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La territorialité de l’impôt sur les sociétés

Chapitre I. La fiscalité des bénéfices de la société holding

Section 1. L’imposition des bénéfices des sociétés

A. Le champ d’application de l’impôt sur les sociétés

2. La territorialité de l’impôt sur les sociétés

Au nom du principe de souveraineté, plusieurs États s’accordent le droit d’imposer les revenus sur leur territoire197. Ce fait est né de la théorie de la source et l’assujettissement est qualifié de « limité » quand il y a un rattachement économique. Il est aussi possible que le revenu réalisé dans le monde soit imposé par l’État. Dans ce cas, on parle du principe du revenu mondial qui relève d’un rattachement personnel et l’assujettissement est « illimité »198.

Le problème apparaît quand un État impose en appliquant le principe du revenu mondial et un autre en vertu du principe de la source. Ceci peut conduire à un phénomène de double imposition.

197

EKMEKÇİ Esra, Küreselleşme ve Vergilemede Yeni Eğilimler, İstanbul, Kazancı Hukuk Yayınları, 2003, p. 2

198

L’imposition des revenu mondial nécessite une administration fiscale forte ainsi qu’un contrôle fiscal effectif, CENKERİ Elif, « Uluslararası Düzeyde Yasa Çakışmaları », DEÜHF, Cilt: 12, Özel S., 2010 (Basım Yılı: 2012), p. 199.

Afin d’empêcher cela, les deux États peuvent conclure une convention en vue d’éviter la double imposition et essayer de régler contractuellement leurs droits d’imposition. Certains revenus sont, en général, imposés selon le principe de la source et d’autres selon celui de la résidence.

La loi n° 5520 comme sa précédente a fait la distinction du revenu réalisé à l’étranger et en Turquie vis-à-vis de l’assujettissement. La société résidente en Turquie acquitte l’impôt sur les sociétés sur son revenu mondial réalisé sur une année fiscale (a). Les sociétés qui ne sont pas résidentes en Turquie ne sont imposées que sur leur revenu réalisé en Turquie (b).

a. L’assujettissement illimité

L’article 3 de la loi n° 5520 définit la résidence fiscale et les personnes qui sont passibles de l’impôt sur leur revenu mondial199. Les sociétés qui ont leur siège de direction officielle200 ou effective en Turquie sont des résidentes donc leur assujettissement est illimité et permet l’imposition sur le revenu de source turque et de l’étranger. Alors, la résidence est le critère essentiel pour déterminer l’assujettissement201.

La résidence d’une société est déterminée selon son siège social. C’est l’article 3 qui précise aussi que le siège social est le siège qui figure sur le statut de la société alors que le siège de direction effective est le lieu où la direction de la société est groupée et dirigée de manière effective.

Pour qu’une société soit résidente, il faut soit que son siège officiel soit que le siège de direction effective se trouve en Turquie. La loi prévoit la remise en question du siège de direction effective de la société en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale qui peuvent apparaître si une société a son siège statutaire en créant une société dans un pays ou territoire à régime fiscal privilégié alors que ce siège est fictif et qu’il ne correspond pas au lieu où la société a son centre de décision et de vie juridique. En effet, l’utilisation d’une société étrangère pour alléger le fardeau fiscal est un moyen très connu. Le législateur turc a

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La disposition est reprise dans l’article 5/3 du projet de loi de l’impôt sur le revenu, 200

Les termes de « siège enregistré » ou « siège légal » sont également employés. KAVAK Ahmet, « Gelir Vergisi Kanun Tasarısı Hakkında Özet Bilgilendirme », Vergi Dünyası Dergisi, n° 299, Ağustos 2013, p. 10. 201

TUNCER Selahattin, « Vergi Kanunlarımızda İkametgah Kavramı (I) », Vergi Dünyası Dergisi, Mayıs 1990, n° 105, p. 12 ; la résidence fiscal qui permet à déterminer l’assujettissement d’un contribuable est différent de la notion de résidence défini par le droit civil, TUNCER Selahattin, « Vergi Kanunlarımızda İkametgah Kavramı (II) », Vergi Dünyası Dergisi, Haziran 1990, n° 106, p. 5 ; ARIKAN Zeynep, Türk Vergi Hukukunda Mali İkametgah, Maliye ve Hukuk Yayınları, 2007, p. 7.

désiré compléter la notion de siège statutaire pour faire face aux cas de sociétés implantées à l’étranger alors que leurs activités se réalisent en Turquie. Dans ce cas-là, c’est donc au siège de direction effective que l’on doit s’attacher pour déterminer la résidence d’une société202. Néanmoins, la détermination du siège de direction effective n’est pas toujours facile.

