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Conclusion : quatre modes d’intervention, une similarité et un indice dans les

2. Quatre modes d’intervention provinciaux en immigration et en intégration

2.11. Conclusion : quatre modes d’intervention, une similarité et un indice dans les

La comparaison détaillée des politiques et programmes en immigration et en intégration mis de l’avant par les provinces entre 2008 et 2010 nous a permis de démontrer la présence d’une variation structurée. Dans un cadre institutionnel et politique au sein duquel les provinces détiennent une marge de manœuvre pour interpréter le « modèle canadien », la croissance des pouvoirs et des ressources transférés du gouvernement fédéral, ainsi que l’émergence d’intérêts autonomes des provinces a donné lieu à des modes d’interventions en immigration et en intégration divergents.

Plutôt que dix configurations de politiques différentes à l’échelle du Canada – ou encore deux configurations, soit une pour le Québec et une pour le « reste du Canada » - notre analyse inductive a mis de l’avant l’existence de quatre modes d’intervention en immigration et en intégration : 1) le mode d’intervention holiste (Québec et Manitoba), 2) le mode d’intervention passerelle (Alberta et Saskatchewan), 3) le mode d’intervention réactif (Ontario et Colombie-Britannique) et 4) le mode d’intervention attraction-rétention (provinces atlantiques). Ces quatre modes d’interventions diffèrent en ce qui a trait à l’orientation donnée à deux grandes catégories de politiques publiques – les politiques de recrutement et de sélection des immigrants et les politiques d’établissement et d’intégration – et à leur arrimage, quant aux rôles attribués à l’État, au marché et à la société civile ainsi que quant à la logique dominante qui guide l’action provinciale.

Nous avons démontré que le mode d’intervention holiste s’ancre dans une logique dominante au sein de laquelle l’immigration est un outil dans le cadre d’un

projet de société alors que le mode d’intervention passerelle base l’action provinciale dans une logique de réponse aux besoins du marché du travail. Le mode d’intervention réactif, de son côté, s’ancre dans une logique de réponse aux besoins créés par une population immigrante importante, afin de maximiser les bénéfices de sa présence. Finalement, dans les provinces atlantiques, le mode d’intervention attraction-rétention est animé par une logique au sein de laquelle l’immigration est une solution pour la survivance démographique et le corollaire développement économique de la société provinciale.

L’analyse comparative des politiques publiques et des institutions développées par les 10 gouvernements provinciaux entre 2008 et 2010 nous permet de mettre de côté certaines explications actuelles de l’intérêt des gouvernements provinciaux. Premièrement, les similarités surprenantes entre le Québec et le Manitoba, tout comme la mobilisation considérable des autres provinces, diminuent la force explicative du nationalisme comme moteur premier de l’intervention provinciale. Deuxièmement, la typologie appelle à remettre en question la force explicative des hypothèses fonctionnelles, et ce, pour trois raisons. Tout d’abord, la présence de paires de provinces qui partagent des modes d’interventions hautement similaires tout en recevant des flux migratoires différents (Québec et Manitoba ainsi qu’Alberta et Saskatchewan). Ensuite, la discordance entre l’intensité des modes d’intervention et la taille des flux migratoires reçus; un mode d’intervention holiste au Québec et au Manitoba alors que la Colombie-Britannique et l’Ontario présentent des modes d’intervention relativement minimaux. Finalement, la présence même de politiques coordonnées ou en cours de le devenir dans les provinces atlantiques, alors que l’immigration y est, comparativement à d’autres régions du pays, presque absentes. Finalement, notre typologie démontre, par des regroupements provinciaux qui ne correspondent pas à des groupes d’accords similaires, que dans le cas des politiques provinciales d’immigration et d’intégration, les accords intergouvernementaux ne déterminent pas le contenu de l’activité provinciale.

La démarche comparative a également permis de mettre de l’avant une similarité importante. En effet, malgré les différences, il émerge des quatre modes d’intervention une dynamique convergente : celle de concevoir l’immigration comme

une ressource pour la société et l’économie provinciale. Dans les dix provinces, les nouveaux arrivants semblent porteurs de compétences, de capital humain, de capital démographique ou encore de capital financier. Chaque des modes d’intervention en immigration et en intégration présente un plan d’action pour l’exploitation ou la maximisation de cette ressource au profit de la société et de l’économie provinciale. Cette similarité est un élément à considérer avec sérieux pour comprendre ce qui est à la source de la mobilisation provinciale en matière d’immigration et d’intégration.

De même, ces regroupements provinciaux mettent de l’avant un certain indice quant au processus de changement institutionnel graduel qu’est la fédéralisation. En effet, certains regroupements provinciaux semblent suivre une certaine logique temporelle. D’un côté, bien que contre-intuitif si l’on s’en tient aux dynamiques politiques telles que documentées actuellement, l’alignement du Québec et du Manitoba apparaît plus logique suivant leur identification, dans la littérature, de précurseurs en matière d’accords en immigration et de programmes. D’un autre côté, le regroupement des provinces atlantiques semble s’expliquer en partie par leur statut de derniers adoptants en matière d’accords et de programmes.47 Cet indice montre qu’il convient de porter une attention importante à la temporalité dans le cadre de l’analyse du processus de fédéralisation.

Ce chapitre a permis de démontrer l’existence de variation structurée entre les provinces en matière d’intervention en immigration et intégration. Bien que les différences entre les provinces canadiennes soient trop subtiles pour être traduites par les modèles comparatifs existants, notre analyse a démontré qu’il existe des variations à l’échelle sous-nationale au sein du modèle canadien. Nous soutenons que ces variations sont significatives et indicatives. Elles nous permettent de remettre en question les modèles explicatifs habituels : nationalisme, fonctionnalisme et accords intergouvernementaux. Elles signalent l’importance potentielle de la temporalité dans le processus de fédéralisation. De plus, elles permettront de structurer notre démarche d’analyse et de retraçage de processus, par l’utilisation de comparaisons imbriquées. D’un autre côté, la comparaison a permis de faire émerger une similarité cruciale dans

47 Bien entendu, à l’exception de l’Ontario qui met en place un programme - à reculons – seulement suivant la signature de son entente en immigration en 2005.

l’intervention des provinces en 2010 : la préhension de l’immigration comme une ressource pour la société et l’économie provinciale.