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La méthodologie de la réforme sectorielle

Dans le document Pablo DAVALOS AGUILAR (Page 192-197)

Framework (CPF) • Systematic

IV.2. La méthodologie de la réforme sectorielle

La méthodologie d’intervention des projets sectoriels relève toujours de la

corporate governance. On définit à partir du cadre logique les objectifs stratégiques

tracés au préalable par la Banque Mondiale dans les Country Partnership Framework

(World Bank, 2016).

La logique des projets sectoriels, créés et structurés à partir des méthodologies de la gouvernance corporative ou gouvernement d’entreprise, va dorénavant encadrer les politiques publiques pour tous les secteurs de la société. De même que les entreprises privées ont une mission à accomplir envers leurs clients, avec une vision

stratégique pour la mener à bien, le secteur public reproduit la logique entrepreneuriale et reprend la mission/vision de ces organisations.

D’ailleurs, la méthodologie DAFO/SWOT52 permet de créer un simulacre de participation et de définition des objectifs pour les populations concernées. Les objectifs sont tracés dans un arbre d’objectifs qui va établir les exigences de la réforme structurelle dans un cadre sectoriel précis (World Bank, 2016d). Grâce à cela, on détermine les activités, les responsabilités, les ressources et le temps nécessaire pour atteindre ces objectifs.

Chaque projet sectoriel possède son rythme et sa durée particulière, mais est toujours encadré par le Country Partnership Framework (World Bank, 2016d). Les projets sectoriels forment l’engrenage qui va lier les institutions publiques, les populations, les territoires et leurs ressources à la réforme structurelle, et celle-ci à la mondialisation. Mais les projets sectoriels sont aussi le carrefour où se rencontrent l´ensemble des institutions qui ont partie liée avec la réforme structurelle.

IV.2.1. Les activités AAA (Analytical and AdvisoryActivities)

Dans chaque projet sectoriel, on retrouve les agences de coopération Nord-Sud, les agences du système des Nations-Unies, des agences d’aide au développement, des entreprises privées engagées dans le développement, des Banques régionales de développement, des ONG, des experts, des techniciens du développement, des conseillers, des chercheurs liés au développement, etc.

Les projets AAA (Analytical and AdvisoryActivities)(World Bank, 2016) sont le point de rencontre de tous ces acteurs, chargés de mettre en place les réformes juridiques et institutionnelles dans le cadre de la réforme structurelle. C'est le premier niveau de la réforme sectorielle. Pour intervenir sur un secteur, il est nécessaire de transformer son cadre institutionnel. En effet, au-delà des activités AAA de la Banque Mondiale, les projets de réforme institutionnelle foisonnent et ont toujours besoin d'expertises et de savoir-faire.

IV.2.2. Le rôle des ONG : l’émergence du tiers secteur

Dans un second niveau de la réforme sectorielle, entre la Banque Mondiale et les projets sectoriels, il existe une myriade d'ONG qui accomplissent le rôle de relais sur le

terrain. D’habitude, le travail le plus dur est exécuté par des ONG locales parce qu’elles connaissent le terrain et ont une relation étroite avec les populations concernées.

D’ailleurs, la Banque Mondiale va encourager partout la création d'ONG, comme c´est le cas aux Philippines (World Bank, 2014). Elles vont ainsi accueillir, développer et mettre en place toutes les méthodologies du gouvernement d’entreprise dans la réforme structurelle. En plus, elles vont absorber les dégâts faits par la réforme structurelle. Elles seront une source d'emplois, souvent mal rémunérés et instables pour les travailleurs, dans un contexte où les politiques mises en place favorisent le chômage et la pauvreté et vont, en plus, freiner les possibilités d’organisations sociales en-dehors de la réforme sectorielle(Danaher, 1994).

Les ONG vont diffuser les discours de la réforme structurelle comme des discours légitimes et valables : capital humain, maintien de la stabilité économique, autonomie de la Banque centrale, etc. Les ONG vont devenir des acteurs politiques clés de la réforme sectorielle ; leur foisonnement étant le meilleur indicateur de l’essor des réformes structurelles(Danaher, 1994).

L’influence des ONG est tellement vaste, et leur présence répandue, que la Banque Mondiale a commencé à les considérer comme le « tiers secteur » social, à cheval entre le marché et l’État(Dávalos, 2011). L´idée de tiers secteur est une création de la Banque Mondiale et de la réforme sectorielle. Il devient le relais de la Banque Mondiale et peut remplacer l’État comme acteur politique. Cette fonction politique attribuée aux ONG peut être utilisée pour faire pression sur le système politique, qui doit approuver des lois et des normes nécessaires à la réforme sectorielle. La pression exercée par les ONG peut être présentée comme un soutien social en faveur des réformes sectorielles (Dávalos, 2011).

Les notions de société civile et d'action collective ont pour but de faire du tiers secteur le point de charnière entre la Banque Mondiale et l’ensemble de la société. Le tiers secteur apparait sous les traits de la société civile pour endosser un rôle politique important et pousser à la réforme sectorielle.

Sa capacité de lobby est considérée, à partir de la théorie de la nouvelle économie institutionnelle, comme une « action collective ». Par ailleurs, la plupart des

consultations exécutées par la Banque Mondiale à propos de la réforme structurelle, dans le but de la légitimer, sont précisément effectuées par ce « tiers secteur »(Dávalos, 2011).

IV.2.3. Concepts et pratiques dans les projets sectoriels

L’application de la nouvelle économie institutionnelle donne une assise aux projets de réforme sectorielle pour mettre en place des mécanismes de marché dans les secteurs concernés. Ainsi, la notion de coûts de transaction peut être étendue pour atteindre des aspects de la vie sociale qui étaient jusqu'alors en-dehors du marché (Williamson O. , 1989).

