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Introduction du chapitre 3

1. Le cadre épistémologique

Cette première partie porte sur le cadre épistémologique. Premièrement, nous présentons le courant constructiviste. Deuxièmement, nous nous intéressons au constructionnisme social. Troisièmement, nous expliquons les critères de validité scientifique.

1.1. Le courant constructiviste

L’épistémologie est l’étude de la constitution des connaissances valables (Piaget 1967). Il s’agit à la fois d’étudier le processus permettant d’accéder à la connaissance et les conditions permettant d’admettre la validité de celle-ci. Le terme épistémologie, apparu au XXe siècle, se compose du grec epistêmê, qui signifie « science de la connaissance », et logos, qui signifie « discours, traité » (CNRTL 2012b). L’épistémologie conduit le chercheur à s’interroger sur : ce que sont, pour lui, la connaissance, les hypothèses fondatrices sur lesquelles sa conception de la connaissance repose, et la manière de justifier la validité des connaissances qu’il élabore (Avenier, Gavard-Perret 2012). Cette posture réflexive s’avère indispensable pour ne pas réduire la recherche en sciences de gestion à la production de techniques aveugles ou à la constatation a posteriori de ce qui semble marcher (Martinet, Pesqueux 2013, p. 1). En outre,

cette démarche est d’autant plus importante qu’il n’existe pas de conception éternelle et universelle de la science ou de la méthode scientifique (Chalmers 1987, p. 219) : la science est une représentation élaborée par la raison qui peut être vue comme une construction sociale, contingente et provisoire (Grison 2011, pp. 97-98).

Un paradigme représente l’ensemble des croyances, des valeurs reconnues et des techniques partagées par une communauté donnée (Kuhn 2018, pp. 284-285). Le terme paradigme, apparu au XVIe siècle, provient du latin paradigma, qui vient lui-même du grec paradeigma, qui signifie « exemple, modèle » (CNRTL 2012f). Le paradigme épistémologique dans lequel le chercheur s’inscrit conditionne l’ensemble de sa recherche (Avenier, Gavard-Perret 2012) et délimite son « périmètre » de validité (Giordano 2003). Les différents paradigmes épistémologiques se démarquent par leur positionnement ontologique, épistémique, méthodologique et axiologique (Allard-Poesi, Perret 2014). Premièrement, la dimension ontologique fait référence à notre conception du réel. Deuxièmement, la dimension épistémique nous renvoie à notre conception de la connaissance. Troisièmement, la dimension méthodologique s’intéresse à nos conceptions de la valeur et de la validité des connaissances produites. Quatrièmement, la dimension axiologique porte sur notre conception de l’autonomie de la science à l’égard de la société.

La gestion désigne une action, le fait de gérer, d’engager des moyens au sein d’un groupe organisé, aux fins de réaliser les buts que se proposent d’atteindre ceux qui les ont acquis (Savall, Zardet 2004, p. 29). Le terme gérer, apparu au XVe siècle, provient du latin gestio, dérivé de gerere qui signifie « porter, administrer, faire, exécuter » (CNRTL 2012c). La gestion englobe un ensemble non précisément défini de techniques qui ont pour but de permettre ou d’améliorer la gestion des entreprises (Lecuyer, Bouilloud 1994).

Dans cette recherche, nous nous situons dans le courant constructiviste (Boyer, Scouarnec 2009, p. 121). Ce type de démarche a pour objectif la construction de la réalité par la confrontation entre l’objet de recherche et le chercheur (Evrard, Pras, Roux 1997, p. 61). Comme la réalité est dépendante de l’observateur, qu’il soit sujet ou chercheur, il est illusoire de vouloir la connaître de l’extérieur (Nizet, Pichault 2015, p. 88). En revanche, il est possible de contribuer, avec les acteurs, à construire ce sens. De telles interprétations n’ont pas de portée générale, mais sont chaque fois situées dans le temps et l’espace. La connaissance est davantage de l’ordre de la perception que de la vérité.

Le constructivisme reconnait que la construction est un processus actif : des individus agissant ensemble dans des groupes de différentes tailles et de concert avec l’histoire, la culture et d’autres facteurs généraux, construisent ensemble le monde auquel ils participent (Young, Collin 2004). Il offre l’opportunité d’établir des liens entre les réalités organisationnelles et des systèmes sociaux plus vastes (Mir, Watson 2000). En outre, la méthodologie constructiviste peut être utilisée pour examiner les théories passées et empêcher que leurs résultats ne soient surgénéralisés et universalisés.

L’épistémologie constructiviste repose sur plusieurs hypothèses fondatrices (Le Moigne 2012, p. 67-79). Premièrement, l’hypothèse phénoménologique postule une « interaction cognitive » entre l’objet ou le phénomène à connaître et le sujet connaissant. Autrement dit, la connaissance implique un sujet connaissant et n’a pas de sens ou de valeur en dehors de lui. Dès lors, la connaissance est inséparable de l’intelligence qui la produit et elle apparaît autant comme le processus qui la forme que comme le résultat de ce processus de formation. Deuxièmement, l’hypothèse téléologique implique la prise en compte de l’« intentionnalité » ou des finalités du sujet connaissant. Enfin, le rejet de l’hypothèse ontologique constitue l’un des fondements du constructivisme (Charreire Petit, Huault 2002). Dans cette perspective, la réalité n’est pas connaissable ni indépendante de l’observateur-chercheur.

