232. Un dépistage aléatoire prévu pour constater ce délit-obstacle. Le dépistage
aléatoire à l’imprégnation alcoolique d’un conducteur de VTM est prévu à l’article L. 234-9 du
Code de la route. Quant au dépistage pour détecter la présence d’une prise de stupéfiants pour
un conducteur de VTM, ce dernier est prévu à l’article L. 235-2, alinéa 3, du Code de la route.
Ces dépistages se font par les officiers de police judiciaire (OPJ) ou les agents de police
judiciaire (APJ) – sous la responsabilité des OPJ – et sur réquisitions du procureur de la
République qui précise les date et lieu du dépistage en cause. Ces prélèvements biologiques
sont donc réalisés par les forces de l’ordre ce qui explique le refus de certains conducteurs de
se prêter à ce type de dépistage avant toute infraction. En effet, le conducteur peut arguer le
manque de neutralité – souvent à tort – de l’autorité qui effectue ce dépistage, alors qu’il aurait
aisément accepté le dépistage d’un médecin, qui est davantage perçu comme une personne
impartiale et objective par rapport au fonctionnaire de police ou de gendarmerie
859. Cette idée
reçue peut d’ailleurs être accentuée par une prise de substance psychoactive. Néanmoins, en
cas de refus de se soumettre à ce dépistage le conducteur encourt les mêmes peines
860que s’il
est positif au dépistage et il va devoir subir, par la suite, la même vérification, par analyse
sanguine ou éthylomètre
861.
233. Le mode opératoire du dépistage pour détecter la prise excessive d’alcool ou de
stupéfiants répond donc à un certain nombre d’exigences. Ce dépistage va permettre de détecter
les délits-obstacles de conduite sous l’emprise d’alcool
862et de conduite en ayant fait usage de
stupéfiants
863, mais il interviendra de manière aléatoire, au bon vouloir du procureur de la
République ce qui emporte quelques difficultés.
857 Nous avons pu constater dans l’étude réalisée pour la MILDECA que ces fiches étaient souvent présentes pour
prouver l’alcoolémie ou la prise de drogues d’un auteur de violences volontaires.
858 La fiche C est réservée au biologiste qui y retranscrit les résultats d’alcoolémie ou toxicologiques, et qui peut constituer une preuve d’une alcoolémie au-dessus du seuil autorisé pour conduire ou de l’usage de stupéfiants.
859 Idée partagée in J.-R. DEMARCHI, Les preuves scientifiques et le procès pénal, op. cit., p. 155-156.
860 À savoir deux ans d’emprisonnement et 4 500 euros d’amende, ainsi que les mêmes peines complémentaires,
comme le prévoient les articles L. 234-8 du Code de la route (en ce qui concerne l’alcool) et L. 235-3 du Code de la route (en ce qui concerne les stupéfiants).
861 Art. L. 235-2, al. 5 C. route pour la vérification de l’usage de stupéfiants et art. L. 234-4 C. route pour la vérification de l’emprise d’alcool.
862 Art. L. 234-1 C. route.
PARTIE I–TITRE II–CHAPITRE 1
151
B. LES CONSÉQUENCES DU DÉPISTAGE ALÉATOIRE
234. État des lieux et influence des dépistages aléatoires. L’O.F.D.T. dénombre
10 millions de contrôle d’alcoolémie pratiqués par les forces de l’ordre en 2017, et seulement
290 000 contrôles pour les stupéfiants pour la même année
864. Cette différence s’explique
notamment par l’apparition plus récente de l’infraction de conduite après usage de stupéfiants
865et nécessite – s’agissant du test urinaire notamment – davantage d’organisation pour le
dépistage. Une légère augmentation de contrôles positifs à l’alcool est observée ces dernières
années, qu’il s’agisse de dépistages préventifs ou après un accident de la route
866. Cette hausse
découle notamment d’une augmentation de contrôles aléatoires préventifs
867et d’un meilleur
ciblage de ces contrôles puisqu’ils interviennent notamment lors de soirées, en fin de
semaine
868. Si le nombre de dépistage aux stupéfiants est moindre il tend à augmenter,
notamment grâce à la mise à disposition de kits de dépistage dans le but d’éviter des
prélèvements sanguins
869. Sur les cinq dernières années la part de contrôles positifs diminue
pour les stupéfiants, même si le taux avoisine 23% des personnes contrôlées en 2017 – ce qui
est non négligeable –, ce taux passant néanmoins à 4,2% en ce qui concerne les accidents de la
route
870, ce qui est plus rassurant. Cela fait pourtant état d’un écart entre le risque d’accident et
la réalisation de l’accident. Le dépistage préventif en ce qui concerne les stupéfiants joue donc
un rôle sur le nombre d’accidents après consommation de drogues, ce dont il faut se féliciter.
Les contrôles préventifs jouent un rôle considérable dans la réduction du nombre de violences
involontaires liées à une prise de substance, ce qui montre l’intérêt de l’étude ce ces contrôles
aléatoires.
