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Les stratégies identitaires et adaptatives

3.4. L’identité professionnelle des enseignants

3.4.2. La perspective sociologique

Dans son élaboration d’un cadre d’analyse pour l’identité professionnelle enseignante, Branka Cattonar278 (2001) analyse les différents aspects de celle-ci pour poser l’hypothèse qu’il existe une

« identité professionnelle plurielle ». Tout d’abord, si nous parlons d’identité professionnelle enseignante, nous partons du principe qu’il existe une identité « spécifique » au champ de l’enseignement (Blin, 1997 : 178) qui est « commune » ou partiellement commune aux membres de ce groupe professionnel (Cattonar, 2001 : 6). Cette identité spécifique « leur permet de se reconnaître et d’être reconnus comme tels, dans un rapport d’identification (au groupe professionnel enseignant) et de différenciation (avec les « non-enseignants ») »279 : « Blin définit ainsi l’identité professionnelle comme un ensemble « d’éléments particuliers de représentations

275 Beijaard et De Vries (1997) ont trouvé que beaucoup d’enseignants considèrent que cet aspect de leur activité professionnelle est plus importante que l’aspect disciplinaire et l’aspect didactique (voir Beijaard et al., 2000 : 752).

276 Op. cit., p. 753.

277 Op. cit., p. 751.

278 Branka Cattonar est sociologue, chercheur au GIRSEF en Belgique.

279 Op. cit., p. 6.

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professionnelles, spécifiquement activé en fonction de la situation d’interaction et pour répondre à une visée d’identification/différenciation avec des groupes sociétaux ou professionnels » (Blin, 1996 : 187) »280. L’enseignant vit donc une expérience professionnelle « intime », dans un univers de travail marqué par une « culture professionnelle partagée » (Tardif et Lessard, 1999) par les différents membres du collectif enseignant281 :

Blin parle de « référentiel commun au collectif de travail », à partir duquel les individus se construisent un ensemble de représentations professionnelles qui leur servent de « grille de lecture » et leur permettent de donner un sens à leurs activités et au contexte où ils agissent (Blin, 1997 : 54). Cette « culture professionnelle » n’est pas immuable, définie une fois pour toutes, mais renvoie à un contexte socio-historique particulier (Cattonar, 2001 : 6).

Au cours de la phase de socialisation professionnelle, les enseignants acquièrent des savoirs spécifiques au champ de l’enseignement qui, pour Dubar sont des « machineries conceptuelles comprenant un vocabulaire, des recettes, un programme formalisé et un véritable « univers symbolique » véhiculant une conception du monde qui (…) sont définis et construits en référence à un champ spécialisé d’activités » (Dubar, 1996a, cité par Cattonar, 2001 : 6).

Ainsi, l’identité professionnelle est en partie commune aux enseignants : c’est une des dimensions de « l’identité sociale » de chaque enseignant qui, en dépit des différences évoquées par Anne Barrère par rapport au système éducatif français, partage certaines caractéristiques avec d’autres enseignants. Tout comme l’identité sociale, l’identité professionnelle est « à la fois similitude et altérité, identification et différenciation »282. Si l’identification au groupe professionnel joue un rôle clé dans la construction de l’identité professionnelle, encourageant un sentiment d’appartenance au groupe fondé sur un besoin de ressemblance et de reconnaissance, le processus de différenciation que P. Tap a appelé « identisation » n’est pas moins important. M.-C. Riopel explique que celle-ci

« permet à celui qui exerce son métier de rester lui-même lorsqu’il joue son rôle professionnel » (Riopel, 2006 : 30). L’identité professionnelle enseignante est, par conséquent, « en partie individuelle », « propre à l’individu-enseignant, liée à son histoire singulière et à ses caractéristiques particulières », comme l’explique Branka Cattonar283 qui considère que

280 Idem., p. 6.

281 Idem., p. 6. M.-C. Riopel évoque les différents aspects du processus de socialisation professionnelle qui, pour Nault (1999 : 140) « désigne l’acquisition « des attitudes, des connaissances et des comportements conformes aux exigences requises pour pratiquer certains actes », op. cit., p. 32.

