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De temps à autre, l’action des dirigeants des écoles de l’alliance en faveur des juifs provoque le ressentiment des musulmans traditionalistes. De telle sorte qu’ils tentent de profiter de leur influence auprès des gouverneurs pour évincer ces directeurs. A titre d’exemple, on peut se référer à une correspondance datée de 23 août 1902. Cette lettre ne contient ni le nom de l’émetteur, ni celui du destinataire. Mais, d’après le contenu, il s’agit d’une réponse au télégramme d’un haut responsable au sujet du directeur d’une des écoles d’AIU :

[…] J’accuse la réception de votre télégramme au sujet d’une plainte à propos du directeur de l’école de l’Alliance [Israélite]. […] Le peuple ne supportera pas que les élèves [juifs ?] de l’école humilient et oppriment les notables ainsi que les enfants musulmans. […] Il est bien évident que votre grandeur non plus ne sera pas contente de ces comportements. Personne ne s’oppose au gouvernement sur la question de la fondation d’écoles et de l’éducation. Mais il faut une personne sage et compétente soit en charge de cette tâche, quelqu’un qui connaît ses limites, et non pas ce directeur qui est le sujet de reproches y compris de la part de ses propres coreligionnaires534.

A cette lettre est joint le récit une altercation entre le domestique du dit directeur et un musulman. D’après cet ajout, le domestique juif du directeur aurait humilié un musulman et ce dernier se serait dirigé, entouré par « des galopins » vers la demeure de l’auteur de la lettre, manifestement un notable, en criant « au secours ». L’auteur aurait alors tenté de les calmer. Mais, après quelques instants, le domestique arriva, et se comporta « grossièrement ». Afin de « calmer les plaintes de la population », l’auteur frappa et blâma le domestique. Mais le domestique « imbécile» ainsi que le directeur allèrent en retour se plaindre auprès du gouverneur. Les notables juifs, à leur tour, reprochèrent l’acte « imprudent » du directeur. A la fin de la lettre, l’auteur propose comme remède le remplacement du directeur « séditieux »535.

Le nom de la ville où ces troubles eurent lieu n’est mentionné nulle part. Etant donné qu’en 1902 les écoles de l’AIU ne se trouvent qu’à Téhéran, Ispahan et Hamadan, ils ont eut

534GH 1320-k4-p4 (6.5), Lettre concernant d’un dirigeant de l’école d’AIU, 1902, Centre des Archives nationales, Téhéran.

lieu dans l’une de ces trois villes. Nous avons tenté de nous renseigner à ce propos dans le bulletin de l’Alliance Israélite de l’année 1902. Mais dans la partie consacrée aux écoles de l’Alliance en Iran, aucune mention n’est faite à ce sujet. Mais l’on peut en revanche constater que d’après la liste des personnels des écoles de l’Alliance Israélite en Iran, aucun des directeurs ne fut remplacé durant l’année suivante, en 1903, ce qui indique que la demande du notable cité demeura lettre morte. Cette lettre n’en témoigne pas moins de l’ambivalence que peut revêtir l’action du personnel de l’AIU aux yeux des notables de la communauté juive : l’évolution n’est par encore telle que ceux-ci estiment que des juifs puissent aller se plaindre auprès du gouverneur à égalité avec des musulmans. La fréquentation des écoles de l’AIU par des élèves musulmans montre en tout cas leur réel succès d’un point de vue pédagogique mais aussi social.

Le regard des musulmans envers les dirigeants des écoles d’AIU n’est cependant toujours pas aussi cynique. Certains regardent avec admirations les actions mises en œuvre par les dirigeants français d’AIU en faveur des juifs, et de la société en général. Un personnage ayant visité l’école de filles et de garçons de l’AIU à Ispahan, qualifie Confino, le directeur de l’école, d’homme « noble et compatissant ». Pendant sa visite, il est frappé par la manière « tendre et délicate » avec laquelle les enseignants de l’école professent « d’une manière particulière » le persan, l’hébreu et le français aux enfants536.

Après 1907, les dirigeants de certains d’écoles nationales décident de fournir l’uniforme des élèves dans le but de boycotter les produits russes et anglais et de promouvoir les produits iraniens. L’effort d’un certain Khajeh Elias, directeur français de l’école d’Ispahan de l’AIU est reconnu par un Iranien qui écrit une lettre à ce propos à la rédaction du journal Adab. Ce dernier exprime son admirations envers le comportement de « ce français civilisé » qui a « rendu les progressistes heureux en établissant une école qui applique les nouvelles méthodes d’enseignement ». L’auteur de lettre écrit ainsi au sujet de sa conversation avec le directeur de l’école :

J’ai demandé au directeur qui était venu acheter 300 uniformes pour les garçons de l’école d’AIU : « Pourquoi vous êtes venu à Téhéran pour acheter les vêtements iraniens, alors que vous avez un large choix à Ispahan parmi les produits étrangers ? » Il me répondit : « Car nous poursuivons un même but, celui de diffuser le patriotisme et l’altruisme. J’ai voulu vous accompagner et vous soutenir dans cette belle intention [consommer des produits fabriqués dans le pays]. Car ces enfants [juifs] vivent dans ce pays, et mieux vaut

donc qu’ils utilisent des produits fabriqués par des gens de ce même pays. Et enfin, pour renforcer le sentiment d’amitié entre musulmans et juifs »537.

X. L’action des dirigeants des écoles de l’AIU envers la communauté juive

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