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Introduction du chapitre 2

3. L es pratiques en matière d’orientation

3.1. L’orientation scolaire et professionnelle

Le terme « orientation » renvoie à des réalités multiples (Vergne 2005, p. 59). D’un côté, l’orientation scolaire est l’ensemble des processus psychologiques, psychosociaux et sociaux qui font que les jeunes scolarisés sont affectés à certaines filières de formation plutôt qu’à d’autres (Huteau 2007). De l’autre, l’orientation professionnelle désigne l’ensemble des processus et facteurs sociaux et individuels conduisant à la répartition des individus dans les différents métiers, professions ou emplois et jouant un rôle dans l’évolution de la carrière ou des trajectoires d’emploi de ces individus (Guichard 2007c). Le mot « orientation », apparu au

XIXe siècle, peut désigner l’action de déterminer une position par rapport aux points cardinaux ou à une direction donnée, une situation par rapport aux points cardinaux ou l’action d'orienter, c’est-à-dire de donner à quelque chose une direction déterminée (CNRTL 2012e). L’objectif de l’orientation est de permettre à chacun d’effectuer un choix professionnel éclairé et responsable qui s’inscrit dans la construction d’un projet de vie global (Danvers 1988, p. 166).

Le regard historique porté sur le développement des services d’orientation met l’accent sur la cohérence entre développement des services d’orientation, politiques éducatives et transformations du marché du travail (Borras, Romani 2010). À chacune de ces phases correspondent une problématique liée à l’état du marché du travail, un type de réponses spécifique apporté par les politiques de formation et d’emploi ainsi qu’une structuration des services d’orientation venant en outiller la mise en œuvre. Le Tableau 30 présente les dates clés du développement d’un système d’orientation.

Tableau 30 : Dates clés du développement d’un système d’orientation

1960 Naissance de services publics spécialisés d’orientation en formation

1980 Généralisation des services publics d’orientation et dilution au sein des intervenants de l’emploi

1990 Amorce d’une privatisation en lien avec l’orientation des salariés

2000 Européanisation du cadre national de l’orientation

Source : Borras, Romani 2010

Au-delà des seules évolutions économiques, de nombreux facteurs expliquent l’importance capitale que revêt aujourd’hui l’action publique en matière d’orientation (Guegot, Joly 2009, pp. 6-8). Premièrement, ces facteurs résultent de politiques publiques nationales ou européennes qui ont contribué à renforcer le caractère stratégique des politiques d’orientation. Deuxièmement, les évolutions du marché du travail font de l’orientation un élément clef dans l’aide à l’identification et à la construction des parcours professionnels à tous les âges. Troisièmement, des tendances profondes à l’œuvre au sein des sociétés des pays les plus riches expliquent également l’importance croissante de l’orientation. On constate ainsi un besoin accru d’individualisation des prestations dans le champ des politiques sociales pour prendre en compte la diversité des situations d’exclusion, une exigence des citoyens ou usagers de pouvoir se former pour assurer leur employabilité, une demande croissante des parents concernant l’information sur les filières de formation et sur l’orientation de leurs enfants ainsi qu’un nombre important de personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle pour lesquelles l’efficacité de l’orientation est un préalable décisif vers l’emploi. Face au besoin d’informations et de conseils qui peuvent survenir à différents moments de la vie, il est désormais nécessaire que l’orientation devienne un service accessible à tous en permanence (Commission des communautés européennes 2000, p. 19).

Dans le contexte actuel de post-massification de l’enseignement, les inégalités sociales de parcours scolaire et d’insertion professionnelle persistent (Landrier, Nakhili 2010). L’orientation a des effets importants tout au long de l’enseignement secondaire ainsi qu’à l’entrée puis dans l’enseignement supérieur et chaque palier d’orientation produit des inégalités qui se cumulent. Ces dernières découlent de mécanismes complexes qui concernent aussi bien les aspirations des élèves et leurs choix d’études que leur traitement par le système scolaire. En effet, les travaux qui se sont attachés à analyser le fonctionnement de l’orientation scolaire soulignent, de façon récurrente, un certain nombre de limites : si l’orientation se fonde, en partie, sur des critères scolaires, elle n’a de méritocratique que

l’apparence puisqu’elle entérine des différences d’orientation marquées par les inégalités sociales entre individus et entre établissements scolaires. Au final, de mauvaises orientations sont souvent associées à l’échec ou à l’abandon.