282 Branka Cattonar, op.cit., p. 5.

283 Op. cit., p. 7.

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l’enseignant n’assimile « ni passivement ni entièrement » les « règles-normes-valeurs professionnelles »284 :

S’il peut les reproduire, il peut aussi les réinterpréter, les filtrer, les sélectionner, les travailler, les transformer et participer à leur création. (…) Pour Percheron, la

« représentation du monde » auquel aboutit le processus de socialisation n’est pas imposée toute faite à l’individu par les « agents socialisateurs », mais chaque individu « se les compose lentement, en empruntant certaines images aux diverses représentations existantes mais en les réinterprétant pour en faire un tout original et neuf » (Percheron, cité par Dubar, 1996a : 24)285.

Dans cette perspective, l’enseignant est impliqué dans la construction de son identité professionnelle qu’il ne reçoit pas passivement, tel un héritier. D’ailleurs, à ce sujet, Cattonar nous rappelle que pour Dubar et d’autres, la socialisation – qui est un processus « sans fin » – n’est jamais complètement « réussie », car l’individu n’intériorise pas tout ce qui a cours à l’intérieur de son propre groupe professionnel286. L’auteur pense qu’il est nécessaire de tenir compte, dans l’analyse de l’identité professionnelle, des « conditions d’existence qui déterminent [la personne]

en partie et avec lesquelles elle entretient un rapport actif »287 et bien qu’elle reconnaisse l’importance du concept d’habitus pour expliquer en quoi l’individu n’est pas totalement libre, elle ne rejoint Bourdieu qu’en partie, car la vision de celui-ci présente l’individu comme :

Agi principalement et inconsciemment par des manières d’être et de penser reflets de sa position sociale ; conception qui ne permet pas de « saisir le travail de réécriture que le sujet effectue afin de transformer la façon dont l’histoire agit en lui » (de Gaulejac, 1999 : 43 cité par Cattonar, 2001 : 9).

Nous partageons l’approche de Branka Cattonar dans la mesure où elle n’évacue aucune piste : dans son approche de l’identité professionnelle enseignante, elle propose de tenir compte à la fois des « conditions objectives d’existence », de la trajectoire sociale individuelle et collective, ainsi que du projet d’avenir de l’individu. L’individu n’entre pas dans une profession vierge de toute expérience antérieure (Tardif et Lessard, 1999), mais construit son identité professionnelle à la

284 Op. cit., p. 7.

285 Op. cit., p. 7.

286 Ibidem.

287 « Il s’agit en quelque sorte de considérer l’individu comme « le produit d’une histoire dont il cherche à devenir le sujet » (de Gaulejac, 1999 : 1). Comme le soulève Sartre: « l’essentiel n’est pas ce qu’on fait de l’homme, mais ce qu’il fait de ce qu’on a fait de lui » (Sartre, cité par Terrail, 1987, p. 256) », Cattonar, op.cit., p. 8.

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jonction de la vie professionnelle, de sa trajectoire personnelle et de son appartenance, présente et passée, à d’autres champs sociaux288.

Une notion qui nous semble particulièrement pertinente dans le cadre de la présente enquête est celle de rupture entre la socialisation primaire et secondaire. S’il peut y avoir une continuité harmonieuse entre la socialisation primaire et la socialisation professionnelle, il est possible qu’un individu vive la transition vers le monde professionnel comme une rupture conduisant à un processus de déstructuration/restructuration de l’identité (Dubar, 1996a : 102 in Cattonar)289. Nous pouvons nous demander dans quelle mesure ce phénomène affecte les enseignants « natifs » qui ont participé à notre enquête. La problématique de la conversion intéresse également Cattonar, car l’individu doit réactualiser sans cesse les modèles intériorisés au cours de son existence, ceux-ci étant évolutifs :

La socialisation est inséparable des changements structurels qui affectent les

« systèmes d’action » et qui peuvent induire des « conversions » des identités préalablement constituées et des constructions mentales qui leur sont associées (Dubar, 1996a : 262). Là aussi, il ne s’agit pas de considérer cette « adaptation » de manière « mécaniste » et passive, mais plutôt de considérer un individu capable de modifier la « représentation du monde » qui lui a été transmise en fonction des changements de son environnement social, capable « d’adapter les dispositions acquises aux situations vécues, et même de modifier au besoin les normes et valeurs intériorisées en fonction de certains problèmes qu’il est amené à résoudre » (Cherkaoui, 1993 : 208)290.

