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Le mode d’intervention réactif : Ontario et Colombie-Britannique

2. Quatre modes d’intervention provinciaux en immigration et en intégration

2.9. Le mode d’intervention réactif : Ontario et Colombie-Britannique

L’Ontario et la Colombie-Britannique se regroupent autour d’un troisième mode d’intervention caractérisé comme étant réactif. Dans la mesure où ces provinces reçoivent des flux importants de nouveaux arrivants sans effort de recrutement, elles se retrouvent, bien plus que les autres provinces, à devoir répondre aux dynamiques créées par ces mouvements migratoires. Ainsi, dans les deux cas, l’intervention gouvernementale est dominée par une logique de réponse aux besoins créés par la présence d’une large population immigrante. L’objectif est à la fois d’assurer la

35 Les programmes généraux comptent aussi une composante de développement des capacités, mais celle-ci est beaucoup moins importante que dans les deux autres modes d’intervention.

cohésion sociale tout comme de maximiser les bénéfices liés à la présence de cette population, en favorisant à la fois la participation au marché et en évitant l’exclusion sociale. Contrairement aux quatre provinces précédentes, l’Ontario et la Colombie- Britannique sont toutes deux singularisées par des interventions en recrutement et en sélection qui ne sont qu’hautement ciblées et surtout, d’une intensité moindre. Dans le même mouvement, l’intervention en établissement et en intégration de ces deux provinces vise avant tout à répondre aux besoins généraux de la population immigrante sur leurs deux territoires.

Ce mode d’intervention se distingue par un rôle plus limité pour l’État provincial et par l’attribution d’une responsabilité plus large à la société civile et, dans certains cas, au marché. On dénote également une faible coordination entre les activités en matière de recrutement et de sélection ainsi qu’entre les activités d’établissement et d’intégration. Finalement, ce mode d’intervention se distingue par une certaine dualisation explicite entre les immigrants hautement qualifiés et les nouveaux arrivants en général.

De façon générale, il est possible de noter que l’Ontario et la Colombie- Britannique sont des provinces qui font les usages les moins intensifs des outils de sélection spécialisés, tels que le programmes de candidats de la province. En ce sens, l’intervention en immigration de ces provinces explique leur qualification de provinces réactives. D’abord, parce qu’elles sont les provinces attirant le plus d’immigrants sans pour autant y dépenser des efforts et ressources équivalents aux autres provinces. Ensuite, parce qu’une portion importante des nouveaux venus sont admis par une réunification familiale, ce qui implique un contrôle moindre des flux (Canada 2010). En ce sens, et cela est quelque peu confirmé par l’orientation que prend l’offre de services en intégration, on peut concevoir ces provinces comme intervenant en réaction aux besoins créés par des flux migratoires substantiels plutôt qu’intervenant pour attirer des immigrants.

Les deux provinces font un usage limité des programmes de candidats provinciaux, comparativement aux provinces dans les deux autres modes d’intervention. La Colombie-Britannique est la province qui des deux fait l’usage le plus intense de son programme de nomination; 11 % des nouveaux arrivants dans la

province en 2009 étaient des candidats. L’Ontario, ayant longtemps résisté à la création d’un programme de ce type, n’en fait qu’un usage minimal; 1,2 % des nouveaux venus s’installant dans la province étaient des candidats en 2009 (Canada 2009).

