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Introduction du chapitre 1

2. L’égalité des chances dans une société méritocratique

2.3. Le développement de l’employabilité

Face aux difficultés du marché du travail, les politiques d’emploi encouragent le développement de l’employabilité (OIT 2004) avec l’idée sous-jacente d’une flexicurité (Duclos, Kerbouc’h 2006) spécifique à notre contexte national (Gazier 2008). L’employabilité se définit comme une forme d’adaptabilité professionnelle proactive qui facilite l’identification et la réalisation des opportunités professionnelles (Fugate, Kinicki, Ashforth 2004). Elle s’inscrit dans une perspective préventive et prospective (Finot 2012, p. 32) qui encourage la mobilité de la main d’œuvre et favorise le retour sur le marché du travail des personnes sans emploi (Bastiani Guthleber 2010, p. 50).

Traditionnellement, les risques liés à l’absence ou à la perte de qualifications sont gérés par l’entreprise mais, de plus en plus, les salariés sont poussés à prendre en main leur employabilité (Monneuse 2014, p. 17). Cependant, même pour une personne consciente et autonome, développer son employabilité requiert un investissement en temps et des ressources financières (Kluytmans, Ott 1999). Ainsi, pour que ce nouveau modèle d’emploi conduise à un scénario gagnant-gagnant (Ellig 1998), l’entreprise doit fournir à ses salariés les outils nécessaires pour mettre à jour leurs compétences afin de pouvoir se projeter dans leur avenir professionnel et s’engager activement dans la gestion de leur propre carrière (Zgoulli, Swalhi, Tahri 2016). L’entreprise joue donc un rôle d’accompagnement et de conseil tandis que le salarié porte la responsabilité de son devenir professionnel (Rouault, Drugmand, Mattio 2013, p. 47).

Van Der Heijde et Van Der Heijden (2005) définissent l’employabilité comme l’exercice, l’acquisition ou la création continus de compétences optimales par le biais du travail. Elles suggèrent une approche basée sur les compétences individuelles qu’elles proposent de mesurer au travers de cinq dimensions : l’expertise professionnelle, l’anticipation et l’optimisation face à l’avenir, la flexibilité personnelle vis-à-vis du marché du travail, la participation et la performance au sein de l’entreprise, l’équilibre entre les intérêts opposés des employés et de leurs employeurs. Hofaidhllaoui et Roger (2014) confirment ces cinq dimensions de l’employabilité et montrent qu’elles sont affectées par différents facteurs. Développer une expertise professionnelle supposera par exemple de favoriser l’autonomie, les réseaux sociaux internes et l’approche proactive, alors que pour favoriser la flexibilité personnelle, il sera préférable de favoriser l’ouverture à travers les réseaux sociaux inter-organisationnels et la mobilité fonctionnelle ou géographique. L’employabilité des moins de 35 ans se traduit plus par l’anticipation, le souci de maintenir leur valeur sur le marché du travail, alors que pour les plus âgés elle se traduit plus en termes d’expertise professionnelle. L’employabilité se rapporte aux compétences et aux qualifications transférables qui renforcent la capacité d’un individu à tirer parti des possibilités d’éducation et de formation qui se présentent pour trouver un travail décent et le garder, progresser dans l’entreprise ou en changeant d’emploi, ainsi que s’adapter aux évolutions de la technologie et des conditions du marché du travail (OIT 2004). Le maintien et le développement de l’employabilité supposent une mise à jour régulière des compétences des salariés, entendues comme l’ensemble des savoirs et savoir-faire techniques et comportementaux recherchés par les entreprises (Dany

1996). Dans ces conditions, la FPC et la mobilité apparaissent comme les principaux leviers d’une démarche d’employabilité (Baruel Bencherqui, Le Flanchec, Mullenbach-Servayre 2011). De plus, la mise en place d’une politique en matière d’employabilité doit donc tenir compte à la fois des besoins du marché et du projet professionnel du salarié (Loufrani-Fedida, Saint-Germes 2013).

Les « compétences transversales » et les « compétences transférables » sont deux notions souvent confondues (Lainé 2011, pp. 1-3). D’un côté, les compétences transversales sont génériques, elles sont directement liées à des savoirs de base ou des compétences comportementales cognitives ou organisationnelles. Il s’agit par exemple de la maîtrise de la langue, de l’écriture et des opérations arithmétiques, des connaissances en bureautique, de l’aptitude à gérer la relation client, de la capacité à travailler en équipe, de la capacité à coordonner une équipe ou un projet, de l’adaptabilité à l’environnement de travail. De l’autre, les compétences transférables sont attachées à des situations professionnelles mais peuvent être mises en œuvre dans d’autres secteurs d’activité ou métiers. Il s’agit de compétences techniques acquises dans un métier comme l’aptitude à s’occuper d’enfants ou les compétences en bricolage.

