à son maximum. Si les transports publics sont assez bien remplis sur les tramways et métros des grands réseaux, c'est moins le cas des lignes de bus classiques et des petits réseaux.

Si les transports publics peuvent être assez bien remplis en heures de pointes (ils sont généralement dimensionnés pour ça), c'est beaucoup moins le cas en heures creuses de journée ou en soirée, s'ils sont bien remplis le matin de la banlieue vers le centre, c'est moins le cas dans l'autre sens …

Il existe donc des marges de progression non négligeables sur des segments de clientèles nouveaux, qui peuvent apporter de la clientèle nouvelle et donc des recettes supplémentaires.

De la même façon, les mesures de restriction de l'usage de la voiture, contribuent à une augmentation de la clientèle des transports publics sans augmentation de l'offre dans un premier temps. Toutefois, à partir d'un certain niveau de transfert modal, il faudra rajouter de l'offre en transports publics (donc des coûts supplémentaires) en particulier aux heures de pointe.

On peut aussi chercher à augmenter la clientèle dite « nouvelle », en offrant des dessertes performantes sur des secteurs nouveaux. Pour reprendre un exemple lyonnais, la création des deux lignes de tramway de Lyon T1 et T2, après environ deux années de fonctionnement, a généré de l'ordre de 10 000 voyages nouveaux (donc payants) pour une clientèle totale d'environ 100 000 voyages. La très grande majorité de la clientèle est donc une clientèle d'anciens utilisateurs des transports publics. Par contre la toute nouvelle ligne T3 la Part-Dieu à la périphérie est de Lyon, n'a que 25 000 voyages par jour (ce qui est faible pour une ligne de tramway), mais 10 000 d'entre eux sont des voyages nouveaux, qui génèrent des recettes supplémentaires.

C - Baisser les coûts d'exploitation en améliorant la productivité des réseaux de transports publics urbains

La productivité des réseaux peut être améliorée par des mesures de productivité internes ou externes.

Amélioration de la productivité interne des réseaux à offre équivalente

Les réseaux de transports publics français de province ont pour particularité d'être très majoritairement exploités par trois grands opérateurs : Kéolis (anciennement Via GTI), Véolia (anciennement Connex), et Transdev filiale de la Caisse des Dépôts et Consignation.

Ces trois groupes ont été sanctionnés en juillet 2005 par le conseil de la concurrence pour s'être concertés, entre 1996 et 1998, au niveau national, en vue de se répartir les marchés des transports publics urbains de voyageurs lancés par des collectivités publiques.

Pourtant dès la fin de l'année 2003, on a observé un nombre inhabituel de changements d'exploitants suite aux appels d'offres lancés par les autorités organisatrices de transports. Une vingtaine de réseaux de villes ont ainsi changé (Valence, Agen, Chartres, St Malo, Reims ...).

D'autre part, la lutte entre les grands groupes français candidats au renouvellement des grands réseaux de Lille, Toulouse, Nice et Lyon a été très dure et si elle n'a pas abouti à un changement d'exploitant, dans trois cas sur quatre, l'autorité organisatrice a fait une substantielle économie lors du renouvellement du contrat. Il faut d'ailleurs noter que l'opérateur lyonnais affiche un résultat en perte sur l'année 2006.

La concurrence existe donc aujourd'hui sur les réseaux français, notamment à cause de la sanction du conseil de la concurrence et il est probable que les marges des exploitants aient baissé. Le risque existe que cette concurrence soit éphémère. L'opacité des coûts d'exploitation entretenue par les opérateurs qui ne veulent pas dévoiler leur savoir faire, participe à la demande des autorités organisatrices de faire baisser les coûts et peut être de trop les faire baisser ?

D'autres pistes ont été émises pour stimuler la concurrence et faire baisser les coûts d'exploitation, l'allotissement des réseaux a notamment été proposée par Christian Phillip.

