• Aucun résultat trouvé

Dès 2003, consécutivement à la volonté de réprimer les atteintes involontaires à la vie sur la route, il a été prévu d’aggraver la peine si ces atteintes intervenaient après une prise excessive

d’alcool ou l’usage de stupéfiants. La même critique que pour les accidents de la route

consécutivement à la prise d’alcool peut être faite sur le refus d’appliquer ces circonstances

aggravantes à l’ensemble des violences involontaires. Il semble regrettable de ne pouvoir

appliquer cette circonstance aggravante que pour les accidents de la circulation. Des accidents

autres que routiers peuvent entraîner des violences involontaires lorsqu’une personne fait usage

de stupéfiants et il n’aurait pas été illogique de prévoir cette circonstance aggravante pour tout

type de violences involontaires. En effet, cela aurait été logique de créer la circonstance

aggravante pour tout homicide involontaire

466

par exemple. De la même manière, pour les

violences involontaires qui n’entraînent pas la mort, l’usage de substance psychoactive pourrait

461 À ce propos il est parfois fait référence à un recopiage d’un Code dit suiveur, dans un autre Code, dit pilote

comme l’évoque et le critique Laurent MINIATOin L. MINIATO, « Les inconvénients du code pilote et du code

suiveur », D., 2004, p. 1416.

462 « Le harcèlement moral défini par l’art. L. 1152-1 C. trav. est en effet sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende par l’art. L. 1152-1 du même code tandis que l’art. 222-33-2 C. pén. sanctionne le harcèlement moral d’un an d’emprisonnement de 15 000 euros d’amende. De plus les peines complémentaires prévues sont également différentes (seul l’affichage de la décision de condamnation est envisagé par le Code du travail alors que le Code pénal permet l’application de toutes les peines complémentaires prévues par son art. 222-44 », selon V. MALABATin V. MALABAT, B. DE LAMY et M. GIACOPELLI, La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, Opinio doctorum, op. cit., p. 73.

463 Cons. const., 12 janv. 2002, n°2001-455 DC, JO 18 janv. 2002, considérants nos 85 et 86 in Ibid., p. 74.

464 Selon V. MALABATin V. MALABAT, B. DE LAMY et M. GIACOPELLI, La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, Opinio doctorum, op. cit., p. 74.

465 Nous partageons le point de vue de Madame le professeur Valérie MALABAT qui regrette que cette double

incrimination soit validée par les sages in V. MALABAT, B. DE LAMY et M. GIACOPELLI, La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, Opinio doctorum, op. cit., p. 74.

LA CIRCONSTANCE AGGRAVANTE DE PRISE DALCOOL OU DE STUPÉFIANTS FRÉQUEMMENT RETENUE POUR LES VIOLENCES INVOLONTAIRES

86

aggraver la peine de l’auteur et pas seulement pour les accidents de la route

467

. De la sorte, la

répression de l’usage de stupéfiants ou de l’ivresse serait plus forte mais cela permettrait

d’englober des comportements similaires lorsque, par exemple, un skieur est sous l’emprise de

stupéfiants et qu’il a blessé un autre skieur. En l’état actuel des choses sa peine ne prend pas en

compte le risque qu’il cause aux autres skieurs dont il était conscient en pratiquant le ski alpin

après avoir fait usage de stupéfiants. Pour autant ce risque pris pour les autres skieurs ne doit

pas rester impuni si on considère qu’un conducteur de VTM doit voir sa peine aggravée

lorsqu’il conduit, pour le risque qu’il fait prendre aux autres. Pour un comportement risqué –

peut-être moins risqué pour le skieur certes – assimilable au problème du cycliste

468

, dans un

cas la peine est aggravée et pas dans l’autre, ce qui est contestable, alors que le comportement

risqué est le même. Il existe une difficulté quant à l’aggravation des violences routières liée à

la prise de substances psychoactives, tenant à la présomption d’innocence.

