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LA LIBRE APPRÉCIATION D’UNE PREUVE PARMI D’AUTRES

tous les cas, et le refus de se soumettre au dépistage à l’alcool 879 ou aux stupéfiants 880 , entraine les mêmes conséquences881 dans la mesure où il permet de retenir la circonstance aggravante

B. LA LIBRE APPRÉCIATION D’UNE PREUVE PARMI D’AUTRES

246. Le principe de libre appréciation de la preuve. En droit pénal, en principe,

aucune preuve ne prévaut sur une autre : c’est le système de la preuve libre qui gouverne la

matière. Ce système, issu de la Révolution

925

, permet au juge pénal lato sensu, d’apprécier

librement la preuve : c’est l’intime conviction du juge qui règne et non plus le roi.

L’appréciation de la preuve par le juge n’empêche pas un rapport de concurrence en matière

pénale

926

. La doctrine énonce que le rapport de concurrence « […] montre que la détermination

légale de la force probante ne conduit pas nécessairement à déterminer par avance la solution

de chaque conflit de preuves. Lorsque le législateur ouvre la voie à la preuve contraire, il

920 ONISR, Bilan de l’accidentalité routière de l’année 2018, 18 septembre 2019, 200 pages, p. 108.

921 Art. 221-6-1, al. 2 C. pén. ou art. 222-19-1, al. 2 C. pén et art. 222-20-1, al. 2 C. pén.

922 Ces chiffres semblent stables depuis quelques années in J. MOREL D’ARLEUX (dir.), Drogues et addictions données essentielles, OFDT, 2019, 200 pages, p. 107 ; et in ONISR, Bilan de l’accidentalité routière de l’année 2018, 18 septembre 2019, 200 pages.

923 Pour rappel l’auteur encourt dans ce cas sept ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende selon l’article 221-6-1, alinéas 2 et 3 du Code pénal.

924 Art. 221-6-1, al. 2 C. pén., art. 222-19-1, al. 2 et art. 222-20-1, al. 2 C. pén., en ce qui concerne la circonstance aggravante liée à l’imprégnation alcoolique ; ou art. 221-6-1, al. 3 C. pén., art. 222-19-1, al. 3 et art. 222-20-1, al. 3 C. pén. en ce qui concerne la circonstance aggravante liée à l’intoxication aux stupéfiants.

925 Notamment énoncé in E. VERGÈS, G.VIAL et O. LECLERC, Droit de la preuve, op. cit., p. 59-60.

LA PREUVE FACILITÉE DE LA PRISE DE SUBSTANCES EXPLIQUANT LE RECENSEMENT IMPORTANT DE VIOLENCES INVOLONTAIRES AGGRAVÉES

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établit une forme d’équivalence entre certains modes de preuve […] »

927

. Or, la preuve

scientifique prévue par le législateur est une véritable preuve légale susceptible de porter

atteinte à ce rapport de concurrence et à la libre appréciation du juge, bien que cette atteinte soit

nuancée par la doctrine

928

.

247. La preuve scientifique menaçant le rapport de concurrence. Si la preuve du

taux d’alcoolémie ou de l’usage de stupéfiants est une preuve légale, puisqu’intégrée par le

législateur à l’élément constitutif de l’infraction

929

, il ne faut pas, toutefois, négliger la

faillibilité de ce type de preuve. Certes, le législateur fait de cette preuve une preuve légale car

elle est « […] susceptible d’être rapportée par des techniques scientifiques fiables […]»

930

.

Néanmoins, fiabilité n’est pour autant pas synonyme d’infaillibilité. Lorsque deux preuves

légales sont en concurrence il semble que l’intime conviction du juge soit déterminante, même

si ce procédé entraîne une hiérarchisation dangereuse des preuves en matière pénale. En effet,

cette preuve scientifique est placée au sommet d’une « hiérarchie imaginaire » des preuves

931

.

Toutefois un procès-verbal d’audition, ou d’aveu devrait entrer en concurrence avec cette

preuve scientifique

932

.

248. La dangerosité du scientisme. Le scientisme est défini par le CNRTL comme

« [l’] attitude consistant à considérer que toute connaissance ne peut être atteinte que par les

sciences, particulièrement les sciences physico-chimiques, et qui attend d’elles la solution des

927Ibidem.

