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PALN : UNE ENQUÊTE EN DEUX TEMPS 1. De la genèse à l’analyse du

questionnaire

François de Singly affirme que « l’enquête est un long jeu de construction » (de Singly, 1995, 2e édition 2005 : 19) et nous pouvons le confirmer, car la phase d’élaboration du questionnaire a duré beaucoup plus de temps que prévu initialement. Au début, l’objectif était de recueillir des données pertinentes à propos des PALN d’Irlande et du Royaume-Uni certifiés ou agrégés, en poste dans le second degré ou dans le supérieur, et d’accéder simultanément à un certain nombre d’opinions et de positionnements, conformément entre autres aux recommandations de F. de Singly. La version

« pilote » du questionnaire384 comportait quarante-huit questions dont une sur l’identité, deux sur l’adaptation et l’intégration professionnelles, une, sensible, sur l’évaluation de la compétence professionnelle qu’il aurait fallu assortir d’une échelle chiffrée pour plus d’objectivité, deux questions sur le regard que le participant portait sur sa langue et sur sa culture, et une question par rapport à l’idée d’un retour éventuel au pays d’« origine ».

Suite à la diffusion en ligne du questionnaire 1.0 par divers canaux complémentaires385, nous avons obtenu des réponses de la part de quatre-vingts répondants, dont soixante-seize correspondaient au profil recherché. À la lecture des réponses, nous avons compris qu’il fallait ajuster le questionnaire afin d’arriver à une version efficace et équilibrée qui ne conserverait en priorité que des questions

384 Voir annexe F pour le questionnaire « pilote »..

385 Voici l’appel à contributions tel qu’il fut diffusé sur le site de l’APLV, le 25 janvier 2009 (première diffusion) : Dans le cadre de sa thèse sur l’identité professionnelle des professeurs d’anglais locuteurs natifs (sous la direction de Claire Tardieu , Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Claire Griffin, professeur agrégé en poste à l’IUFM de Paris, souhaite entrer en contact avec un maximum de professeurs certifiés ou agrégés ou titulaires du CAPLP d’origine britannique ou irlandaise qui exercent en France et dans les DOM-TOM depuis 1992. Il faut créer un identifiant et un mot de passe avant d’accéder au questionnaire, dont le traitement sera entièrement anonyme. Claire Griffin contactera ensuite un certain nombre de répondants pour un entretien. Pour répondre au questionnaire : http://www.sharing-data.com/client/claire-griffin/fr/l_identite.html

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fermées, et qui basculerait les questions d’opinion et de projection dans l’entretien. L’élimination des questions appelant des réponses nuancées, que le format du questionnaire ne peut offrir, a permis la re-construction d’un questionnaire définitif qui a plutôt bien fonctionné. Nous avons procédé au double mouvement de conservation / élimination préconisé par de Singly, car les questions ouvertes étaient de toute évidence en surnombre. Par ailleurs, les questions appartenant à la signalétique386 n’étaient pas suffisamment détaillées et ne permettaient pas de cerner le profil de la personne interrogée. Les répondants du premier questionnaire « pilote » ont contribué à l’amélioration de l’outil exploratoire. Ce sont leurs réponses qui ont permis d’effectuer un tri nécessaire entre les questions devant figurer dans le questionnaire 2.0 et celles, plus complexes et plus ouvertes, ayant toute leur place dans le guide d’entretien.

Concrètement, le questionnaire 1.0 eut comme conséquence :

 La conservation d’une majorité de questions fermées.

 La suppression de questions d’opinion ou d’auto-évaluation nécessitant des réponses longues rendant le traitement des données ardu.

 La suppression des questions portant sur l’identité.

 La suppression d’une question portant sur la projection dans le temps (Q10 : Avez-vous l’intention de retourner vivre dans votre pays d’origine ?).