235. Des contrôles « aléatoires ». L’adjectif « aléatoire » est défini dans le langage
courant comme « ce qui présente un caractère incertain, hasardeux »
871. Puisqu’un dépistage
préventif aléatoire n’est qu’hasardeux et présente une incertitude, des conducteurs peuvent tout
864 J. MOREL D’ARLEUX (dir.), Drogues et addictions données essentielles, OFDT, 2019, 200 pages, p. 107.
865 Création de l’infraction par la L. n°2003-87 du 3 février 2003 relative à la conduite sous l’influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants, JORF du 4 février 2003, p. 2103.
866 J. MOREL D’ARLEUX (dir.), Drogues et addictions données essentielles, op. cit., p. 107.
867Ibidem.
868Ibidem.
869Ibidem.
870Ibidem.
871 Dictionnaire CNRTL, affilié au CNRS, Voir entrée « aléatoire »,
LA PREUVE FACILITÉE DE LA PRISE DE SUBSTANCES EXPLIQUANT LE RECENSEMENT IMPORTANT DE VIOLENCES INVOLONTAIRES AGGRAVÉES
152
à fait conduire en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants sans jamais être contrôlés et à
l’inverse un conducteur sobre peut être contrôlé à plusieurs reprises. Le caractère aléatoire de
ce type de contrôle préventif biaise donc les chiffres sur la prise d’alcool ou de stupéfiants au
volant, ce qui n’est pas le cas lorsque les contrôles sont systématiques après accident.
Néanmoins, il est utopique d’espérer que l’ensemble des conducteurs du territoire puisse être
contrôlé pour une prise d’alcool ou de stupéfiants, sauf à intégrer à l’intérieur de l’ensemble
des VTM un éthylotest-antidémarrage (EAD), et un contrôle salivaire antidémarrage
872. Il s’agit
d’un contrôle préventif aléatoire, faute de mieux, et qui parfois par manque de moyens tant
matériels que financiers peut être rare, notamment dans les zones rurales souvent moins bien
équipées que les zones urbaines. Or, l’alcoolisation est toute aussi importante dans ces zones
rurales
873. Ce dépistage préventif reste donc intéressant mais imparfait puisqu’il ne réduira
qu’une partie des violences involontaires aggravées : celles où le conducteur est contrôlé
positif
874, celles où l’infraction obstacle est retenue.
236. Les enjeux de la preuve d’un délit-obstacle via un dépistage aléatoire. Prouver
l’existence d’un délit-obstacle par un dépistage revient à prouver que l’agent, grâce à une
preuve scientifique, risque de commettre une infraction plus grave, à savoir des violences
involontaires. Il y a donc une double incertitude qui s’avère problématique. La preuve
scientifique de l’emprise d’alcool et/ou d’usage de stupéfiants n’implique pas forcément la
survenance du risque. C’est l’éventualité qui va donc constituer une « preuve légale »
875,
problématique en droit pénal qui va lier le juge. L’impossibilité de remettre en cause cette
preuve pourrait être sanctionnée par la Cour EDH
876. En outre, c’est parce que l’auteur fait
872 Cf.infra n°325 et s.
873 Un rapport réalisé par la région d’Auvergne, constate que si l’alcoolisation n’est pas forcément plus haute en milieu rural, elle semble au moins équivalente à l’alcoolisation en zone urbaine, in S. CARDOSO, S. MAQUINGHEN
et M. VENZAC, Rapport sur lesdrogues et dépendances. Quelles différences de consommation entre le milieu
urbain et le milieu rural ?, ORS Auvergne, 2012, 69 pages.
874 Le conducteur contrôlé négatif malgré une prise de substance, ou celui qui échappe au contrôle pouvant donc
avoir un accident de la route créant des violences involontaires aggravées par la prise de substance psychoactive.
875 E. VERGÈS, G. VIAL et O. LECLERC, Droit de la preuve, op. cit., p. 424-425.
876 « […] La constatation de l’infraction de conduite en état alcoolique dépend donc uniquement de la mesure du taux d’alcool chez le prévenu. Cette mesure lie le juge, qu’elle soit positive ou négative. Le procédé est le même s’agissant du délit de conduite d’un véhicule alors qu’il résulte d’une analyse sanguine que le conducteur a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants (V. art. L. 235-1 C. route). Dès lors que l’analyse sanguine révèle la présence de cannabis dans le sang du conducteur, le délit est constitué. Les juges du fond sont liés par cette épreuve. Ils ne peuvent se fonder sur des expertises scientifiques pour relaxer le prévenu au motif que le taux de stupéfiant relevé serait trop faible pour établir que ce dernier était encore sous l’influence de cannabis au moment du contrôle (V. Cass. crim., 8 juin 2011, n°11-81.818), ou encore que le taux relevé est en-dessous du seuil de détection fixé par décret (V. Cass. crim., 14 octobre 2014, n°13-87.094). À l’inverse, lorsque l’analyse sanguine est irrégulière, les juges ne peuvent se fonder sur l’aveu du prévenu d’avoir “fumé un joint”
PARTIE I–TITRE II–CHAPITRE 1