Faut-il envisager des allotissements, permettant de faire des lots moins importants sur lesquels la concurrence pourrait plus jouer, par exemple en séparant l'exploitation des différents modes (métro, tramway, bus), ou par secteurs géographiques, ou par fonctions (maintenance, distribution des titres ...) ?

Nous avons encore peu de recul sur les grands réseaux qui se sont lancés dans des allotissements (Stockholm, Londres, Helsinki, de grandes agglomérations australiennes). Dans un premier temps l'allotissement sur ces réseaux a effectivement permis des baisses importantes des coûts d'exploitation.

Il semble toutefois que ces baisses des coûts d'exploitation ont eu un impact, quelques années plus tard, sur la qualité de service (d'après les premiers éléments de la thèse de B.Puccio du LET).

Le bilan des expériences d'allotissement est donc plutôt mitigé :

on constate une baisse des ratios recettes/dépenses

l'allotissement ne règle pas le problème de la concurrence, il a même plutôt eu un effet inverse, avec une tendance à diminuer le nombre d'opérateurs et à les internationaliser

il ne règle pas non plus l'avantage au sortant, on observe à Londres un avantage très important à celui qui possède un dépôt sur un secteur géographique par exemple

enfin, si les coûts pour la collectivité publique baissent sensiblement au départ, il a été constaté presque partout une baisse de la qualité de service, que les collectivités n'ont pu accepter et ont payé plus tard au prix fort !

Acceptabilité de ce type de mesures

Les autorités organisatrices sont encore très frileuses sur la question de l'allotissement des réseaux.

Amélioration de la productivité externe des réseaux

La vitesse commerciale a un impact direct sur les coûts d'exploitation des réseaux. Plus elle diminue plus les coûts d'exploitation augmentent.

Toutes les mesures visant à améliorer la vitesse commerciale des bus et des tramways contribuent donc à une diminution des coûts d'exploitation : priorités aux feux, couloirs d'approches, aménagements de voirie facilitant l'approche aux arrêts, les tourne à gauche ... mais aussi lutte contre le stationnement gênant, en double file ....

Ainsi, l’atelier « Transports collectifs » de la révision du PDU de Lyon en 2002, a montré qu’améliorer la vitesse commerciale de 1 km/h sur les seules 15 premières lignes de bus du réseau de l'agglomération lyonnaise permettrait de dégager 1 M€/an.

D - Trouver de nouvelles sources de financement

Enfin, on peut améliorer le financement des transports publics en trouvant de nouvelles sources de financement.

Des ressources spécifiques affectées au financement des transports publics existent dans certains pays

Des taxes liées à l’utilisation des automobiles

La plus courante est une taxe additionnelle sur les carburants, qui existe dans certaines villes du Canada, en Bavière, en Italie, aux États Unis.

En Allemagne, le Land de Bavière reçoit de l’administration fédérale des fonds en provenance des impôts fédéraux sur les carburants pour subventionner les transports publics. Le Land de Bavière utilise cet argent essentiellement pour subventionner les déficits des services ferroviaires de banlieue en Bavière. Cette ressource représente 40 % des coûts d’exploitation des services ferroviaires de banlieue.

D’autres ressources provenant de l’utilisation de la voiture peuvent exister, par exemple une taxe sur le stationnement commercial à Vancouver, des recettes provenant de systèmes de péage urbain à Londres (en projet à Vancouver), une taxe sur les droits annuels d’immatriculation à Ottawa et Montréal. Les droits d'immatriculation ont ainsi représenté 9 % du budget d'exploitation et d'immobilisation de la société des transports d'Ottawa en 2003.

Rappelons qu'à Paris, la moitié du produit des amendes de police en matière de circulation routière et de stationnement payées par timbre amende est affectée aux transports publics urbains, ce qui a représenté 70 millions d’euros en 1999.

Des taxes liées au foncier

Ce type de taxe sur les plus values foncières apportées par un projet lourd de transports publics, est surtout utilisé pour financer des projets d’infrastructure.