 La suppression des questions portant sur le rapport à la langue et à la culture 1 (Q20 : Est-ce que le fait d'enseigner votre L1, l'anglais, a modifié votre rapport à celle-ci?).

 La suppression de biais induits par l’absence de cases Ne se prononce pas dans certaines questions d’opinion (Q28 : Pensez-vous être aussi compétents que vos collègues non natifs).

 L’ajout de variables permettant de mieux cerner le profil sociologique de la personne (la profession des parents, du conjoint ; le diplôme le plus élevé des parents).

Ces ajustements ont paradoxalement donné lieu à un questionnaire plus long (soixante-huit questions387 dans la version définitive contre quarante-huit dans la version « pilote »), mais le questionnaire définitif, plus efficace et moins centré sur les représentations, a permis de collecter cent onze réponses sur le territoire national. Seules trente-huit personnes ont répondu aux deux questionnaires soit 34,2 % du nombre total des répondants au questionnaire définitif. Entre les deux questionnaires, il a fallu prendre de la distance par rapport à l’outil, et accepter de retarder le moment de l’exploration des perceptions et des opinions.

386 Voir Hervé Fenneteau, Enquête : entretien et questionnaire, p. 113.

387 En réalité, le questionnaire 2.0 ne comportait que 38 questions, mais en raison de certaines contraintes ergonomiques liées au logiciel, il a fallu créer des questions pour pouvoir intégrer les réponses « autre », comme pour la version pilote..

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1.1. De la phase de test du questionnaire 2.0 à l’architecture finale

Le questionnaire définitif a été testé sur un groupe de dix locuteurs « natifs » et « non natifs » volontaires. Tous les testeurs, sauf un, sont des professeurs ; un testeur n’est pas professeur d’anglais ; seuls trois testeurs sont des locuteurs « natifs » mais aucun des trois n’appartient au groupe-cible (un étant d’Amérique du Nord, un autre n’étant pas titulaire du CAPES ou de l’Agrégation et un autre n’étant pas enseignant). Tous étaient invités à répondre au questionnaire en ligne afin d’en vérifier le contenu, le fonctionnement, l’ergonomie et la cohérence. Le choix de faire appel à des personnes aux profils variés était pertinent dans la mesure où leurs regards croisés ont introduit une distance entre le point de vue du chercheur et l’objet de la recherche.

Nous pouvons regrouper les commentaires des testeurs388 en cinq catégories : 1. L’interface ou le fonctionnement du questionnaire en ligne.

2. La présentation du questionnaire-test (police rouge, par exemple, disparaissant dès la publication du questionnaire, lisibilité, repérages facilités).

3. Le fond : deux remarques ont permis d’anticiper une difficulté concernant le contenu – une question obligatoire sur la qualité de la relation entre le répondant et les parents d’élèves est devenue facultative suite à la phase de test, car des professeurs certifiés ou agrégés affectés dans le supérieur n’ont pas de relation avec les parents de leurs étudiants.

4. La formulation des questions et des consignes : six commentaires ont permis d’améliorer la qualité du français dans certaines questions.

5. Des suggestions : un testeur a formulé deux suggestions pour aller plus loin.

Cette phase de test s’est révélée très constructive. Elle a permis de croiser les regards de personnes qui ne sont pas directement impliquées dans l’enquête et qui ont pu analyser le questionnaire de façon plus neutre qu’un locuteur « natif » appartenant au groupe-cible, pour qui l’objet en construction est indissociable de tout un réseau d’émotions, de strates de vécu renvoyant à son identité. Il faut également rappeler ici que les remarques et suggestions recueillies lors du dépouillement du questionnaire « pilote » ont très largement contribué à l’amélioration du questionnaire. Il en découle naturellement que les testeurs ont plutôt formulé des remarques sur l’aspect technique du questionnaire, que sur le fond qui avait déjà été ajusté en fonction de la réception de la version 1.0. par les répondants eux-mêmes.