121. Un bref rappel sur la présomption d’innocence. Tout d’abord, il convient de

rappeler que la présomption d’innocence, prévue à l’article 9-1 du Code civil est un principe

reconnu comme liberté fondamentale

469

à valeur constitutionnelle

470

. La présomption

d’innocence est en effet prévue par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du

citoyen (DDHC), cette dernière étant dans le préambule de la Constitution de 1946, elle-même

intégrée à notre Constitution actuelle datant de 1958. La présomption d’innocence est

également prévue à l’article préliminaire du Code de procédure pénale

471

. Elle est, en outre,

encadrée par la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH) qui prévoit le respect de

ce principe parmi les exigences liées au respect du procès équitable prévu à l’article 6 de la

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales

(Conv. EDH). La jurisprudence la consacre depuis longtemps, en effet, aux termes de l’article

6§2 de la Conv. EDH toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à

ce que sa culpabilité ait été légalement établie

472

. En outre, la chambre criminelle de la Cour de

cassation rappelle également que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve

467 Art. 222-19-1, al. 2 et al. 3 et art. 222-20-1, al. 2 et al. 3, C. pén.

468 Cf. supra, n°108 et cf. infra n°266.

469 CE, réf., 14 mars 2005, n°278435, AJDA 2005, 576.

470 Cons. const., 20 janv. 1981, n°80-127 DC, JCP 1981. II. 19701, note Franck ; D. 1981. 101, note Pradel et 1982. 441, note Dekeuwer ; AJDA 1981. 275 Rivero ; ibid. 278, note Gournay ; RD publ. 1981. 651, note Philip (sécurité et liberté) ; mais aussi Cons. const., 8 juill. 1989, n°89-258 DC, JCP 1990. II. 21409, note Franck ; D. 1990. Somm. 138, obs. Chelle et Prétot (amnistie) ; ou encore Cons. const., 11 août 1983, n°93-326 DC (garde à vue) ; et aussi Cons. const. 2 févr. 1995, n°95-360, D. 1995, 171., note Pradel ; RFDC 1995. 405, note Renoux (injonction pénale).

471 Art. prélim., III, C. pr. pén.

PARTIE I–TITRE I–CHAPITRE 1

87

de la culpabilité incombe à la partie poursuivante

473

. Mais si la présomption d’innocence est un

droit fondamental, ce droit n’est pas absolu selon la jurisprudence

474

. En effet, selon le Conseil

constitutionnel : « […] s’il résulte des dispositions de l’article 9 de la DDHC, qu’en principe

le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; toutefois

à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière

contraventionnelle, dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu’est assuré le

respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de

l’imputabilité »

475

. C’est probablement ce qui pourra justifier la présomption de culpabilité

d’usage d’une substance lorsque l’auteur de l’accident refuse de se soumettre au dépistage.

122. La présomption de culpabilité d’avoir fait usage d’une substance en cas de

refus de se soumettre au dépistage

476

. Lorsqu’une personne encourt une aggravation de sa

peine pour une infraction par refus de se soumettre à un dépistage cela semble constituer une

atteinte à sa présomption d’innocence. La jurisprudence a reconnu en 1976

477

que le refus de se

soumettre aux épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’alcootest n’était

susceptible d’aucune qualification pénale à l’époque

478

, ce qui se serait appliqué aux stupéfiants

a fortiori. Seul était prévu et réprimé – par l’article L. 1

er

, paragraphe 1, alinéa 5, du Code de

la route – le refus de se soumettre aux vérifications médicales, chimiques et biologiques.

