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Le mode d’intervention holiste : Québec et Manitoba

2. Quatre modes d’intervention provinciaux en immigration et en intégration

2.7. Le mode d’intervention holiste : Québec et Manitoba

Au Québec et au Manitoba, l’intervention gouvernementale en immigration et en intégration se distingue par sa direction globale. Dans ces deux provinces, la logique dominante d’intervention en est une de construction de la société provinciale par l’édification de la population, de la force de travail et d’une communauté sociale provinciale. Dans ce cadre, l’intervention du gouvernement en immigration est présentée comme participant à un projet de société.

Ce mode d’intervention est caractérisé par un rôle important attribué à l’État provincial dans l’administration et la mise en œuvre des activités et programmes en immigration et intégration. Le mode holiste est également différencié par des interventions considérables tant en sélection qu’en intégration ainsi que par une forte relation entre ces deux domaines d’activités.

En matière de sélection et de recrutement, le Québec et le Manitoba démontrent un engagement réel de contrôle et d’activisme. Dans les deux cas, bien qu’avec des instruments différents, ces deux provinces sélectionnent la majorité des nouveaux arrivants qui arrivent sur leur territoire. Le Québec sélectionne plus de 75 % des nouveaux arrivants qui s’installent dans la province (Québec 2011a, 9) alors que le Manitoba, à l’aide de son programme des candidats de la province , en sélectionne aussi 75 % (Canada 2010).

Les actions de ces deux provinces en matière de sélection sont à la fois orientées vers les volumes – objectifs annuels quant au nombre total de nouveaux arrivants – et aussi vers des besoins particuliers. Ces besoins sont à la fois liés à des demandes particulières du marché du travail provincial ainsi que plus largement, liés à une logique d’attraction et d’accumulation du capital humain. Au Québec, les nouveaux arrivants peuvent être sélectionnés suivant des catégories économiques générales : travailleurs permanents, programme des entrepreneurs et programme des investisseurs. Ils peuvent aussi l’être suivant la démonstration d’une relation ou d’une expérience de travail préalable dans la province : programme de l’expérience québécoise (diplômés ou travailleurs temporaires). Finalement, ils peuvent être sélectionnés par des critères sociaux ou humanitaires : catégories de nouveaux arrivants parrainés et, dans une moindre mesure, réfugiés. Fait à noter, la grille de

sélection québécoise – appliquée dans une grande majorité de ces programmes – tient compte de critères sociaux et d’éléments liés au capital humain.

Le Manitoba, de son côté, compte huit catégories d’entrée dans le cadre de son programme des candidats de la province : Employer direct stream, International student stream, Family support stream, General oriented stream, Strategic initiatives, Community Support Stream, Young Farmer Nominee Program et Provincial nominee program for Business. Comme au Québec, la sélection provinciale s’effectue suivant à la fois des critères économiques que des éléments liés au capital humain et à la capacité de s’intégrer. À titre d’exemple, afin d’être considéré dans le cadre des programmes de sélection générale et de celui du soutien familial, les candidats sont entre autres évalués en fonction de leur éducation, mais aussi par rapport à leur capacité à s’adapter à la vie dans la province ainsi qu’en fonction de liens sociaux et familiaux au Manitoba. Comme au Québec, ces modes de sélection côtoient également des canaux concentrés sur l’économie, que ce soit l’investissement ou une offre d’emploi préalable.

Fait considérable, dans les deux provinces, on donne une large importance aux connaissances linguistiques dans la sélection des nouveaux arrivants. La connaissance du français est centrale à la grille de sélection québécoise, et ce, depuis le début des efforts de sélection de la province. De façon notable, les compétences linguistiques – en anglais, en français ou encore les deux – comptent aussi pour beaucoup dans la sélection des candidats provinciaux manitobains29. En cela, le Manitoba se distingue des autres provinces alors que peu d’entre elles comptaient des critères linguistiques pour la sélection des candidats avant 201230.

On note également que les deux provinces sont hautement actives à l’étranger pour la promotion de leur région comme destination d’immigration. Cette promotion est liée à la logique qui anime la sélection provinciale. Au Québec, les efforts internationaux se concentrent sur des pays sources où les candidats allient compétences linguistiques (McAndrew 2009) et capital humain. Ces efforts sont aussi concentrés sur des pays et des régions identifiés comme étant prioritaires en raison de liens culturels

29 Pour la majorité des catégories de sélection, à ce moment, la province requiert des demandeurs un niveau 5 ou 6 au test standardisé international d’anglais.

30 De plus, l’inclusion de critères linguistiques dans les autres programmes de candidats fut le fait d’une directive fédérale et non le résultat d’une décision des gouvernements provinciaux.

préexistants ou de la présence de communautés diasporiques importante. La même logique est centrale au Manitoba où les liens historiques et la présence de communautés diasporique (p. ex. : mennonites et juifs) ont toujours animé les efforts de promotion de la province (Lewis 2010; Paquet 2012). Fait à noter, les deux provinces ont également agi en matière de relations internationales afin de formaliser ces efforts par la signature d’accord de collaboration, avec la France pour le Québec et ainsi qu’avec l’Islande (communauté diasporique) et le Vietnam pour le Manitoba (Manitoba 2009b; Manitoba. Labour and Immigration 2008).