388 Voir annexe C pour le tableau synoptique des remarques et commentaires.

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L’architecture du questionnaire tient compte des recommandations récurrentes dans la littérature sur les questionnaires en sociologie (de Singly, 1995, 2e édition 2005 ; Combessie, 1996 ; Breakwell, 1990). Le questionnaire est structuré autour de trois axes : une première partie sur le parcours scolaire et professionnel antérieur, une deuxième partie portant sur la situation actuelle et une dernière partie permettant de recueillir des indicateurs sur les déterminants sociaux389 (sexe, âge, pays de naissance, profession des parents, etc.). Les premières questions sont de type administratif pour « briser la glace » avant l’introduction de questions portant sur le parcours antérieur. Le tableau synoptique ci-dessous permet de visualiser les différentes catégories de questions que comporte le questionnaire 2.0 :

Catégorie de questions Nombre de questions (sur 38 questions réelles)

Situation actuelle 5

Parcours scolaire et / ou professionnel 10

Langues étrangères 4

Opinion / perception 4

Formation continue et responsabilités

professionnelles assumées depuis la titularisation

2 Variables (sexe, âge, profession du conjoint, pays

de naissance, etc.)

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À la fin du questionnaire, les répondants pouvaient faire part de leurs réactions et / ou suggestions : ce fut le début d’un échange riche entre le chercheur et les membres du groupe-cible, échange qui s’est parfois poursuivi par courrier électronique. Certains répondants – une minorité – ont réagi au choix de la langue, parfois avec indignation. En effet, le questionnaire est en français, langue de l’institution et des différents sites sur lesquels l’appel à contributions a été diffusé. Ce choix a facilité une adéquation entre le répertoire scolaire, éducatif et professionnel et les résultats de l’enquête, bien que les répondants aient pu développer leurs réponses ou répondre aux questions

« autre » dans l’une ou l’autre langue. Ce choix initial dans la configuration même du questionnaire

389 Voici ce que F. de Singly écrit à propos de cette partie du questionnaire : « Il ne faut pas s’étonner de la stabilité relative de cette partie. Trois séries d’indicateurs des déterminants sociaux y figurent : les variables dont les intitulés renvoient directement à une désignation biologique – le sexe et l’âge – même si leur conception veut rompre avec une telle définition ; les variables servant à approcher le montant des capitaux, sociaux, culturels, économiques des individus interrogés ; les variables indiquant le mode d’organisation de la vie privée dans laquelle les personnes sont insérées », op.cit., p. 47.

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ne fut pas facile, mais après une réflexion nourrie de lectures sur la question de l’alternance codique et de l’identité des personnes bi/plurilingues, et suite à des échanges avec des collègues et des chercheurs expérimentés, celui de la langue française semblait l’emporter pour cette première étape de l’enquête. Il n’en va pas de même pour l’entretien, comme nous le verrons plus loin.