Néanmoins, en ce qui concerne la circonstance aggravante des violences involontaires après un

accident de la circulation, est présumé coupable – d’avoir fait usage de la substance – celui qui

refuse de se soumettre à l’un des dépistages prévus car il encourt la circonstance aggravante

malgré l’absence de preuve de prise d’une telle substance. Sa présomption de culpabilité ne

concerne néanmoins que la prise de substance. La prise de stupéfiants constitue le

troisièmement de l’infraction visée

479

et prévoit d’aggraver la peine si l’automobiliste a fait

usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou au même titre s’il refuse « de se

soumettre aux vérifications prévues par le Code de la route destinées à établir s’il conduisait

en ayant fait usage de stupéfiants »

480

. Comme Maître Emmanuel P

IRE

le souligne, le refus de

473 Cass. crim., 22 avr. 1993, n°92-81.811 P.

474 Cons. const., 16 juin 1999, n°99-411 DC, JO 19 juin, p. 9019 (sécurité routière).

475Ibidem.

476 Cf. infra nos 231 et 639.

477 Cass. crim., 27 janv. 1976, n°75-91.781, Bull. crim. n°31, D. 1976. IR. 56.

478 B. BOULOC, « Légalité des délits et des peines : nécessité d’un texte », RSC, 1994, p. 549.

479 Qu’il s’agisse de l’homicide involontaire (art. 221-6-1, 3° C. pén.), des violences involontaires au volant entraînant une ITT supérieure à 3 mois (art. 222-19-1, 3° C. pén.) ou des violences involontaires au volant inférieures ou égales à 3 mois (art. 222-20-1, 3° C. pén.).

LA CIRCONSTANCE AGGRAVANTE DE PRISE DALCOOL OU DE STUPÉFIANTS FRÉQUEMMENT RETENUE POUR LES VIOLENCES INVOLONTAIRES

88

se soumettre au dépistage par analyse sanguine – jusqu’en 2016 – crée une véritable

présomption de culpabilité de prise de stupéfiants

481

. La logique du législateur est de faciliter

les contrôles au motif qu’une personne n’ayant pas pris de substances n’a rien à se reprocher et

peut donc accepter le dépistage en cas d’accident

482

. Cette logique crée néanmoins une véritable

atteinte à la présomption d’innocence puisque celui qui refuse le dépistage sanguin encourt la

circonstance aggravante de prise de stupéfiants après un accident, sans aucune preuve de cette

consommation. Maître Emmanuel P

IRE

prenait l’exemple des témoins de Jéhovah qui refusent

toute analyse sanguine pour raison religieuse et qui en cas d’accident de la route à la suite du

refus pourraient se voir appliquer la circonstance aggravante de prise de stupéfiants pour motif

religieux. Cette circonstance aggravante litigieuse n’a pour autant jamais été remise en cause,

seul son moyen de preuve a été modifié en 2016 permettant d’adjoindre à l’analyse sanguine,

l’analyse salivaire.

123. L’émergence du test salivaire en 2016. Une différence fondamentale existe entre

la circonstance aggravante de prise excessive d’alcool et celle de prise de stupéfiants en plus de

l’absence de seuil requis. Il peut paraître étonnant que le mode de preuve

483

, soit intégré à la

circonstance aggravante en ce qui concerne l’éventuelle prise de stupéfiants. Il est directement

fait référence dès 2003, au fait que cette prise de substance « résulte d’une analyse sanguine »

comme l’énonce la circonstance aggravante visée ab initio. Ce qui fera dire, à raison, à Maître

Emmanuel P

IRE

que cela empêche le juge d’apprécier souverainement les faits en cause, comme

il peut le faire pour la prise d’alcool

484

. Puisque cette analyse sanguine pouvait créer des

difficultés, a ensuite été intégrée comme mode de preuve l’analyse salivaire grâce aux

évolutions technologiques. Cela découle de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre

système de santé

485

. Cette loi intègre donc un mode de preuve moins contraignant dans la

circonstance aggravante de prise de stupéfiants. La preuve de cette prise pouvant se faire

désormais par analyse sanguine ou salivaire. Cela permet d’écarter certains problèmes liés au

refus d’une analyse sanguine – pour raison religieuse par exemple – mais demeure le problème

du mode de preuve cité dans la circonstance aggravante limitant le pouvoir d’appréciation du

juge.

