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253. Les défaillances concernent tantôt la problématique de la détection de certaines drogues (A), tantôt les problématiques liées au dysfonctionnement du matériel utilisé (B)

A. LA PROBLÉMATIQUE DE LA DÉTECTION DES DROGUES

254. Des problèmes quant à la preuve de l’influence de stupéfiants de manière

générale. «[…] À partir de quel moment la personne ayant consommé des produits stupéfiants

sera-t-elle en droit de reprendre le volant ? […] »

954

. L’alcootest que peut se procurer le

conducteur pour savoir s’il a dépassé la limite autorisée pour conduire après avoir consommé

de l’alcool n’a aucune équivalence en matière de stupéfiants, ce qui doit théoriquement le

dissuader de consommer toute drogue. La doctrine énonce clairement à ce sujet que la

prohibition concerne non pas la conduite sous l’emprise des stupéfiants mais plus largement la

952 P. RICŒUR, Histoire et vérité, Seuil, 1955, 368 pages, p. 155 et 175, notamment cité in M. VAN DE KERCHOVE, « Vérité judiciaire et para-judiciaire en matière pénale : quelle vérité ? », prec. cit.

953 H. KELSEN, Trad. par C. EISENMANN, Théorie pure du droit Dalloz, 2e édition, 1962, 368 pages, p. 100 notamment cité in M. VAN DE KERCHOVE, « Vérité judiciaire et para-judiciaire en matière pénale : quelle vérité ? », prec. cit.

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conduite à la suite d’un usage – peu importe quand et peu importe la quantité – de stupéfiants

955

.

Plusieurs remarques peuvent donc être faites à ce propos. Tout d’abord cela crée une « […] une

assimilation risquée entre l’existence de trace de stupéfiants dans le sang et l’influence de ces

derniers sur le comportement du conducteur […]»

956

, de sorte que c’est l’analyse sanguine qui

est érigée en infraction

957

, ce qui est contestable. De plus, les « stupéfiants ou plantes classées

comme stupéfiants », qui présentent tous des caractéristiques et des effets différents, sont

pourtant assimilés, ce qui crée des difficultés d’application concrète notamment dans le cadre

de la preuve d’une prise de stupéfiants

958

. De même, le moment de leur prise est négligé.

Jean-Raphaël D

EMARCHI

fait très justement remarquer à ce propos que « […] certaines substances

sont par exemple visibles pendant une assez longue période dans les analyses sanguines sans

pour autant qu’elles continuent à affecter le comportement de la personne les ayant

consommées […]

»959.

Il précise que le cannabis est retrouvé 24 heures après son usage dans le

sang d’un individu et que les amphétamines – comme l’ecstasy ou la MDMA – sont détectables

dans le sang quatre jours après leur usage

960

. Cela pousse à s’interroger sur la durée de positivité

des analyses sanguines en fonction des différentes drogues, dans la mesure où après de telles

durées ces substances n’ont plus d’influence sur le comportement du conducteur

961

. Mais la

particularité de ces analyses sanguines – qu’elles concernent l’alcool ou les stupéfiants – réside

dans le fait que le mode de preuve est intégré à la définition du comportement poursuivi

962

. À

ce propos, « l’élément matériel de l’infraction est défini scientifiquement et échappe au

magistrat qui doit se borner à constater ou à rejeter la réalisation de l’infraction et, partant,

la responsabilité de l’auteur »

963

. Cela va entraîner quelques difficultés à propos du cannabis.

Cette substance psychoactive est la drogue illicite la plus consommée en France

964

. Cette

substance psychoactive n’empêche pas totalement la conduite d’un VTM malgré le risque que

955 J.-P. CÉRÉ, « Conduite sous influence : alcool – stupéfiants », Rép. dr. pén., janvier 2013, (actualisé en mai 2019), n°43.

956 J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 124 à 126.

957Ibidem.