Les choix professionnels effectués par les personnes sont d’abord liés à leur histoire personnelle, avant de subir l’influence des libertés et des contraintes externes (Spain, Bédard, Paiement 2006). De surcroît, les valeurs culturelles et les caractéristiques individuelles, comme les origines ethniques et les différences intergénérationnelles, peuvent orienter les choix professionnels (Brown 2002). Au final, pour prendre des décisions importantes concernant leur carrière, les personnes peuvent adopter des stratégies qui sont plus ou moins rationnelles, plus ou moins intuitives et, plus ou moins dépendantes d’autres personnes (Singh, Greenhaus 2004). Encore aujourd’hui, les choix professionnels restent fortement limités et conditionnés par le niveau d’études et de qualification initial (Denave 2015, p. 291). Enfin, du fait de leur popularité et de l’attention portée par les médias, les recherches sur les différences générationnelles sont sujettes à l’exagération et au réductionnisme qui conduisent à des stéréotypes sans fondements (Lyons, Kuron 2014).

En France, l’offre d’orientation existe sous trois formes : l’orientation scolaire, l’orientation professionnelle des demandeurs d’emploi et l’orientation professionnelle de salariés (Borras, et al. 2008, p. 9). Le conseil en orientation constitue un ensemble de pratiques visant à aider une personne à trouver la voie professionnelle ou de formation et, plus généralement, la forme de vie qui lui convient le mieux et à s’engager dans la direction ainsi déterminée (Guichard 2007a). Le Tableau 31 présente les différents acteurs de l’orientation.

Tableau 31 : Acteurs de l’orientation

Orientation scolaire sous tutelle

de l’Éducation nationale

Orientation professionnelle sous tutelle du Ministère du travail, de

l’emploi, de la formation

professionnelle et du dialogue social

Établissements

interinstitutionnels et paritaires

pour l’orientation professionnelle ▪ CIO54 ▪ AFPA55

▪ Pôle emploi ▪ CAP Emploi

▪ Mission locale et PAIO56 ▪ APEC57

▪ APECITA58

▪ CIBC59 ▪ FONGECIF60

Note : l’ANPE61 a été remplacé par le Pôle emploi Sources : De Clarens 2007 ; Borras, et al. 2008, p. 10

Le projet d’orientation existerait chez le très jeune adolescent sous forme d’images identificatoires magiques mais peu opératoires, et il existerait aussi plus tardivement dans le cursus scolaire comme le résultat d’un travail de rationalisation après-coup, comme réappropriation d’une orientation d’abord imposée par les performances scolaires (Dumora 1992). Ainsi, le moment du premier choix professionnel, vers la fin de la scolarité obligatoire, équivaut généralement à un compromis entre ses propres désirs, les possibilités existantes de formation, compte tenu des résultats scolaires, et la pression des parents (Josso 1992).

Le CESE62 pointe plusieurs problématiques liées à l’orientation des jeunes (Delair, Ritzenthaler 2018, pp. 23-31). Premièrement, l’orientation est, à chaque étape, une période très stressante pour les jeunes et leur famille car elle apparaît comme précoce, définitive et sans possibilité de se tromper. Deuxièmement, selon le territoire où ils habitent, les jeunes ne disposent pas de la même offre de formation. Troisièmement, les politiques publiques ne parviennent pas à lutter efficacement contre les stéréotypes et le sexisme en matière d’orientation, ce qui conduit à une orientation marquée par le genre. Quatrièmement, les

54 Centre d’Information et d’Orientation

55 Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes

56Permanence d’Accueil d’Information et d’Orientation 57Association Pour l’Emploi des Cadres

58Association Pour l’Emploi des Cadres, Ingénieurs et Techniciens de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire 59 Centre Interinstitutionnel de Bilans de Compétences

60 FONds de Gestion des Congés Individuels de Formation

61Agence Nationale Pour l’Emploi

inégalités sociales ont une influence sur les choix d’orientation. Cinquièmement, l’accompagnement à l’orientation ne répond pas assez à la demande d’information, de tri de l’information, de personnalisation et de continuité du fait de la multiplicité des acteurs de l’orientation. Sixièmement, les jeunes doivent construire leur parcours d’orientation dans le cadre d’un univers professionnel en évolution constante, avec des métiers qui se transforment, disparaissent, ou se créent, d’où une incertitude dans les choix d’orientation. Septièmement, les jeunes sont soumis à la forte influence de leur environnement géographique, familial et amical qui peut les amener vers des choix d’orientation parfois subis.

Les démarches d’orientation supposent implicitement que l’entreprise accepte à la fois de regarder vers l’avenir, de reconnaître que cet avenir est incertain et de communiquer à tous sur cette réalité, ce qui est loin d’être une pratique généralisée (Cadin, et al. 2012, p. 504). Même si l’idée de rendre l’individu acteur de son propre devenir peut constituer un progrès pour certains, les conditions nécessaires à sa mise en œuvre sont loin d’être réunies. Par ailleurs, dans les faits, les prestations d’orientation servent moins à anticiper des transitions qu’à remédier à des problèmes de souffrance au travail et/ou de perte d’emploi (Perez, Personnaz 2006).