L’identité professionnelle, loin d’être quelque chose de stable et de fixe, est un processus qui est affecté par des influences diverses, présentes et passées, sociales et biographiques. Elle peut fluctuer en fonction de la phase de la carrière dans laquelle l’enseignant se trouve et reflète les différentes trajectoires vécues par celui-ci. Le contexte contribue à façonner l’identité professionnelle d’un enseignant dans les relations que celui-ci entretient avec ses collègues.

Cattonar avance l’hypothèse d’un « noyau central » de l’identité professionnelle qui serait commun à tous les enseignants, ce que Blin (1997) appelle une « identité collective de compromis », à savoir des représentations partagées :

288 Voir Cattonar, op.cit., p. 10.

289 Op.cit., p. 10. Voir Berger et Luckmann (1966), The Social Construction of Reality. A Treatise oft h Sociology of Knowledge. Traduction : La construction sociale de la réalité. Paris. Armand Colin. 2006.

290 Branka Cattonar, op.cit., p. 11.

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Il constate par exemple que la majorité des enseignants enquêtés choisissent comme qualité pour définir le « bon élève », la motivation (Blin, 1997 : 116), attribuent l’échec scolaire aux problèmes familiaux (op.cit., 190), reconnaissent comme qualité professionnelle l’équilibre (…) comme compétence professionnelle la maîtrise des savoirs disciplinaires et, enfin, comme motivation professionnelle l’intérêt pour les jeunes (Blin, 1997 : 191)291.

Autour de ce noyau central, Cattonar identifie des « ensembles périphériques » qui sont liés aux

« sous-groupes professionnels » et aux « effets de contexte ». C’est ici que nous pouvons établir un lien avec les travaux de Beijaard et al. (2004) sur les différents modèles d’enseignant qui peuvent varier en fonction du contexte professionnel. Le style d’enseignement peut varier, être plus proche du schéma pédagogique ou du schéma didactique, mais selon le cadre d’interaction, l’enseignant fera ressortir des « éléments consensuels » ou des éléments « différenciateurs » (Blin, 1997 cité par Cattonar, 2001 : 15).

Cattonar conçoit que la construction de l’identité professionnelle enseignante « se joue dans l’articulation entre les systèmes d’action et les « trajectoires vécues292 », et renvoie également à un travail que l’individu exerce sur lui-même, par et dans la relation avec les autres ». Dans le processus de socialisation, des « transactions externes » ont lieu entre l’individu et « les autres significatifs » « visant à tenter d’accommoder l’identité pour soi et l’identité pour autrui » (Dubar, éd. 2010), mais parallèlement à cela il y a des transactions internes à l’individu « entre la nécessité de sauvegarder une part de ses identifications antérieures (identités héritées) et le désir de nouvelles identités dans l’avenir (identités visées) ». Pour Sainsaulieu (1985), les rapports au travail sont le lieu de « l’affrontement des désirs de reconnaissance dans un contexte d’accès inégal, mouvant et complexe au pouvoir » (Dubar, 2010 : 115).

La construction de l’identité professionnelle est un processus continu qui « se poursuit à travers les multiples expériences et relations au travail tout au long de la carrière de l’enseignant et qui prend appui sur les socialisations antérieures à son entrée dans le champ professionnel enseignant » (Cattonar, 2001 : 17). C’est ce que Tardif et Lessard (1999) appellent « socialisation préprofessionnelle » et que Nault associe à une phase de « rêve » avant la rencontre avec la réalité du terrain. Il s’agit d’une « phase de socialisation de type informel où les motifs qui interviennent dans le choix de la carrière d’enseignement influencent le processus de socialisation, où déjà se

291 Cattonar, op.cit., p. 14.

292 La « trajectoire vécue » selon Dubar est « la manière dont les individus reconstruisent subjectivement les événements qu’ils jugent significatifs de leur biographie sociale », note de Cattonar, op.cit., p. 16.

