• Aucun résultat trouvé

L’école commence son œuvre avec quatorze admis, soit une classe. Cinq matières y sont professées en première année : le droit international enseigné, par Moshir ol-Molk, d’après un manuel traduit par lui-même. Pour le fiqh, le livre Jame Abbasi est enseigné par Mirza Habibo-Allah. Ardeshir-ji, un zoroastrien de l’Inde s’engage à enseigner l’histoire, d’après un manuel traduit par Mirza Mohamad Ali Foroughi du livre de Monsieur Dobes [?]. Ce manuel contient l’histoire des anciennes nations de l’Orient. La géographie est enseignée par Abd-ol Razagh Khan Mohandes. En ce qui concerne le français, les élèves sont divisés en trois groupes : les débutants ne connaissant même pas l’alphabet français, intermédiaires et avancés245. Parmi quatorze élèves, il n’y a que deux débutants : Mostoufi et Mirza Asado-

Allah Khan. Cela montre que la majorité des élèves forment les groupes intermédiaire et

244 Mostoufi, op.cit., page 70. 245Tarbiat, n°228, 1901, page 913.

avancé, et avaient ne serait-ce que des notions de base dans cette langue. D’après les mémoires de Mostoufi, ainsi que selon le journal Tarbiat, « Paul Bert » est enseigné lors du cours du groupe avancé246. Nous ignorons cependant de quel livre, ou de quel texte, écrit par

Paul Bert, il s’agit.

Étant donné que la religion est considérée comme faisant partie de la politique, l’enseignement du fiqh [la jurisprudence islamique] est jugé nécessaire par les dirigeants de l’école. Cependant, que des matières religieuses figurent au programme d’études d’une école dite moderne apparait inacceptable aux ulémas, pour qui l’enseignement de matières religieuses doit rester l’apanage des écoles religieuses. Dans son discours de 1937 à la faculté de Droit et des sciences politiques de Téhéran, Mohamad Ali Foroughi, un des directeurs de l’école à l’époque des Qâdjârs et fondateur du journal Tarbiat, explique à quel point il était difficile de convaincre les ulémas d’enseigner le fiqh dans l’école des sciences politiques où « ses élèves portaient nœud papillon et chapeau247, et dont les enseignants avaient l’apparence

de Farangi [Européens] » :

Grâce aux changements apportés au sein de la société, l’école ne fut pas empêchée par les

ulémas d’inclure le fiqh dans le cadre de l’enseignement de l’école. Mais personne

n’accepta d’enseigner cette matière à l’école. Moshir-ol Molk [le ministre des Affaires étrangères] les convainquit que l’enseignement du fiqh dans cette école ne serait pas fait dans le but de former des faqih [des spécialistes du fiqh]. Que l’objectif de l’école était que ses étudiants soient les futurs missionnaires de l’Iran dans les pays non musulmans, et qu’il fallait donc qu’ils connaissent bien la sharia. Que si, en outre, les élèves commettaient un péché en étudiant dans une école moderne, ils l’expiaient en étudiant le

fiqh. Finalement, par ces astuces de Moshir-ol Molk, les ulémas acceptèrent d’envoyer un mulla pour enseigner le fiqh dans l’école248.

Le choix du fiqh, d’une part, et de « Paul Bert », d’autre part, dans le cadre de l’enseignement de l’école des sciences politiques est un des exemples de la dualité qui existe système éducatif de l’époque. Les dirigeants de l’école, séduits par les progrès scientifiques et l’efficacité diplomatique de l’Occident, s’affichent ouverts à l’enseignement européen, de telle sort qu’ils vont jusqu’à enseigner les textes de Paul Bert, anticlérical notoire et partisan

246Mostoufi, op.cit. Tome II, page 71-72.

247 Au regard des traditionalistes, porter des lunettes, chapeau et noeud papillon était un signe d’être occidentalisé.

de la laïcité. Maisdans le même temps, ils jugent qu’il ne faut pas que les élèves « soient complètement ignorants des lois islamiques»249.

Lors de la deuxième année de fonctionnement de l’école, en 1900, Joseph Hermebique, conseiller juridique belge du ministère des Affaires étrangères, remplace Moshir ol-Molk afin d’enseigner, en français, le droit international de la guerre et de la diplomatie, le droit international privé et l’économie. L’histoire des révolutions est ajoutée au programme au cours de cette année. « L’enseignement de révolutions européennes en persan pouvait créer des problèmes pour l’école » [i.e. la diffusion d’idées révolutionnaires]. Cette matière est, donc, enseignée en français par Morel, le professeur de français de l’école. Sheikh Mohammad Taghi Etemad-ol Islam, « venant d’arriver de Najaf »250, remplace Mirza Habib,

décédé, pour l’enseignement du fiqh. On peut imaginer à quel point il était difficile de trouver et d’embaucher un nouvel enseignant pour l’enseignement du fiqh à l’école.

En 1901, la littérature persane est ajoutée au programme d’études de l’école. Selon Foroughi, enseignant et le directeur de l’école, les programmes scolaires des écoles [modernes] iraniennes ne comprenaient ni l’histoire « qui nous informe sur les siècles passés », ni la littérature persane « qui permet à notre nation de survivre ». C’est au sein de l’école des sciences politiques qu’on enseigne, pour la première fois, ces deux matières, et depuis cet événement « toutes les écoles [modernes iraniennes] » suivent le modèle de l’école des sciences politique pour enseigner l’histoire et la littérature persane. Le programme scolaire de l’école en 1901 est plus chargé par rapports aux années précédents. En plus de la littérature persane et l’histoire de l’Iran les matières suivantes s’ajoutent à ce programme : la calligraphie et la rédaction persane, l’algèbre et la géométrie, la géographie physique et la géographie politique des « cinq coins du monde [sic] »251, et l’histoire de l’Iran avant la

conquête arabe. Il semble que ces matières ne sont enseignées qu’aux nouveaux arrivants, car Mostoufi, élève lors de l’année d’ouverture de l’école, ne mentionne pas dans ses mémoires.