958 Cf. supra n°34.

959 J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 125.

960 Notamment ibidem.

961 V. notamment E. PIRE, « Conduite automobile et usage de stupéfiants : à trop vouloir en faire… », D., 2003, p. 771 ; et J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 125.

962 J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 126.

963 G. DALBIGNAT-DEHARO, « L’articulation du savoir et du pouvoir dans le prétoire », Gaz. Pal., 2005, n°265, p. 3.

964 Pour l’année 2019, l’OFDT fait état de 18 millions d’expérimentateurs de cannabis, pour 2,1 millions d’expérimentateurs de cocaïne, ou encore pour 1,9 millions d’expérimentateurs d’amphétamines (donc ecstasy et MDMA) ou enfin pour 500 000 expérimentateurs d’héroïne, in J. MOREL D’ARLEUX (dir.), Drogues chiffres clés, 8e édition, OFDT, juin 2019, 8 pages, p. 1.

LA PREUVE FACILITÉE DE LA PRISE DE SUBSTANCES EXPLIQUANT LE RECENSEMENT IMPORTANT DE VIOLENCES INVOLONTAIRES AGGRAVÉES

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cela engendre

965

. Compte tenu de cette forte consommation il s’agit de la substance

psychoactive la principale concernée par l’aggravation ou l’infraction autonome, liée à

l’emprise de stupéfiants.

255. La problématique détection du cannabis. Les experts en toxicologie s’accordent

sur un point problématique en ce qui concerne le cannabis : « […] aucun seuil de THC n’est

pertinent, car la détection du moindre nanogramme dans le sang témoigne d’une consommation

récente de cannabis, six heures tout au plus. Par voie de conséquence ils en déduisent

l’inaptitude à la conduite de tout conducteur positif au test. […] »

966

. Pour autant, cela ne prend

pas en compte le fait que le cannabis subsiste dans le sang alors que le conducteur n’est plus

sous son emprise

967

. Or, si les individus sont testés positifs longtemps après avoir consommé

cette substance psychoactive, le test prouve certes l’usage de cannabis mais pas la conduite sous

son influence. À ce propos, un usager régulier de cannabis serait donc testé positif quel que soit

le moment où il en a fait usage, et ne pourrait pas conduire, même s’il fume par exemple

uniquement avant l’endormissement

968

. Une personne pourrait même être testée positive alors

même que sa consommation de cannabis n’était pas illégale, si la personne revient d’un voyage

dans un des pays autorisant l’usage récréatif de cannabis

969

. Si elle revient de ce voyage en

conduisant un VTM, même sans être sous l’influence du cannabis, elle sera tout de même testée

positive. Une autre interrogation demeure : que se passe-t-il lorsqu’un conducteur est enfermé

avec des fumeurs de cannabis ? De cette manière il risque d’ingérer du cannabis et il sera testé

positif alors même que ce dernier n’était que fumeur passif de cannabis. L’appréhension de

cette situation par le droit positif est contestable puisque la preuve scientifique ne prouvera pas

sa prise de substance mais le fait de côtoyer des fumeurs de cannabis. Or, ni la circonstance

aggravante ni l’infraction obstacle ne visent une personne qui aurait fait l’erreur d’être fumeuse

passive de cannabis. Dans cette situation, le conducteur encourra tant la circonstance

965 En effet, l’infraction de conduite après usage de stupéfiants de l’article L. 235-1 du Code de la route, est difficilement envisageable pour l’héroïnomane, qui après usage d’héroïne est dans un tel état d’inconscience qu’il ne pourra sans doute jamais prendre le volant.

966 F. CABALLERO, Legalize it !, L’esprit frappeur, 2012, 271 pages, p. 100-101.

967 « […] Des tests effectués par Auto Plus en 2002 (n°470, p. 45) montrent que tous les individus sont encore positifs après huit heures, alors que leurs tests de comportement sont normaux après deux heures. Certains restent même positifs 24 heures, voire quatre jours après le test. Devant les tribunaux on voit de nombreux prévenus qui n’ont pas fumé depuis plusieurs jours voire plusieurs semaines, parfaitement capables de conduire, mais déclarés positifs avec une concentration de quelques nanogrammes […] », in F.CABALLERO, Legalize it !,op. cit., p. 100-101.