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construit une image inconsciente de ce que l’enseignant doit être ; le "moi professionnel étant alors un moi idéalisé" (Nault, 1999 : 143) » (Cattonar, 2001 : 17).

Cattonar rappelle l’influence durable des « savoirs préprofessionnels » qui peuvent continuer à façonner la manière d’enseigner et d’être au travail et expliquer la stabilité de certains modèles d’enseignement (notamment le cours magistral) malgré la découverte de nouvelles pratiques pédagogiques au cours de la formation. S’il est important de nuancer la continuité entre la socialisation préprofessionnelle et l’expérience pratique, on peut se demander dans quelle mesure les enseignants étrangers vivent la socialisation professionnelle comme une continuité. Quels sont les dénominateurs communs entre le « métier d’élève293 » d’un Français et d’un Britannique ou d’un Irlandais ? Lors de la deuxième phase de socialisation professionnelle – la formation initiale – on pourrait supposer qu’un enseignant étranger connaîtrait une période de rupture plus forte que ses pairs français en raison des différences en termes de culture scolaire et de savoirs préprofessionnels acquis dans leur pays d’origine, avant le choc de la réalité lors de la troisième phase de socialisation correspondant à l’entrée dans le métier en tant qu’enseignant diplômé (et certifié ou agrégé en France) et les premières années d’enseignement.

L’entrée dans le métier et les premières années de pratique constituent une « étape cruciale » dans la construction et le développement de l’identité professionnelle d’un enseignant (Boutin, 1999 ; Tardif et Lessard, 1999). Le passage souvent délicat du statut d’étudiant à celui d’enseignant titulaire peut être vécu comme une véritable « crise d’identité » parce que l’enseignant débutant doit apprendre tant de choses à la fois et, bien qu’il soit accompagné à des moments planifiés par des conseillers ou par des formateurs, a le sentiment d’être seul :

Cette période est assez souvent décrite comme une période difficile, une « période de survie » (Gervais, 1999 : 114), une « expérience critique » provoquée entre autres par le « choc de la réalité », un moment de « malaise profond » qui se traduit par un sentiment de défaite, une angoisse, une impression d’impuissance, une remise en question de soi, un sentiment d’être seul, etc. (Baillauquès, 1999). Selon Bauillauquès, il s’agit là d’une « crise d’identité », qui se donne à voir comme un problème de sens et qui est provoquée par une transformation identitaire (Baillauquès, 1999 : 26-27)294.

Une des difficultés de cette phase précise de la socialisation professionnelle est qu’il est parfois difficile de trouver une identité professionnelle avec laquelle l’enseignant débutant se sente à l’aise.

Pour peu que celui-ci tente de ressembler à un de ses modèles idéaux d’enseignant (tuteur, collègue,

293 Tardif et Lessard, op.cit., p. 337.

294 Cattonar, op. cit., p. 19.

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enseignant ayant déclenché un processus identificatoire dans son passé d’élève), il peut vite se retrouver à jouer un rôle qui ne lui correspond pas malgré son désir de ressemblance et de reconnaissance par autrui. Il s’agit là du problème des « identités fausses295 », du « faux soi » évoqué par Claude Dubar (2010) dans son analyse de la dynamique des identités professionnelles et sociales et qui, d’ailleurs, ne se limite pas nécessairement à la phase d’insertion professionnelle. Au fur et à mesure de l’installation dans le métier, l’enseignant connaît une phase de « socialisation personnalisée », ce qui correspond à une quatrième phase de socialisation chez Nault (1999).

Pendant cette phase, l’enseignant :

[…] se socialise de façon beaucoup plus « personnelle » et continue son développement professionnel en partant de ses « essais et erreurs », d’une formation orientée par ses lectures, la formation continue, etc. Devenu plus confiant en ses compétences professionnelles, l’enseignant deviendrait plus libre d’explorer des approches nouvelles, plus conformes à ses aptitudes, à ses intérêts et croyances propres (Cattonar, 2001 : 19).