La notion qui a été utilisée à cette fin est celle des « services marchands», notion qui est inscrite dans la logique de l’équilibre des marchés(World Bank, 2016). Ainsi, l’éducation, par exemple, devient un service marchand avec une offre et une demande, et des prix d’équilibre. Ces prix représentent l´étalon qui permet de mesurer le « service d'éducation » comme politique publique inscrite dans la logique marchande. Il en va de même pour la santé, les autoroutes, l’énergie, la sécurité sociale, les assurances, etc. (Dávalos, 2011).

En outre, le concept de capital humain permet de développer le marché des assurances, et permet aussi d'insérer les réformes dans l´éducation et la santé dans un cadre de formation individuelle très compétitive et soumise à l’idéologie de la réussite individuelle(Bourdieu, 1998; Foucault, 2004).

IV.2.3. Les Programme de Transferts Monétaires Conditionnées (PTMC)

Le Programme de Transferts Monétaires Conditionnés (PTMC) envers les plus pauvres se convertit en noyau des projets sectoriels de la réforme structurelle encadrés par le concept de capital humain. (Dávalos, 2011). Il s’agit de transferts d´argent aux plus pauvres selon des critères établis par le pays, la Banque Mondiale et les agences de coopération au développement (Cecchini & Madariaga, 2011). Ces transferts sont exécutés auprès des populations ciblées par les PTMC et suivant des objectifs concrets comme, par exemple, la scolarisation des enfants. Pour l’année 2016, 18 pays d’Amérique latine bénéficiaient des programmes de PTMC, couvrant 19% de la population(Cecchini & Madariaga, 2011).

La Banque Mondiale et ses alliés vont créer des PTMC, avec l’appui des gouvernements qui ont vite compris que les populations ciblées pouvaient devenir des électeurs fidèles et captifs du parti politique au pouvoir. Dans le tableau ci-dessous, on constate qu´en Amérique latine, 48 programmes de transferts monétaires conditionnés ont été appliqués, touchant près de 113 millions des personnes(Cecchini & Madariaga, 2011) :

Tableau 15 : PTCM Amérique Latine, 2016 Programmes des transferts monétaires conditionnés (PTMC) en Amérique latine

Pays Programme

Argentine Asignación Universal por Hijo para Protección Social (2009) Familias por la Inclusión Social (2005-2010)

Jefas y Jefes de Hogar Desocupados (2002-2005) Programa de Ciudadanía Porteña (2005-)

Belize Creando oportunidades para nuestra transformación social (Building Opportunities for Our Social Transformation, BOOST) (2011-)

Bolivie (État Plurinational de)

Bono Juancito Pinto (2006-)

Bono Madre Niña-Niño Juana Azurduy (2009-)

Brésil Bolsa Alimentação (2001-2003) Bolsa Escola (2001-2003) Bolsa Familia (2003) Cartão Alimentação (2003) Programa Bolsa Verde (2011-)

Programa de Erradicação do Trabalho Infantil (PETI) (1997-)

Chili Chile Solidario (2002-2012)

Ingreso Ético Familiar (2012-)

Colombie Más Familias en Acción (2001-)

Red Unidos (Ex Red Juntos) (2007-)

Subsidios Condicionados a la Asistencia Escolar (2005-2012)

Costa Rica Avancemos (2006-)

Superémonos (2000-2002)

Équateur Bono de Desarrollo Humano (2003-)

Bono Solidario (1998-2003) Desnutrición Cero (2011-)

El Salvador Programa de Apoyo a Comunidades Solidarias en El Salvador (ex Comunidades

Solidarias Rurales o Red Solidaria) (2005-) -

Guatemala Mi Bono Seguro (2012-)

Mi Familia Progresa (2008-2011)

Protección y Desarrollo de la Niñez y Adolescencia Trabajadora (2007-2008)

Haïti Ti Manman Cheri (2012-)

Honduras Bono Vida Mejor (ex Bono 10.000 Educación, Salud y Nutrición) (2010-) PRAF/BID Fase II (1998-2005)

PRAF/BID Fase III (2006-2009)

Programa de Asignación Familiar (PRAF) (1990-2009) -

Jamaïque Programme of Advancement Through Health and Education (PATH) (2001-) Mexique Oportunidades (Programa de Desarrollo Humano, ex Progresa) (1997-2014)

Prospera. Programa de Inclusión Social (2014-)

Nicaragua Red de Protección Social (2000-2006)

Sistema de Atención a Crisis (2005-2006)

Panama Bonos Familiares para la Compra de Alimentos (2005-) Red de Oportunidades (2006-)

Paraguay Abrazo (2005-)

Tekoporâ (2005-)

Pérou Juntos (Programa Nacional de Apoyo Directo a los más Pobres) (2005-) République Dominicaine Programa Solidaridad (2005-2012)

Progresando con Solidaridad (2012-)

Trinité et Tobago Targeted Conditional Cash Transfer Program (TCCTP) (2005-)

Uruguay Asignaciones Familiares (2008)

Plan de Atención Nacional a la Emergencia Social (PANES) (2005-2007)

Tarjeta Uruguay Social (ex Tarjeta Alimentaria) (2006-)

Source : CEPAL (2016)

Les PTMC sont le noyau dur des politiques d’inclusion sociale dans la plupart des pays d’Amérique latine. Dans ce sens, on peut dire qu´à partir des réformes structurelles, les politiques sociales en Amérique latine ont été façonnées par la Banque Mondiale et sont devenues le relais des politiques d’ajustement et de stabilisation du FMI.

Dans le document Pablo DAVALOS AGUILAR (Page 192-197)