L’emploi du temps de l’année 1908 comprend plusieurs matières spécialisées de science politique et de droit. Il contient les matières suivantes : droit général, fiqh, droits fondamentaux, bureaucratie, droit civil, droit international, lois juridiques, économie,

249 Hossein, Mahboobi Ardakani, L’histoire des institutions civilisées (Tarikh moasesat tamadoni), Tome I, Daneshgah Teheran, Téhéran, page 402.

250 Toutes les citations du paragraphe sont tirées de la page 76 des mémoires d’Abdo-Allah Mostoufi (Sharh zendegani man).

comptabilité, histoire du monde et de l’Iran, littérature persane, géographie du monde et de l’Iran, français, brève étude de la langue arabe et mathématiques252.

A la suite des événements entourant la révolution constitutionnelle, l’école perd de son enthousiasme initial, et la qualité scientifique de l’école régresse beaucoup. Il semble qu’elle ait été victime de la « rivalité politique »253 des dirigeants de l’école ainsi que du chaos créé

par les événements qui suivirent la révolution, notamment l’entente anglo-russe de l’année 1907 et le bombardement du parlement en juin 1908.

En 1910, en raison « du manque de personnel enseignant » certains des diplômés de l’école s'engagent à enseigner, bénévolement, à l'école. Les élèves de l’école se plaignent de son inefficacité, car les matières affichées dans ces chartes « ne sont pas celles enseignées pendant l'année ».Qui plus est le nouveau personnel de l’école est, du point de vue scientifique et des connaissances générales, inférieur à celui des débuts. De telle sorte que « si on demande a l’adjoint d’aller chercher la carte d’un pays, il ne distingue pas la carte demandée de celle d’un autre pays »254.

Jusqu’à l’année 1911, la durée d'étude de l'école des sciences politiques, considérée comme une école supérieure, est de quatre ans. Or, pendant ces quatre ans, le programme d'études contient les matières spéciales de sciences politiques ainsi que certaines matières relatives aux études primaires.

Les candidats ne sont pas tenus de présenter le diplôme d’une école primaire pour entrer à l'école. En conséquence, le niveau d’instruction des élèves admis n’était pas identique : il était possible, comme pour Mostoufi, que la base de l'éducation de certains élèves se limite à l'éducation fournie par les madrasas, les écoles religieuses. Il était donc difficile, voire impossible, pour les enseignants de suivre et respecter l'emploi du temps prévu, et cela était encore plus vrai pour les matières en français. Bien que les diplômés des

madrasas fussent plus doués en arabe ou enfiqh, ils n'avaient, généralement, aucune

connaissance de la langue française. Selon Gustave Demorgny, le professeur de droit administratif de l’école des sciences politiques, « en Iran, entre l’instruction élémentaire et l’enseignement supérieur du droit, il y a un grand trou, une grande lacune »255.

252 Mahboubi Ardakani, op.cit., page 50. 253Majles, n°53, 1911, page 2.

254Idem.

Pour résoudre ce problème, les dirigeants de l’école décident d’allonger la durée d’études de quatre ans à cinq ans : trois ans d’études préliminaires suivis par deux ans d’études postérieures. Or, pour ceux qui ont déjà étudié entre quatre et six ans dans les écoles primaires modernes, une telle durée est considérée comme une perte de temps. Tout en relevant l’insatisfaction des élèves envers l’école, un article publié dans le journal Majles laisse entendre qu’« un autre défaut de cette école est que l’enseignement de la langue française n’y est pas pris au sérieux malgré son importance »256.

Les évolutions suivantes sont demandées par les élèves aux dirigeants de l’école : - l’adaptation du programme d’études à ceux des écoles étrangères (du point de vue du calendrier, du nombre des matières enseignées, etc.).

- la publication et la diffusion de l’emploi du temps de l’école, au début de chaque année, auprès des élèves.

- la séparation complète des matières primaires et secondaires en fondant une école primaire au sein de l’école des sciences politiques.

- la détermination des conditions difficiles d’admission pour les candidats d’entrée. - le changement d’enseignants dans le but d’améliorer le français des élèves257.

Aucune des modifications demandées ne sera cependant appliquée par les dirigeants de l’école. Cependant, d’après la charte de l'école de l'année 1915, « la connaissance du français dans la mesure où le candidat arrive à comprendre le livre de la première année d'étude »258 est ajoutée aux conditions d'entrée à l'école. En général, dans cette charte le

niveau de connaissance exigé pour les candidats est supérieur par rapport à la charte de l'année 1908. Cette restriction des conditions d’entrée est mise en place dans le but d'obliger, indirectement, les candidats à faire des études primaires dans les écoles modernes avant poser leur candidature pour entrer à l’école des sciences politiques.

Foroughi, l’ancien directeur et enseignant de l'école estime, en admettant le déclin de l'école, que l'enseignement n’est pas pris au sérieux par rapport à « autrefois » et que le diplôme de cette école a perdu de sa valeur, car « les organes gouvernementaux ne garantissent pas le recrutement des diplômés de l’école »259.

256Majles, n°53, 1911, page 1. 257Idem, page 2.

258 Pahlavan, op.cit, page 58. 259Tarbiat, n° 345, 1905, page1670.

Outline

Documents relatifs