481 E. PIRE, « Conduite automobile et usage de stupéfiants : à trop vouloir en faire… », préc. cit.

482 Si tant est qu’il soit en état physique et psychique de pouvoir refuser, l’analyse sanguine pouvant être faite en l’absence d’accord si le conducteur est également blessé et notamment pour le soigner. L’atteinte à l’intégrité physique étant dans ce cas justifiée, comme le prévoit l’article 16-3 du Code civil.

483 Cf. infra n°254.

484 E. PIRE, « Conduite automobile et usage de stupéfiants : à trop vouloir en faire… », préc. cit.

PARTIE I–TITRE I–CHAPITRE 1

89

124. Conclusion de Chapitre. La faute antérieure caractérisée est nécessaire en ce qui

concerne l’élément moral d’une infraction non-intentionnelle. L’état d’ivresse est facilement

assimilé à une faute ce qui permet de retenir la circonstance aggravante d’état d’ivresse

manifeste et donc de retenir de telles violences involontaires. Il en est de même pour l’emprise

de stupéfiants qui est d’autant plus assimilée à une faute antérieure dans la mesure où la

consommation de stupéfiants est à ce jour interdite par la loi. Ainsi, la circonstance aggravante

d’emprise de substance psychoactive est souvent retenue pour les violences involontaires car

elle permet de montrer un début d’intention, une imprudence caractérisée que l’auteur ne

pouvait ignorer lorsqu’il prend le volant. Le juge n’a pas réellement le choix lorsqu’il qualifie

l’infraction. En effet, il semble difficile de retenir l’altération

486

– et a fortiori l’abolition

487

du discernement lorsqu’un conducteur commet un accident consécutivement à une prise

d’alcool ou de stupéfiants du fait de cette faute appréciée in abstracto. L’auteur qui conduit en

état d’ivresse n’a pas agi comme une personne diligente et avisée

488

et commet une infraction.

Pour cette raison, s’il s’en suit un accident il doit subir les conséquences d’un tel acte, ce qui

est légitime lorsqu’il s’agit de violences involontaires.

125. Si le pouvoir du juge est limité pour apprécier la prise de stupéfiants après un

accident de la route, c’est sans doute car le législateur espère une application stricte de la loi,

dans le but de lutter contre la toxicomanie mais également contre l’alcoolisme.

486 Art. 122-1, al. 2 C. pén.

487 Art. 122-1, al. 1 C. pén.

488 La faute d’imprudence ou de négligence prévue par l’article 1241 du Code civil nécessite de comparer l’auteur à un modèle abstrait, une personne diligente et avisée.

LA FORTE INCRIMINATION DES VIOLENCES INVOLONTAIRES AGGRAVÉES RÉSULTANT DUNE LUTTE CONTRE LA PRISE DE STUPÉFIANTS ET LALCOOLISME

90

C

HAPITRE

2

LAFORTEINCRIMINATIONDESVIOLENCES

INVOLONTAIRESAGGRAVÉESRÉSULTANTD’UNELUTTE

CONTRELA PRISEDESTUPÉFIANTS ETL’ALCOOLISME

126. Le problème semble différent lorsque les violences involontaires découlent d’une

véritable maladie et non d’un simple usage d’une substance psychoactive. C’est le cas lorsque

ces violences découlent de la toxicomanie ou encore de l’alcoolisme d’un conducteur. Le

législateur, pour éviter des accidents de la route dus à une dépendance aux substances

psychoactives, souhaite agir en amont mais lutte inefficacement contre la prise de stupéfiants

(Section 1), et fait le choix de lutter contre l’alcoolisme plutôt que contre le simple usage de

cette substance (Section 2).

SECTION 1

Outline

Documents relatifs