1.2. Le constructionnisme social

Pour le paradigme du constructionnisme social, dans lequel nous nous positionnons, le monde du travail est continuellement influencé par des forces sociales, culturelles et historiques (Neimeyer, Gemignani 2006). La carrière est considérée comme un processus dynamique, continu et nécessairement relationnel (Neimeyer, Gemignani 2006). Le monde réel n’est accessible qu’au travers de nos interprétations (Gasper 1999). Le sens qu’un individu donne à la réalité est co-construit dans un contexte social, historique et culturel à travers des actions et des discours qui nous lient les uns aux autres (Young, Collin 2004). Ainsi, le constructionnisme social examine les carrières dans une perspective contextuelle et concentre son attention sur la construction personnelle (Savickas 2013).

Le constructionnisme social vise principalement à élucider les processus par lesquels les personnes décrivent, expliquent ou rendent compte du monde dans lequel elles vivent (Gergen 1985). Les défenseurs du constructionnisme social considèrent que les approches actuelles

semblent insuffisantes pour décrire et comprendre la construction des parcours professionnels sur un marché du travail tendu et changeant (Savickas, et al. 2010). De plus, la profusion d’informations sur les trajectoires professionnelles semble de plus en plus discutable et douteuse. Il est donc nécessaire de développer des modèles théoriques prenant en compte des informations contextuelles et mettant l’accent sur la flexibilité humaine, l’adaptabilité et la formation tout au long de la vie.

1.3. Les critères de validité scientifique

De façon générale, il existe quatre critères qui permettent d’évaluer la validité d’une recherche : la validité du construit, la validité interne, la validité externe et la fiabilité (Yin 2014, pp. 45-49).

La validité du construit représente la correspondance entre un construit, c’est-à-dire la définition conceptuelle d’une variable, et la procédure opérationnelle pour mesurer ou manipulation cette construction (Schwab 1980). Elle renvoie à la correspondance entre les résultats obtenus à partir d'un instrument de mesure et la signification attribuée à ces résultats. La mesure de la validité du construit est particulièrement importante dans la mesure où les concepts qui nous intéressent peuvent être complexes et non directement observables (Godfrey, Hill 1995). Elle consiste à démontrer que les variables utilisées pour opérationnaliser les concepts étudiés sont les bonnes et d’évaluer dans quelle mesure la méthodologie de recherche permet de répondre aux questions posées (Drucker-Godard, Ehlinger, Grenier 2014).

La validité interne est la caractéristique d’une structure de preuve qui fait que les conclusions sur la relation de cause à effet, reliant le facteur déclenchant au changement d’état de la cible, sont solides et qui assurent que les changements ne sont pas causés par la modification d’autres variables (Gauthier 2009). Campbell et Stanley (1966) identifient plusieurs biais pouvant limiter la validité interne qui sont relatifs au contexte de la recherche, au recueil des données ou à l’échantillon (Drucker-Godard, Ehlinger, Grenier 2014). Premièrement, l’effet d’histoire porte sur les évènements extérieurs à l’étude et survenus pendant la période d’étude n’ont pas faussé les résultats. Deuxièmement, l’effet de maturation s’interroge sur les évolutions possibles des objets d’analyse pendant le cours de l’étude. Troisièmement, l’effet de test intervient lorsque les individus subissent plusieurs fois le même test à intervalles

rapprochés lors d’une étude longitudinale. Quatrièmement, l’effet d’instrumentation est lié à des questions mal formulées lors de la collective de données. Cinquièmement, l’effet de régression statistique consiste à sélectionner des individus sur la base de scores extrêmes. Sixièmement, l’effet de sélection questionne la pertinence du choix de l’échantillon. Septièmement, l’effet de mortalité expérimentale provient de la disparition des sujets pendant l’étude. Huitièmement, l’effet de contamination peut apparaître lorsque l’individu interrogé apprend par d’autres individus l’objet de l’étude, faussant ainsi les résultats.

Il existe plusieurs façons pour généraliser les résultats d’une démarche qualitative qui reposent davantage sur un fondement empirique plutôt que sur la base d’une analyse ou d’un transfert (Maxwell, Chmiel 2014). L’efficacité de ce type de stratégie dépend de la théorie et du contexte spécifique impliqués ainsi que des cas particuliers ou des populations auxquels est destinée la généralisation théorique. Lorsqu’une recherche qualitative aboutit à la production de chiffres sous forme de proportion ou moyenne, la taille de l’échantillon doit être d’au moins trente personnes interrogées pour envisager une généralisation des résultats (Drucker-Godard, Ehlinger, Grenier 2014). Une autre méthode vise à obtenir une généralisation théorique et littérale par une processus de réplication de cas (Yin 2014, p. 40). Il s’agit de tester les résultats obtenus dans une situation nouvelle, autre que celle étudiée. Dans une conception constructiviste, la validité externe se définit plutôt en termes de « généricisation » : les savoirs élaborés prennent alors la forme de méta-modèle et/ou de propositions génériques (Avenier, Schmitt 2007). Ces savoirs, une fois recontextualisés en fonction de la situation spécifique dans laquelle ils sont mobilisés, visent à fournir des repères destinés à éclairer le manager, susciter sa réflexion et des questionnements, ainsi qu’à stimuler son intelligence et son action créative.

Dans le courant constructiviste, le principe de fiabilité consiste essentiellement à offrir au lecteur les moyens de suivre l’ensemble du cheminement cognitif qui conduit du matériau empirique de la recherche jusqu’aux résultats annoncés (Avenier, Gavard-Perret 2012). Il est donc nécessaire de rendre accessible au lecteur l’ensemble des données et d’expliciter de manière détaillée l’ensemble des opérations effectuées pour la constitution et pour le traitement de ces données avec une attention particulière portée à décrire la manière dont le code et les inférences ont été effectuées en relation avec le matériau empirique.