En plus de moins utiliser le PCP, ces provinces sont caractérisées par des discours forts sur le besoin de voir le programme comme un outil de dernier recours. En Ontario en particulier, on demande aux employeurs de démontrer avoir fait des efforts pour pourvoir un poste avant de délivrer une certification de nomination. Dans la même veine, l’Ontario et la Colombie-Britannique ont des programmes avec moins de catégories d’entrées et qui ne permettent pas la sélection d’immigrants aux compétences techniques, de nouveaux arrivants peu qualifiés ou de membres de la famille. L’Ontario compte quatre catégories d’entrée. Deux catégories – la catégorie générale et la catégorie des étudiants internationaux avec une offre d’emploi – ont comme condition de base pour l’étude des demandes individuelles de candidature de détenir une offre d’emploi d’un employeur de la province. La province compte également une catégorie d’investisseur et une catégorie pour les étudiants aux études supérieures qui permettent de recruter des nouveaux arrivants qui sont sur le point de terminer leur maîtrise ou leur doctorat dans une université ontarienne. La Colombie- Britannique, pour sa part, compte trois catégories générales de sélection requérant une offre d’emploi préalable : 1) les travailleurs qualifiés, 2) les étudiants et diplômés des cycles supérieurs et 3) les professionnels de la santé. La province compte également trois catégories pour l’investissement (Business Skills, Regional Business et Strategic Projects) qui impliquent le dépôt d’un plan d’affaires et la mise de l’avant de sommes allant de 200 000 $ à plus de 500 000 $ (excluant les exigences en matière de valeur nette patrimoniale). Finalement, à l’opposé de l’Ontario, la Colombie-Britannique compte un petit programme de sélection d’employés semi-qualifiés.

De façon générale, donc, le mode d’intervention réactif se distingue par une faible utilisation des mesures de recrutement. Les efforts quantitativement moins importants de l’Ontario et de la Colombie-Britannique sont balisés par un accent sur des candidats en mesure de contribuer hors de tout doute à l’économie provinciale et qui ne risquent pas de représenter un fardeau pour ces provinces. L’atteinte de ces objectifs est garantie, pour l’Ontario et la Colombie-Britannique, par une sélection

basée sur des occupations spécifiques et, pour la plupart, hautement qualifiées ainsi que par l’importance des offres d’emploi préalables.

Les deux provinces sont actives en recrutement, mais contrairement aux modes d’intervention présentés précédemment, celles-ci se cantonnent à des efforts hyperciblés. La Colombie-Britannique et l’Ontario effectuent des efforts de promotion, allant du développement de sites internet d’information à la participation à des foires internationales. Dans ces deux cas, ces efforts ne peuvent pas être conçus comme le facteur principal expliquant la taille des flux migratoires reçus et, en fonction de l’amplitude de ceux-ci, ces efforts doivent être considérés comme minimaux dans l’ensemble de l’intervention provinciale et par rapport aux caractéristiques de l’intervention des autres provinces36.

De façon générale, le mode d’intervention de l’Ontario et de la Colombie- Britannique se distingue par un accent particulier sur les services d’établissement de base, en particulier l’enseignement des langues ainsi que les services d’accueil et d’orientation. Ces provinces sont aussi actives en matière d’intégration économique. Toutefois, contrairement au mode d’intervention passerelle, l’activité de l’Ontario et de la Colombie-Britannique est qualifiable de dualiste. En effet, elles mettent toutes deux de l’avant des efforts en matière d’accès général au travail, mais surtout, pour les immigrants hautement qualifiés, ces provinces développent des interventions très spécialisées. Il est possible de voir que les actions de ces deux provinces en matière d’établissement et d’intégration s’effectuent donc avant tout dans l’optique de répondre aux problèmes – ou de prévenir des problèmes – compris comme étant créés par l’immigration.

Les budgets des ministères responsables de l’immigration ontarien et britanno- colombien démontrent que, en comparaison avec d’autres provinces, ces provinces mobilisent une plus grande portion de leurs ressources à l’intégration linguistique37. Ces services sont livrés dans le cadre de programmes d’enseignement des langues spécifiques tout comme par des programmes ombrelles d’accueil et d’installation qui

36 D’autres facteurs, tels que l’économie et les réseaux des immigrants expliquent aussi la distribution des nouveaux venus dans ces provinces.