La formation professionnelle est une formation permettant à un individu d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice d’un métier ou d’une activité professionnelle (Delort 2014, p. 8). La FPC est la formation professionnelle qui s’adresse aux adultes et aux jeunes qui ont achevé leur formation initiale et sont déjà engagés dans la vie active ou s’y engagent (Article L6111-1 du Code du travail). Les dispositifs de financement de la FPC sont nombreux et dépendent de la situation des candidats (Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation 2015). Le Tableau 12 présente les dates clés de la FPC. Dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle (Loi no 2018-771), de nouvelles évolutions sont en cours pour permettre une émancipation sociale par le travail et la formation afin que chacun puisse choisir et non subir sa vie professionnelle (Pénicaud 2018).

Tableau 12 : Dates clés de la FPC

1970 Accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970 sur la formation et le perfectionnement

professionnel

1971 Loi n

o 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation de la formation professionnelle

1975

Décret no 75-205 du 26 mars 1975 pris pour l'application de l'article 43 de la loi no 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de

l’éducation permanente aux agents civils non titulaires de l’État et des établissements publics de l’État n'ayant pas le caractère industriel et commercial

1975 Loi n

o 75-1332 du 31 décembre 1975 relative au contrôle du financement des actions de formation professionnelle continue

1978

Loi no 78-784 du 17 juillet 1978 modifiant certaines dispositions du livre IX du Code du travail relatives à la promotion individuelle, au congé de formation et à la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle

1982 Ordonnance n

o 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de seize à dix-huit ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale

1983 Loi n

o 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les

départements, les régions et l’État

1983 Annexe du 26 octobre 1983 à l’Accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970 relative à l’insertion professionnelle des jeunes

1984 Loi n

o 84-130 du 24 février 1984 portant réforme de la formation professionnelle continue et modification corrélative du Code du travail

1985 Déclaration paritaire du 27 septembre 1985 relative au premier bilan de la mise en œuvre de l’annexe

du 26 octobre 1983 sur l’insertion des jeunes

1988 Loi no 88-1 du 4 janvier 1988 portant diverses mesures relatives à la formation professionnelle

1988

Loi no 88-811 du 12 juillet 1988 modifiant certaines dispositions du code du travail relatives à la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle et prorogeant les exonérations de cotisations de sécurité sociale liées aux contrats de qualification

1990 Loi n

o 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit-formation, à la qualité et au contrôle de la formation professionnelle continue et modifiant le livre IX du Code du travail

1991 Accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991 relatif à la formation et au perfectionnement

professionnels

1991 Loi no 91-1405 du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l’emploi

2002 Loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale

2002 Loi no 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité

2003 Accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l’accès des salariés à la formation

tout au long de la vie professionnelle

2004 Loi n

o 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social

2004 Loi no 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

2005 Loi no 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale

2009 Accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 relatif à la réforme de la formation

professionnelle

2009 Accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 sur le développement de la formation tout au

long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels

2009 Loi n

o 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout

au long de la vie

2013 Loi no 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi

2013 Accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 relatif à la formation professionnelle

2014 Loi n

o 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie

2014 Décret n

o 2014-1120 du 2 octobre 2014 relatif aux modalités d'alimentation et de mobilisation du compte personnel de formation

2014 Décret n

o 2014-1156 du 9 octobre 2014 relatif à l'acquisition et à l'utilisation des points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité

2016 Loi n

o 2016-1088 du 8 août 2016, loi Travail, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

2016 Décret no 2016-1367 du 12 octobre 2016 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité

2016

Décret no 2016-1999 du 30 décembre 2016 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d’activité

pour les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et des professions non salariées, leurs conjoints collaborateurs et les artistes auteurs

2018 Accord national interprofessionnel du 22 février 2018 pour l’accompagnement des évolutions professionnelles, l’investissement dans les compétences et le développement de l’alternance

2018 Loi no 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Sources : Accord national interprofessionnel 2009 ; 2013 ; 2018 ; Décret no 2014-1120 ; Décret no 2014-1156 ; Décret no 2016-1367 ; Décreto 2016-1999 ; Direction de l’information légale et administrative 2009 ; Loi

no 2013-504 ; Loi no 2014-288 ; Loi no 2016-1088 ; Loi no 2018-771

La FPC vise plusieurs objectifs différenciés en fonction des acteurs : l’État, les organisations, les individus, les spécialistes (Pennaforte 2015). Pour l’État, la FPC a une portée sociale avec des objectifs de facilitation de l’accès à l’emploi pour tous et pour des populations spécifiques, telles que les jeunes et les seniors, en créant des dispositifs particuliers. Les organisations cherchent à se conformer à la législation ainsi qu’à obtenir un retour sur investissement et une performance accrue. Pour les individus, elle permet de développer son parcours professionnel pour atteindre des objectifs d’évolution professionnelle, de mobilité et d’augmentation salariale. Les spécialistes peuvent apporter leurs expertises sur les questions de financement de la FPC, sur le développement de politiques de formation ou faire de la formation. Dans la pratique, les entreprises consacrent 70 % à 80 % de leurs dépenses en formation à l’adaptation à l’emploi (Masingue 2017). Le Tableau 13 présente les différents enjeux de la FPC.