968Ibidem.

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aggravante d’usage de stupéfiants en cas d’accident

970

– même si cet accident n’a aucun lien de

causalité avec cet usage – que le délit autonome de conduite sous l’emprise de stupéfiants

971

,

en l’absence d’accident. Nous ne pouvons que regretter le manque de rigueur rédactionnelle du

législateur à propos de cet article L. 235-1 du Code de la route

972

. Il demeure des enjeux liés à

la détection du cannabis.

256. Les enjeux de la détection du cannabis en pratique. La cour d’appel de Lyon a

retenu l’infraction autonome de conduite sous emprise de cannabis, en 2003

973

, en énonçant

explicitement qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de l’aptitude à conduire du conducteur,

malgré une très faible quantité de THC retenue

974

et sans tenir compte de la datation de la

consommation. Cette solution jurisprudentielle paraît s’éloigner de l’esprit de cette infraction

qui vise à interdire une telle conduite lorsque le conducteur risque de causer davantage

d’accidents, à la suite d’un risque pris par cette consommation. Dans le même sens, deux arrêts

de la chambre criminelle de la Cour de cassation, rendus en 2011

975

, puis en 2012

976

, confirment

qu’il n’y a aucun taux minimum requis pour retenir ce délit-obstacle. Ainsi, la relaxe n’est pas

justifiée puisque l’individu conduisait avec une quantité infime de THC dans le sang

977

, ce qui

prouve qu’il avait fait usage de cette substance, peu important, d’une part qu’il ait eu lieu six

heures avant la conduite et d’autre part, qu’il soit toujours sous l’influence du cannabis lorsqu’il

conduisait. Toutefois selon une réponse ministérielle de 2010, les parquets sont sommés de

prendre en considération la faible quantité de THC et de privilégier dans ce cas des alternatives

aux poursuites telles que le rappel à la loi ou une composition pénale

978

. Seul sera donc

poursuivi, en principe, devant les juridictions pénales le conducteur présentant une forte

quantité de THC dans le sang car présentant une plus grande dangerosité

979

. Si cette réponse

ministérielle semble plus en adéquation avec l’article L. 235-1 du Code de la route que la

970 Art. 221-6-1, al. 3 C. pén ; ou art. 222-19-1, al. 3 C. pén. ; ou encore art. 222-20-1, al. 3 C. pén.

971 Art. L. 235-1 C. route.

972 Idée partagée in J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 124

973 CA de Lyon, 23 juin 2005, Service de documentation et d'études de la Cour de cassation : n°CT0028.

974 La quantité indiquée est infime et caractérisée par la présence dans le sang de métabolite du cannabis équivalent à 8,5 nanogrammes par millilitres d’acide de tétrahydrocannabinol.

975 Cass. crim., 8 juin 2011, n°11-81.818, Jurispr. auto 2011, n°832, p. 37 ; Gaz. Pal. 10 nov. 2011, p. 11, note Detraz.

976 Cass. crim., 3 oct. 2012, n°12-82.498, D. actu. 6 nov 2012, obs. Blombed ; D. 2012 Actu. 2450 ; Dr. pénal

2012, n°160 Robert ; Gaz. Pal. 13 déc. 2012, p. 7, note Mésa.

977 Un taux inférieur à 20 nanogrammes par millilitres de sang en l’occurrence.

978 Rép. min. Q. n°12017 : JO Sénat 29 juill. 2010, p. 1984.

LA PREUVE FACILITÉE DE LA PRISE DE SUBSTANCES EXPLIQUANT LE RECENSEMENT IMPORTANT DE VIOLENCES INVOLONTAIRES AGGRAVÉES

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jurisprudence de la chambre criminelle, il ne s’agit que d’une direction à suivre qui ne lie pas

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