Au Danemark, la réévaluation des prix du foncier suite à l'arrivée du métro sur un secteur auparavant en friche et la maîtrise foncière des terrains par la puissance publique ont permis des gains financiers importants. L'État et la commune de Copenhague se sont mis d'accord pour construire, sur l'Ile d'Amager, sur des terrains en friche, dont la valeur était nulle, une ville nouvelle traversée par une liaison rapide entre le centre de Copenhague et l'aéroport et une ligne de métro. La valeur des terrains situés à 4 km du centre de Copenhague a alors atteint des sommets, l'entreprise publique Orestadsselskabet a pu réévaluer ses actifs avant d'emprunter pour financer son métro. La mise en vente des premiers terrains (65 ha sur un

total de 350 ha) a assuré un cash flow important. En 2002, 45 % des revenus de l'entreprise provenaient de ventes de terrains, 34 % de l'exploitation du métro, 15 % des taxes perçues sur les acquéreurs de terrains et 6% de contributions provenant des partenaires ou sponsors.

En Espagne il se crée, dans certains cas, par le biais de conventions avec des propriétaires fonciers (publics ou privés), une collaboration pour le financement des métros.

En Irlande, une loi stipule que tout promoteur immobilier doit acquitter une contribution ordinaire dont l'objet est l'amélioration des services du quartier où le projet s'effectuera. Dans le cas des projets TC, le promoteur, par l'augmentation des ressources que lui procurera le projet, devra acquitter une contribution dite supplémentaire par rapport à la contribution dite ordinaire.

Le Royaume Uni réfléchit à l’instauration de telles taxes.

Enfin, des ressources indirectes peuvent exister

Par exemple, en Allemagne et en Angleterre, les entreprises de transports urbains sont exemptées de taxes sur les carburants.

Au Japon, les employeurs versent une prime de transport à leurs employés, calculée sur le prix d'un abonnement domicile travail en transports publics, bien que non liée à l'achat effectif de l'abonnement. Si les Japonais utilisent massivement cette prime pour acheter des abonnements de transports publics, c'est en grande partie lié aux restrictions fortes faites à l'utilisation de la voiture au Japon : péage systématique sur les autoroutes urbaines, réseau d'autoroutes urbaines peu développé, pas de stationnement gratuit sur les lieux de travail ...

De même en France le système de carte orange en Île de France ou les récents accords pris dans les PDE et PDA (plans de déplacements d’entreprises et d’administration) représentent une sorte de prime à l’individu s’il utilise les transports publics pour se rendre à son travail.

Quelles sommes pourraient représenter de nouvelles formes de taxes ?

Lors de la révision du PDU de Lyon en 2002 / 2003, un atelier de travail a été consacré aux

« Compte déplacements, financement des projets et tarification». Cet atelier a fait une estimation, ci dessous, des gains à attendre de quelques nouvelles mesures de taxation. Le périmètre pris en compte est celui de l'agglomération lyonnaise (communauté urbaine).

Les gains vont de 26 M€ à plus de 100 M€, ce qui est à comparer au coût d'exploitation du réseau, qui s'élevait à 242 M€ en 2002.

À noter que le montant du versement transports en 2002 s'élevait à 181 M€ pour l'agglomération lyonnaise.

Gain maximal (M€/an)

Moyens à mettre en oeuvre

Réduction directe du trafic automobile ? Instaurer une taxe forfaitaire sur les

voitures particulières au tarif de 60 €/véhicules /an

28 Modification du

cadre législatif non Mettre en place un péage urbain (3 variantes testées)

Péage cordon sur le trafic externe de l'agglomération

26 - 40 Péage cordon sur le trafic externe et

péage de zone pour les résidents de l'agglomération

97 - 248

Carte multimodale voiture/TC 86

Modification du cadre législatif,

information,

concertation Oui