En ce qui touche à l’établissement et à l’intégration, on note des similarités importantes entre le Québec et le Manitoba. Bien entendu, les deux provinces sont responsables du programme d’établissement à la place du gouvernement fédéral en vertu de leurs accords en immigration. Toutefois, le transfert de ces responsabilités vers les provinces ne s’accompagne que de conditions minimales – la prestation de services équivalents – ce qui rend la convergence entre les deux provinces d’autant plus intéressante. Dans la mise en œuvre de leurs politiques et programmes en établissement et intégration, le Québec et le Manitoba favorisent une approche de type continuum, qui vise à accompagner les nouveaux arrivants de la sélection jusqu’à l’atteinte de l’intégration sociale et économique. Elles privilégient une intervention par de larges programmes finançant des organismes de prestation de services et une certaine prestation publique des services destinés aux immigrants. On note des interventions dans l’ensemble des dimensions de l’intégration et un effort explicite pour la création de liens entre celles-ci.

L’activité québécoise en matière d’établissement et d’intégration est holiste. La province est active en matière d’accueil et d’intégration par un Programme d’accueil et d’accompagnement des nouveaux arrivants (PANA) ainsi que d’un Programme spécifique pour les réfugiés (PAIR). Le PANA est axé sur 4 volets : « 1) Accueil, établissement et accompagnement des nouveaux arrivants; 2) Accueil et installation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières pris en charge par l’État ou faisant l’objet d’un parrainage collectif; 3) Services offerts aux demandeurs d’asile » (Québec 2011b, 2) et 4) les services d’accompagnement pour

l’adaptation au marché du travail. Ces deux programmes sont livrés par des organismes de prestation de services ainsi que par la province.

Le Québec met aussi de l’avant deux programmes-cadres pour l’intégration linguistique des immigrants : le Programme d’intégration linguistique pour les immigrants (PILI) et le Programme d’aide financière pour l’intégration linguistique des immigrants (PAFILI), ainsi que les programmes d’enseignement des langues dispensés par le ministère de l’Éducation et des Loisirs (Benzakour, 2011).

Plusieurs programmes sont mis de l’avant pour faciliter l’intégration économique, dont les programmes pour faciliter la reconnaissance des acquis, les formations d’appoints pour l’accession aux professions régies par des ordres professionnels, les programmes d’intégration à l’emploi pour les immigrants et minorités visibles31.

En matière d’intégration culturelle, en plus de discours et de réflexion sur l’interculturalisme, la province est active par un programme de diversification et un programme de soutien à l’intégration culturelle au collégial (Germain et Trinh, 2011: 17-22), qui vient complémenter les efforts faits au niveau des institutions culturelles de la province en général. Finalement, le Québec est actif en matière de développement des capacités par le Programme de reconnaissance et de soutien des organismes communautaires autonomes (PRSOCA) (Québec 2010).

Le Manitoba témoigne aussi d’une approche holiste à l’établissement et à l’intégration. Bien que l’intégration économique soit importante pour la province, la province porte une attention considérable à l’intégration linguistique, sociale et économique. L’activité dans ces domaines est concentrée dans le cadre du Manitoba Immigrant Integration Program (MIIP), un programme orienté par la stratégie générale d’intégration de la province mise de l’avant en 2007 (Manitoba 2007a). Le programme finance des organismes pour la prestation de services dans trois grands sous-domaines : 1) l’accueil, l’établissement et l’orientation, 2) l’enseignement des langues et 3) le développement des capacités. Dans ce cadre, la province compte un programme d’orientation et d’enseignement des langues appelé le programme « ENTRY » qui sert

31 Fait à noter, plusieurs de ces programmes sont livrés par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale et du ministère de l’Éducation.

d’instrument pour l’organisation des trajectoires d’intégration des nouveaux arrivants (Altered Minds Inc 2012; Canada. Citoyenneté et Immigration 2012).

La province compte également plusieurs programmes d’intégration économiques qui supplémentent les activités livrées dans le cadre du MIIP. Par exemple, plusieurs programmes de stage en emploi, le remboursement de dépenses pour la reconnaissance des diplômes et l’évaluation des formations étrangères (Manitoba 2012). S’ajoutent à cela plusieurs efforts législatifs et administratifs pour faciliter l’insertion en emploi des travailleurs qualifiés. Dans le cadre du MIIP, le Manitoba favorise le développement des capacités des organismes de prestation de services. Finalement, la province compte une politique de multiculturalisme ainsi qu’un programme de lutte contre le racisme.

Malgré des différences, le Québec et le Manitoba partagent plusieurs similitudes par rapport à leur mode d’intervention : des activités intensives et globales en matière de recrutement et de sélection qui reposent sur des critères sociaux, économiques et linguistiques ainsi qu’une activité holistique en matière d’établissement et d’intégration dont les objectifs sont l’inclusion dans la société provinciale. Le caractère distinctif du mode d’intervention holiste deviendra plus apparent une fois qu’il sera contrasté avec les trois autres modes d’intervention provinciaux identifiés.