928 « […] En effet, le caractère scientifique de l’élément probatoire rapporté ne remet pas en cause le principe de libre appréciation de la preuve par les juges. Les magistrats peuvent parfaitement se livrer à une interprétation des résultats, ces derniers ne s’imposant pas totalement à eux. Si leur liberté est très limitée, les juges conservent notamment la possibilité de prendre en considération la marge d’erreur établie par le législateur. Certains automobilistes furent relaxés quand, en application de la marge d’erreur, le taux d’alcool relevé s’avérait inférieur au seuil légal [V. J.-P. CÉRÉ, « Conduite sous influence : alcool – stupéfiants », prec. cit., n°2]. Toutefois, le bénéfice de cette marge en faveur du conducteur doit être analysé comme une simple faculté laissée à la libre appréciation du juge et non comme une obligation à sa charge. Au cours d’un jugement pour conduite en état d’ébriété, la liberté du juge se trouve réduite à la possibilité de faire jouer, en faveur du conducteur mis en cause, une marge d’erreur légalement établie ou, au contraire, à en écarter l’application. Enfin, peuvent également être citées, dans le même sens, de rares hypothèses où les juges ont choisi de retenir des facteurs d’atténuation de responsabilité. C’est par exemple le cas pour le conducteur d’un véhicule de pompier qui prend le volant de manière imprévue et avec l’intention de porter secours à autrui (CA Bourges, 15 novembre 1990, cité in J.-P. CÉRÉ,« Conduite sous influence : alcool – stupéfiants », prec. cit., n°36 ; voir également la jurisprudence relative à la conduite sous l’influence d’un médicament, in J.-P. CÉRÉ, « Conduite sous influence : alcool – stupéfiants », prec. cit., n°35) », in J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p.126.

929 E. VERGÈS, G. VIAL et O. LECLERC, Droit de la preuve, op. cit., p. 424-425.

930Ibidem.

931 Selon la formule de l’auteur in J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal,op. cit., p. 262.

932 Ces procès-verbaux étant également des preuves légales comme le précise notamment l’article 537 du Code de

PARTIE I–TITRE II–CHAPITRE 1

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problèmes humains »

933

. En matière de preuve scientifique, on tend vers le scientisme puisque

selon la doctrine « […] l’analyse sanguine possède une force probante qui n’est pas susceptible

d’être remise en cause par une preuve contraire […]»

934

. Quelle est la place des droits de la

défense pour remettre en question une telle preuve considérée comme infaillible ? Une

jurisprudence énonce, de façon assez rigoureuse, que l’analyse sanguine révélant la présence

du cannabis lie le juge, le délit étant donc constitué, peu important le taux de stupéfiants établi

ou le fait que l’auteur ne soit plus sous l’influence de la drogue en cause lorsqu’il conduit

935

.

L’analyse sanguine est donc déterminante et ne peut pas être remise en cause par d’autres

preuves ce qui reste contraire à la libre appréciation de la preuve pénale. A contrario l’aveu

d’un auteur d’avoir consommé du cannabis n’a parfois aucune influence si l’analyse sanguine

est irrégulière

936

, ce qui est également discutable. Si les juges, en matière pénale, ne peuvent

plus se passer des preuves scientifiques, il ne faut pas pour autant sombrer dans le scientisme

conférant parfois à tort aux preuves scientifiquement établies une valeur supérieure aux autres

preuves. C’est toutefois ce que semble faire la jurisprudence à propos de l’analyse sanguine qui

découle d’un dépistage positif ou du refus de se soumettre au dépistage. Cette problématique

se retrouve en matière d’expertises

937

. Ce constat crée des difficultés car il induit que cette

preuve scientifique est infaillible, ce qui mérite d’être nuancé.

249. Une preuve scientifique faillible

938

. Il faut mettre fin au « culte de la science »

939

,

partagé tant par les citoyens que par les juges : la preuve scientifique n’est pas parfaite, elle est

faillible. Le juge pénal ne doit pas être « […] “ hypnotisé” par l’infaillibilité qu’elle représente,

voire paralysé par la certitude qu’elle véhicule […] »

940

, au risque de commettre un certain

nombre d’erreurs judiciaires. Cette preuve scientifique est faillible à plusieurs niveaux. Tout

d’abord, en ce qui concerne les incertitudes scientifiques, il faut dans un premier temps rappeler

933 Dictionnaire CNRTL, affilié au CNRS, Voir entrée « scientisme », https://www.cnrtl.fr/definition/scientisme.

934 E. VERGÈS, G. VIAL et O. LECLERC, Droit de la preuve, op. cit., p. 424-425.

935 Cass. crim., 8 juin 2011, n°11-81.818, notamment cité in E. VERGÈS, G. VIAL et O. LECLERC, Droit de la preuve, op. cit., p. 424-425.

936 Cass. crim., 15 février 2012, n°11-84.607, D. actu. 29 mars 2012, obs. Blombled ; Dr. pénal 2012, no 70, note Robert ; ibid. Chron. 6, obs. Gauvin ; Gaz. Pal. 21 avr. 2012, p. 37, note Fourment ; ibid. 28 juill. 2012, p. 17, note Detraz ; Jurispr. auto 2012, no 843, p. 32, note Petit.

937 Cf. infra n°562 et s.

938 J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 260 et s.

939 Selon l’expression de F. TERRÉ, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, Dalloz, 11e édition, 2013, 1594 pages, p. 745 et s., cité in J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 260. Pour ces auteurs la science figure désormais parmi « les nouveaux dieux d’une société sans Dieu ».

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que certaines sciences sont contestées

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car elles ne sont pas exactes

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: c’est notamment le

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