L’article 7203 de la loi n° 5520 précise qu’une société dont au moins 50 pour cent du capital ou de droit au dividende ou de droit de vote sont détenus directement ou indirectement et individuellement ou conjointement par des sociétés résidentes turques est « une société étrangère contrôlée » et son bénéfice est frappé par l’impôt sur les sociétés en Turquie, même s’il est distribué ou non, sous certaines conditions204. Les conditions nécessaires varient. En premier lieu, au moins 25 pour cent du revenu brut obtenu par la participation étrangère dans l’exercice concerné doit être de caractère passif, c’est-à-dire provenant des intérêts, des dividendes, de la location, du droit de licence, de la vente des valeurs mobiliers et similaires. Deuxièmement, le taux effectif de l'impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu (et autres impôts qui peuvent y être assimilées) acquitté par la société sous contrôle étranger au titre de ses bénéfices commerciaux dans son pays d'origine doit être inférieur à 10 pour cent. Et finalement, la loi cherche que le revenu total brut de la société n’excède pas l’équivalant de 100 000 TL dans l’exercice concerné.

Cette disposition de la nouvelle loi est prévue pour la lutte contre les paradis fiscaux conformément aux règles contemporaines du droit fiscal international205.

L’article 33206 de la même loi s’intéresse au problème de double imposition de revenu étranger des résidentes turques. D’après l’article, il est possible de déduire l’impôt étranger de l’impôt dû en Turquie.

202

Ainsi, il convient de veiller à ce que les sociétés holdings implantées à l’étranger aient une existence réelle (le droit français fait, de son côté, référence au siège réel) et pas seulement une existence juridique ; il serait possible à un État de contester la résidence d’une société holding implantée à l’étranger, s’il s’avérait que la direction effective de cette société n’était pas située dans cet État (par référence par exemple au lieu de réunion des organes sociaux, à l’endroit ou les décisions sont prises etc). Dans ce cas, les avantages procurés par la Holding deviendraient illusoires, car l’État du lieu du siège de direction effective serait fondé à imposer l’ensemble des profits (sous réserve, le cas échéant, des conventions fiscales) GUTHIÈRE Bruno, Les impôts dans les affaires internationales, 8e édition, Levallois, éd. Francis Lefebvre, 2010, p. 364.

203

L’article 58 du projet de loi de l’impôt sur le revenu. 204

Ce phénomène de société étrangère contrôlée est discuté dans la deuxième partie de notre travail. 205

ÖNCEL, ÇAĞAN, KUMRULU, op.cit., p. 336. 206

Alors, une société résidente en Turquie, donc qui paie de l’impôt sur les sociétés sur la totalité de ses revenus turcs et étrangers, peut déduire les impôts de caractère similaire qui sont payés dans un autre État de l’impôt dû en Turquie. Cependant, l’article 32 limite le montant à imputer. Toutefois, le montant à imputer ne peut pas dépasser l’impôt calculé après l’application du taux prévu pour l’impôt sur les sociétés.

b. L’assujettissement limité

Les sociétés qui ne sont pas résidentes ne sont pas imposées sur une base mondiale. La Turquie a retenu le principe de territorialité en ce qui concerne les sociétés non résidentes. Elles ne seraient imposées que sur leurs résultats de source turque.

Les sociétés non résidentes sont en effet des sociétés étrangères. Toutefois, une société de capital étranger qui est implantée et enregistrée en Turquie est considérée avoir son siège en Turquie. En d’autres termes, elle est qualifiée de résidente. Si cette société est la filiale d’une société holding étrangère, la société mère est considérée comme non résidente et par ailleurs elle est imposée sur son activité réalisée en Turquie.