37 En 2009, 48 % pour la Colombie-Britannique et 57 % pour l’Ontario. Calcul tiré des données publiées dans : (British Columbia 2010; Ontario 2010b).

peuvent comporter un volet d’intégration linguistique. Cela est le reflet, dans une certaine mesure, du retrait du gouvernement fédéral dans la prestation de ces services aux immigrants, mais cela indique aussi les déploiements d’efforts complémentaires par les provinces dans cette dimension de l’intégration. En ce sens, il convient de considérer que le domaine d’action privilégié de l’Ontario et de la Colombie- Britannique comme étant l’intégration linguistique, tout en soulignant que ces provinces sont actives sur l’ensemble des autres dimensions programmatiques liées à l’intégration.

En Ontario, la province finance deux programmes d’intégration linguistiques complémentaires aux programmes livrés par Citoyenneté et Immigration Canada dans la province, le Programme de formation linguistique pour adultes (Ontario 2009c) et le Programme pilote de formation linguistique spécialisée (Ontario 2010c). La province est également active en accueil et installation par un Programme d’aide à l’établissement des nouveaux arrivants qui finance des services généraux d’installation, d’orientation et d’interprétation. En termes d’intégration économique, le second poste de dépense budgétaire de la province, l’Ontario finance des programmes de pont vers l’emploi (bridging, y compris la prestation de salaires) et de facilitation de la reconnaissance de l’expérience de travail, Expérience Globale Ontario (Ontario 2009a). En termes d’intégration culturelle, en plus d’une politique de multiculturalisme (Garcea 2006), le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration de l’Ontario est aussi responsable d’un programme promotion de la citoyenneté active, qui s’applique surtout à la cohésion sociale. Finalement, le gouvernement de l’Ontario est actif en matière de développement des capacités par un programme de financement des petites villes, en matière de création de ressources de recrutement et de ressources d’accueil (Ontario 2010b).

En Colombie-Britannique, la grande majorité des programmes d’établissement sont financés dans le cadre du British Columbia Settlement and Adaptation Program (BCSAP), un programme divisé en quatre champs d’action. Le premier vise l’intégration linguistique et regroupe des programmes de soutien à l’apprentissage de la langue anglaise pour les adultes (ELSA) ainsi que des services linguistiques spécialisés pour les immigrants aux besoins plus criants et à ceux connaissant des barrières

particulièrement considérables (handicaps, violence, etc.) (British Columbia 2009b). De plus, le ministère finance aussi, hors du BCSAP, la dispense de formation linguistique dans des institutions publiques d’enseignement postsecondaire. En termes d’accueil et d’installation, en plus du financement d’organismes communautaires pour la livraison générale de services, le BCSAP compte des programmes pour l’information et l’orientation de nouveaux venus38, ainsi qu’un programme général de parrainage individuel et communautaire. Le BCSAP compte finalement un volet de développement des capacités qui supporte des programmes de financement de la formation et d’aide à la livraison des services. En termes d’intégration économique, la province est active – au-delà de l’information détaillée présentée sur son site internet pour les nouveaux venus – par le programme Skills Connect qui vise à assurer la reconnaissance des expériences et qualification des immigrants, tout comme par la dispense de formation linguistique dans les milieux de travail39. En terme d’intégration culturelle, en plus d’une loi officielle de multiculturalisme devant être mise en œuvre par tous les organismes publics, la province finance des projets multiculturels et de lutte aux discriminations spécifiques par le programme Embrace BC et le programme Welcoming and Inclusive Communities and Workplaces (British Columbia 2010).

Le mode d’intervention réactif se différencie des trois autres modes d’intervention identifiés dans cette analyse par des efforts moindres en matière de recrutement et de sélection des nouveaux arrivants. L’Ontario et la Colombie- Britannique sont surtout actives pour s’assurer de maximiser les bénéfices liés à la présence d’une large population immigrante et d’éviter les problèmes perçus comme pouvant en découler. Ce faisant, elles agissent beaucoup en matière d’établissement ainsi qu’en matière d’intégration linguistique. Ce mode d’intervention se distingue également par la présence d’une logique dualiste qui pousse la province à mettre de l’avant des services supplémentaires touchant spécifiquement les immigrants hautement qualifiés.

2.10. Le mode d’intervention Attraction-rétention : Île-du-Prince-