Les enseignants traversent différentes phases au cours de leur carrière en fonction de leur position dans le cycle de vie, de leur âge relatif à celui de leurs élèves, et des crises éventuelles. Plusieurs auteurs évoquent le sentiment de « désengagement » que les enseignants peuvent connaître dans la dernière phase de la carrière (Huberman, 1989 ; Duru-Bellat et Henriot-Van Zanten, 1992 cités par Cattonar).

Dans la dernière partie de son cadre d’analyse de l’identité professionnelle enseignante, Branka Cattonar reprend la formule de Blin qui définit l’enseignant comme un être « poly-identitaire ».

Chaque enseignant « peut être porteur d’une identité professionnelle plurielle »296, car il construit son identité professionnelle dans l’interaction avec autrui297 et peut mobiliser telle ou telle dimension de son identité professionnelle en fonction de la situation d’interaction. D’autres facteurs peuvent faire varier l’identité professionnelle : les trajectoires et appartenances sociales, le contexte professionnel, les relations de travail, les situations conflictuelles. Plusieurs auteurs ont souligné l’aspect clivé (Dubet, 1991) ou changeant (Tardif et Lessard, 1999) de cette identité. Pour ces derniers, « l’enseignant est un « caméléon professionnel » dans la mesure où il n’existe pas (plus)

295 Janet Alsup partage son expérience dans ce domaine précis dans son ouvrage Teacher Identity Discourses : Negotiating Personal and Professional Spaces (2006) : « I vacillated among teacher personas »; « I certainly wasn’t the teacher I wanted to be – in fact, I didn’t know what or who that teacher was yet » ; « How could I bring me into my teaching life? (…) How could I be a good teacher and not always feel like I was playing a part, trying to “put on” a persona that was not me? », p. 3.

296 Op. cit., p. 26.

297 Ces interlocuteurs sont nombreux : les élèves, les collègues, les membres du personnel non-enseignants, les personnels de direction, les inspecteurs, les formateurs, les parents d’élèves, les syndicats, les partenaires locaux, etc.

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de rôle typique de l’enseignant, mais où celui-ci assume tour à tour une diversité de rôles, s’efforçant de répondre à plusieurs exigences et attentes parfois contradictoires298 ». L’obligation de jouer divers rôles est source de tension et d’épuisement pour l’enseignant :

(…) confrontés à de multiples logiques contradictoires, les enseignants sont « divisés sur eux-mêmes et en eux-mêmes. (…) Aussi, selon Tardif et Lessard, si l’on peut parler d’une identité professionnelle composite, c’est parce que le travail lui-même est composite et exige du travailleur différentes postures, attitudes, habiletés et connaissances (Tardif et Lessard, 1999 : 536) (Cattonar, 2001 : 28).

L’approche de Branka Cattonar cherche à « mettre l’individu au cœur de l’analyse » : la construction de l’identité professionnelle enseignante est un phénomène complexe qui s’étale dans le temps, qui commence avant même l’entrée dans le métier et qui, bien que déterminé en partie par la socialisation antérieure dépend aussi de la capacité d’action et de réflexion de l’enseignant à l’intérieur d’un cadre préexistant et d’un contexte spécifique :

Il s’agit de considérer un individu à la fois comme produit social et historique, contraint par son environnement et producteur du social et de l’histoire, qui a la capacité d’intervenir sur sa propre existence, capacité qui le positionne en tant que sujet dans un mouvement dialectique entre ce qu’il est, ce qu’il peut et ce qu’il veut devenir299.

Le PALN est le produit social et historique d’un ailleurs, ce qui a nécessairement un impact sur le rapport de celui-ci à son environnement professionnel en France. Nous pouvons nous interroger sur l’étendue de la capacité d’intervention du PALN à l’intérieur du champ d’action professionnel : cette capacité est-elle limitée consciemment en raison d’un antagonisme éventuel entre le soi produit d’une socialisation primaire majoritairement britannique ou irlandaise et une socialisation professionnelle ultérieure en France ?