La loi n° 5520 fait renvoi aux articles 7 et 8 de la loi concernant l’impôt sur le revenu n° 193 par son article 3/4. Ce renvoi permet l’application de l’article 156 de la loi n° 213 sur la procédure fiscale qui règle l’établissement stable d’une société étrangère. Dans le cadre de ces dispositions, les sociétés étrangères sont passibles de l’impôt sur les sociétés sur le revenu réalisé par leur établissement stable ou représentant permanent. L’établissement stable est défini comme les installations où les activités de nature commerciales, industrielles ou agricoles sont exercées, notamment les magasins, bureaux, succursales, usines, ateliers, dépôts, hôtels, cafés, les centres de sport et loisir, les champs et fermes, les mines, les chantiers de construction207. L’établissement stable est un critère substantiel pour l’imposition des non-résidents208.

207

l’article 156 de la loi n° 213. 208

TUNCER Selahattin, « Vergi Hukuku Açısından İşyeri», Vergi Dünyası Dergisi, n° 106, p. 9 ; EKMEKÇİ Esra, Kurumlar Vergisinde Dar Yükümlülük, İstanbul, Kazancı Hukuk Yayınları, 1994, p. 30.

Le représentant permanent est celui qui conclut des contrats au nom de l’entreprise et agit pour le compte de l’entreprise et qui ne jouit pas d’un statut indépendant, c’est-à-dire qui est lié à l’entreprise par un contrat de service ou de mandat209.

Le revenu réalisé par l’établissement stable ou représentant permanent ne doit pas avoir le caractère occasionnel, au contraire il doit avoir de la continuité. Les sociétés étrangères qui obtiennent de tels revenus en Turquie sont tenues de respecter les obligations déclaratives210.

Il est possible qu’une société étrangère opère ses activités par un bureau de liaison. Dans ce cas, le bureau ne s’intéresse pas aux activités commerciales mais il réalise la gestion de certaines actions comme la promotion, la communication, la distribution. Donc, ils ne sont pas obligés de respecter les obligations déclaratives. En principe, ces bureaux ne réalisent pas des opérations de caractère commercial mais ils peuvent réaliser des bénéfices de leurs activités. Parfois, la détermination du caractère de ces bénéfices risque de poser des problèmes211. Il arrive que l’administration fiscale cherche à imposer le revenu des bureaux de liaison et le tribunal fiscal approuve l’imposition s’il apprécie qu’il existe assez de preuves concernant le caractère commercial de ses activités212.

Le revenu réalisé sous la forme de dividendes, intérêts ou plus généralement le revenu réalisé sur des biens mobiliers sont aussi passibles de l’impôt sur les sociétés turc. L’article 3/d de la loi n° 5520 dispose que les revenus des biens mobiliers sont imposables dans le cadre de l’assujettissement illimité parallèlement aux dispositions de la loi n° 193. Il est évident que si le revenu est réalisé par l’établissement stable de la société étrangère, le revenu est imposé en tant que bénéfices commerciaux213.

Pour l’application de l’article 3/d, les obligations fiscales concernant le revenu d’une société étrangère qui n’a pas de d’établissement stable en Turquie sont exécutées par celui qui

209

l’article 3 de la loi n° 193, l’article 5 du projet de loi de l’impôt sur le revenu. 210

MAÇ Mehmet, Kurumlar Vergisi, 3e édition, İstanbul, Denet Yayıncılık, 1999, p. 171. 211

EKMEKÇİ Esra, Kurumlar Vergisinde Dar Yükümlülük, op.cit. p. 33. 212

MAÇ Mehmet, Kurumlar Vergisi, 3e édition, Denet Yayıncılık, İstanbul 1999, p. 178, Danıştay avait estimé que l’administration fiscale doit prouver le commerce réalisée par les factures et documents D4D E 1986/1856 K 1988/789 du 24.02.1988, mais puis la jurisprudence a changé avec un autre arrêt et Danıştay a jugé que de tels preuves ne sont pas nécessaires si les opérations réalisés par le bureau de liaison ont de caractère commerciale et il peut donc être estimé comme un établissement stable aux termes de l’article 156 de la loi n° 213, D4D E 1988/4920 K 1989/1093 du 20.12.1989, EKMEKÇİ Esra, Kurumlar Vergisinde Dar Yükümlülük, op.cit. p. 37 213

TEKİN Cem, KARTALOĞLU EMRE, Kurumlar Vergisi Kanunu Yorum ve Açıklamaları, Maliye ve Hukuk Yayınları, Ankara, 2007, p. 45.

distribue le bénéfice, conformément à l’article 75 de la loi n° 193. Les questions concernant cette imposition sont abordées dans les chapitres qui suivent.