1.2. Diffusion institutionnelle et non institutionnelle du questionnaire 2.0

Une fois les corrections et améliorations apportées, le questionnaire définitif a pu être publié par Sharing-Data et l’appel à contributions lancé sur le site de l’Association des professeurs de langues vivantes (APLV), celui de la Société des anglicistes de l’enseignement supérieur (SAES) et par courrier électronique dans les différentes académies qui, par les biais des IA-IPR, avaient accepté de relayer l’information. Cet appel a été publié le 13 octobre 2009 sur la messagerie de la SAES, le 10 novembre 2009 sur le site de l’APLV390, le 14 décembre 2009 dans le mensuel n° 107 du Le café pédagogique par Christine Reymond391. Entre le 13 octobre 2009 et le 5 janvier 2010, 111 personnes ont répondu au questionnaire à travers la France. Hormis quelques problèmes techniques mineurs rencontrés par des répondants qui avaient déjà participé au questionnaire « pilote » et qui ne parvenaient pas à accéder au questionnaire 2.0, cette phase de l’enquête s’est bien déroulée. En effet, le nombre total de répondants appartenant au groupe-cible a augmenté de 25 % par rapport au questionnaire « pilote » (110 : 88). Au cours de la période de recueil des réponses, huit répondants ont contacté l’enquêteur par courrier électronique afin de résoudre un problème technique (lorsqu’un identifiant n’a pas été accepté, par exemple). Par ailleurs, deux répondants sont entrés en contact avec l’enquêteur pour solliciter des renseignements sur l’enquête par questionnaire avec diffusion sur Internet. La publication du questionnaire 2.0 sur Internet, ainsi que la décision de lancer des appels à contributions sur les différents sites de la « cyber-communauté » de l’anglistique que sont l’APLV, la SAES ou Le café pédagogique, ont optimisé les chances de constituer un corpus satisfaisant. L’appel à contributions a également été diffusé par TESOL France (mailing list), le forum d’Agreg-Ink, une plate-forme d’échange entre candidats à l’agrégation et au CAPES d’anglais, enseignants stagiaires et enseignants titulaires.

390 http://www.aplv-languesmodernes.org

391 http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/languesvivantes/anglais/Pages/107_Sommaire.aspx

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La diffusion institutionnelle du questionnaire fut assez inégale. Nous avons adressé un courrier à tous les recteurs et vice-recteurs de France et des DOM-TOM392 dans l’espoir que le plus grand nombre d’enseignants anglophones d’Irlande et du Royaume-Uni serait informé de l’enquête. Si quelques académies ont diffusé l’appel à contributions par le biais de leur liste de diffusion ou de leur site pédagogique académique, la plupart des académies n’ont pas diffusé l’information par ces canaux. Par voie de conséquence, certaines académies sont surreprésentées comparées à d’autres, car tous les enseignants d’anglais ont été récipiendaires de l’information, y compris les francophones.

Globalement, le format numérique du questionnaire ainsi que le mode de diffusion choisi ont permis de recueillir un nombre de réponses tout à fait satisfaisant par rapport au groupe-cible, minoritaire.

1.3. Analyse des données du questionnaire

111 professeurs d’anglais « locuteurs natifs » ont répondu au questionnaire dont 105 correspondaient au profil recherché : être professeur certifié ou agrégé titulaire ou stagiaire anglophone en poste dans le second degré ou le supérieur (après un passage par l’enseignement secondaire). L’appel à contributions précisait que l’enquête sollicitait la participation d’enseignants exerçant en France depuis 1992. Or, un nombre relativement élevé de professeurs titularisés avant 1992 a répondu au questionnaire : 17 % des répondants ont été titularisés avant 1992 (18 enseignants dont 2 retraités). Bien que le système éducatif français ait beaucoup évolué au cours des trente dernières années, dont le mode de recrutement et la formation des enseignants, nous avons choisi d’intégrer ces réponses à l’enquête et de ne pas écarter ce sous-groupe de la phase d’entretiens. En effet, dans une approche ancrée, l’analyse par comparaison continue peut inclure une source externe à l’enquête, ou être interne à celle-ci. Dans ce cas, la comparaison est interne à un entretien ou transversale, prenant appui sur l’ensemble ou une partie des entretiens. Le fait d’interviewer quelques personnes qui ont fait l’expérience directe des mutations sociales et des évolutions du système éducatif français permet de croiser les différents points de vue et de donner une profondeur diachronique à la recherche.

La composition du groupe de répondants dont le profil ne correspondait pas à celui recherché, est comme suit : un répondant n’appartient pas au groupe-cible, car il n’a jamais été titularisé par

392 Voir annexe D.

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l’Éducation nationale. Professeur retraité, il a exercé pendant 2 décennies dans le supérieur en tant que vacataire dans des matières autres que l’anglais. 5 autres répondants ne sont pas européens (3 répondants américains, 2 répondants australiens et 1 répondant néo-zélandais) et n’ont par conséquent pas le profil recherché.