Tableau 13 : Enjeux de la FPC

Pour les individus Pour les entreprises Pour le pays

▪ Adaptabilité des compétences aux

métiers de demain

▪ Employabilité

▪ Mobilité interne et externe

▪ Compétitivité et performance ▪ Agilité et pérennité ▪ Capacité d’innovation et de transformation ▪ Croissance ▪ Plein emploi

▪ Compétitivité et attractivité des

territoires

▪ Cohésion sociale

Dans les discours d’experts, la FPC apparaît de plus en plus comme la nouvelle manière d’harmoniser le maintien et le renouveau des protections sociales avec les exigences de la concurrence économique (Martuccelli 2006, p. 52). Pourtant, contrairement aux objectifs affichés par ses promoteurs, la FPC ne semble pas contribuer à réduire les inégalités d’accès aux savoirs professionnels ou culturels (Dubar, Nasser 2015, p. 70). Au contraire, on constate que la formation profite surtout aux personnes les plus qualifiées qui en ont a priori le moins besoin (Monneuse 2014, p. 42).

La mobilité désigne un fonctionnement réglé du marché du travail, impliquant une stabilisation de la main d’œuvre dans le cadre d’une relation d’emploi durable et ouvrant sur des parcours de formation et de promotion (Commissariat général du plan 2003, p. 40). Elle présente de multiples enjeux qui sont liés à la fois au développement humain, à la performance économique et financière, à la problématique démographique, à la politique et à la paix sociale (Abraham, et al. 2016). Les pratiques de mobilité permettent de fidéliser et de motiver les salariés (Gazier 2005, p. 175). Néanmoins, le principe même de la mobilité vient remettre en cause la perception du travail en entreprise, traditionnellement vu comme un long fleuve qui coule paisiblement vers la mer de la tranquillité que l’on appelle la retraite (Thévenet 2012, p. 129). De plus, une mobilité imposée ou perçue comme involontaire de la part du salarié, notamment dans le cas de restructuration ou de déménagement, peut engendrer une perte de confiance et augmenter son intention de quitter l’entreprise (Eby, Dematteo 2000). Le Tableau 14 présente les différentes formes de mobilité.

Tableau 14 : Formes de mobilité

Mobilité verticale Mobilité horizontale d’environnement Mobilité Mobilité externe

Évolution hiérarchique des individus dans les

organisations

Passages d’une fonction ou d’un métier à un autre,

sans changement de niveau hiérarchique

Changement de lieu

d’exercice de l’activité Changement d’entreprise

Sources : Cadin, et al. 2012, pp. 455-456 ; Marchand 2010

Néanmoins, en France, il y a un effet « prison dorée » qui pousse les personnes à rester à leur poste, y compris lorsqu’elles n’en sont pas satisfaites (Monneuse 2014, pp. 45-46). Assurément, les avantages sociaux, liés à l’ancienneté notamment, n’incitent pas à la mobilité externe. Il y a donc une injonction paradoxale dans le discours managérial appellant à la mobilité tout en s’opposant à un système social qui tend à sanctionner celle-ci, à part à des

niveaux de qualification et de responsabilités importants. Par ailleurs, cet immobilisme n’est pas associé à une absence d’ambition professionnelle mais, au contraire, il peut témoigner d’une énergie quotidienne et omniprésente mise au profit de la réalisation d’un projet professionnel (Pihel 2017).

La gestion des carrières se fonde sur le développement de l’employabilité pris en charge par la personne elle-même et sur la conception de nouvelles filières d’emplois et de mobilité (Saint-Onge, et al. 2004, p. 286). Elle suppose un équilibre difficile à trouver entre une coopération favorisant le climat social, mais aussi une certaine compétition, source de dynamisme, entre la prise en compte des souhaits individuels, mais aussi des contraintes organisationnelles (Roger, Ientile-Yalenios 2012). Par ailleurs, un système de gestion des carrières fournit une interface entre des performances actuelles et un développement futur : les salariés et les managers prennent en considération les facteurs liés à l’amélioration et au maintien de leur performance dans leur emploi actuel, aux poursuites possibles, aux relations entre les fonctions actuelles et les options futures, tout en cherchant à faire correspondre au mieux leurs compétences avec les exigences de l’entreprise (Leibowitz, Farren, Kaye 1986, p. 6).