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Gouvernance et développement

Dans le document Pablo DAVALOS AGUILAR (Page 155-160)

La « bonne gouvernance » pour le développement est née à partir des troubles sociaux provoqués par l’imposition des politiques d’ajustement, et comme un besoin d’articuler les procédures pour surmonter ces conflits sociaux, dans une démarche technique de développement. En effet, les politiques de choc de l’ajustement structurel se sont heurtées à des résistances sociales parfois persistantes et dures (Klein, 2010). D’ailleurs, les politiques de privatisation et de décentralisation ont provoqué des conflits avec les élites locales et même entre corporations privées. Il fallait, pour le FMI et la Banque Mondiale, régler ces conflits et les inscrire dans les logiques de la réforme structurelle.

Dans ce sens, la bonne gouvernance a joué un rôle de charnière entre le changement institutionnel des réformes structurelles de seconde génération et le consensus social qu’il exigeait. La bonne gouvernance est une notion très idéologique avec des buts concrets : structurer le consensus nécessaire pour avancer et consolider les réformes structurelles sur un schéma très technique. C’est justement parce que

l’enjeu est politique que le concept clé pour le changement institutionnel et la réforme structurelle est celui de bonnegouvernance :

« … It is the purpose of the Bank Group to assist countries to help themselves by catalyzing the capital and policies through a mix of ideas and experience, development of private market opportunities, and support for good governance... » (Zoellick, Robert, 2007 : 8).

La Banque Mondiale va intégrer la corporate governance aux démarches du développement sous plusieurs dimensions : du renforcement des droits de propriété pour les investisseurs privés, jusqu’à la lutte contre la pauvreté. Cette démarche est fondamentale pour consolider les processus de réforme structurelle qui sont produits par les réformes de seconde génération.

La corporate governance adopte une allure plus politique lorsque les

gouvernements s’engagent dans les réformes structurelles de seconde génération. Les dimensions sont alors : (1) la lutte contre la corruption ; (2) les avancées dans l’autorégulation et la dérégulation des marchés ; (3) la participation citoyenne dans les réformes de seconde génération ; (4) les nouvelles structures juridiques qui vont encadrer les réformes ; (5) le dérèglement climatique. La Banque Mondiale va tellement étirer le concept de corporate governance qu’il va toucher presque toutes les dimensions des réformes structurelles de seconde génération44.

II.3.1. Good Governance et les dimensions du développement

La Banque Mondiale et ses alliées ont beaucoup insisté sur le fait que la bonne gouvernance (good governance) était nécessaire au développement et à la croissance. Dans plusieurs déclarations, la bonne gouvernance incarne la condition préalable pour relancer et stabiliser la croissance :

“Good corporate governance contributes to sustainable economic development by enhancing the performance of companies and increasing their access to outside capital. Increased access to capital encourages new investments, boosts economic growth, and provides employment opportunities. Good corporate governance also helps companies

44 La Banque Mondiale va créer une base de données de bonne gouvernance pour presque tous les pays de la planète, voir World Bank, (2016b).

operate more efficiently, mitigates risk, and safeguards against mismanagement.” (World Bank, 2016, p. 24).

La bonne gouvernance est ainsi devenue un enjeu du développement. Dans la stratégie de la réforme structurelle, elle est le facteur clé pour assurer la stabilité et l’irréversibilité des mesures prises. Dans tous les cas, l’axe d’intervention est l’approche institutionnelle, et la procédure du changement institutionnel, la bonne gouvernance.

Le concept de bonne gouvernance peut intégrer plusieurs dimensions sociales et politiques, comme celles de la participation citoyenne et des droits humains :

« It is now widely accepted that justice institutions are crucial for good governance and sustainable development and can play an important role in protecting human rights » (World Bank, 2016, p. 85).

Le concept de bonne gouvernance sert aussi à l’allocation des capitaux dans les marchés financiers et la lutte contre la pauvreté :

« Target 12: Develop further an open, rule-based, predictable, nondiscriminatory trading and financial system (including a commitment to good governance, development, and poverty reduction, nationally and internationally)” (World Bank, 2016, p. 110).

Le concept de bonne gouvernance sert aussi pour consolider le rôle des agences de la Banque Mondiale :

«MIGA’s Access to Information Policy,… aims to enhance transparency and promote good governance with a view toward increasing the Agency’s development effectiveness and strengthening public trust » (World Bank, 2016, p. 2).

Pour s’engager dans la lutte contre la corruption :

« The WBG Integrity Compliance Guidelines incorporate standards, principles, and components commonly recognized by many institutions and entities as good

governance and antifraud an anticorruption practices. » (World Bank, 2016, p. 23) ;

« The World Bank Group views good governance and anticorruption as critically important to its mission goals. Many governance and anticorruption initiatives focus on assisting countries in improving governance and controlling corruption, minimizing

corruption on World Bank–funded projects, and internal organizational integrity » (World Bank, 2016, p. 26).

Pour construire les institutions économiques pour le marché et la gouvernance des entreprises privées :

« This process includes training materials and institution-building tools in the areas of corporate governance associations, codes and scorecards, board leadership training, dispute resolution, the training of business reporters, and implementation of good governance practices in fi rms. Strong corporate governance depends on

diversity in board leadership. » (World Bank, 2016, p. 25).

Le concept de bonne gouvernance sert aussi à consolider l’extractivisme et légitimer les dérives de l’extractivisme :

« In this context, the WB (World Bank) also works with governments on EITI (Extractive Industries Transparency Initiative) issues as part of broader WB-supported programs on extractive industries reform, natural resource management, and good governance and anticorruption. In addition to supporting the governments involved in the EITI, the WB has also provided financial support from its own funds to a number of

civil society groups concerned with EITI implementation» (World Bank, 2016, p. 54).

Une issue très concrète du gouvernement corporatif pour le développement économique, et la réforme structurelle qui y est attachée, est la tendance à l´utilisation d´indicateurs quantitatifs de gestion, de procédures et d'administration. Toute matrice de développement sectoriel doit être accompagnée de systèmes d’indicateurs. Les objectifs du développement doivent aussi avoir leurs indicateurs corrélatifs, de même que les activités, les coûts, etc. Dans le cadre du développement, ce sont les indicateurs quantitatifs qui prennent le relais, et la logique entrepreneuriale qui devient la logique du développement économique. Toute la complexité liée au développement disparaît et va se convertir en une logique d’indicateurs. L’extrême attention portée aux indicateurs relève des logiques déployées par le gouvernement corporatif.

La notion de bonne gouvernance appliquée au développement signifie alors l’incorporation des logiques d’intervention dans un cadre méthodologique très précis, et dont la plus importante est la capacité de contrôle et de surveillance. Ainsi, la bonne

gouvernance inclut l’ensemble des procédures méthodologiques qui permettent la mise en œuvre des politiques de réforme structurelle et qui peuvent être mesurées.

Dans le document Pablo DAVALOS AGUILAR (Page 155-160)