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Introduction du chapitre 1

3. Le rôle de la fonction ressources humaines

3.3. Les changements à venir

Comme l’annonçait Boyer et Scouarnec (1999, pp. 85-88) il y a une vingtaine d’années, l’organisation qui se développe et se concrétise est fondée sur l’information, c’est-à-dire les savoirs que possèdent les experts. Avec l’informatique, dans chaque activité, c’est une part plus ou moins poussée de virtualité qui se met en place. Cette nouvelle approche virtuelle se construit autour du client final. La mise en place d’un réseau de partenaires, au travers de liens sociaux virtuels, offre la possibilité d’accéder à des compétences critiques, chaque partenaire proposant, démontrant, vendant sa propre expertise. Le Tableau 19 présente l’évolution des types de relations dans le temps.

Tableau 19 : Évolution des types de relations dans le temps

Types de relations Hier Aujourd’hui

Relation à l’entreprise

▪ CDI

▪ Logique de poste

▪ Rémunération : salaire en fonction d’un poste

▪ Horaires fixes

▪ Variété des types de contrats : CDD,

mission, intérim, stages, etc.

▪ Logique de compétence

▪ Rémunération : salarie en fonction de

ses compétences et formes variées

d’intéressement

▪ Horaires varié et évolutifs

Relation au temps ▪ Un temps pour tout : priorité

accordée au temps de travail

▪ Tout, tout le temps : entremêlement

des différents temps de travail, de repos, de loisirs, etc.

Relation à l’espace ▪ Une activité, un lieu ▪ N’importe quelle activité, n’importe où : occupation maximale de tous les espaces

Types de relations Hier Aujourd’hui

Relation au savoir ▪ Acquise lors de la formation initiale :

essentiellement

▪ Apprentissage permanent : la

compétence sert à vendre

Relation à l’argent ▪ Pour gagner sa vie ▪ Pour se réaliser personnellement

Relation vie

professionnelle/vie privée ▪ Dissociée ▪ Interdépendante

Relation à la consommation

▪ Fidélité à des marques ▪ Distinction des types de

consommations par statut

▪ Distinction entre les producteurs et

les consommateurs

▪ Volatilité des consommateurs ▪ Tout s’achète, tout se vend

▪ N’importe qui peut acheter n’importe

quoi

▪ Chaque consommateur est aussi

producteur et inversement Source : Boyer, Scouarnec 1999, p. 104

L’émergence du numérique crée une rupture de civilisation car elle remet en cause les structures et les comportements sociaux (Maffesoli, Fischer 2016, pp. 23-25). La galaxie Internet qui représente une mutation fondamentale que l’on nomme postmodernité. Le monde de l’Homme maître et possesseur de la nature cède sa place à un monde postmoderne dans lequel le sentiment de maîtrise économique, sociale et politique est saturé. Aujourd’hui, 24 % des professionnels des ressources humaines pense que FRH va devenir de plus en plus ubérisée avec une désintermédiation et un rôle plus fort des managers en matière de GRH (Cegos 2016, p. 23).

Ubériser consiste à mettre un bien personnel, un actif privé, sur le marché pour concurrencer des entreprises de professionnels bien installées qu’il s’agisse de louer un appartement, d’organiser un covoiturage ou d’autres activités (Ferry 2017, p. 203). Cela est rendu possible par une application digitalisée. La désintermédiation permise par des plateformes comme Uber, Blablacar ou Airbnb créent de nouveaux usages et structurent des marchés jusque-là peu organisés (Jolly, Prouet 2016, p. 25). C’est notamment le cas de l’économie du partage où la baisse des coûts d’intermédiation associée aux plateformes a permis de développer des échanges de biens et de services. Veltz (2015) considère que l’ubérisation de l’emploi correspond au modèle de travailleur indépendant pratiqué par près d’un tiers des travailleurs aux États-Unis, généralement en complément d’un autre emploi et presque toujours à temps partiel. Cette armée de travailleurs indépendants exercent leur activité sans bureau, sans retraite et sans sécurité sociale, ce qui est profondément destructurant au regard des protections du travail.

Demain, l’intelligence artificielle, dont la notion tend plus à un effet de mode qu’à un véritable consensus (Galiana 2018), impactera toutes les dimensions du capital humain de notre économie : évolution de la structure de l’emploi, de la nature des emplois, des organisations de travail, de la notion de responsabilité, des qualifications et compétences, etc. (BCG, Malakoff Médéric 2018, pp. 5-6). Si l’entreprise sera le lieu essentiel de ces transformations, leur ampleur et leur impact sociétal nécessiteront une coordination avec toutes les parties prenantes pour gérer les impacts de l’intelligence artificielle sur l’emploi, la formation initiale, la FPC et la protection sociale. Pour donner du sens à l’intelligence artificielle et éviter que cette technologie algorythmique ne pose la question de l’éthique (Métais 2018), il faut tout d’abord penser les modes de complémentarité entre l’humain et les systèmes intelligents que ce soit au niveau individuel ou collectif (Villani 2018, p. 12). Au cœur du développement, il doit résider la nécessité de mettre en œuvre une complémentarité qui soit capacitante, en ce qu’elle permet de désautomatiser les tâches humaines. Plutôt que de fragiliser nos trajectoires individuelles et nos systèmes de solidarités, l’intelligence artificielle doit prioritairement nous aider à activer nos droits fondamentaux, augmenter le lien social et renforcer les solidarités.

Bien que le progrès numérique permette de réaliser une partie du contenu des emplois existants, la révolution digitale ne va pas détruire massivement des emplois à moyen terme (Le Ru 2016, p. 7). En effet, l’automatisation des emplois n’est pas qu’une question technologique mais également une question d’acceptabilité sociale, de mode d’organisation du travail, de positionnement en gamme et de rentabilité économique. De plus, face au développement du numérique, le contenu des métiers se transforme pour se concentrer sur les tâches qui ont un avantage comparatif sur les automates, dans le cadre d’une complémentarité entre la machine et l’homme. Par conséquent, si les nouvelles machines ne se substituent pas totalement aux salariés, elles changent sa manière de travailler pour les rendre plus productifs (Verdugo 2017, p. 34) et si les innovations technologiques détruisent des emplois anciens, ceux-ci sont remplacés par d’autres, créés justement par les innovations (Ferry 2017, p. 204). Enfin, selon une étude de PwC (2018, pp. 1-6) l’intelligence artificielle, la robotique et les autres formes d’automatisation devraient générer de nombreux emplois dans divers secteurs d’ici 2030. Par ailleurs, certaines caractéristiques humaines restent difficilement remplaçables par des machines, c’est notamment le cas de la créativité, de la capacité à mener une équipe ou de l’empathie (OpinionWay, Aneo 2017, p. 21).