Dans le contexte actuel du marché du travail, les personnes sont de plus en plus confrontées à des changements d’emploi (Croity-Beltz, et al. 2006), de métier (Simmonet, Ulrich 2009) et d’entreprise, ce qui interroge les pratiques en matière d’orientation professionnelle (Giraud, Roger 2011). En France, les individus peuvent faire appel à un conseiller en évolution professionnelle pour faire un bilan d’orientation ou de compétences (Ferré 2018). La plupart des personnes qui sollicitent un conseiller espèrent sortir d’une situation de blocage. Le CEP63 apparaît en même temps que les notions de construction de parcours et d’accompagnement qui deviennent centrales dans le champ de la formation (Vidal, Labbé 2018). C’est un moment de transition professionnelle aussi envisagé comme une chance de développement de sa carrière, de son parcours et/ou comme un moyen de retrouver ou de renforcer ses valeurs (Poulin 2015). Le Tableau 32 présente le public concerné par le CEP et les organismes habilités pour sa mise en œuvre.

Tableau 32 : Conseil en évolution professionnelle

Public concerné Organismes habilités

▪ Salarié du secteur privé ▪ Agent du secteur public ▪ Travailleur indépendant ▪ Personne en recherche d’emploi ▪ Artisan

▪ Profession libérale ▪ Auto-entrepreneure

▪ Jeune sorti du système scolaire sans qualification, ni

diplôme ▪ Pôle emploi ▪ APEC ▪ Mission locale ▪ OPACIF64 ▪ CAP Emploi

Source : Direction de l’information légale et administrative 2017

Toute personne peut bénéficier tout au long de sa vie professionnelle d’un CEP dont l’objectif est de favoriser l’évolution et la sécurisation de son parcours professionnel (Article L6111-6 du Code du travail). Ce conseil gratuit est mis en œuvre dans le cadre du service public régional de l’orientation. Il accompagne les projets d’évolution professionnelle, en lien avec les besoins économiques existants et prévisibles dans les territoires. Il facilite l’accès à la formation, en identifiant les qualifications et les formations répondant aux besoins exprimés par la personne et les financements disponibles, et il facilite le recours, le cas échéant, au CPF65. Le CPF permet l’acquisition de droits à la FPC permettant d’accéder à des formations qualifiantes, un accompagnement à la VAE66 et à des formations préparant au certificat CléA67 (Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social 2016).

Dans la pratique, le principe d’universalité du CPF se heurte aux mécanismes concrets de financement de la FPC, construits en silos (Dares, Pluricité, Itinere Conseil 2018, pp. 68-76). Au niveau opérationnel, les employeurs, et notamment les sercices des ressources humaines, perçoivent le CPF principalement comme un outil financier, complémentaire des autres dispositifs et financements, qui doit permettre d’optimiser la prise en charge des actions de formation. Pour une partie des organismes de formation, la certification, qui conditionne l’éligibilité au CPF, devient un enjeu de positionnement de leur offre de formation. Pour les personnes en recherche d’emploi, les conditions n’ont pas été réunies pour que le CPF soit un

64 Organisme Paritaire Agréé au titre du Congé Individuel de Formation

65 Compte Personnel de Formation

66Validation des Acquis de l’Expérience

réel levier de l’autonomisation dans la définition et la réalisation des projets de formation. Pour les salariés, l’appropriation du CPF est très hétérogène et est défini par l’articulation de règles de prise en charge, des stratégies d’entreprises et des usages individuels. Pour tous, le CPF permet de soutenir les projets des individus les plus autonomes, le plus souvent sur des formations courtes liées aux langues vivantes pour les salariés, ou aux formations règlementaires pour les personnes en recherche d’emploi. Pour les salariés et personnes en recherche d’emploi ne présentant pas un tel degré d’autonomie, l’accompagnement apparaît nécessaire, mais se révèle en pratique inégal et morcelé.

Le conseil de carrière est la discipline qui étudie les processus et interventions de la relation d’aide et dont l’objectif est de résoudre un problème d’ordre professionnel (Bernaud 2006). Au travers de cette relation interpersonnelle, le conseil de carrière aide les clients à clarifier leur connaissance de soi, à acquérir des connaissances sur l’environnement professionnel et à comprendre le processus de résolution de problèmes et de prise de décision (Peterson, Sampson, Reardon 1991, p. 230). En cherchant à s’orienter professionnellement, certains peuvent se retrouver piégés par des choix inadaptés résultants d’une exploration permanente, trop ciblée ou défensive (Zikic, Hall 2009). Le conseiller agit alors comme un détective de carrière pour évaluer les problèmes d’exploration qu’une personne peut avoir à traiter. Un conseiller peut également s’avérer utile lorsqu’une personne rencontre un problème de carrière (Cochran 1994). Il s’agit d’un écart entre ce qui est et ce qui devrait être, généralement exprimé par deux scénarios prospectifs de carrière.